Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h
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00:00 Bonsoir à toutes et à tous, soyez les bienvenus sur CNews, vous êtes bien en face à l'info
00:05 été. Il est 19h, l'heure de faire le point sur les principales informations de la journée,
00:09 c'est avec féliciter Kindoky. Bonsoir, féliciter. Bonsoir Célia, bonsoir à tous.
00:14 À la ligne de l'actualité, la CRS 8 déployée à Marseille aujourd'hui, l'unité spécialisée
00:19 dans la lutte contre les violences urbaines a été réquisitionnée par Gérald Darmanin
00:23 pour lutter contre le trafic de stupéfiants sur les points de deal de la cité phocéenne.
00:27 Et à peine arrivée, une première opération a déjà eu lieu dans la cité des Oliviers.
00:31 Bilan, une arme à feu de type Colt 45 trouvé, les actions se poursuivent.
00:36 À la une également, ce terrible incendie qui s'est déclaré ce matin, peu avant 10h,
00:42 dans un immeuble d'habitation à l'île Saint-Denis, près de Paris. Le bilan est lourd, trois
00:45 morts dont deux adolescents. Une jeune fille de 13 ans s'est défenestrée pour échapper
00:50 aux flammes. 19 blessés sont en urgence relative dont deux pompiers. Une cinquantaine de logements
00:55 ont été impactés. Pour l'heure, l'origine de l'incendie est inconnue, mais une enquête
00:58 a été ouverte.
00:59 Enfin, pour finir, le nouveau livre de Nicolas Sarkozy est sorti aujourd'hui, avec quatre
01:06 jours d'avance. Alors que l'ouvrage Le temps des combats ne devait initialement sortir
01:10 que le 22 août, la maison d'édition Fayard a changé d'avis. Une oeuvre qui s'annonce
01:14 déjà comme un prochain best-seller si l'on se fie à l'engouement des Français pour
01:18 les livres politiques.
01:19 Voilà, je vous retrouve dans une heure pour un point sur l'information.
01:23 Merci beaucoup Félicity. Et pour m'accompagner ce soir, je vous présente mes trois éditorialistes.
01:28 Alexandre Devecchio, journaliste au Figaro, bonsoir.
01:31 Bonsoir.
01:32 Régis Le Saumier, directeur de la rédaction, Omer, ta bonsoir.
01:34 Bonsoir Célia.
01:35 Et Jonathan Cixous, journaliste à Causer, bonsoir.
01:37 Bonsoir Célia.
01:38 Au sommaire de cette émission, le décès de Jean-Louis Georgelin, l'ancien chef d'état
01:42 major des armées, nous a quittés hier à l'âge de 74 ans dans un accident de randonnée
01:47 dans les Pyrénées. Nous reviendrons avec Régis Le Saumier sur sa vie et particulièrement
01:51 sur son rôle en Afghanistan lors de l'embuscade d'Ousbine.
01:54 Jonathan Cixous, et quant à lui pencher sur la surpopulation carcérale, on compte désormais
01:59 74 513 détenus pour seulement 60 666 places de prison en France. Notre pays bat pour
02:06 la sixième fois en quelques mois son nombre record de détenus. Nous parlerons ensemble
02:10 des conditions de détention et des solutions qui sont proposées face à cette situation.
02:14 Et enfin, après nous avoir parlé de Barbie, Alexandre Devecchio reviendra sur le succès
02:21 du film Oppenheimer et la peur du nucléaire qui en découle. Analyse du film de Christopher
02:25 Nolan à suivre.
02:26 Un programme varié et des opinions bien tranchées, c'est ce qui vous attend dans Face à l'Info
02:31 été. On est ensemble jusqu'à 20h. C'est parti.
02:35 *Générique*
02:47 Et nous avons appris cette triste nouvelle ce matin. Le général Georges Lain est mort.
02:51 Son corps a été retrouvé dans les Pyrénées, dans la montagne, où il était parti en randonnée.
02:56 On se souvient de lui comme chef d'état-major des armées françaises, grand chancelier de
03:00 la Légion d'honneur, mais aussi comme président de l'établissement public chargé du chantier
03:04 de Notre-Dame de Paris. Régis Lesaumier, vous vouliez nous en parler ce soir.
03:08 Oui, alors vous avez évoqué Notre-Dame de Paris qui est en fait la dernière partie
03:12 de la carrière du général Georges Lain. On l'avait même surnommé Monsieur Notre-Dame
03:16 pour l'ardeur qu'il avait mis. Et puis un petit peu, ça correspondait en fait, le fait
03:22 d'être au chevet de la cathédrale pour lui qui était un très grand croyant. C'était
03:29 quelque chose, c'était presque comme un signe du destin dans la dernière partie de
03:33 sa carrière, puisqu'il l'avait déjà eu avant, vous l'avez souligné, ça a d'abord
03:37 été un grand soldat, puis ensuite un général et ensuite le grand chancelier de la Légion
03:43 d'honneur. Ils étaient donc véritablement pris de passion pour cette tâche. Alors qu'est-ce
03:49 qu'on sait sur ce qui s'est passé ? On sait que le peloton de gendarmerie de Haute-Montagne
03:55 est intervenu. Il s'agit des pentes du mont Vallier, donc dans les Pyrénées, et donc
04:01 ils ont retrouvé le cadavre d'un homme qui a été formellement identifié comme étant
04:05 le général Georges Lain. Le mont Vallier, c'est dans les Pyrénées, à Riégeois, c'était
04:11 un peu son paradis, c'était chez lui quoi en fait. Il adorait la randonnée, c'était
04:17 vraiment sa grande, grande passion. La piste accidentelle est privilégiée. Il aurait
04:23 fait une chute au col de Faustin qui est situé à 2650 mètres d'altitude. C'est le responsable
04:35 du refuge qui était à côté qui a indiqué qu'un randonneur n'était pas rentré. Donc
04:39 il avait l'habitude de randonner à cet endroit. Alors Jean-Louis Georges Lain fut d'abord
04:44 un grand soldat, un général, puis le chef d'état-major des armées françaises sous
04:49 Nicolas Sarkozy. Oui, alors j'ai appelé certaines personnes qui ont servi sous ses
04:53 ordres et qui se souviennent qu'il avait, ce qu'on peut dire, un sacré caractère et
04:59 qu'il ne fallait surtout pas, l'un d'eux m'a dit, faire preuve de faiblesse devant
05:03 lui. Il fallait lui répondre avec argument et fermeté également. Il respectait celui
05:09 qui lui tenait tête et était capable d'argumenter. Par contre, donc il était bon joueur, il
05:14 savait perdre avec élégance, mais il se montrait absolument intraitable avec les joueurs
05:18 imprudents. Donc il fallait avoir bossé ses dossiers. Je dirais que sa mort, elle est
05:24 symbolique de la disparition d'un certain type de généraux aussi, de généraux à
05:29 l'ancienne, de généraux sur lesquels ça badine pas. Il y a l'autorité. Et en même
05:34 temps, l'armée est une maison ancienne, il est compliqué avec ses codes. Il faut savoir
05:40 à la fois agir avec fermeté, diplomatie, courage et savoir doser quand on le fait.
