• il y a 2 ans

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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Et voici donc la question du jour.
00:08 Bonjour Marguerite Caton.
00:09 Bonjour Guillaume, bonjour à tous et bonjour Valérie Desplanches.
00:13 Vous êtes présidente de la Fondation pour la Recherche sur l'endométriose.
00:17 Merci d'être venu en studio ce matin pour parler de l'adaptation du monde du travail
00:22 à la santé des femmes.
00:23 Depuis hier, la métropole de Lyon a mis en place un congé menstruel pour ces agentes
00:28 qui ont des règles douloureuses, emboîtant le pas de la mairie de Saint-Ouen, du conseil
00:32 régional de Nouvelle-Aquitaine qui peut-être prendra la même décision aujourd'hui, de
00:36 l'euro-métropole de Strasbourg qui lance son expérimentation à partir de janvier
00:40 2024, et puis de quelques entreprises et nombre de pays dans le monde.
00:44 Concrètement, Valérie Desplanches, comment organise-t-on ces congés menstruels ? L'idée
00:49 n'est pas de demander chaque mois un arrêt maladie.
00:50 En fait, je pense pour autant que je sache que c'est assez variable.
00:54 Il s'agit à peu près d'un à deux jours par mois accordés par des entreprises ou
00:59 des collectivités.
01:00 En fait, ça peut être surprésentation d'un certificat médical, c'est ce que
01:04 certaines collectivités indiquent, ou pas, un justificatif médical qui peut être probablement
01:09 un justificatif de diagnostic d'une pathologie.
01:11 On peut signaler aussi Carrefour qui accorde 12 jours par an, mais uniquement pour les
01:17 femmes qui ont une reconnaissance de travailleurs handicapés.
01:19 Le principe d'un congé mensuel, c'est d'éviter d'abord la souffrance, la douleur
01:23 au travail, mais aussi la perte de salaire liée aux jours de carence ou la perte de
01:27 jours de congé.
01:28 Et plus largement, ces dispositifs sont censés favoriser l'égalité professionnelle entre
01:32 les hommes et les femmes.
01:33 Et là, c'est presque paradoxal.
01:35 Quel est le raisonnement ? Le raisonnement, en fait, c'est qu'il y a des pathologies
01:38 qui sont spécifiquement féminines, des maladies gynécologiques comme l'endométriose qui
01:42 touche une à deux femmes sur dix, des syndromes de vers polykystiques, des fibromes.
01:46 Il y a tout un tas de pathologies aujourd'hui qui sont invisibles puisque les femmes n'en
01:49 peuvent pas, mais qui les impactent dans leur quotidien professionnel, pas seulement personnel,
01:54 avec des douleurs, de la fatigue chronique.
01:56 Et effectivement, c'est une sorte de fardeau supplémentaire que les femmes ont, en particulier
02:01 à un âge de la vie où elles sont particulièrement actives.
02:03 Et ça engendre finalement des inégalités entre les hommes et les femmes.
02:07 Donc, en fait, l'idée, et j'aime beaucoup la phrase que les sénatrices de la délégation
02:12 aux droits des femmes disent, c'est "différencier n'est pas discriminer".
02:16 Il y a une vraie différence dont il faut tenir compte pour éviter que les femmes
02:20 soient empêchées dans leur carrière.
02:22 Pour les entreprises, est-ce que c'est un élément d'attractivité dans le recrutement ?
02:25 Je pense oui, d'autant plus pour les jeunes générations qui sont particulièrement exigeantes
02:30 vis-à-vis de l'entreprise, de son engagement sociétal et effectivement de sa cohérence
02:36 par rapport au message qu'elles peuvent véhiculer.
02:39 On a fait une enquête IPSOS auprès des gens, notamment pour l'endométriose.
02:43 Il y a plus d'un Français sur deux qui dit que l'entreprise pourrait jouer un rôle
02:47 et devrait jouer un rôle.
02:48 Et quand on regarde la fourchette des 18-35 ans, c'est 63%.
02:52 Donc les jeunes en particulier sont intéressés par cette démarche.
