• il y a 2 ans
Hausse du prix de l'énergie, de l'alimentation : une sobriété contrainte ? Sandra Hoibian, directrice générale du CREDOC (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-12-octobre-2023-5600815

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00:00 Depuis 6h22, le gouvernement dévoile aujourd'hui de nouvelles mesures pour la sobriété énergétique.
00:04 La ministre Agnès Pannier runachait les détails dans plusieurs quotidiens régionaux,
00:09 notamment le Progrès.
00:10 Il y a par exemple une aide pour acheter des thermostats intelligents et une plus grande
00:14 limitation de l'éclairage des vitrines des magasins.
00:16 Bonjour Sandra Wabian, vous êtes directrice générale du CREDOC, c'est le Centre de
00:21 Recherche sur les Conditions de Vie.
00:22 Il y a un an, le gouvernement dévoilait un premier plan de sobriété énergétique et
00:26 demandait déjà aux Français de participer à cet effort.
00:30 Agnès Pannier runachait dit que nous avons été de bons élèves.
00:33 Est-ce que vous confirmez ? Est-ce que nous sommes plus sobres aujourd'hui ?
00:35 Oui, tout à fait.
00:36 Il y a eu une baisse avérée de la consommation énergétique, notamment des ménages.
00:42 Une baisse de 5%, donc ce n'est pas rien.
00:44 En un an ?
00:45 En un an, notamment pendant l'hiver.
00:48 Et même si on met de côté le fait qu'il y a eu un hiver doux, si vraiment on regarde
00:52 l'impact des comportements, les ménages se sont mis à économiser l'énergie de
00:57 toutes les manières possibles, donc baisser la température, limiter l'éclairage, interrompre
01:03 la douche au milieu, etc.
01:04 Mais c'est surtout par rapport à la contrainte financière, c'est-à-dire que les prix étaient
01:09 très élevés et donc, d'une certaine manière, il n'y avait pas tellement de choix que
01:13 de faire attention.
01:14 Donc c'est une sobriété contrainte et pas choisie ?
01:16 Tout à fait.
01:17 La difficulté, c'est que quand on parle de sobriété aujourd'hui, on parle plutôt
01:22 finalement d'économie d'énergie.
01:24 La sobriété, c'est en réalité revoir ses comportements par rapport à ses besoins.
01:28 Et là, ce qui a été fait, c'est surtout dans l'urgence, essayer de changer un peu
01:32 tout ce qu'on pouvait faire pour garder son budget constant.
01:37 Pour garder son budget et pour pas trop changer nos modes de vie ?
01:39 Et pas trop changer nos modes de vie.
01:40 Parce que par exemple, éteindre une pièce quand on n'y est pas, ça ne demande pas
01:43 un gros effort ?
01:44 Alors ça demande quand même un petit effort au quotidien.
01:47 Mais c'est vrai que ce ne sont pas des changements importants de mode de vie.
01:49 Mais pour qu'il y ait des changements importants de mode de vie, il faut aussi qu'il y ait
01:51 des changements de société.
01:52 Donc par exemple, des infrastructures.
01:54 C'est-à-dire qu'on ne peut pas abandonner la voiture.
01:56 Les transports, également la rénovation énergétique.
01:59 Si on veut vraiment faire des économies d'énergie, il faut faire des travaux dans
02:02 les logements.
02:03 Et ça, quand on n'a pas beaucoup d'argent, ce n'est pas le moment où on le fait.
02:06 Donc on n'a pas eu d'augmentation, par exemple, des travaux de rénovation énergétique.
02:09 Et pour les transports, on a beaucoup parlé du covoiturage, le soufflé est retombé,
02:13 c'est ça ? Ça a marché quelques temps et c'est fini ?
02:14 C'est ça, c'est ce qu'on voit.
02:15 C'est sur le carburant, en fait, dès que les prix rediminuent, et il y a eu une période
02:19 où les prix ont rediminué, eh bien tous ces comportements vont diminuer.
02:22 Donc notamment le covoiturage, on est arrivé à un million de trajets en mars 2023.
02:26 On est passé à 500 000 en août.
02:28 Donc divisé quasiment par deux.
02:30 Donc tous les gains qu'on avait fait pendant un an ont été perdus.
02:33 Donc ce que vous nous dites, c'est que tant qu'il n'y aura pas de contraintes, le changement
02:35 ne sera pas durable ?
02:36 Non, ce n'est pas ce que je dis.
02:37 Je dis que tant qu'il n'y aura pas finalement justement un changement de société et notamment
02:42 un imaginaire plutôt positif, parce que là, effectivement, on est dans la contrainte.