05:46 Il y a pas mal de choses trap. Il y a beaucoup de généraux très prometteurs dont la carrière
05:51 a été écourtée. Lui, il a réussi quand même à monter très très haut.
05:55 Mais surtout, lorsqu'un gros problème vous tombe dessus, c'est là où on reconnaît
05:59 les chefs.
06:00 Oui, alors je l'ai évoqué, vous l'avez évoqué tout de suite. Je vais revenir dessus
06:05 un petit peu. Je vais m'attarder sur cet épisode. C'est la fameuse embuscade d'Husbin
06:10 dont on a célébré hier le triste anniversaire. C'était il y a 13 ans. D'ailleurs, il
06:16 décède le jour anniversaire de cette embuscade. 10 soldats français avaient été tués et
06:23 20 blessés dans une vallée qui est située en Afghanistan, dans le district de Surobi.
06:28 Alors le district de Surobi, c'est à l'est de Kaboul. C'est en gros la route qui mène
06:33 depuis Kaboul jusqu'au Pakistan. C'est une route qui, à cette époque, en 2008,
06:39 était l'objet de contestations et d'embuscades constantes de la part des talibans parce qu'il
06:45 y avait tout le flot du ravitaillement pour la capitale afghane qui passait là. Les français
06:48 s'étaient occupés de la zone et puis elle avait été donnée aux italiens. Donc il
06:54 y avait les militaires italiens qui avaient fait une sorte de modus vivendi avec les chefs
06:58 de guerre locaux et notamment les talibans. Il y avait une sorte de… Les italiens ayant
07:03 perdu un homme, ne s'étaient pas aventurés beaucoup plus hors de leur base. On les a
07:09 accusés d'avoir acheté la paix aussi, mais ça n'a jamais été fondé. Ce qui
07:14 fait que quand les français arrivent dans cette zone, ils veulent voir les choses différemment
07:22 et ils veulent faire ce qui s'appelle un repérage. Ils font un premier repérage autour
07:29 du 15 août 2008 et là ils tombent sur des villageois qui leur disent, dans la première
07:35 reconnaissance, de ne pas aller plus loin parce que là c'est le territoire des talibans
07:40 et c'est un groupe de talibans particulièrement dur. Ce sont des hommes dévoués aux chefs
07:45 de guerre talibans qui s'appellent Ghulbuddin Ekhmatyar, qui a combattu déjà le djihad
07:50 à l'époque du commandant Massoud. Et les gens d'Ekhmatyar se souviennent des français
07:54 comme des alliés de Massoud. Donc ça c'est pas très très bon en termes de pactiser.
08:00 Et en fait ce qui se passe c'est que la colonne française s'avance, il part faire… Il
08:07 y a à peu près une centaine de soldats français, il y a des forces spéciales, même des forces
08:12 spéciales américaines qui sont avec eux, il y a des afghans et face à eux il y a 141
08:17 sur G qui connaissent parfaitement la région. Les français montent à flanc de colline et
08:22 les talibans les cueillent en haut. Tout va… Et c'est là où c'est très difficile
08:30 pour un chef d'état-major comme pour la hiérarchie militaire d'avoir à affronter.
08:34 Il n'y a pas eu de reconnaissance par hélicoptère, la force de réaction rapide arrivera seulement
08:40 une heure et vingt minutes après. Bref c'est un véritable couac et dix soldats, on relève
08:46 dix soldats morts et la France de l'époque se retrouve, découvre qu'elle est en guerre
08:53 en Afghanistan. Nicolas Sarkozy se rend à Kaboul pour honorer la mémoire et on reproche
08:59 surtout au commandement d'avoir envoyé ces soldats avec trop peu d'entraînement
09:03 et d'équipement dans un piège afghan. Alors ce qui est intéressant si je raconte
09:07 tout ça c'est que moi j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le général Jean Jolin
09:12 à l'occasion d'un dîner à l'exposition universelle de Milan en 2015. Il avait déjà
09:16 un rôle dans cette exposition qui visait à faire rayonner la France et il n'a jamais
09:23 démordu du fait de l'action des français. D'ailleurs l'action des français en Afghanistan
09:27 on ne peut pas dire qu'elle a été exemplaire. Elle a été exemplaire même par rapport
09:32 au comportement de certains de nos alliés et ça il tenait à le rappeler. Donc c'était
09:37 un farouche défenseur de la France. Il n'a pas dit qu'il n'y avait pas d'erreur et à
09:41 la suite d'ailleurs d'Husbin il a mis l'accent sur l'équipement des soldats en Afghanistan.
09:47 Dans un entretien aux parisiens en 2008, il expliquait en 2009 pardon à l'occasion du
09:54 défi du 14 juillet, il expliquait que plus de 104 millions d'euros d'équipement et de
09:59 protection individuelle, gilets pare-balles, protection visuelle et auditive, avaient été
10:03 fournis aux troupes françaises et qu'on avait fait un effort conséquent dans le domaine
10:08 du renseignement. En fait ce qu'on voit en filigrane c'est que sans le dire effectivement
10:12 on cherchait à réparer les carences d'Husbin et à rendre notre armée plus adaptée à
10:17 ce type de combat. Les critiques avaient fusé et donc sur le général Georges Lain on peut
10:24 dire "à tenue bon".
10:25 Et les hommages sont unanimes, aujourd'hui on a vu plusieurs hommages sur les réseaux
10:30 sociaux aussi et notamment.
10:32 Oui alors d'abord le président Macron qui dit avec le décès, c'est lui qui l'avait
10:37 nommé à Notre-Dame pour réparer la cathédrale, enfin pour prendre en charge le chantier,
10:43 il dit "avec le décès du général Jean-Louis Georges Lain, la nation perd un de ses plus
10:49 grands soldats, la France un de ses plus grands serviteurs et Notre-Dame le maître d'oeuvre
10:54 de sa renaissance".
10:56 Bon après les éloges, il y en a de tous les bords, j'ai noté quand même que côté
11:02 France Insoumise on ne s'est pas précipité, j'ai eu beau parcourir le compte X de Jean-Louis
11:08 Mélenchon je n'ai rien trouvé mais bon c'était…
11:11 On s'est préoccupé avec un autre personnage du monde médine.
11:15 Voilà c'est de bonne guerre.
11:16 Alors par contre d'Éric Ciotti à Anne Hidalgo en passant par la ministre de la culture
11:21 Rima Abdul-Malak, ce ne sont que des éloges, Anne Hidalgo dit "ils avaient su créer"
11:25 parce que voilà eux ils ont travaillé à Notre-Dame sur la renaissance de Notre-Dame,
11:29 "ils avaient su créer les conditions humaines et d'organisation pour mener à bien la
11:33 reconstruction de Notre-Dame.
