CSRD : La bataille des normes qu’il ne faut pas perdre [Gérard Cascino]

  • il y a 2 mois
Xerfi Canal a reçu Gérard Cascino, ancien Directeur Régional du Travail de l’Emploi et de la Formation Professionnelle des régions Picardie et PACA et ancien Commissaire à la ré industrialisation, de la région Rhône-Alpes, pour parler de la bataille qu'il ne faut pas perdre.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00Bonjour Gérard Casquineau, vous êtes ancien directeur régional du Travail et de l'Emploi
00:14et de la Formation Professionnelle des régions Picardie et Paca et ancien commissaire à la
00:18réindustrialisation de la région Rhône-Alpes. Commissaire à la réindustrialisation, c'était
00:24post-crise 2007, on se souvient très bien de cet enjeu autour de la réindustrialisation,
00:29sujet qui est au cœur de l'ouvrage que vous tenez devant vous, Diff Périllé et François Eval,
00:33Quelle économie politique pour la France. On s'est dit en 2023 se pose encore plus que jamais la
00:38question de la réindustrialisation, c'est dire si le sujet est important. Et pour vous il y a une
00:43bataille qu'il ne faut pas perdre, c'est la bataille du CSRD, on va pas redétailler l'acronyme mais
00:49tout le monde l'aura bientôt en tête, en tout cas toutes les entreprises, parce que c'est la
00:53façon dont on rend compte. Et il y a un grand débat avec Emmanuel Faber notamment entre ceux
00:57qui promeuvent une matérialité simple, c'est-à-dire financière et comptable, versus une double
01:03matérialité, c'est-à-dire les impacts sur l'environnement, le social, etc. Et vous nous
01:07dites qu'il faut être dans la double, absolument. C'est essentiel qu'on le soit et je voudrais
01:14non pas jeter le bébé et l'eau du bain à travers ce qui a été fait pendant des années sur l'ARSE.
01:19L'entrée par l'ARSE avait son utilité, puisqu'elle alertait sur la responsabilité attachée à la
01:29durabilité, laquelle est attachée à un autre enjeu que celui de l'impact. Donc tout ça,
01:34peut-être qu'on aura besoin d'y revenir, mais si on fait un lien entre ces trois sujets,
01:39et il faut absolument le faire, qui renvoie d'ailleurs à des questions y compris de souveraineté
01:44parce que les choses se tiennent aussi, et je l'expliquerai pour toi si on en a l'occasion.
01:50Les questions de RSE, elles étaient finalement devenues quelque chose qui était mainstream,
02:00qui était dans le paysage, c'était gentillet, mais finalement on voit bien que ça a été perverti,
02:07y compris par des attitudes d'entreprise, y compris celles qu'on n'aurait pas attendues,
02:13y compris des grands groupes, y compris, je vais être encore plus précis, de l'automobile,
02:18qui se sont amusés à faire du greenwashing, en surfant finalement sur la vague de l'ARSE,
02:24en se disant que finalement il y a moyen de faire, y compris du résultat complémentaire,
02:29du business avec l'ARSE, en jouant sur l'image attachée à l'ARSE. On le fait dans le champ de
02:35l'environnement, on le fait aussi parfois, ça on en parle beaucoup moins, sur ce que moi j'appelle
02:40le social washing, en parallèle à ce qu'on appelle d'habitude le greenwashing. Et preuve que
02:46les questions sociales, elles sont encore plus minimisées, parce que le travail de mon point
02:50de vue, mais là ça nous amènerait loin d'expliquer pourquoi, le travail à mon avis a un statut qui
02:57n'est pas le bon dans l'entreprise, et je suis de ceux qui pensent que le travail doit être réhabilité
03:02dans l'entreprise, que pour se faire il faut reprendre des notions telles que le capital,
03:07la notion de capital en quoi elle consiste, le travail, pourquoi on ne le considère pas
03:12comme du capital, enfin en tout cas pourquoi on ne l'assimile pas, alors que la fonction de
03:16production elle mêle les deux facteurs, capital et travail, pourquoi dans l'entreprise elle n'a pas
03:20le même statut ? Et lorsqu'on raisonne là-dessus et lorsqu'on réfléchit là-dessus, on se rend compte
03:24que si ce n'est pas le cas, c'est parce que justement la manière dont on lit, dont on compte,
03:30et dont on mesure, et dont on rencontre, on s'intéresse… C'est une représentation de
03:36l'entreprise. C'est une représentation de l'entreprise, puisqu'en fait, y compris la
03:40comptabilité, moi je ne suis pas un expert de ça, je viens d'un monde qui n'est pas celui de la
03:44gestion, mais c'est du conventionnel, on est sur des conventions finalement, c'est une manière de
03:49lire que de manière conventionnelle on décidait de définir une fois pour toutes, il y a bien
03:54longtemps. L'Europe qui se dit sociale, elle s'est tirée une balle dans le pied quand elle a
04:02décidé à un moment donné de confier y compris un certain nombre de ce regard à un organisme privé
04:10tel que l'IASB, et aujourd'hui la question de la double matérialité elle est extrêmement importante
04:15parce qu'on regarde, si vous voulez, l'impact de l'entreprise, pas simplement pour elle-même,
04:21mais aussi par rapport au monde dans lequel elle se situe, c'est-à-dire qu'on est sur une logique
04:26outside-in et inside-out, pour reprendre des anglicismes, c'est-à-dire que quelque part on
04:32est sur à la fois l'approche financière et extra-financière, et c'est extrêmement important
04:36de le faire. Pour les questions sociales qui me sont chères, je vois bien que si le travail
04:42aujourd'hui n'a pas le statut qu'il mérite, c'est largement lié à ça, en tout cas moi je suis
04:48convaincu de ça, et il faut absolument qu'on puisse en sortir, et donc je pense qu'elle peut
04:52être d'un vrai secours. Et ce que nous disent Perrier et Valde, c'est qu'effectivement
04:58aujourd'hui ces enjeux sont majeurs pour un fonctionnement d'une économie politique beaucoup
05:03plus harmonieuse et beaucoup plus stratégique. C'est parfaitement clair et donc on invitera à
05:08méditer cette question-là, que derrière ces normes se jouent des représentations de l'entreprise,
05:12des visions de l'entreprise, que c'est pas du tout anodin, voilà cette bataille de normes.
05:16Merci à vous. Merci.

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