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00:00Si je vous demande qui a inventé l'école, vous allez peut-être citer Charlemagne ou Jules Ferry.
00:05Mais combien d'entre nous vont parler de Pauline Kergomar ?
00:09Pas beaucoup. Et pourtant, cette femme a joué un rôle primordial dans notre éducation.
00:13On dit même d'elle qu'elle a inventé l'école maternelle.
00:16Au XVIIIe siècle, pendant la révolution industrielle, on envoyait les enfants à l'asile.
00:21Non, ce n'est pas ce que vous croyez.
00:22Ces institutions étaient principalement financées par la charité de grands patrons.
00:26Il s'agissait pour eux de voir leur main-d'œuvre féminine débarrassée de leurs plus jeunes enfants pendant les heures de travail.
00:31La plupart de ces asiles étaient gérés par des religieuses préoccupées par la moralisation précoce des classes populaires.
00:38Ces asiles accueillaient donc les enfants de 2 à 6 ans et n'avaient pas de fonction pédagogique.
00:43Si on prend quelqu'un comme Pauline Kergomar qui est une spécialiste de la petite enfance,
00:48elle s'oppose très franchement aux salles d'asile qui ont un système disciplinaire
00:53qui est extrêmement strict, très loin de l'affection maternelle avec énormément d'enfants,
00:58une cinquantaine d'enfants pour une religieuse avec du catéchisme très régulièrement,
01:03avec l'utilisation du claquoir pour les faire lever, asseoir, etc.
01:08Et donc, de la part des pédagogues de la fin du XIXe siècle, il y a une volonté de rupture par rapport à cet héritage.
01:14Arrivée à Paris en 1861, Pauline Kergomar voue sa vie à l'éducation des tout-petits
01:20et gravit les échelons institutrice, directrice d'école, formatrice pour les instituteurs.
01:25Elle devient finalement responsable de l'inspection de ces salles d'asile dont elle est très critique.
01:30Et au tournant des années 1880, sous l'impulsion du ministère de Jules Ferry,
01:34c'est elle qui met tout en place pour transformer l'asile en école maternelle.
01:39Elle veut accompagner l'enfant de la manière maternelle jusqu'à l'école élémentaire.
01:44L'école maternelle ne doit pas être le lieu du gavage ou du dressage
01:49pour reprendre un vocabulaire qui est présent dans les archives.
01:52Elle doit être marquée par l'affection indulgente de la famille qui se prolonge dans la structure scolaire.
02:00Et donc, il y a vraiment l'idée qu'il faut plutôt enseigner à l'enfant un éveil,
02:05à la fois un développement du corps, de l'esprit, de l'observation, de la vie qui l'entoure,
02:11et non pas les pratiques qu'on retrouve ensuite à l'école élémentaire.
02:14Pauline Cargomar prend une pédagogie moderne,
02:17basée sur l'apprentissage par le jeu, les activités artistiques et sportives.
02:21Au passage, dans ces nouvelles écoles maternelles,
02:24elle supprime les vieilles méthodes comme l'apprentissage par cœur,
02:27qui n'a aucun sens pour les plus petits.
02:29Mettre un enfant au régime des vérités toutes faites et apprises par cœur,
02:33le soumettre à un enseignement qu'il ne peut s'assimiler,
02:36c'est attenter à sa liberté intellectuelle et morale.
02:39J'aimerais que les mots « liberté », « libre » fissent partie du vocabulaire de l'école maternelle.
02:45Militante laïque et féministe, elle défend l'école mixte
02:48et fait abattre les cloisons à l'intérieur des salles qui séparent les garçons des filles.
02:52Elle dénonce l'éducation religieuse des petites filles,
02:55dans ce texte de 1897, paru dans La Fronde.
02:58Elle savait, pour l'avoir lu dans leur livre, que l'humilité est la première vertu des femmes.
03:04Car c'était par elle que le péché est entré dans le monde.
03:07Elle savait qu'on ne doit jamais causer, ni même s'amuser avec les petits garçons.
03:12Car les petites filles, c'est de la graine de femme.
03:14Elle a aussi une réflexion sur la question du péché originel.
03:18Elle considère que non, les enfants ne sont pas des pécheurs.
03:22Et puis ce qui est intéressant aussi dans ce texte,
03:24c'est qu'elle dit que ce qu'ont lus les petites filles,
03:26ou plutôt ce qu'on leur a lus, parce qu'elles sont quand même trop petites pour lire,
03:29les enjoint à avoir honte d'elles-mêmes, honte de leur corps.
03:33En parallèle, à la fin du XIXe, le regard sur l'enfant change.
03:36Et sous la Troisième République, avec les grandes réformes de Jules Ferry
03:40qui rendent l'école gratuite, laïque et obligatoire,
03:42l'éducation acquiert une nouvelle fonction.
03:45Celle de former les futurs citoyens.
03:47Ce que dit Pauline Cargomart, c'est que l'endroit désigné pour faire la démocratie, c'est l'école.
03:52À partir du moment où il y aura un système d'enseignement primaire
03:56qui va de l'âge de 6 ans à une vingtaine d'années, gratuit pour les classes populaires,
04:01et un ordre d'enseignement secondaire parallèle qui va aussi des petites classes
04:06jusqu'au baccalauréat et qui sera payant pour les classes bourgeoises,
04:09alors la démocratie n'existera pas.
04:11Si vous voulez en savoir plus sur cette pionnière ou sur d'autres pédagogies innovantes,
04:15vous pouvez écouter cette émission du Cours de l'Histoire.

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