02:47 Donc la contrainte, ça marche quelques temps, mais ça ne marche pas.
02:49 C'est un peu comme un régime alimentaire, si vous voulez.
02:51 Si vous devez vous restreindre, vous le faites un certain temps, mais vous n'allez pas le
02:55 faire ad vitam aeternam.
02:56 Donc il faut qu'il y ait des points positifs.
02:59 Par exemple, se dire que ça va être meilleur pour la santé de moins prendre la voiture
03:02 parce qu'il y aura moins de pollution, manger bio parce que c'est mieux pour soi, etc.
03:06 Il faut que ce soit positif et il faut aussi que ce soit facile.
03:09 Aujourd'hui, ce n'est pas facile d'abandonner sa voiture puisqu'on n'a pas d'alternative.
03:12 Il faut rappeler aussi qu'on est quand même dans une société de consommation où, là
03:17 je ne parle pas des biens de première nécessité, mais acheter, c'est souvent aussi se faire
03:20 plaisir.
03:21 Quand on travaille dur, parfois on a besoin de se faire des petits achats plaisir.
03:25 Est-ce que là, vous constatez qu'il y a une baisse, qu'il y a moins de surconsommation,
03:29 qu'on achète davantage de seconde main ou pas ?
03:31 Alors, il y a moins de surconsommation, ça c'est sûr, puisqu'il y a même une baisse
03:35 de la consommation.
03:36 Il y a une baisse de consommation de 5%, 4,6% exactement de la consommation des biens.
03:41 Et en particulier, il y a une baisse de la consommation alimentaire avec une baisse de
03:45 10% de ce qu'on met dans notre assiette en volume.
03:48 Donc là, on ne peut pas vraiment dire…
03:50 Alors là, ce n'est pas les achats plaisir ?
03:51 Exactement, c'est-à-dire que là, c'est là où on voit bien qu'on est dans la sobriété
03:55 contrainte.
03:56 C'est qu'on a dû réduire le gaspillage aussi, donc ça on peut se dire que c'est
03:59 une bonne nouvelle, mais on a aussi plus de précarité alimentaire avec notamment les
04:02 bontés alimentaires à cause de l'inflation.
04:04 Donc je pense que ce n'est pas vraiment le plaisir qu'on a restreint, mais c'est
04:07 plutôt l'ensemble de ces achats.
04:09 On parlait tout à l'heure des 5% de baisse de notre consommation d'énergie, ça c'était
04:14 juste les particuliers.
04:15 Si on ajoute administration et entreprise, on est à 12%, c'est ça ?
04:18 C'est ça, tout à fait.
04:19 Administration et entreprise donc, ont changé aussi leurs habitudes ?
04:22 Oui, alors ça c'est peut-être la bonne nouvelle de la période, c'est qu'on a
04:26 demandé des actions aux entreprises et aux administrations.
04:30 Et c'est vrai que pour que les ménages se mettent en marche, il faut aussi qu'ils
04:33 aient le sentiment que c'est équitable.
04:34 Que ce ne soit pas eux tout seuls.
04:35 Voilà, que ce ne soit pas eux tout seuls.
04:36 Donc le fait qu'on ait demandé aux entreprises de bouger, c'est quelque chose de plutôt
04:39 positif.
04:40 Qu'est-ce qu'elles ont fait les entreprises par exemple ?
04:41 Alors c'est là où c'est un petit peu délicat, c'est qu'aujourd'hui on n'a
04:44 pas d'indicateur externe de ce que font les entreprises.
04:47 Comment ça ?
04:48 C'est-à-dire que les entreprises nous disent qu'elles font des choses, mais on n'a
04:50 pas d'indicateur par exemple des actions de RSE au global.
04:54 C'est vraiment à la bonne volonté des entreprises qui vont mettre dans leur rapport
04:58 annuel, il n'y a pas de choses qui sont consolidées.
05:00 Mais elles font quand même quelque chose puisque la consommation baisse.
05:02 Bien sûr.
05:03 Alors elles ont mis en place un certain nombre d'actions, notamment parce qu'elles
05:08 ont aussi des questions de budget à mettre en place.
05:11 Donc des industries qui ont changé un peu leur rythme de travail, du télétravail.
05:16 Donc demander aussi aux gens qui sont sur les bureaux d'utiliser moins l'échauffage,
05:21 etc.
05:22 Mais on n'a pas vraiment de vision globale qui puisse être objectivée par des indicateurs
05:27 de la statistique publique.
05:28 Merci pour vos explications Sandra Wabihan, directrice générale du Credoc, l'un des
05:33 principaux organismes de recherche sur la société française.

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