11:35 Ils se plaisaient à dire qu'ils n'étaient rien sans le talent de toutes les femmes et
11:38 tous les hommes mobilisés dans ce chantier unique, l'œuvre d'une vie" et Anne Hidalgo
11:45 conclut "respect et reconnaissance".
11:46 Et Rima Abdul-Malak dit "depuis quatre ans il s'était voué à son ultime mission
11:54 de combat".
11:55 C'est comme ça qu'il avouait la reconstruction de Notre-Dame de Paris, nous lui devons tant.
11:59 Alors lorsqu'il avait été chargé du chantier il déclarait "je vais me battre pour gagner
12:05 cette bataille et ouvrir la cathédrale au culte en 2024".
12:10 Les deux passions de la vie de ce très grand croyant c'était la cathédrale et la randonnée
12:15 et là la seconde l'aura privée de voir le 8 décembre 2024 la cathédrale rouvrir ses
12:21 portes.
12:22 Il avait aussi par rapport à Notre-Dame une relation particulière, c'était un très
12:30 grand mélomane.
12:31 Il adorait par exemple la musique d'orgue, il disait qu'il avait été au contact de
12:38 cette musique à l'âge de 10 ans lors d'un concert donné dans la chapelle Saint-Louis
12:43 du prétané militaire de la Flèche dans la Sartre et le soir de l'incendie le général
12:48 avouait avoir tremblé d'abord pour ses rosaces et pour l'instrument.
12:52 Il explique que sans ces orgues Notre-Dame serait morte.
12:56 Donc en 2024 le 16 avril il y aura un "Té des Hommes" hymne des fêtes et des triomphes
13:03 qui résonnera dans Notre-Dame enfin rendue au culte.
13:06 Je terminerai cette évocation de Jean Jelin par une citation.
13:15 Il a dit à une amie journaliste qui s'appelle Anne-Cécile Baudoin qui travaille pour Paris
13:23 Match, qui a suivi avec lui la reconstruction de Notre-Dame, il lui a dit une chose très
13:31 étonnante.
13:32 Il dit "de tous les gens que j'ai rencontrés et par rapport à ce qui vient de lui arriver,
13:37 vous allez voir, de tous les gens que j'ai rencontrés dans ma carrière, ils connaissent
13:41 la fin de la mort du loup d'Alfred de Vigny.
13:44 Elle m'aura habité toute ma vie.
13:47 La voilà, il cite les vers de Vigny, "gémir, pleurer, prier est également lâche.
13:53 Faire énergiquement ta longue et lourde tâche dans la voie où le sort a voulu t'appeler
14:01 et puis après, comme moi, souffre et meurt sans parler."
14:05 Je trouve que par rapport à cette ultime rando, c'est quelque chose d'assez étonnant
14:12 ces paroles.
14:13 Merci beaucoup Régis Lassommier pour ces secrets et puis cet hommage rendu à Jean-Louis
14:19 et Jean Jelin.
14:20 Un mot peut-être Alexandre Devecchio sur cette disparition d'un grand homme de l'histoire
14:25 de France ?
14:26 Oui, il n'aura malheureusement pas vu Notre-Dame totalement reconstruite.
14:32 C'est la tristesse peut-être de cette histoire.
14:35 Mais il disait "la France ne peut pas perdre Notre-Dame, c'est son âme".
14:39 C'était je trouve une très belle phrase.
14:42 Il s'est battu pour l'âme de la France.
14:45 Donc paix à son âme à lui aujourd'hui.
14:47 Jonathan Cixous sur ce drame ?
14:49 Je m'associe effectivement à ce qui vient d'être dit.
14:52 Je trouve la formule d'Emmanuel Macron très juste, très ramassée et efficace en la matière.
14:59 C'est vrai que c'est aussi une figure d'une certaine France tradie, grande gueule, qui
15:04 ne mâche pas ses mots.
15:05 Une époque.
15:06 Et toute une époque, une génération qui s'en va avec lui.
15:10 Il est amusant d'entendre l'hommage d'Anne Hidalgo le concernant quand on sait toutes
15:15 les embrouilles que l'Hôtel de Ville ménage depuis 2019 et ce funeste incendie.
15:20 Merci beaucoup Monsieur pour vos témoignages.
15:25 On va se tourner maintenant sur la surpopulation carcérale puisque le 1er juillet, la France
15:32 a battu un triste record en comptant 74 513 détenus pour seulement 60 666 places de prison.
15:39 La question de la surpopulation carcérale n'est pas nouvelle.
15:43 Mais ce qui vous interpelle Jonathan Cixous, ce sont ses conséquences, les conditions
15:47 de détention des détenus.
15:48 Oui, ces conditions, effectivement, elles sont bien souvent déplorables et parfois
15:53 elles sont franchement scandaleuses.
15:54 Pour preuve, une enquête publiée hier dans La Croix qui met en avant, qui pointe et qui
16:00 tire vraiment la sonnette d'alarme concernant la prison de Perpignan.
16:04 Cette prison de 132 places accueille 321 détenus, soit un taux d'occupation de 230%.
16:12 C'est quasiment inconcevable.
16:14 Et malheureusement, cette prison de Perpignan n'est pas un cas isolé parce qu'il y a en
16:18 France quelques huit établissements dont le taux d'occupation dépasse lui aussi les
16:22 200%.
16:23 Et on ne compte même pas les prisons qui ont un taux d'occupation qui dépasse aussi
16:27 les 100%.
16:28 A Perpignan, les détenus, comme malheureusement ailleurs, sont à trois dans des cellules
16:33 de 9 mètres carrés, c'est à dire deux sur un lit superposé, un sur un matelas qui
16:39 déroule le soir pour dormir, bien souvent même la tête juste à côté des toilettes.
16:45 Vous imaginez l'hygiène.
16:46 Le 1er juillet, on a recensé en France 2478 détenus qui dorment sur un matelas chaque
16:52 soir.
16:53 C'est une situation qui est totalement aberrante et intolérable.
16:56 D'autant que ces détenus sont, dans la plupart des cas, enfermés à trois dans 9 mètres
17:00 carrés de 20 à 22 heures par jour.
17:03 Et paraît-il, dans le sud, il est fréquent, surtout en ce moment, que dans les cellules,
17:07 la température dépasse les 50 degrés.
17:10 Ce sont vraiment des salles de torture, je n'ai pas d'autres mots à prononcer.
17:14 Et puis en plus à Perpignan, que se passe-t-il ? Nous apprends la croix.
17:17 Il y a une véritable invasion, épidémie de punaises de lit.
17:23 C'est un vrai fléau.