02:55 Et pour les entreprises, à la fois pour les attirer et pour les retenir, c'est un facteur
02:59 important.
03:00 Et en même temps, on imagine facilement que c'est quand même assez difficile à organiser
03:03 puisqu'un congé menstruel, ça veut dire souvent remplacer une femme deux jours par
03:08 mois pour une partie des salariés.
03:10 Donc c'est un véritable casse-tête en réalité.
03:12 Je pense qu'en fait, le casse-tête, il existe déjà.
03:15 Et aujourd'hui, il y a de l'absentéisme.
03:18 Il y a de l'absentéisme qui n'est pas prévu.
03:20 Il y a du présentéisme.
03:21 Les femmes qui souffrent d'endométriose parlent de présentéisme et elles culpabilisent
03:24 beaucoup autour de ça en disant "je ne peux pas m'absenter".
03:27 On a fait une enquête dans un grand groupe qui montre que 89% des femmes atteintes s'empêchent
03:33 de s'arrêter, j'allais dire, et viennent travailler, se forcent à travailler, mais
03:35 elles savent qu'elles ne sont pas productives.
03:37 Donc en réalité, les entreprises ont tout intérêt à anticiper et à s'organiser
03:42 pour pouvoir absorber, j'allais dire, et être plus flexibles.
03:45 Il est important aujourd'hui d'apporter cette flexibilité, de faire en sorte que
03:49 les gens qui sont atteints de ces pathologies soient mieux soutenus.
03:52 Parce que j'allais dire l'arrêt maladie, l'arrêt de travail est un peu le stade
03:58 ultime.
03:59 Mais si on flexibilise les horaires, qu'on permet à ces femmes de venir un peu plus
04:02 tard quand elles sont fatiguées ou qu'elles ont mal, on peut éviter aussi l'absentéisme.
04:06 Donc c'est un facteur pour moi, au contraire, d'anticipation qui peut aider les entreprises
04:10 à s'organiser mieux.
04:11 Lorsque l'Espagne a voté en février 2023 une loi créant un congé menstruel, il y
04:17 a eu un effet d'entraînement en France, notamment à gauche, une proposition de loi
04:21 socialiste, une autre écologiste et puis un rapport sénatorial au mois de juin qui
04:25 a finalement écarté cette idée de congé menstruel.
04:28 Comment l'expliquez-vous, vous qui avez été auditionnée pour ce rapport, Valérie
04:31 Desplanches ?
04:32 Alors je pense d'abord que c'est complexe comme thématique, ce qui explique que chacun
04:35 cherche la meilleure solution finalement, on ne l'a probablement pas trouvée.
04:39 Le fait que le rapport ait écarté le congé menstruel part du principe que… Alors congé
04:44 menstruel, je n'aime pas beaucoup le terme de congé, il ne s'agit pas du tout d'un
04:47 congé, il s'agit de pathologies qui doivent être diagnostiquées et donc pour ces pathologies,
04:52 il faut un cadre.
04:53 Et le congé menstruel risque d'être, on dit souvent la fausse bonne idée, elle est
04:58 louable et l'intention est extrêmement positive.
05:00 En revanche, ces jours ne sont pas forcément… peuvent stigmatiser les femmes et d'ailleurs
05:05 dans les pays où ces jours existent, on s'aperçoit qu'il y a très peu de femmes qui les demandent.
05:10 Donc en fait, le rapport sénatorial vise à dire qu'il y a un cadrage qui est l'affection
05:15 longue durée qui permet d'éviter les jours de carence, il y a une ALD31 qui existe et
05:19 que les femmes qui souffrent d'endométriose peuvent aujourd'hui demander, encore que…
05:24 Et c'est pour ça que nombre d'associations de patientes demandent le cadrage de l'ALD30
05:29 où la maladie serait reconnue de facto.
05:31 ALD, affection longue durée, c'est une catégorie de la sécurité sociale qui permet
05:35 de ne pas avoir de jours de carence, d'être remboursé à 100%, des prises en charge des
05:39 kilomètres parcourus…
05:40 Exactement, tout à fait.
