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00:00 Mais d'où vient cet engouement pour ce genre de musique qui cumule des millions de vues sur internet ?
00:03 Oui, vous avez reconnu "Happy" de Pharrell Williams dans une version ralentie avec des effets de réverbération.
00:15 Autre exemple avec MGMT.
00:16 La réponse tient en 4 lettres, "Low-fi" ou "Low-fi".
00:23 Abréviation de "Low-fidelity", le contraire de "High-fidelity".
00:27 Comme la chaîne IFI que vos parents avaient si vous avez plus de 25 ans.
00:30 Le "Low-fi", c'est une qualité de son volontairement dégradée qui évoque tout de suite un sentiment de nostalgie et d'intimité.
00:36 Des chaînes sur YouTube comme la "Low-fi Girl" arrivent à rassembler des millions d'auditeurs avec ce type de playlist.
00:41 Et tout le monde s'y met.
00:41 La chaîne officielle de Star Wars a sa playlist "Low-fi", et même le Parti conservateur britannique.
00:46 Tout le numérique a été contaminé par le "Low-fi".
00:49 Sauf que le "Low-fi", ça existait bien avant internet, et à l'origine ça sonnait plutôt comme ça.
00:53 "Take another ride to see me, oh"
00:57 L'idée que le "Low-fi" est plus authentique, plus réel, plus chaude, plus appuyant pour un mot.
01:03 Et que ce n'est pas un son propre et poli.
01:07 Ce que vous entendez, c'est quelqu'un des salles de chambre ou de garage, et c'est vraiment réel.
01:12 A l'origine, le "Low-fi", c'est d'abord une sonorité primitive, due aux conditions d'enregistrement rudimentaires.
01:17 Dès les débuts de l'enregistrement sonore, on parle de "E.FI",
01:20 et donc assez vite, les amateurs et les industriels parlent de "Low-fi",
01:24 donc le marketing sur la notion "E.FI", "Low-fi", ça commence dans les années 50.
01:27 Certains groupes de folk font de cette mauvaise qualité leur marque de fabrique après la Seconde Guerre mondiale,
01:32 comme les "New Lost City Ramblers", qui reprennent en 1958 des chansons de la Grande Dépression et d'Avant-Guerre,
01:37 soit des chansons qui ont déjà plus de 30 ans à leur époque, et donc il faut que ça sonne primitif.
01:41 "We could all have fun in a better home, bro"
01:46 Ils pensaient que la mauvaise qualité de son écrit était appropriée,
01:49 parce que ça faisait sembler que c'était de la musique de pays vieille.
01:52 Voilà, ce sont peut-être les premiers groupes "Low-fi" de l'histoire.
01:55 Les premiers à utiliser une qualité de son volontairement dégradée dans une démarche esthétique.
01:59 Tout le reste sera une série d'expérimentations musicales folk et rock, hors des circuits commerciaux.
02:05 En 1967, le Velvet Underground mené par Lou Reed enregistre "Sister Ray",
02:09 une chanson en improvisation de 17 minutes, faite de distorsions et de guitares saturées.
02:14 "I'm a girl, I'm a girl"
02:16 D'autres artistes ouvrent la voie, comme Bob Dylan et ses "Basement Tapes".
02:20 "All for him, stay"
02:22 Il fait tous ces tapes dans cette maison avec des membres de la bande, comme ils s'appelaient.
02:28 Et puis ils sont sortis sur "Bootleg".
02:31 Mais les gens aiment la mauvaise qualité de l'album,
02:33 parce que ça fait sembler qu'ils ont été secrètement obtenus.
02:37 Le "Low-fi", c'est aussi une histoire de musique enregistrée avec des contraintes financières et matérielles,
02:41 dans un esprit "Do it yourself", comme R.C.V. Moore,
02:44 l'homme aux plus de 400 albums quasiment tous enregistrés chez lui.
02:47 "Don't think about, about, show me about"
02:51 Au cours des années 1980, il y a eu beaucoup d'albums qui ont émergé qui étaient très différents
02:57 des standards de perfection technique et technologique,
03:04 comme Daniel Johnston, un exemple célèbre, quelqu'un qui a fait des tapes à ce moment-là,
03:09 Jan Deck, une bande appelée "Half Japanese", une bande appelée "Beat Happening",
03:14 qui étaient très enfantinés et considérés comme très "low-fi" et primitifs.
03:19 De nombreux artistes de rock alternatif se mettent au "low-fi"
03:22 Pavement, Sebado, Guided by Voices, Oubek.