17:24 Un membre de l'Observatoire international des prisons a signalé d'ailleurs le mois
17:30 dernier un détenu à Perpignan qui avait les jambes en sang à cause de ces punaises,
17:36 à tel point qu'il devait chaque jour quasiment laver les draps de son lit.
17:40 Et vous imaginez dans quelles conditions il pouvait le faire ? Parce qu'il n'y a évidemment
17:43 pas toujours un service blanchisserie à tous les étages.
17:45 Également, cette situation pointée par deux associations qui ont saisi le tribunal administratif
17:53 de Montpellier, c'était cette semaine.
17:55 La réponse du tribunal va être rendue d'ici le début de la semaine prochaine, dans quelques
17:59 jours.
18:00 Que demandent ces assos ? Elles demandent que, c'est vous dire l'état où on en est
18:03 à Perpignan, que soit suspendue toute nouvelle entrée dans la prison de Perpignan pour lancer
18:11 une campagne de désinfection.
18:12 Mais la prison répond que même si elle avait les moyens financiers, elle n'a pas les moyens
18:17 matériels parce qu'il faudrait pour lancer un traitement anti-punaises dans chaque cellule,
18:21 déménager toutes les cellules et évidemment déplacer tous leurs occupants dans d'autres
18:26 prisons elles-mêmes surpeuplées.
18:27 Pourtant, ces conditions indignes sont régulièrement dénoncées par les associations.
18:32 Par les associations et même par des organes tout à fait officiels.
18:36 Je pense au contrôleur général des lieux de privation et de liberté.
18:39 Depuis 2020, c'est une femme, elle s'appelle Dominique Simono, c'est une ancienne journaliste
18:44 judiciaire.
18:45 Elle a été longtemps à Libération, elle a ensuite été à la rédaction du Canard
18:50 Enchaîné et comme ses prédécesseurs, Dominique Simono dénonce rapport après rapport ces
18:55 conditions de détention.
18:56 Elle est d'ailleurs allée à Perpignan il y a quelques semaines et elle a pointé des
19:00 conditions, je cite, attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes
19:06 détenues.
19:07 Une précision tout de même, cette surpopulation épouvantable, elle est courante dans les
19:11 maisons d'arrêt.
19:12 Les maisons d'arrêt, c'est là où sont enfermées les personnes qui ont une courte
19:17 peine ou qui attendent leur procès de la détention provisoire.
19:22 En revanche, dans ce qu'on appelle les maisons d'arrêt, c'est là où se déroulent les
19:25 longues peines.
19:26 La situation est entre guillemets normale parce qu'il y a un détenu par cellule.
19:30 S'il y a d'un côté ces situations inadmissibles et franchement inhumaines et qu'il faut
19:36 donc dénoncer, il y a les conditions de détention en général et elles ont toujours été très
19:41 sensibles.
19:42 Et en vous disant ça, je pense à un cycle de conférences de Robert Badinter que j'avais
19:46 suivi il y a quelques années sur la prison.
19:48 Robert Badinter, sur plusieurs jours, avait invité des philosophes, des architectes pour
19:53 réfléchir à ce qu'est la détention et comment concevoir une détention digne.
19:58 Et Robert Badinter avait rappelé qu'en 1985, quand il était garde des Sceaux, il avait
20:03 fait passer une circulaire pour que les prisonniers aient la télé dans leurs cellules.
20:07 Ça avait suscité un tollé à travers le pays.
20:11 La prison c'est un hôtel 5 étoiles, c'est quoi ce truc de luxe etc.
20:14 Pourquoi ? Parce qu'en 1985, aucun foyer français dans son ensemble n'avait un poste
20:22 de télévision.
20:23 Pas en que c'était plus tout à fait un produit d'extrême luxe, mais c'était
20:27 pas à la portée de tout le monde.
20:28 Et quel constat quasi philosophique s'était alors imposé ? Les conditions de vie d'un
20:34 détenu en prison ne peuvent pas être supérieures aux conditions de vie du plus pauvre de l'honnête
20:40 citoyen.
20:41 Mais là je vous dis ça, je me rends compte que je m'éloigne un peu de mon sujet initial.
20:45 Avant d'aborder les solutions qui sont proposées pour de meilleures conditions de détention,
20:50 un mot Régis Le Sommier, est-ce que la France est la dernière en matière d'incarcération
20:56 par rapport aux autres pays ? Vous connaissez la situation internationale de beaucoup de
21:00 pays.
21:01 Est-ce que les conditions de détention sont quand même à revoir ?
21:04 Je dirais que j'ai eu la chance dans ma carrière de journaliste de faire un sujet
21:10 en immersion à la maison d'arrêt de Nanterre, à peu près autour des années 1999-2000.
21:17 Il y avait déjà ce problème de surpopulation carcérale et encore cette maison d'arrêt
21:23 de Nanterre était relativement moderne.
21:26 C'était un établissement récent.
21:28 Je sais qu'à Lyon, je m'étais beaucoup intéressé aux prisons à l'époque, il y
21:32 avait la prison de Saint-Paul qui était un cloaque tel que vous l'avez décrit et qui
21:37 avait fini par être évacuée et les prisonniers remis dans une autre maison d'arrêt.
21:42 Il y a toujours eu ce problème de nombre.
21:45 Les problèmes en fait des prisons françaises existent depuis longtemps.
21:50 Maintenant, si on compare par rapport à d'autres pays ou d'autres prisons que j'ai pu voir
21:55 dans des pays comme notamment en Irak, je me souviens des centres de détention gérés
22:00 par les Américains par exemple pendant la guerre en Irak.
22:03 Toutes proportions gardées mais ça ne doit pas être ça notre objectif.
22:09 En France, on a des prisonniers mais on doit pas avoir, je crois qu'on atteint plus de
22:15 80 000 là.
22:16 74 000 et quelques.
22:18 Voilà et le problème principal me semble-t-il politiquement, ce sont les promesses non tenues
22:24 d'Emmanuel Macron qui en est à son deuxième quinquennat.
22:27 On nous dit oui il y a 15 000 places de prison et en fait je crois qu'il n'y en a même
22:31 pas 5 000 qui ont été construites.
22:34 Après, il y a d'autres problèmes pour les nouveaux centres, c'est-à-dire que les placés
22:38 à côté de certaines agglomérations posent problème pour les rivains même si quelque
22:43 part techniquement comme c'est des centres ultra modernes, il y a très peu de prisonniers
22:47 qui risquent de s'échapper.
22:48 On avait vu quand même notamment sur CNews un sujet où les riverains se plaignaient
22:54 de nuisances sonores, il y avait des passations de colis au-dessus des murets.
22:58 C'est le cas à la santé, en plein Paris vous avez ce problème là actuellement.
23:01 Bien sûr, dans tout problème il y a toujours des projections, il y a toujours des choses
23:06 qui arrivent et il y a toujours un environnement autour et puis il y a les familles et puis
23:10 il y a des personnes qui vont parloir aussi donc ça, ça peut provoquer des nuisances
23:16 mais voilà, donc les promesses n'ont pas été tenues.