05:42 Un aménagement.
05:43 Un aménagement et l'ALD30 permettrait une reconnaissance, pas systématique, mais en
05:46 tout cas de la pathologie dans la liste fermée de ces ALD et donc d'avoir ce cadre et par
05:52 ailleurs que les entreprises prennent en charge aussi l'accompagnement des salariés.
05:55 Je parlais de flexibilité, d'orientation de carrière, de formation professionnelle.
06:00 Il faut vraiment avoir en tête qu'on parle de douleur de règle, l'endométriose, c'est
06:03 des symptômes digestifs, c'est de la fatigue chronique, donc ça nécessite un aménagement,
06:07 pas que du temps de travail, mais aussi des conditions de travail, de formation, de reconversion
06:12 quelquefois.
06:13 Donc il y a un cadrage qui doit être un cadrage effectivement beaucoup plus réglementaire,
06:17 j'allais dire, et aussi un rôle des entreprises dans la prise en charge de leurs salariés.
06:20 Si je vous comprends bien, si le congé menstruel a été écarté, c'est finalement au profit
06:25 d'une réflexion sur les pathologies sous-jacentes avec l'idée, j'avais vu les paroles de
06:30 Fabienne Elkhoury qui est la porte-parole de l'association Osée Féminisme, elle dit
06:35 le danger du congé menstruel c'est que certains disent que c'est normal que certaines femmes
06:39 aient certaines douleurs, elles n'ont qu'à rester chez elles au lieu de dire "soignons
06:43 ces douleurs, ce sont des pathologies sous-jacentes, notamment l'endométriose dont vous avez
06:47 parlé".
06:48 Alors l'inscription de cette maladie dans la liste des affections de longue durée,
06:51 c'est en train d'être discuté, si j'ai bien compris, on a dit que ça apporterait
06:54 concrètement beaucoup de secours aux femmes qui en souffrent.
06:59 Le Rassemblement National a décidé d'inscrire cette proposition de loi dans sa niche parlementaire
07:04 du 12 octobre et alors le gouvernement réfléchit en ce moment à lui couper l'herbe sous le
07:08 pied, se tient prêt à dégainer, a dit Bérangère Couillard, la ministre chargée de l'égalité
07:12 entre les hommes et les femmes a dégainé un décret inscrivant l'endométriose sur
07:17 la liste des affections de longue durée et la ministre chargée de l'égalité hommes-femmes
07:21 a dit aussi qu'elle réfléchissait à un texte plus large.
07:23 On voit que ce sont devenus des questions très politiques, comment vous l'expliquez ?
07:27 Je pense qu'il y a différents facteurs, le fait qu'on parle de pathologie féminine
07:31 de santé de la femme aujourd'hui, c'est maintenant au cœur de la société et donc
07:35 forcément de la politique.
07:37 Il y a de plus en plus de femmes qui sont aussi maintenant, j'allais dire, aux commandes
07:41 politiques, donc tout le monde s'intéresse.
07:43 Après je laisserai de côté le débat politicien sur lequel je ne veux pas me prononcer, j'allais
07:48 dire, si ça peut faire avancer les choses et si on arrive vraiment à encadrer ces pathologies,
07:53 aider les femmes à prendre en charge ces pathologies, notamment dans le cadre du travail,
07:57 tant mieux ! Donc c'est ça l'objectif final pour moi et ce qui doit être important
08:02 en fait.
08:03 Et un texte beaucoup plus large sur la santé des femmes au travail ? On a une toute petite
08:06 idée, en quelques mots, de ce que ça serait ?
08:08 Ça me paraît difficile mais je pense qu'il faut cadrer les pathologies clairement et
08:13 le rapport sénatorial est important puisqu'elle parle de la santé des femmes aussi en général.
08:17 Merci beaucoup Valérie Desplanches de toutes ces explications.
08:20 Je vous rappelle que vous êtes présidente de la Fondation pour la recherche sur l'endométriose.
08:24 Merci Marguerite Caton.

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