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Léa Salamé reçoit l'humoriste Panayotis Pascot. Auteur de « La prochaine fois que tu mordras la poussière ». Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-07-septembre-2023-7414617

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Transcription
00:00 - Ma chère Léa, ce matin vous recevez un jeune humoriste !
00:02 - Un jeune humoriste, un jeune comédien et désormais un jeune écrivain.
00:06 Bonjour Panayiotis Pascot !
00:08 - Bonjour, merci de nous recevoir.
00:09 - Merci d'être avec nous ce matin.
00:11 On vous a découvert tout jeune, vous aviez 15-16 ans à peine,
00:14 comme chroniqueur chez Anne Barthez sur Quotidien
00:16 et on vous a suivi ensuite dans vos spectacles et au cinéma.
00:20 Si je vous demande un animal et un adjectif pour vous définir ?
00:25 - Tout de suite, comme ça à 9h ?
00:26 Un animal, je dirais un oiseau.
00:28 Peu importe, juste l'idée de ne plus avoir de frontières.
00:31 - De voler quoi.
00:32 - Oui, de pouvoir voler.
00:33 - Et un adjectif ?
00:34 - Concentré.
00:35 - Un peu mal.
00:36 Pour commencer l'interview, donnez-moi deux choses qui vous rendent heureux.
00:40 - Deux choses qui me rendent heureux ?
00:43 En ce moment, la compagnie, beaucoup, et l'écriture.
00:48 - Parce qu'à vous lire dans La Prochaine Fois Que Tu Mordras La Poussière chez Stock,
00:52 on a l'impression que votre livre, on a l'impression que vous n'êtes pas forcément très doué pour le bonheur.
00:56 - Même si vous êtes sur la bonne voie, Panayiotis, ce livre, qui est déjà un carton de librairie depuis sa sortie il y a deux semaines,
01:01 est très touchant, il est attachant, il est aussi troublant.
01:04 Il raconte avec une sincérité folle, presque déstabilisante, presque impudique,
01:09 les failles et les doutes d'un jeune homme de 25 ans qui a du mal à entrer dans l'âge adulte,
01:14 sa relation complexe aux pères, aux hommes, aux femmes, à la sexualité et à la dépression.
01:19 Il faut un certain courage pour se livrer ainsi sans artifice, pour se mettre à nu comme vous l'avez fait.
01:23 Il y avait une urgence chez vous, il n'y avait pas le choix, il fallait l'écrire ce livre.
01:27 - Il n'y avait pas le choix, c'était vraiment pour dormir.
01:30 Depuis tout petit, je fonctionne comme ça, je fais des grosses insomnies,
01:33 il y a des choses qui me rongent, une espèce de boule d'émotion comme du magma à l'intérieur de moi.
01:37 Et tant que je n'ai pas déversé ça sur des pages, je n'arrive pas à m'endormir.
01:41 Et c'est comme ça que j'écris, et là j'écrivais de plus en plus,
01:44 après que mon père nous ait appris qu'il était malade.
01:47 - C'est ça, le livre commence avec la figure du père qui vous annonce à ses enfants
01:51 qu'il est malade, très malade et qu'il va bientôt mourir.
01:54 - Oui, et ça a été un choc émotionnel, je pense qu'à quiconque c'est arrivé c'est la même chose,
01:58 c'est une espèce de choc, c'est un déferlement d'émotion et je ne savais pas gérer ça.
02:03 Donc je me suis mis à écrire, je pensais que ça allait être un deuxième spectacle,
02:06 et il n'y avait pas de blague en fait.
02:08 - Ah oui, il n'y a pas beaucoup de blague dans le livre, on peut même dire qu'il n'y en a pas du tout.
02:12 C'est le jeune humoriste, le panaïotis joyeux, beau gosse de la télé, celui du jour,
02:20 il n'est pas dans le livre, ou très peu, et on découvre le panaïotis de la nuit,
02:24 c'est-à-dire un jeune garçon qui doute, qui a mal, très mal, et qui ne dort pas.
02:29 - C'est exactement ça. Mal, très mal, je ne sais pas, en tout cas c'est quelqu'un qui a du mal à tendre le bras.