23:20 On est toujours dans une situation où je crois que régulièrement dans la presse,
23:25 on voit l'article de La Croix appuie là où ça fait mal mais je crois que la prison
23:29 des Beaumet à Marseille est dans un état absolument épouvantable.
23:33 Régulièrement les détenus arrivent à faire passer des vidéos, on voit ces fameuses nuisances,
23:38 ces insectes, etc. puis tout ce qui peut exister à l'intérieur.
23:43 Donc je pense qu'il y a aussi là des choses à penser et clairement des promesses électorales
23:47 qui n'ont pas été tenues.
23:48 Et c'est pour ça que nous allons voir toutes les solutions proposées, les solutions qui
23:51 existent déjà, c'est juste après une courte pause.
23:55 Restez avec nous, restez sur CNews, dans Face à l'Info été.
23:57 De retour sur CNews, vous êtes bien dans Face à l'Info été et nous étions en train
24:05 d'évoquer la surpopulation carcérale en France avec vous Jonathan Cixous et notamment
24:10 sur les solutions.
24:11 Alors qu'est-ce qu'on propose pour enrayer ce phénomène de surpopulation carcérale ?
24:15 On entend un peu tout et son contraire.
24:17 Vous avez d'un côté des associations mais aussi des avocats voire même des magistrats
24:22 qui estiment qu'il y a trop de peines de prison fermes qui sont prononcées.
24:26 Et puis de l'autre côté vous avez aussi la ligne défendue par le gouvernement qui
24:30 est de dire on va construire plus de prisons seulement et comme l'a dit Régis avant la
24:35 pub les promesses sont très rarement tenues.
24:38 En 2017 Emmanuel Macron avait promis 15 000 nouvelles places de prison.
24:43 Nous sommes sauf erreur de ma part en 2023 et il y en a 2000 de nouvelles places de prison
24:48 qui ont été construites.
24:49 C'est vrai que c'est long à construire des prisons, ça coûte cher mais aussi et
24:53 surtout il y a peu de communes qui veulent avoir ce type d'établissement sur leur territoire.
24:58 On a évoqué les nombreuses nuisances qu'induit une prison.
25:04 Il y a aussi des solutions alternatives.
25:06 La solution alternative à l'enfermement c'est quoi ?
25:08 C'est par exemple ce qu'on appelle l'étige, le travail d'intérêt général.
25:12 Ça arrive, ce n'est pas encore dans les grandes habitudes des peines données en France,
25:16 c'est pour ça qu'Eric Dupond-Moretti lui veut défendre cette ligne.
25:20 Curieusement, comme ce n'est pas dans les grandes habitudes françaises, ceux qui en
25:26 bénéficient, qui sont du moins condamnés à des travails d'intérêt général ne
25:31 prennent pas toujours ça comme une véritable condamnation.
25:33 C'est aussi peut-être pour ça que ce n'est pas souvent, au moins souvent qu'ailleurs,
25:37 prononcé.
25:38 Et puis vous avez bien sûr, on en parle souvent, le bracelet électronique.
25:41 Mais là, l'autre problème de cela, et malheureusement là encore, nous sommes amenés souvent à
25:45 le commenter, c'est que ça n'empêche en rien un récidiviste de passer à l'action.
25:49 Et puis il y a le débat politique.
25:50 Le débat politique, lui, il est phagocyté par pas mal d'idéalistes, notamment les
25:55 héritiers de Michel Foucault pour qui il est interdit d'enfermer quiconque et qui
25:59 cite à l'envie Victor Hugo.
26:01 Vous savez, ouvrir une école, c'est fermer une prison.
26:04 Alors c'est très beau, mais on sait que ça ne marche pas franchement comme ça dans
26:08 la vraie vie des vrais gens.
26:09 Et puis vous avez également d'autres solutions, tout aussi irréalisables, mais qui sont défendues.
26:15 Celle, par exemple, d'expulser les délinquants étrangers pour qu'ils purgent leur peine
26:22 hors des prisons françaises, hors de France, tout simplement.
26:24 Il y a cette année 18 345 détenus de nationalité étrangère en France.
26:30 C'est vrai que mathématiquement, j'ai sorti ma calculette pour ne pas faire d'erreur.
26:35 Vous retranchez leur nombre aux 74 513 détenus recensés en France au 1er juillet, vous obtenez
26:42 56 168 prisonniers français.
26:45 On pourrait donc matériellement et au conditionnel avoir de la place pour les accueillir dignement.
26:52 Solidement, vous imaginez bien quand on voit déjà la difficulté pour exécuter des OQTF
26:58 pour raison migratoire.
26:59 Vous imaginez l'impossibilité en fait pour expulser des délinquants, voire même des
27:06 criminels par millier.
27:07 Mais alors, quelle est votre conclusion sur cette situation ?
27:09 Tout d'abord, peut-être regarder, relire le code pénal.
27:14 Pas tout, mais en tout cas, ce qui concerne cette question.
27:16 Que dit le code pénal ? La prison est faite pour punir et réinsérer.
27:21 En France, quand on entre en prison, c'est pour en sortir.
27:23 Or, malheureusement, on voit bien avec toutes ces conditions et cet empilement de conditions
27:28 bien souvent inhumaines, que les prisonniers sont en plus privés de ce deuxième volet
27:32 du texte.
27:33 Dans des prisons surpeuplées, il y a aussi l'accès aux soins qui est limité, très
27:37 limité parfois.
27:38 Et on sait qu'il y a des besoins, notamment psychiatrique, il y a également des problèmes
27:43 d'addiction aux drogues dures.
27:45 Il y a vraiment des vrais cas cliniques qui ne peuvent pas être soignés.
27:49 Et puis, je voulais conclure sur ça aussi.
27:51 Dans les prisons surpeuplées, même les détenus qui le souhaitent, ils ne peuvent pas avoir
27:55 sinon un accès très limité à la bibliothèque et au soutien scolaire.
27:59 Et ça, c'est aussi dramatique.
28:00 L'instruction, Alexandre de Véquilleau, serait peut-être l'un des facteurs pour la réinsertion,
28:07 pour aussi amener une certaine formation pour nos prisonniers et une réinsertion digne ?
28:14 Non, mais ça, c'est effectivement la culture, l'accès à la culture.
28:18 L'instruction, c'est toujours, je crois, une bonne chose pour quiconque.
28:21 Ça doit participer de la réhabilitation, de la réinsertion.
28:25 Mais pour l'instant, c'est vrai que ça paraît utopique, ut égard au manque de place en prison.
28:33 On n'a pas vraiment eu de réponse du gouvernement sur cette surpopulation incarcérale ?
28:37 Non.
28:38 Les chiffres sont tombés, la condamnation est tombée aussi ?
