Initier (enfin) au financement des entreprises : un enjeu de société ! [Christophe Bonnet}

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Christophe Bonnet, professeur de finance à Grenoble Ecole de Management, pour parler de l'initiation au financement des entreprises.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcript
00:00 Bonjour Christophe Bonnet.
00:09 Bonjour.
00:10 Christophe Bonnet, vous êtes professeur de finance à Grenoble École de Management.
00:13 C'est la faute des actionnaires.
00:16 Fausse croyance et vrai débat.
00:18 Édition PUF.
00:19 C'est la faute des actionnaires.
00:22 Une annexe, une très brève initiation au financement des entreprises.
00:28 Donc voilà, qui veut s'initier au financement des entreprises,
00:32 il faut absolument lire cette annexe qui est très brève, mais qui est très bien faite.
00:36 Voilà.
00:37 Il y a un enjeu de société pour vous.
00:40 Il y a un enjeu de société à partager les questions autour du financement des entreprises.
00:44 Oui, oui, c'est clair parce que...
00:45 Alors, quand je parle par exemple de mon métier, je dis que je suis enseignant en chercheur,
00:51 très très bien.
00:52 Puis enseigner en chercheur en finance, ça surprend beaucoup de gens parce que d'une part,
00:55 on ne sait pas qu'il y a de la recherche en finance.
00:58 Et puis ça les surprend, puis ça peut avoir une connotation un peu négative des fois.
01:02 Voilà, la finance, c'est quand même vu d'une façon...
01:08 C'est Wall Street, c'est Gordon Gueko.
01:09 Voilà, par le public.
01:11 Donc c'est aussi un domaine compliqué.
01:13 Donc il y a une forte méconnaissance effectivement de la finance par le public.
01:18 Il y a aussi, encore peut-être plus en France, parce que les enquêtes montrent quand même que
01:21 le niveau de compétence des Français est assez faible en finance.
01:26 Et c'est un débat important parce qu'une mauvaise culture financière, on va dire,
01:30 peut donner lieu à des choix personnels d'épargne de crédit qui ne sont pas optimaux,
01:36 à des régulations discutables par les politiques, à une sorte de confusion sur des débats de société,
01:44 comme par exemple sur la finance verte.
01:45 Est-ce que la finance peut contribuer ou pas à la transition environnementale ?
01:48 C'est difficile de se faire une opinion pour beaucoup de gens.
01:50 Il y a une inquiétude dans votre ouvrage.
01:54 Il y a une inquiétude, vous dites, chaque fois qu'il y a des boucs émissaires,
01:58 ça ne nous apporte rien de bon, bien au contraire.
02:02 C'est-à-dire que pour vous, il y a quand même des conséquences à cette faible compréhension
02:06 par le citoyen des enjeux de financement des entreprises.
02:08 Oui, comme je le disais, c'est notamment des propositions de régulation.
02:14 Moi, j'ai un exemple, quand il y a eu la Convention citoyenne sur le climat,
02:19 tout à fait respectable,
02:21 une des propositions, c'était par exemple qu'il fallait taxer les dividendes versés par les grandes entreprises.
02:28 On se dit, déjà, c'est un peu étrange, sur le sujet climatique, ce genre de proposition.
02:35 Et puis, ça dénote, à mon avis, une sorte d'incompréhension de ce qu'est le dividende,
02:40 et de son rôle aussi de réélocation des ressources vers des projets innovants.
02:43 Et donc, si on veut faire une transition écologique,
02:47 on a peut-être besoin aussi d'actionnaires, de financements qui vont aller s'allouer sur des projets,
02:51 qui vont permettre de changer l'économie vers une économie plus circulaire,
02:55 plus respectueuse de l'environnement.
02:58 On va en reparler parce que c'est une de vos thèses,
03:01 c'est-à-dire qu'on ne peut pas imaginer la transition écologique sans recours au financement privé.
03:07 Et donc, il faut bien comprendre tous les enjeux autour du financement.
03:11 Peut-être une question, un exemple typique de cette méconnaissance, c'est la rémunération du risque.
03:17 Exactement. Ça, c'est un concept fondamental en finance.
03:20 C'est que bien sûr, toute entreprise est risquée parce qu'elle doit investir,
03:24 faire des dépenses avant de vendre ses produits, et puis la demande des consommateurs est incertaine.
03:28 Ce risque, il est porté par toutes les parties prenantes de l'entreprise,
03:31 mais notamment en termes financiers, par les actionnaires qui apportent des capitaux.