02:34 C'est ce que j'essaie de raconter dans le livre, je ne suis pas doué pour les émotions,
02:37 les sensations depuis petit, je les ressens et je ne les imprime pas en fait.
02:40 C'est très situé dans le cerveau, ça ne vient jamais dans l'estomac,
02:44 j'ai peur de ne pas avoir d'estomac, de ne pas ressentir les choses frontalement.
02:47 Et je me suis mis à écrire pour ça, pour essayer de toucher les choses du doigt.
02:51 - Au centre de ce livre, il y a le père, le père qui ouvre et qui clôt le livre.
02:56 Vous avez cette phrase "je vais le tuer avant qu'il ne meure". Ça veut dire quoi ?
03:00 - Ça veut dire que depuis... mon père est assez particulier, c'est un homme incroyable,
03:05 mais c'est un astre aussi autour duquel on gravite.
03:08 Et petit, je l'admirais, je voulais vraiment lui ressembler,
03:11 et puis au bout d'un moment, je me suis rendu compte qu'il ne fallait peut-être pas forcément
03:14 aller dans cette lignée-là. Et je me suis mis un petit peu comme objectif de le tuer,
03:18 évidemment psychologiquement parlant, le plus vite possible.
03:21 - Pour ne pas souffrir ? - Pour ne pas souffrir, pour prendre de la distance.
03:25 Je pense que c'est important pour qu'un jeune garçon devienne un homme,
03:28 je pense qu'il faut tuer le père, c'est assez connu en littérature.
03:32 Et en fait, il fallait malheureusement que je fasse très rapidement,
03:35 parce qu'il nous a appris qu'il était malade. Donc j'avais un peu cette course contre la montre
03:38 de devoir le tuer avant qu'il ne meure.
03:40 - La sociologue Dominique Schnapper, qui est la fille de Raymond Haron, disait au Monde
03:44 "Une chose est sûre, on ne tue pas le père, on le croit, on croit qu'on veut le tuer,
03:49 mais on ne le tue pas, on vit avec."
03:51 - Exactement, c'est ce que je me suis dit, je me suis approché de lui,
03:54 si on prend la métaphore avec un couteau dans le dos, ça faisait longtemps que j'étais loin de lui.
03:57 Je me suis approché pour pouvoir le poignarder, mais en m'approchant,
04:00 je me suis rendu compte que c'était un homme qui avait des faiblesses,
04:03 qui était fragile, comme moi, qui ne savait pas le montrer.
04:06 Au final, j'ai lâché le couteau, je lui ai fait un câlin. C'est ça que raconte le livre.
04:09 - Vous dites que vous aviez envie que votre père vous demande pardon.
04:12 Pardon de quoi ? Vous vouliez qu'il s'excuse de quoi ?
04:16 - Pardon de m'avoir fait comprendre qu'un homme doit être un bloc de granit,
04:21 qu'un homme doit être hermétique, ne pas laisser les choses du monde entrer en lui.
04:25 Ma grande solitude, elle vient de là. J'ai du mal à laisser les choses entrer.
04:31 Et c'est dur, ça peut être l'amour, ça peut être la connaissance, ça peut être plein de choses.
04:35 Je pense qu'il y a toute une génération qui pensait qu'un homme devait être en contrôle tout le temps,
04:39 devait être la personne qui pénètre le monde.
04:42 Et je pense que la force, c'est de lâcher le contrôle, de laisser les choses entrer.
04:46 Et c'est pour ça que je voulais qu'il me demande pardon.
04:48 - C'est un livre aussi sur la virilité, sur la masculinité, sur ce que c'est qu'être un homme.
04:53 Vous en parliez d'ailleurs dans votre spectacle sous la forme de Van,
04:56 vous parliez de votre père, on va l'écouter, qui a sa définition de ce qu'est être un homme
05:00 et qui a essayé de vous l'inculquer. Ça n'a pas marché.
05:03 - C'est une phrase que c'est que dans ta tête que mon père nous disait tout le temps,
05:05 mes frères et moi quand on était plus jeunes.