28:41 S'il se dit qu'il n'y a pas de volonté politique, je crois, parce que malgré tout,
28:46 je n'ai pas les chiffres exacts en tête, mais si on compare aux autres pays européens,
28:51 par rapport au nombre d'habitants, les autres pays européens construisent beaucoup plus
28:57 de prisons, alors parfois avec une délinquance bien moindre.
29:01 Donc, je ne vois pas pourquoi un État jacobin, comme l'État français,
29:05 je veux bien que les maires ne soient pas d'accord, mais on n'est pas l'État le plus décentralisé du monde,
29:09 n'y arrive pas.
29:11 On sait bien que les gens qui gardent des sceaux, qui se sont succédés,
29:15 étaient quand même dans le prisme du syndicat de la magistrature,
29:20 de cette idéologie justement, qui ne voulait pas enfermer.
29:23 Du coup, on se retrouve avec une politique pénale qui découle du fait qu'il n'y a pas assez de places de prison.
29:29 En réalité, il faudra faire une politique pénale cohérente et des places de prison,
29:34 si vous voulez, qui vont avec.
29:36 Et je pense qu'il faut investir là-dessus, ce sera même des économies budgétaires à terme,
29:41 puisque la délinquance nous coûte extrêmement cher.
29:44 Des pays ont réussi, comme les Pays-Bas, pour le cours avec des courtes peines,
29:49 et à la première infraction, parce que je pense que pour éviter la récidive,
29:54 il faut qu'il y ait une peine qui passe à la première infraction.
29:58 Aujourd'hui, ils louent leurs prisons ou ils les transforment en hôtels.
30:02 Donc je pense qu'on n'est pas plus bête que les Pays-Bas,
30:05 c'est simplement un changement de vision idéologique qu'il faut entamer.
30:09 Moi, je ne suis pas du tout pour que les gens soient maltraités en prison,
30:11 je crois que Jonathan a parfaitement raison,
30:14 mais le seul moyen de respecter les conditions humaines, c'est de construire.
30:18 - Régis Ossomia ?
30:19 - Je rajouterais une chose dont on n'a pas évoqué dans cette revue assez complète,
30:24 d'autre part de l'univers carcéral, c'est la question de la radicalisation.
30:29 Le problème de la prison, c'est qu'en prison, on a du temps.
30:33 Et donc, quand il s'agit pour certains individus de prêcher une idéologie
30:39 ou une religion, eh bien, il est facile et assez facile.
30:43 On a vu des cas de conversion de détenus qui se sont radicalisés
30:48 à cause d'un co-détenu lui-même radicalisé.
30:51 Donc c'est un vrai problème.
30:53 C'est un vrai problème parce qu'il ne peut pas y avoir de compartimentage étanche
30:57 en prison entre les individus jugés dangereux,
31:01 ayant commis des attentats et puis le reste de la population carcérale.
31:06 Donc, fatalement, il y a des passerelles, fatalement, il y a des influences.
31:10 Et comme je dis, la prison, on a le temps et donc c'est assez propice.
31:14 Voilà, occuper son temps et pas forcément pour se former ou s'éduquer
31:19 ou s'éduquer d'une certaine façon.
31:21 Donc, c'est un vrai problème parce qu'il ne faut pas faire en sorte
31:24 que nos prisons deviennent des incubateurs de radicalité.
31:30 - Dans la construction, je pense qu'il faut le faire aussi de manière intelligente.
31:34 On n'est pas obligé de construire toutes les prisons sur le même modèle.
31:37 Les primo-délinquants n'ont pas forcément besoin d'un encadrement
31:40 aussi strict que les autres.
31:42 On sait qu'il y a beaucoup de fous aussi, hélas, en prison,
31:44 des gens qui souffrent de maladies mentales.
31:46 Donc là, il faudrait construire beaucoup plus de centres de soins.
31:51 Donc, je pense qu'il faut construire différentes sortes de prisons,
31:54 ce qui aidera aussi à la construction, à l'acceptation de ce type d'établissement.
31:59 - Alexandre de Vécu, on va rester justement avec vous, direction le 7e art.
32:03 Puisque, après Barbie, vous vous intéressez à Oppenheimer,
32:07 malgré sa durée de trois heures et le fait qu'il soit en partie tourné en noir et blanc.
32:11 Oppenheimer, le dernier film de Christopher Nolan, est un grand succès en France
32:16 et partout dans le monde.
32:17 Ce succès est-il lié au retour de la bombe atomique ?
32:21 - Alors, vous avez raison d'évoquer Barbie, puisque les deux films sont sortis en même temps.
32:25 Et d'ailleurs, sur Internet, on a parlé de phénomène Barbenheimer,
32:28 puisque les deux films ont cartonné en même temps.
32:31 Alors, j'ai finalement vu Barbie, je ne le conseillerais pas nécessairement.
32:38 Par contre, Oppenheimer, oui, et je dirais que si c'est un succès,
32:41 c'est d'abord parce que c'est un très bon film.
32:44 Aussi, Nolan est quelqu'un de virtuose, qui mélange les genres.
32:49 Donc, on est à mi-chemin entre le biopic, le film de guerre, le thriller,
32:54 la réflexion, je dirais, éthique, philosophique, métaphysique.
32:59 C'est quelqu'un qui crée un cinéma à l'ancienne quelque part,
33:02 parce qu'il y a effectivement, on va y venir,
33:05 Oppenheimer raconte le projet Manhattan,
33:08 la construction de la première bombe atomique par Oppenheimer.
33:12 Et donc, il y a une scène d'explosion dans le film,
33:15 qui a été faite avec des effets spéciaux artisanales.
33:18 Et Christopher Nolan joue énormément sur le son.
33:22 Et c'est absolument glaçant, sans avoir besoin de recourir au numérique,
33:26 aux images de synthèse.
33:27 Bon, ça, c'était pour dire que le film était excellent,
33:29 et ça explique une partie du succès.
33:31 Maintenant, je pense qu'effectivement,
33:32 le retour de l'angoisse autour de la bombe atomique
33:36 est aussi une clé pour comprendre le succès de ce film.
33:40 C'est d'autant plus étonnant quand il commence le film,
33:45 à travailler sur le film en 2018, Christopher Nolan,
33:48 il dit lui-même que finalement, l'angoisse du nucléaire,
33:52 c'est une angoisse dépassée.
33:53 Les gens qui ont grandi pendant la guerre froide,
33:55 c'était quelque chose qui était une angoisse permanente.
33:59 On se souvient de la crise des missiles de Cuba.
34:03 Et ça semblait être un peu derrière nous,
34:04 la guerre froide semblait terminer.
34:06 En fait, on est peut-être dans une nouvelle guerre froide
34:08 avec la guerre en Ukraine.
34:09 Il y avait eu toutefois des prémices,
34:12 notamment avec la Corée du Nord,
34:16 avec l'accord sur le nucléaire iranien
34:19 qui avait été défait notamment par Donald Trump.