03:25 Il y a un "low-fi" à chaque fois qu'on cherche un retour aux sources, un retour aux origines.
03:29 Des magazines comme Rolling Stone vont se mettre à parler de "low-fi" pour tout un tas de groupes.
03:33 Il y a un journaliste qui s'appelle Simon Reynolds qui montre que c'est une réaction contre la standardisation du grunge,
03:38 et le fait que le grunge a un son de plus en plus lisse.
03:41 On va parler de "low-fi" pour insister sur une forme de rudesse, de brutalité du son
03:47 qui est toujours en lutte contre la standardisation permanente des techniques d'enregistrement.
03:51 Les clips de musique "low-fi" passent par toute une esthétique visuelle qui vient du cinéma expérimental,
03:56 et qui joue sur les effets de pellicules analogiques ou sur le grain de l'image.
04:00 A partir des années 2000, le "low-fi" se met au hip-hop avec des pionniers comme Jay Dilla.
04:04 *Musique*
04:08 Là aussi, il s'agit un peu de revenir aux sources du hip-hop en réaction à un rap commercial produit dans des gros studios.
04:14 Le "low-fi" hip-hop utilise pas mal de techniques sonores qui sont des techniques sonores traditionnellement "low-fi".
04:21 Par exemple, la basse résolution des pieds, des kicks dans les rythmiques,
04:27 l'effet "whoa and flutter" qui fait trembler la bande magnétique.
04:30 *Musique*
04:32 Mais en fait, ça va pas tellement ressortir, c'est plutôt la monotonie et un son général d'ensemble.
04:37 Un son en fait assez peu dynamique, d'assez faible ampleur.
04:41 Avec l'essor de YouTube et l'apparition de nouveaux logiciels de montage plus simples,
04:45 et des effets comme le "slow and muffled",
04:47 la musique paraît ralentie et étouffée comme si elle émanait d'un club devant lequel vous faites la queue.
04:52 Une culture du montage et du remix accessible à tous qui permet de décomposer la musique,
04:57 de la passer à la loupe, mais aussi de se la réapproprier,
05:00 en décidant d'accélérer ou de ralentir le rythme.
05:03 Avant même les chaînes "low-fi hip-hop" sur YouTube,
05:05 il y avait une espèce de communauté internationale, une sorte de subculture autour de la chaîne "Adult Swim",
05:11 qui est une chaîne qui avait été lancée en 2001 par la Warner,
05:15 et qui diffusait des animés, et qui avait ces espèces de petites interludes hip-hop entre les programmes.
05:20 *Musique*
05:24 Donc ça, c'est une influence majeure.
05:25 La cohabitation en fait sur les plateformes,
05:27 une forme de culture de l'évasion générationnelle qui pouvait aller aussi bien du côté des animés
05:32 que du côté de la "vaporwave", des références des années 80,
05:36 tout ça s'est mis à cohabiter et à créer cette espèce de culture un peu syncrétique qu'on retrouve dans le "low-fi hip-hop".
05:43 *Musique*
05:45 Ce type de musique d'ambiance a connu beaucoup de succès avec le Covid et les confinements, c'est normal.
05:50 Tout est fait pour créer une ambiance cosy, intime, tournée vers l'introspection,
05:54 avec ces visuels tirés des dessins animés japonais des studios Ghibli.
05:57 *Musique*
06:01 Des études affirment même que ces sonorités aideraient à augmenter la concentration et à réduire le stress,
06:06 un peu comme un bruit blanc.
06:07 Mais si ce type de musique cartonne sur internet, c'est aussi parce qu'elle est pensée pour les algorithmes des plateformes.
06:12 En fait, c'est assez adapté à l'écoute en continu que permet YouTube avec la fonction mix,
06:17 et ensuite à une nouvelle fonction que développe YouTube pour écouter en direct,
06:22 et pour diffuser la vidéo en direct.
06:24 La chaîne "Chilco" va exploser en proposant un flux continu,
06:27 et c'est à ce moment là qu'on la voit vraiment rester en page d'accueil.
06:30 Et si le "low-fi", qu'il soit folk, rock ou hip-hop,
06:33 c'était surtout d'abord une histoire de nostalgie vers une époque fantasmée.
06:36 Les gens associent l'analogue avec le réel et la vie réelle,
06:39 et le passé, et ils associent le digital avec le faux, difficile et peut-être inquiétant.
06:45 Mais je pense qu'il y a quelque chose à dire en regardant l'analogue à travers le fenêtre digital.
06:51 Et de tenter de récupérer ce genre de choses, et les sons de l'enfance aussi.
06:56 [Musique]