05:07 Parfois on venait le voir, il disait "t'es triste".
05:09 "C'est que dans ta tête".
05:11 "Ça sert à rien de pleurer, ça va pas solutionner le problème".
05:14 "Des points de suture ?"
05:16 "C'est que dans ta tête".
05:18 "Non papa, je saigne, ce n'est que dans ta tête".
05:21 "Ben c'était dans ma tête là, ça sort justement".
05:24 Mon père il a l'ancienne conception de ce que c'est qu'être un homme.
05:28 Pour mon père être un homme c'est être quelqu'un de très viril, sûr de soi,
05:31 un peu marrant, un peu dragueur avec les filles, mais jamais vulnérable.
05:34 Mon père il nie deux choses dans la vie.
05:36 Il nie les sentiments.
05:38 Pour lui ça n'existe pas.
05:40 Et les dos d'âne.
05:42 Ça n'existe pas non plus.
05:44 - Ça existe les dos d'âne finalement ?
05:46 - Ça existe, je m'en suis rendu compte ce matin en venant en taxi.
05:48 - C'est dur d'être un homme, Panayotis ?
05:50 - Je ne sais pas.
05:52 Je pense que ce qui est dur c'est de se poser la question de ce qu'est être un homme.
05:55 Je pense qu'aujourd'hui la force de cette nouvelle génération
05:58 c'est qu'on n'est plus à se poser cette question.
06:00 Pour moi ça m'a fait penser à ça.
06:02 - Très belle voix !
06:28 - "Boys don't cry"
06:30 Les garçons n'ont pas le droit de pleurer ?
06:32 - Les garçons n'ont pas le droit de pleurer ?
06:34 Je pense que les garçons ont le droit de pleurer, les garçons doivent pleurer.
06:36 Je pense que ça fait du bien.
06:37 Pleurer c'est jouir mais des émotions.
06:39 - Vous arrivez à pleurer vous ?
06:40 - J'arrive à pleurer de plus en plus en public, avec des gens autour de moi.
06:44 Mais avant c'était souvent seul dans mon lit.
06:47 - Et vous arrivez à dire "je t'aime" ?
06:49 Je veux dire, à part à votre chat.
06:51 - Ça m'est arrivé, c'est vrai, à mon chat.
06:52 Et c'est un moment où j'ai pleuré face à lui et après il me regardait très mal.
06:54 C'était très bizarre, vraiment.
06:55 J'ai l'impression qu'il a compris que j'étais très seul.
06:57 J'arrive à le dire, j'arrive à le dire, je travaille dessus.
07:00 Quand même j'ai eu besoin d'écrire un livre pour dire "je t'aime" à certaines personnes.
07:03 Donc c'est un peu particulier.
07:04 Mais j'essaie de le faire sans avoir besoin d'écrire un bouquin.
07:06 - Et vous arrivez à le ressentir ?
07:07 Pas seulement à le dire, vous sentez que vous êtes amoureux ?
07:11 Que vous avez le bide à l'envers ?
07:13 Que vous avez la tête qui se renverse ?
07:15 Ou jamais ?
07:16 - Je sens que je perds le contrôle.
07:18 Et ça me fait du bien.
07:19 - Ah bah c'est déjà pas mal.
07:20 Bon, ce qui nous amène à la sexualité.
07:22 C'est encore pas facile facile chez vous, Panayotis.
07:24 Longtemps vous avez voulu être un homme qui aimait les femmes,
07:27 qui se tapait des meufs, comme vous dites, beaucoup de meufs.
07:30 Le problème c'est que le désir sexuel ne suivait pas.
07:32 - Non.
07:33 Non non, c'était compliqué, c'était...
07:36 C'était gênant pour moi.
07:40 C'était un peu humiliant même.
07:42 Et puis je ne suis pas un très bon enquêteur, j'ai mis du temps à comprendre.
07:46 - C'est ce que j'allais vous dire, vous avez mis du temps à vous rendre compte que...
07:49 - Très mauvais arc-le-boireau.
07:50 - ... c'était pas les femmes quoi.
