Les techniques managériales ne laissent aucune place à l'inspiration et la sensibilité [Ibrahima Fall]

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Le management est une étrange production de l'esprit car étonnamment, plus on l'étudie, moins il se fait saisir par des outils ou des recettes c'est-à-dire par des décisions préalablement pensées. La raison de cette étrangeté est à chercher au moins dans trois causes [...]
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00:00 Le management est une étrange production de l'esprit, car étonnamment, plus on l'étudie,
00:13 moins il se fait saisir par des outils ou des recettes, c'est-à-dire par des décisions
00:18 préalablement pensées.
00:20 La raison de cette étrangeté est à chercher au moins dans trois causes.
00:25 Plus vous faites du management une spécialisation scientifique, plus vous perdez de vue le sens
00:31 du tout, c'est-à-dire la nécessaire conjonction dans l'action collective du monde physique,
00:37 du monde subjectif et du monde social.
00:39 Cependant, sortir d'une telle spécialisation, c'est souvent sortir d'une certaine conception
00:45 de la science.
00:46 Plus le management est circonscrit à des techniques, plus on ignore le fonctionnement
00:52 des êtres humains qui ne sont pas réductibles à des influx techniques.
00:55 Ainsi, plus on ignore le fonctionnement des êtres humains, plus on s'éloigne d'un
01:01 management qui permet aux femmes et aux hommes de mieux vivre.
01:03 Enfin, contrairement aux analogies dont raffolent les penseurs en management, l'organisation
01:10 n'est ni une machine, les êtres vivants sont concrets dès le début pour reprendre
01:15 l'expression de Simon Don, ni un organisme dont la finalité est dans l'organisme même,
01:22 comme l'avait bien vu Georges Kanguilhem.
01:24 Nos fameuses béquilles mentales, machines-organismes, ne nous apportent pas une aide fondamentale
01:30 face au réel du travail.
01:31 Le management est donc difficile à pratiquer et a fortiori difficile à enseigner.
01:37 Car il n'est pas réductible à un mode d'emploi, c'est-à-dire la mise en exécution
01:43 de simples compétences ou de simples techniques.
01:46 Ces dernières sont bien sûr nécessaires, mais pour être utilisées à bon escient,
01:51 elles doivent se fonder sur l'implexe, c'est-à-dire ce que Paul Valéry appelle la capacité à
01:57 produire de manière spontanée de la sensibilité (émotion, idée, souvenir, sensation, etc.)
02:05 face à une situation donnée, tout ce qui vient à la conscience sans avoir été appelé.
02:11 Le management que je considère comme une œuvre de l'esprit, se matérialisant dans
02:16 le réel du travail, ressemble sur bon nombre de points à la poésie.
02:21 On peut enseigner l'histoire de la poésie, les techniques des poètes, les types de poésie.
02:28 Cependant, difficile d'enseigner comment devenir un poète produisant de haute qualité.
02:33 L'implexe ne se commande pas.
02:36 On ne peut pas être sensible parce qu'on l'a décidé.
02:39 C'est pourquoi tout ce qui augmente l'imagination et la sensibilité augmente nos capacités
02:45 à faire éclore un management qui permet de mieux vivre.
02:49 Car, manager, c'est faire preuve d'intelligence dans les situations de travail.
02:55 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]

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