Audrey Gratacos, cadre de santé et sage-femme référente "suite de couche" à la maternité de la polyclinique Méditerranée à Perpignan répondait aux questions de Simon Colboc sur France Bleu Roussillon
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00:00 7h47 avec notre invité ce matin, un sujet tabou, le postpartum, la dépression des femmes
00:06 après l'accouchement, ces jeunes mamans qui ne sont pas toujours comblées de bonheur
00:11 avec leur bébé Simon.
00:12 Oui, on appelle ça effectivement la dépression postpartum.
00:14 Un nouveau service de santé vient de voir le jour à Perpignan.
00:17 Bonjour Audrey Gratacos.
00:18 Bonjour.
00:19 Vous êtes sage-femme, cadre de santé au sein de la polyclinique méditerranée.
00:22 Pour situer, c'est cette clinique de Perpignan située à Routes d'Argelès, on l'appelait
00:25 encore il n'y a pas si longtemps que ça, la clinique Notre-Dame de l'Espérance.
00:28 Audrey Gratacos, dans cette clinique, il y a une maternité, environ 1000 naissances
00:32 par an, c'est très important.
00:33 2000 naissances.
00:34 2000 naissances même, donc c'est encore plus important.
00:36 Il y a désormais aussi un service, un hôpital de jour pour soigner, pour aider ces femmes
00:40 atteintes de dépression postpartum.
00:42 D'abord, pour être clair, le postpartum, ce n'est pas du tout le baby blues.
00:46 Non, pas du tout.
00:47 Le baby blues apparaît vraiment dans les premiers jours après la naissance.
00:50 La dépression du postpartum arrive plus tard, avec des symptômes plus marqués.
00:53 Au bout de combien de temps ?
00:55 On est entre la sixième semaine et la huitième semaine après la naissance.
00:59 Ça touche beaucoup de femmes ?
01:00 Oui, environ 10 à 15% des femmes.
01:02 Donc c'est énorme, sur les 2000 naissances au sein de la polyclinique, c'est environ
01:06 300 femmes, chaque année.
01:08 En effet.
01:09 Et comment alors, on le voit, quels sont les symptômes finalement ?
01:13 En fait, la maman va sentir un sentiment d'incapacité, elle va avoir des problèmes auprès de son
01:18 enfant pour répondre aux besoins de l'enfant, il va y avoir une absence de plaisir par rapport
01:24 aux soins, un sentiment d'inadaptation aux besoins du bébé, des pleurs, de la tristesse,
01:30 de l'isolement, de l'inévitabilité.
01:31 Ce n'est pas juste un coup de fatigue, parce que beaucoup de jeunes parents, quand le bébé
01:35 fait passer nuit, c'est parfois très compliqué, on a effectivement beaucoup de fatigue, beaucoup
01:39 de stress, les nuits sont très courtes.
01:41 Là, c'est différent, c'est vraiment au-delà de ça, c'est une dépression.
01:45 En effet, c'est vraiment les symptômes typiques de la dépression, avec une bulle un peu négative
01:49 qui se crée autour de la maman.
01:51 On est au-delà de la fatigue de la maman qui reste classique, et du papa, parce que
01:55 le papa peut être concerné aussi par la dépression du postpartum.
01:58 On a vraiment des symptômes qui restent et qu'il faut soigner, qu'il faut prendre en
02:02 charge.
02:03 Alors c'est très compliqué quand même de se l'avouer cette dépression, parce que
02:05 quand on a un bébé, il y a souvent des fêtes, des cadeaux, toute la famille débarque.
02:10 On vous félicite à tort et à travers, et on n'est pas heureux avec son bébé, c'est
02:16 difficile ça d'en parler j'imagine ?
02:17 En effet, et c'est pour ça qu'on a créé l'hôpital de jour en maternité.
02:22 C'est vrai qu'il y a beaucoup d'effervescence autour des premiers jours de la naissance,
02:27 autour du retour à domicile, et malheureusement, au bout d'un certain temps, la maman se retrouve
02:31 seule à domicile, et elle n'ose pas en parler.
02:34 On a l'impression, comme vous le disiez tout à l'heure, que c'est le coup de fatigue.
02:36 C'est un petit peu les symptômes qui font qu'on est jeune maman, et que c'est normal.
02:42 Mais en fait, pas du tout.
02:43 Et c'est pour ça qu'on a créé ce parcours, pour prévenir et dépister le risque de dépression
02:47 du postpartum.
02:48 Et vous l'avez dit, environ 15%, donc une femme sur 6, quasiment victime de ce syndrome.
02:53 Pour les papas, c'est la même proportion ?
02:54 Non, c'est moins.
02:55 C'est moins, parce que ?
02:56 Je ne sais pas.
02:57 Il n'y a pas d'explication.
02:58 Comment vous les identifiez ces mères, alors qui, effectivement, ont peut-être des difficultés
03:04 à s'exprimer, à reconnaître, à s'avouer elles-mêmes qu'elles sont victimes de ce
03:08 syndrome ? Comment vous les identifiez ?
03:10 Alors nous, déjà la maternité, quand elles sont hospitalisées après leur séjour, on
03:13 a défini des critères d'éligibilité pour faire partie du parcours hôpital de jour.