07:51 - Non, bah même mon premier spectacle que j'ai écrit, la première phrase c'est
07:54 "J'ai peur d'embrasser les filles"
07:56 et je n'avais même pas compris en écrivant ce spectacle.
07:58 Donc pour vous dire à quel point je suis un mauvais enquêteur.
08:00 - Comment vous expliquez ça ?
08:01 - Je sais pas, je pense que je voulais participer à une image collective
08:05 de ce que doivent être les hommes.
08:07 Je pense que je voulais...
08:08 Pour moi un homme, c'était un homme face à une femme.
08:11 C'était ça.
08:12 Donc...
08:13 - Et d'ailleurs vous avez des phrases terribles sur votre honte,
08:15 votre culpabilité d'être homosexuel,
08:17 votre culpabilité d'embrasser les lèvres d'un garçon plutôt que d'une fille.
08:21 Vous écrivez lors de votre première relation avec un homme,
08:23 quand il vous met la main sur la cuisse,
08:25 "J'ai honte, je trouve tout ça ridicule,
08:27 c'est moi qui devrais avoir la main sur sa cuisse
08:29 et lui il devrait être une fille qui se met du vernis rouge en ricanant".
08:33 - Oui.
08:34 Bah oui, oui, c'est ce que je me suis dit.
08:35 Je comprenais pas pourquoi j'allais vers là en fait.
08:38 Et j'étais pas tellement attiré dans cette direction.
08:41 C'est une amie de l'époque qui m'a dit "Mais faudrait peut-être que t'essayes".
08:44 Et puis j'avais testé ça en me disant "Je suis ouvert d'esprit, autant essayer, on sait jamais".
08:48 Puis moi je voulais être un rockeur quand j'étais plus jeune,
08:50 donc je me disais "Mais tous les rockeurs ont essayé, pourquoi pas".
08:52 Et puis en fait, je me suis rendu compte que ça me plaisait pas au début.
08:57 Ça me plaisait pas du tout.
08:58 Et puis c'est passé par le coeur en fait.
08:59 - C'est ça, c'est passé par le coeur plus que par le sexe d'arriver à accepter que vous aimiez les garçons.
09:04 - La première fois que j'ai été touché par quelqu'un en plein coeur en tout cas, c'était un garçon.
09:09 - Mais ce qui est fou sur l'homosexualité,
09:11 on sent que c'est un sujet qui vous a...
09:14 ça a mis du temps quoi.
09:16 C'est que votre famille l'accepte,
09:18 votre milieu, vous vivez à Paris dans un milieu médiatique, l'accepte,
09:21 mais vous, vous l'acceptez pas.
09:23 - C'est pas que je l'acceptais pas, c'est que je me rendais pas compte.
09:25 C'est différent.
09:27 J'ai mis du temps à l'accepter, je vous cache pas que c'était compliqué comme information à processer.
09:32 Mais j'avais du mal à le comprendre, j'avais du mal à l'appréhender,
09:35 j'avais du mal à le cerner, c'était dans mon angle mort.
09:37 C'était quelque chose d'inerte en fait.
09:38 Moi j'étais persuadé que j'étais aromantique,
09:40 je pensais que j'étais pas fait pour l'amour et que...
09:42 et j'essayais de me convaincre, plus je me disais que j'y arrivais pas, plus j'avais envie d'essayer.
09:46 J'en arrivais même parfois à me mettre du mar de café dans la main,
09:51 quand j'embrassais une fille, pour pouvoir après sentir ma main et sentir le café,
09:54 pour pouvoir changer très vite d'odorat.
09:56 Il y avait quelque chose de l'ordre de la...
09:58 - Ah ouais, c'était dégoûtant.
09:59 - Non pas forcément, mais c'était quelque chose de l'ordre de la survie en fait,
10:02 il fallait que je continue d'essayer.
10:04 - Je pense que vous l'avez pas vu le film, parce que vous êtes né après,
10:08 c'est l'ennemi fauve de Cyril Collard, qui parle de la génération Sida,
10:12 mais surtout c'est un homme qui est entre une femme dont il est amoureux, Romane Boranger,
10:15 où il l'aime, et il aimerait être hétérosexuel et entre guillemets "normal" avec mille guillemets,
10:20 mais il arrive pas à jouer avec elle.
