Gaspard Proust face à Manuel Bompard : «Un village d'irréductibles Gaulois résiste encore à l'évidence»

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Chaque mardi, mercredi et jeudi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Gaspard Proust livre son regard sur l'actualité.
Retrouvez "Gaspard Proust - Les signatures d'Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/gaspard-proust-les-signatures-deurope-1

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00:00 - Bonjour Gaspard ! - Bonjour !
00:05 - Bon, dis-moi... - Qu'est-ce que c'est que ce jingle ?
00:07 - Il est un peu pouet-pouet, hein ? - Oui, c'est un peu...
00:09 - J'ai fait la remarque. - Oui, oui, au pays de... Enfin bref.
00:11 - J'imagine que vous avez vu passer l'info concernant les 10 millions d'euros donnés par Bernard Arnault au Resto du Cœur.
00:18 - Quel désastre ! Je crois que Bernard a perdu la baraka dans les affaires.
00:21 - Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
00:22 - Non mais quand t'as la réputation transformée en or, tout ce que tu touches,
00:25 et que tu commences à investir dans la restauration qui facture pas ses repas aux clients...
00:29 Pardon, mais c'est quoi son business model ? Je veux dire, à quel moment ça devient rentable ce truc ?
00:34 Il pense qu'en l'enfraud des boîtes de cassoulet et des paquets de pépito,
00:37 il va tirer une nouvelle clientèle pour ses sacs à main, et la dilution du bénéfice par action.
00:41 Il y pense un peu, Bernard ?
00:42 - Non mais les Restos du Cœur traversent de graves difficultés.
00:45 - Ah bah oui, tu m'étonnes. Quand tu distribues des repas gratuits, c'est normal d'avoir des problèmes de trésorerie.
00:49 Moi je veux bien que ce soit pas un 3 étoiles, quand même.
00:51 Quand tu vas acheter un panini ou une crêpe, t'es obligé de lâcher quelques euros.
00:54 - Bon, en tout cas, c'est peut-être pas pour les mêmes raisons,
00:56 que d'être aussi peu ravi du geste de Bernard Arnault qu'un certain nombre de gens à gauche.
01:00 - Ça c'est l'ironie de la convergence des luttes.
01:02 Je peux vous dire que si demain Assa Traoré commence à faire des manifs contre les radars fixes,
01:06 on va vite tenir la même banderole.
01:08 D'ailleurs, pour une fois qu'on se retrouve sur un sujet avec l'invité,
01:11 du coup moi ce matin je vais pas être taquin avec lui.
01:13 Je vais même aller plus loin, je vais essayer de me mettre à sa place.
01:16 - Vous allez essayer de vous mettre à la place de Manuel Bompard.
01:18 - Un moment, Dimitri, il faut passer par là, parce que si vous voulez faire avancer le vivre ensemble,
01:22 il faut essayer de comprendre les gens, plutôt que de les juger.
01:25 - Je crois que ça me fait pas du bien la canicule.
01:27 Mais bon, pour répondre à votre question, oui ce matin j'ai essayé de m'imaginer l'état d'esprit de notre invité quand il vient ici.
01:32 - Bon alors, racontez-nous.
01:33 - Alors, il faut l'imaginer quand il est en approche de notre immeuble.
01:36 - C'est-à-dire ?
01:37 - Il est là, il marche sur les quais de Seine avec son attaché de presse,
01:39 à un moment il s'arrête, il lève la tête, il voit notre immeuble, il se dit "Ah, là-dedans il y a Europe 1,
01:43 le JDD, CNews, c'est la tour du Mordor !
01:46 [musique]
01:49 Là je l'observais, je voyais bien que plus il approchait, plus le fardeau était lourd, il souffrait.
01:54 Frodo ! Frodo !
01:56 - Et comment ça vous le voyiez bien ?
01:57 - Ah bah je le suivais aux jumelles du bureau de la gardière.
02:00 - Vous le suiviez aux jumelles depuis le bureau du patron ?
02:02 - Bah je voyais sa souffrance et je débriefais au boss, je disais "Maître, il y a deux hobbits qui approchent,
02:06 qu'est-ce qu'on fait ? On leur baisse le pont-levis, on envoie direct Mabrouk à cheval sur un or ?
02:10 - Vous avez vu le boss ce matin ?
02:12 - Je l'ai vu, je l'ai vu, vous savez comment ça se passe quand vous êtes dans son bureau,
02:15 toujours de dos, sur son fauteuil, en train de caresser un chat avec un gant en fer,
02:19 et il m'a dit "Prudence bouffon, bon par le hobbit, il possède peut-être la capsule du pouvoir."
02:24 Et moi je dis "La capsule du pouvoir ?"
02:26 Oui, la capsule du pouvoir, c'est une capsule à café forgée par Hugo Chavez,
02:30 qui aurait été récupérée par Jean-Luc Mélenchon.
02:33 Il se murmure que celui qui viendrait la même dans une machine à café de n'importe quelle rédaction
02:37 transformerait instantanément tous les journalistes du bâtiment en zadistes et corresponsables aux cheveux bleus.
02:42 Bref, ce serait la fin de la civilisation.
02:44 - Et là vous pensez qu'il a la capsule dans l'une de ses poches ?
02:46 - Bah j'en sais rien, mais en tout cas si on lui apporte le café tout le temps, c'est qu'il a une raison, je veux dire.