03:18 Donc il y a les accouchements traumatiques, il y a les antécédents de dépression, il
03:22 y a les patientes fragiles, il y a la vulnérabilité, et il y a les patientes qui en font la demande
03:26 tout simplement de ne pas faire partie de ce groupe à risque.
03:31 Donc on les inclut dans un parcours d'hôpital de jour à distance, à 3-4 semaines après
03:35 la naissance.
03:36 Et ensuite, il y a les orientations externes.
03:39 Nous, c'est la famille libérale, un médecin qui voit la patiente et qui nous les oriente
03:42 en second temps.
03:43 Qu'est-ce que vous mettez en place alors du coup ? Qu'est-ce que vous faites avec ces
03:46 jeunes parents ?
03:47 Alors la patiente, elle va venir pour un parcours de 2h30 à l'hôpital de jour.
03:50 Elle va rencontrer de manière individuelle une sage-femme, une auxiliaire de périculture,
03:55 une psychologue et une tétitienne.
03:56 Et là, ils vont faire un point avec une synthèse finale entre les quatre intervenants.
04:01 Et en fait, on va essayer de mettre le doigt sur les fragilités de la maman et les possibles
04:08 risques de dépression du postpartum.
04:10 Et on s'en sort facilement ? Ça peut être long, c'est rapide ? C'est du cas par
04:13 cas ?
04:14 C'est du cas par cas.
04:15 En effet, même les orientations pour nous sont très variées.
04:17 On peut aller sur une unité mobile de tuire sur les risques psychologiques qui va avoir
04:23 des interventions à domicile pendant plusieurs mois.
04:26 Ça peut être juste l'intervention d'une sage-femme qui va cadrer certaines choses
04:29 ou d'une péricultrice de PMI qui va reprendre certains soins du nouveau-né jusqu'à un
04:34 suivi psychologique voire psychiatrique pour la maman.
04:36 France Bleu Roussillon, l'invité du 6/9.
04:39 8h moins 10 sur France Bleu Roussillon, notre invité Audrey Gratakos, sage-femme, cadre
04:44 de santé au sein de la Polyclinique Méditerranée à Perpignan-Roude d'Argelès.
04:47 On parle de la dépression postpartum ce matin, Simon Colbord.
04:50 Avec cet hôpital de jour, effectivement.
04:51 Et c'est une première dans la région ce service de dépistage justement de ce syndrome
04:56 postpartum.
04:57 C'est une première, on est en 2023.
05:00 Qu'est-ce qu'on a fait toutes ces années ? Pourquoi est-ce que ça n'a pas été fait
05:02 avant finalement ?
05:03 Je pense qu'on n'osait pas en parler.
05:05 En fait, ce n'était pas vraiment au centre de notre discussion.
05:11 Même chez les professionnels de santé, c'était un peu tabou ?
05:13 Non, pas forcément.
05:15 Il y en avait peu.
05:16 Je pense que c'est surtout les patients qui en parlaient peu.
05:19 On ne revenait pas beaucoup sur le déroulement des accouchements, sur les antécédents psychologiques,
05:24 etc.
05:25 Et sorti les 1000 premiers jours, c'est le projet de l'État autour de la femme en
05:31 santé et de l'enfant.
05:32 Et ils ont vraiment pointé le doigt sur cette dépression du postpartum.
05:36 Ce qui est important de signaler, c'est que ce parcours de soins est remboursé à 100%
05:40 par la Sécurité sociale.
05:41 C'est très important de le dire.
05:43 Il est en place à la Polyclinique Méditerranée depuis le mois de mars.
05:46 Quel premier bilan vous en faites ? Est-ce que ça va comme vous voulez ? Est-ce que les
05:51 mamans, les papas osent franchir le pas ? Osent parler justement ? Est-ce que les résultats
05:56 vous satisfont ?
05:58 Oui, les résultats sont plutôt très positifs, avec des patients qui sont satisfaits, avec
06:03 des orientations qui mènent à de belles choses, à de belles réussites.
06:07 Donc on est plutôt très content de ce parcours.
06:10 Est-ce que vous diriez que d'une façon générale, on en fait assez dans le département, ou
06:14 même globalement en France, on en fait assez pour accompagner les jeunes parents ?
06:18 Oui, je pense.
06:20 Je pense qu'on a tout ce qu'il faut.
06:22 Mais le problème, c'est qu'on manque un peu de maillage et de travail avec les professions
06:28 libérales, les associations, etc.
06:30 On a tout ce qu'il faut, il faut juste tout rassembler.
06:33 C'est le but de l'hôpital de jour, c'est d'orienter les patients vers tout ce qui
06:37 existe pour les aider.
06:38 Effectivement, on a bien compris, le tissu associatif, l'antenne de tuyère, pour coordonner
06:43 tous les services qui peuvent exister et qui peuvent venir en aide aux parents qui sont
06:47 victimes de ce syndrome postpartum.
06:48 Merci beaucoup, vous étiez l'invité de France Bleu Roussillon ce matin, Audrey Gratacos,
06:52 vous êtes, je le rappelle, sage femme, cadre de santé au sein de la Polyclinique Méditerranée,
06:57 c'est à Perpignan.
06:58 Et donc, ce service de dépistage du syndrome postpartum, c'est une première en Occitanie.
07:03 Excellente journée à vous !
07:04 Merci !
07:05 - Il est très tôt.