34:21 Donc c'était quelque chose qui était déjà en germe.
34:26 Christopher Nolan, comme tous les visionnaires, l'a bien senti.
34:28 Et puis je crois qu'il y a une angoisse au-delà de la bombe atomique,
34:31 c'est l'angoisse de la fin du monde tout simplement,
34:33 avec notamment l'angoisse écologique, le réchauffement de la planète.
34:37 - Est-ce qu'on peut dire que c'est un film technocritique
34:39 contre la bombe nucléaire ?
34:41 - Alors c'est un film qui commence par une référence à Prométhée.
34:47 Prométhée, c'est un personnage, un titan dans la mythologie grecque.
34:51 Et il vole le feu au dieu et donc il est puni,
34:55 il est envoyé, condamné par Zeus à être attaché à un rocher sur le mont Caucase.
35:01 Et son foie est dévoré par l'aigle du Caucase tous les jours.
35:04 Il repousse et il est redévoré.
35:06 Donc châtiment extrêmement cruel.
35:09 Et voilà, il y a un châtiment pour punir finalement l'arrogance des hommes.
35:15 La morale, c'est que quand les hommes se prennent pour dieu,
35:18 finalement, ça mène à leur propre destruction.
35:21 Et c'est vrai que beaucoup ont pensé que c'était la morale du film.
35:27 - Mais c'est aussi, selon vous, beaucoup plus compliqué que ça.
35:30 - Oui, je pense que c'est plus compliqué que ça
35:34 et qu'on ne peut pas qualifier de Christopher Nolan de technocritique
35:38 ou je dirais d'écologiste un peu radical.
35:43 Quand on regarde ses précédents films, par exemple Interstellar,
35:46 ça parle justement d'une planète dévastée par le réchauffement de la planète.
35:52 Mais du coup, les politiques sont plutôt des écolo-radicaux au pouvoir
35:56 et ils interdisent finalement de parler de science.
35:59 Ils sont dans une logique des croissances.
36:00 Et c'est pour le coup la science qui va sauver l'humanité,
36:03 puisque c'est l'histoire d'un astronaute qui va découvrir une autre planète.
36:09 Donc c'est plutôt quelqu'un, Christopher Nolan, qui fait confiance à la science.
36:13 Il y a Interstellar, mais son précédent film juste avant Openheimer, c'est Ténet.
36:17 Et le méchant, justement, est un écolo encore radical
36:21 qui veut anéantir la moitié de l'humanité, justement, pour sauver la planète.
36:26 Donc je pense que ce n'est pas tout à fait un décroissant.
36:28 Christopher Nolan et son film sont plus subtils que cela.
36:31 Et c'est pour ça qu'il est intéressant, parce que c'est un portrait passionnant,
36:36 ambigu justement d'Openheimer,
36:39 qui est l'homme qui a importé la physique quantique aux États-Unis
36:43 et qui va avoir des remords après avoir créé la bombe atomique,
36:47 mais qui l'a créée et qui est bien conscient que si ce ne sont pas les Américains
36:52 qui créent la bombe atomique en premier, ce sont les nazis.
36:55 Et qui, après tout, ne vaut mieux pas qu'elle soit entre les mains des nazis.
37:01 Après, il s'interroge, il commence à changer un peu d'avis
37:04 au moment du bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki.
37:08 On rappelle que certains considèrent que c'est un crime de guerre.
37:11 103 000 morts à 220 000 morts selon les bilans.
37:15 Et encore, ça ne prend pas en compte les gens qui ont été victimes de radiation,
37:19 qui ont eu des cancers.
37:22 Mais là encore, c'est compliqué, Openheimer d'ailleurs,
37:25 et au départ pour le bombardement du Japon,
37:29 parce qu'il pense en fait que la bombe atomique est un peu l'arme ultime
37:33 qui empêchera le déclenchement d'une troisième guerre mondiale
37:37 et qu'il faut peut-être même l'utiliser une fois justement
37:39 pour qu'on comprenne qu'il ne faut plus jamais l'utiliser.
37:41 Et en cela, il n'a pas eu totalement tort.
37:45 Puisque l'arme nucléaire est une arme dissuasive,
37:48 la guerre froide est restée une guerre froide.
37:51 Là encore, avec la guerre en Ukraine,
37:52 si justement l'affrontement reste malgré tout circonscrit
37:59 entre les Russes et les Ukrainiens, même si on les aide,
38:02 c'est justement parce qu'il y a cette arme de dissuasion
38:05 qui est le nucléaire.
38:07 Donc je dirais que Christopher Nolan est un technoréaliste
38:11 et qu'il montre que la science est ambivalente.
38:15 Ça dépend comment elle est utilisée.
38:17 Elle peut apporter à l'humanité,
38:18 mais c'est vrai qu'elle peut aussi détruire l'humanité.
38:21 Mais Christopher Nolan, plus qu'au nucléaire,
38:23 aurait pensé à l'intelligence artificielle en réalisant ce qu'il fait.
38:26 Oui, c'est ce qu'il dit en réalité,
38:28 quand il a commencé à s'intéresser au projet.
38:31 Ce qu'on disait tout à l'heure,
38:32 la menace nucléaire paraissait une menace dépassée.
38:35 Il a pensé plutôt à l'intelligence artificielle
38:37 parce que, à priori,
38:39 ce n'est pas une arme de destruction massive,
38:41 l'intelligence artificielle,
38:42 mais comme la bombe atomique à l'époque,
38:46 l'humanité saute en quelque sorte dans l'inconnu.
38:50 Il y aura sans doute un monde avant et après l'intelligence artificielle
38:53 et sans doute on pourra l'utiliser de manière extrêmement positive,
38:57 mais ça fait quand même craindre la destruction de milliers d'emplois.
39:02 Certains pensent même que c'est la fin de l'espèce humaine
39:05 puisque la machine va prendre le dessus.
39:08 Donc, il y a aussi cette angoisse, finalement,
39:11 de voir l'espèce humaine disparaître.
39:14 Et donc, c'est pour ça qu'il a pensé à l'intelligence artificielle
39:18 quand il a commencé à travailler sur le film.
39:20 Et parmi les thèmes qui entrent en résonance avec l'actualité,
39:23 il y a aussi, selon vous, celui du maccartisme.
39:25 Oui, c'est un thème qui est moins soulevé,
39:27 mais ça rentre en résonance avec l'actualité.
39:30 Et je pense que ça traduit justement le fait que Christopher Lonnel,
39:34 un cinéaste pas du tout manichéen, open-eimer,
39:38 c'est quelqu'un qui était proche des communistes.
39:41 Sans l'être, il n'a jamais eu sa carte au Parti communiste,
39:45 mais disons qu'il est juif.
39:47 Et quand la menace fasciste, la menace nazie
39:52 commence à se mettre en branle,
39:54 c'est vrai qu'il se rapproche des communistes.