03:36 Et ça, c'est assez peu compris finalement,
03:39 parce que finalement, on parle beaucoup des entreprises quand elles réussissent,
03:42 quand elles payent des gros dividendes, des start-up qui deviennent des licornes,
03:46 mais on ne voit pas aussi les start-up qui échouent,
03:49 les produits qui ne sont jamais lancés parce qu'ils n'ont pas trouvé leur marché,
03:52 ou ils ont abouti à des impasses.
03:54 Donc, ce risque, il est assez ignoré du public.
03:57 Et aussi, bien sûr, en finance, il y a ce couple rentabilité-risque.
04:02 Alors, c'est quoi ? Ça veut dire que si j'investis dans des projets très risqués,
04:09 mettons que j'investisse dans des start-up très jeunes,
04:11 je vais avoir 80% de pertes et puis 20% de sociétés qui réussissent.
04:15 Si je veux récupérer simplement mon capital sans gagner le moindre euro,
04:19 il faut que les deux qui réussissent sur cela,
04:22 je fasse à peu près cinq fois la mise.
04:24 Cinq fois la mise en cinq ans, c'est 35-40% de rentabilité annuelle.
04:27 Ça paraît énorme, mais si on a compris le risque de ce genre d'investissement,
04:31 on comprend mieux.
04:32 C'est simplement pour que l'investisseur reste plus prêt à continuer.
04:35 On comprend mieux et on diversifie.
04:36 Voilà, et on diversifie bien sûr.
04:38 Alors que si on inverse le ratio,
04:39 si je fais 20% d'investissement qui vont échouer,
04:43 puis 80% qui vont réussir,
04:44 je peux me contenter de rentabilité de 4-5% par an, si vous voulez.
04:47 Donc ça, c'est très mal compris par le public, il faut bien le dire.
04:52 Et les conséquences, évidemment, si on comprend mieux ceci,
04:57 on comprend d'une part, par exemple,
04:59 les banques ne peuvent pas prêter à n'importe qui,
05:00 parce que les banques font des marges très faibles sur leur crédit.
05:02 Donc si elles ont un taux d'échec de défaut trop important,
05:05 elles font faillite.
05:06 C'est ce qui est ennuyeux en général.
05:07 On comprend aussi que l'idée d'une norme unique de rentabilité par les actionnaires,
05:14 qui serait par exemple de 15%,
05:15 comme on le lit souvent, n'a aucun sens en fait.
05:18 Ça peut être beaucoup plus ou beaucoup moins.
05:21 Voilà, ça dépend.
05:22 Je ne sais pas comment ça dépend.
05:23 Aussi, comment dire, le risque financier,
05:31 il est très lié à l'activité de l'entreprise, si vous voulez.
05:35 Il y a des secteurs plus ou moins qui nécessitent beaucoup de capitaux,
05:38 des capitaux à risque,
05:39 notamment les secteurs technologiques innovants.
05:41 Donc des fois, on dit finalement,
05:43 j'ai des collègues qui pensent que s'il n'y avait que des coopératives,
05:48 alors je n'ai rien contre les coopératives,
05:49 c'est un formidable système pour certaines activités,
05:52 mais s'il n'y avait plus d'actionnaires privés,
05:53 au sens capitaliste du terme et des coopératives, tout irait mieux.
05:57 Mais non, parce que le risque, il est toujours là,
05:58 il faut bien le supporter.
05:59 Et quand on investit très fortement sur des projets innovants,
06:04 donc très risqués,
06:04 il faut de toute façon que ce risque soit supporté,
06:07 soit porté par quelqu'un.
06:09 Et l'actionnaire privé, il est capable de le porter,
06:11 parce qu'il est capable justement d'arbitrer entre différents projets,
06:15 de diversifier ses investissements.
06:16 Que faire pour mieux comprendre la finance ?
06:19 Réponse, commencez par l'annexe de votre ouvrage.
06:22 Une très brève initiation au financement des entreprises,
06:24 et surtout, ne jamais oublier que si l'actionnaire est propriétaire de ses actions,
06:28 et donc a droit à des dividendes, il est aussi créancier résiduel.
06:32 Et donc, ça veut dire qu'en cas de faillite,
06:34 c'est le dernier servi et il peut tout perdre.
06:36 Voilà, n'oublions jamais ça.
06:38 Merci à vous, Christophe Bonnet.
06:39 Merci.
06:41 [Musique]
06:46 *rire*

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