02:50 Mais en tout cas je suis content qu'ils soient là, qu'on le reçoive, et qu'on ait baissé le pont-levis.
02:55 - Ah, pourquoi ?
02:56 - Parce que j'ai une histoire à lui raconter, en fait c'est une histoire, c'est un retour d'expérience,
02:59 parce que si j'ai bien compris, chez LFI, on croit beaucoup à l'éducation et à l'intelligence collective.
03:04 On est d'accord ? Bon, alors, donc j'aimerais en profiter...
03:07 - J'ai déjà parlé à la suite pour répondre à cette question.
03:09 - J'avais raison.
03:10 - Alors juste laisse-moi dérouler jusqu'au bout, parce que le tact de fin est quand même pas mal.
03:14 Mais pas sur vous, enfin bref.
03:16 Donc j'aimerais, je préfère prévenir aux auditeurs, c'est pas une histoire très drôle, mais elle a l'avantage d'être vraie.
03:20 Alors, il se trouve qu'au début des années 90, j'étais un lycéen en Algérie,
03:25 pays dans lequel j'ai vécu une bonne douzaine d'années.
03:27 Bon, petite particularité des années 90 en Algérie, c'est que nous étions en pleine ascension d'un parti
03:33 qui s'appelait alors le Front Islamique du Salut.
03:35 Alors je précise bien qu'en tant que Suisse, donc viscéralement neutre,
03:38 je n'ai aucun goût pour aller expliquer à un peuple souverain comment il doit vivre, pour qui il doit voter,
03:41 et que ma foi, si par une majorité des urnes, les Algériens souhaitaient une république islamique,
03:46 c'était leur droit le plus strict.
03:48 Ce qui était notable en revanche, c'est que le premier signe de cette montée du fils,
03:51 c'était qu'on voyait de plus en plus de femmes voilées dans la rue.
03:54 Alors attention, une nouvelle fois, c'est pas un jugement, c'est un simple constat.
03:57 Et bien sûr, jusque-là, on voyait des femmes voilées, après tout, dans un pays musulman, c'est normal,
04:01 l'islam, religion d'état en Algérie, c'est assez banal.
04:03 Mais il se trouve qu'on en voyait de plus en plus.
04:06 Et puis à un moment, comme le voile ne suffisait plus pour exprimer une dévotion croissante,
04:10 est apparu un truc qui a fait le buzz ici, la fameuse abaya.
04:13 Et je me souviens très bien que pour l'Algérien de la rue,
04:15 il y avait une certaine moquerie à l'égard de ce vêtement, puisque ces femmes étaient appelées les « saoudiennes ».
04:20 Manière de signifier que non seulement ce vêtement témoignait d'une pratique wahhabite,
04:23 assez rare dans le Maghreb, mais qu'en plus, il ne s'agissait pas d'une tradition vestimentaire locale.
04:28 Et puis après l'abaya, comme un upgrade en dévotion, est apparu un autre vêtement, la burqa,
04:33 gris devant les yeux, gants sur les mains.
04:35 Après la saoudienne, l'Algérien de rue découvrait l'afghan.
04:38 Et je dis tout cela, c'est vraiment comme un simple retour d'expérience,
04:41 un constat à vraiment dire dans ces pays que le premier signe d'une pratique rigoriste passe par le voile,
04:46 c'est d'une banalité, c'est comme dire que l'eau s'amouille ou que le feu s'abrule.
04:49 Alors, on pourrait croire assez naïvement que le monde entier serait pétri de cette évidence.
04:53 Le monde entier, non !
04:55 Car un village d'irréductibles gaulois résiste encore et toujours aux évidences.
04:59 Mais je ne juge pas, c'est ainsi, le village gaulois adore le débat.
05:03 Et plus il s'agit d'évidence, plus le village gaulois aime débattre.
05:07 Et moi j'ai envie de dire, le débat c'est bien.
05:09 Mais à un moment, il faut s'y prendre soin de la biodiversité.
05:12 - La biodiversité ?
05:13 - Oui Dimitri, on a le droit de déblatérer sur tout et n'importe quoi,
05:16 mais le poppers ne pouvait encore être administré aux mouches,
05:19 il faut avoir un peu de compassion pour le cul de ces dernières.
05:22 - Gaspard Faust.
05:24 - Merci.
05:25 - Manuel Poppard, vous voulez réagir à ce que vient de raconter Gaspard ?
05:29 - Non, enfin, le principe du débat, c'est qu'on ne commence pas en pensant que son point de vue est une évidence.
05:35 Sinon il n'y a plus de débat possible.
05:37 - 1 + 1 font 2.
05:39 - Précisément.
05:41 Il aurait peut-être fallu l'appliquer à la conclusion de cette chronique.
05:43 - Donc vous n'êtes pas d'accord.
05:45 - Non mais c'est pas grave, j'ai le droit de penser ce qu'il veut,
05:47 je suis resté avec l'idée que...
05:49 - Ah c'est pas de penser, c'est juste un constat.
05:51 Je dis c'est un retour d'expérience.
05:52 - C'est un point de vue ensuite que vous avez exprimé,
05:54 mais vous avez le droit de l'exprimer, mais vous l'avez entendu, je ne le partage pas.
05:56 - Bon, merci beaucoup Manuel Pompard, en tout cas d'être venu au micro d'Europe 1 ce matin.
06:00 - Merci à vous.
06:01 - Bonne journée à vous, merci Sonia.

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