10:22 Et en revanche, quand il va dans les backrooms et il jouit avec les garçons,
10:25 mais il se sent coupable, il a envie d'être puni pour cette attraction fatale.
10:29 Ça vous est arrivé vous ça ?
10:31 De vous sentir... Vraiment, il y a la culpabilité là-haut en tout cas.
10:35 - J'en parle beaucoup dans le livre, effectivement.
10:37 Pour moi, ce qui a été le plus dur, pour tout vous dire, ça a été de le dire autour de moi.
10:42 - En fait, c'est l'image sociale.
10:45 - Ça m'a pris du temps de mettre des mots dessus, mais de dire ces mots,
10:48 c'était comme léguer un poids que je portais depuis des années, c'était le plus dur.
10:51 Et une fois que c'était dit, on pouvait plus revenir en arrière, il y avait quelque chose d'effrayant.
10:55 C'était un passage dans un autre monde.
10:57 - En tout cas, ce que votre livre dit, c'est que même aujourd'hui, en 2023,
11:00 à Paris, dans un milieu urbain, et bien quand on est un garçon et qu'on est homosexuel,
11:04 ça reste quand même un combat, parfois.
11:06 - C'est une redécouverte de soi.
11:08 - Et puis moi, ce qui m'a le plus bouleversée dans votre livre, c'est ce que vous dites sur la dépression
11:11 que vous avez affrontée, comment la dépression arrive,
11:13 qu'elle colonise le cerveau et le cœur, cette zone grise de la dépression dont vous parlez.
11:17 Vous écrivez "la dépression s'immisce grâce à cette pensée.
11:19 À quoi ça sert de faire mon lit ? Je vais le défaire le soir même.
11:23 Si on laisse cette pensée gagner, on est foutu.
11:25 C'est l'essence même de la vie, de faire pour défaire."
11:29 - Oui, je pense que c'est ça la beauté de la vie.
11:32 Je pense que c'est de faire et de défaire.
11:34 Quand on est en dépression, malheureusement, il y a une espèce de forte péjoration de tout ce qu'il y a après.
11:39 Le passé devient un poids et le présent devient une peine.
11:42 C'est extrêmement compliqué de naviguer.
11:44 Pour moi, la dépression, c'est être dans une pièce sombre, sans lumière, sans fenêtre.
11:49 Et on n'a rien d'autre à faire à part se poser des questions sur soi.
11:51 Et malheureusement, les réponses ne nous font pas plaisir.
11:53 C'est ça qui est compliqué avec la dépression.
11:55 - Vous souffrez de ce qu'on appelle la dépression mélancolique, la forme la plus grave.
11:58 La même qu'Emmanuel Carrère, dont il avait parlé dans "Yoga"
12:01 et dont il nous a parlé à ce micro. On l'écoute.
12:04 - Ça a été une des expériences les plus cruelles de ma vie.
12:09 Toute personne qui a fait une dépression très lourde,
12:12 ce qu'on appelle presque techniquement, dans le vocabulaire de la psychiatrie, une dépression mélancolique.
12:18 Il y a des degrés comme ça même qui se sont indiqués.
12:22 On passe de souffrance morale intense à souffrance morale intolérable.
12:28 Je ne sais pas très bien ce qu'il y a au-delà.
12:30 Mais oui, ça a été quelques mois, voire quelques années particulièrement.
12:38 On a vraiment l'impression de tomber dans un puits sans fond.
12:43 - Exactement. C'est marrant, j'ai relu "Yoga" quand j'ai appris que j'étais atteint de dépression mélancolique.
12:48 Et j'ai contacté Emmanuel Carrère. Je lui ai écrit un mail.
12:51 L'objet était "Entre mélancolique, rencontrons-nous".
12:53 Et je l'ai vu, on a discuté plusieurs heures dans un café.
12:56 Ça m'a vraiment fait du bien d'avoir quelqu'un qui avait partagé cette expérience aussi.
12:59 - C'est une douleur terrible, vertigineuse.
13:02 - C'est très compliqué parce que c'est quelque chose qui s'apparente à de la paranoïa aussi.
13:06 On se met à avoir peur des autres, à avoir peur du monde,
13:09 à avoir l'impression que tout va s'arrêter.
13:12 C'est très particulier d'avoir cette sensation-là.
13:14 - Vous êtes toujours soigné, suivi aujourd'hui ?
13:16 - Toujours soigné, toujours suivi, c'est important.
13:18 Je suis en queue de dépression, donc je suis toujours dedans.
13:20 Mais c'est ce qui m'a rapproché de mon père et j'en parle dans le livre aussi.
13:23 Cette dépression, ça nous rapproche de la mort.
13:25 Évidemment, c'est des pulsions de mort. Il n'y a plus de pulsions de vie.
13:27 Il ne produit plus de sérotonine. Tout est à l'arrêt.
13:30 J'ai ressenti des choses que j'ai vues chez mon père
13:33 quand il a appris qu'il allait peut-être potentiellement bientôt mourir.
13:36 - Finalement, votre père va mieux. - Mon père va bien.
13:38 - Le livre, ça répare quelque chose ? Ça vous a soulagé de l'écrire ?
13:41 - Ça m'a soulagé. Ça m'a permis de dormir, déjà, premièrement, ce qui m'a fait du bien.
13:45 Ça a soulagé. Ce qui est fou, et j'en parlais encore ce matin en venant ici,
13:50 je croise des gens qui me disent "j'ai lu votre livre et ça m'a aidé".
13:52 Pour moi, c'est la plus grande des chances.
13:54 Ce qui me dépare, c'est que j'ai l'impression de pouvoir faire écho.
13:57 Et ça, ça me reconnecte au monde.
13:58 - Quel est le plus beau message que vous avez reçu depuis que le livre est sorti ?
14:01 - J'étais dans une autre émission hier et j'ai croisé un jeune homme devant qui me disait
14:07 "ça fait plusieurs années que j'ai l'impression d'être atteint d'une grosse dépression
14:10 et d'un seul coup, de lire votre livre, ça m'a donné des solutions".
14:14 Et ça, je trouve que c'est un des plus beaux messages.
14:16 - Vos parents, ils l'ont aimé, le livre ?
14:17 - Je ne sais pas s'ils l'ont aimé, ils l'ont lu. Je leur en ai parlé.
14:20 Je leur ai envoyé avant de le publier en disant "s'il y a quoi que ce soit qui vous dérange, dites-le moi".
14:23 Et ils ont compris que c'était un objet littéraire, en fait.
14:25 Ils ont compris que c'était un prisme, que c'était mon histoire que je racontais avec mes mots.
14:29 Et je crois que ça leur a fait du bien, je crois que ça nous a rapprochés.
14:31 - Panaïotis Pascot, la prochaine fois que tu mordras la poussière,
14:34 trois, quatre questions comme ça, impromptues, vous répondez sans réfléchir.
14:39 Les gens les plus drôles sont-ils les plus tristes ?
14:41 - Je crois que ça arrive souvent, malheureusement.
14:45 - La première chose que vous faites en vous levant le matin ?
14:48 - Je bois un café.
14:49 - Votre dernier message que vous avez envoyé ?
14:52 - C'était tout à l'heure pour demander si je devais avoir peur pour cette matinale.
14:55 - Et on vous a répondu oui, bien sûr.
14:57 Timothée Chalamet ou Ryan Gosling ?
14:59 - Timothée Chalamet.
15:00 - Qu'est-ce que vous avez de grec ?
15:02 - Que le prénom.
15:03 - Oscar Wilde disait "on commence par aimer ses parents, quand on grandit on les juge, parfois on leur pardonne".
15:09 Avez-vous pardonné à votre père ?
15:11 - Tellement, tellement. J'attends juste d'avoir assez de force pour faire un câlin.
15:16 - La prochaine fois que tu mordras la poussière, panayotis pasco, c'est chez Stock.
15:20 Très belle journée, ça va la matinale ? Vous n'avez pas eu trop peur ?
15:23 - Non, ça va tout va bien.
15:25 - Belle journée à vous.

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