39:56 Il aide notamment la République espagnole
39:59 au moment de la guerre d'Espagne,
40:01 sans pour autant être communiste.
40:03 Sa femme était mariée avec un communiste,
40:06 mais a rompu aussi avec cette idéologie.
40:08 Et donc, open-eimer devient héros de la guerre
40:10 quand il crée la bombe atomique.
40:13 Mais quelques années après, c'est ce que raconte aussi le film,
40:17 il est victime d'une véritable chasse aux sorcières,
40:19 puisque l'administration américaine
40:21 l'accuse d'être un traître,
40:24 d'appartenir au Parti communiste.
40:28 Et là, ça rappelle évidemment notre époque.
40:31 Le maccartisme aujourd'hui, ça pourrait être le hawkisme,
40:35 la censure.
40:36 D'ailleurs, on voit qu'à l'université,
40:38 à l'époque, c'est aussi compliqué.
40:40 La seule différence, c'est qu'à l'époque,
40:42 les délires idéologiques, je dirais,
40:44 les chasses aux sorcières, sont menées par les ultraconservateurs,
40:46 par la droite.
40:47 Aujourd'hui, c'est la gauche.
40:49 Mais enfin, tout change pour que rien ne change.
40:52 Et c'est aussi, je crois, un des aspects intéressants du film
40:55 qu'il faut soulever.
40:56 Merci beaucoup, Alexandre de Vécu.
40:58 Jonathan Sixou, est-ce que c'est un film que vous avez vu
41:01 ou que vous souhaitez aller voir ?
41:02 Je ne l'ai pas vu.
41:03 Alexandre donne envie d'aller le voir,
41:05 donc je vais sûrement aller le voir.
41:06 C'est vrai qu'il y a un phénomène autour de ce film.
41:08 C'est une histoire qui mérite...
41:10 Ça séduit beaucoup en France.
41:11 Vraisemblablement.
41:12 Non, non, je pense que c'est effectivement une histoire à voir.
41:16 Juste un mot, parce qu'Alexandre parlait du mythe de Prométhée,
41:20 qui a une fin, parce que finalement, Zeus se libère.
41:23 Mais pour qu'il se souvienne de son châtiment,
41:25 il est obligé de partir avec un morceau du Mont Caucase,
41:27 avec lui, au bout d'une chaîne.
41:29 Et ce serait, dit-on, l'origine du fameux bijou,
41:32 puisque les hommes, comme les femmes,
41:33 aiment porter une pierre sur un doigt ou autour du cou.
41:36 Et ça viendrait directement du Mont Caucase et de Prométhée.
41:40 Tout à fait.
41:41 Régis Le Sommier avec la bombe nucléaire et ce film.
41:44 Moi, j'ai quelques critiques par rapport au film.
41:47 Je trouve que, et ça, c'est un travers de Christopher Nolan,
41:50 que j'avais remarqué dans le film Dunkerque, par exemple,
41:53 qui négligeait complètement la réalité historique des Français
41:57 qui ont défendu, qui ont permis, en fait,
42:00 finalement, que les Anglais réembarquent,
42:03 mis à part la mise en scène, et très bien.
42:05 Mais c'est un film, et là, on retrouve le même travers,
42:08 americano, centré, ou alors très anglo-saxon.
42:11 C'est-à-dire que le problème d'Oppenheimer,
42:14 mis à part le personnage, ses doutes,
42:18 comment sa vie, etc., ses convictions politiques,
42:21 tout ça est très bien.
42:22 On voit très bien la construction de la bombe atomique,
42:24 et on voit cette course de vitesse,
42:25 mais on ne voit pas l'autre côté.
42:28 C'est-à-dire que l'Allemagne nazie, on nous explique,
42:30 oui, elle a deux ans d'avance, il faut rattraper ces deux ans.
42:33 Mais en fait, à part un voyage que fait Oppenheimer,
42:36 on ne voit pas très bien pourquoi l'Allemagne nazie
42:39 n'obtient pas la bombe atomique,
42:41 alors qu'ils ont des chercheurs qui ont deux ans d'avance.
42:44 Encore pire, je trouve, c'est le traitement, justement, des Russes.
42:48 Parce que quand Oppenheimer, justement, se fait rattraper par le maccartisme,
42:53 c'est l'époque où les Russes font leur premier test.
42:57 Alors, ils ont un peu de retard,
42:58 mais c'est quand même Andrei Sakharov,
43:01 le père de la bombe atomique russe,
43:02 qui, lui, parvient à faire la bombe H.
43:04 Il y a toute une discussion.
43:06 Oppenheimer est contre la bombe à hydrogène,
43:08 c'est encore plus dévastatrice que la bombe A.
43:12 Et donc, tout ce côté-là, je trouve...
43:15 Et puis, il y a aussi une extrême indulgence vis-à-vis des États-Unis.
43:19 Pendant un épisode qu'on a appelé l'opération Paperclip,
43:23 les États-Unis se sont empressés,
43:26 les Russes ont fait la même chose,
43:27 mais de rapatrier 1 500 scientifiques allemands,
43:32 dont certains ont été nazis.
43:33 Le plus célèbre, c'est Wernher von Braun,
43:36 père des fusées V1 et V2,
43:39 et qui sera à la tête du programme Saturn,
43:41 qui va envoyer les Américains sur la Lune.
43:45 Et ce Wernher von Braun, il était là dans l'après-guerre.
43:47 Moi, j'aurais bien aimé voir quels étaient les rapports
43:51 entre ces scientifiques,
43:53 puisque Oppenheimer, justement, se bat contre les nazis.
43:56 Et von Braun a toujours laissé un doute
43:58 sur son affiliation politique jusqu'à la fin de sa vie.
44:01 Donc, il y aurait eu des choses plus intéressantes,
44:04 mais c'est ce petit côté un peu trop américain.
44:07 - Un dernier, ouais, les clans.
44:08 - Je suis moins sévère.
44:09 Déjà, le film fait trois heures.
44:11 Alors, sur l'explication du retard des nazis,
44:13 il y en a une qui est amusante dans le film.
44:16 C'est qu'il y avait beaucoup de chercheurs juifs,
44:18 également en Allemagne, sur la physique quantique.
44:21 Et l'Allemagne, finalement, est victime
44:24 de son antisémitisme en quelque sorte.
44:28 Ensuite, sur Dunkerque, je me souviens de la polémique.
44:30 Effectivement, Christopher Nolan est un Britannique
44:32 qui fait un film à la gloire de la Grande-Bretagne.
44:35 Après, je suis d'accord, il est peut-être autocentré,
44:38 mais c'est aussi nous, les Français,
44:39 on fait peut-être pas assez de films à notre gloire.
44:42 On en fait beaucoup pour nous reportir.
44:43 Donc, en même temps, on ne peut pas reprocher
44:45 à Christopher Nolan d'être un peu patriote.
44:49 Je voulais rebondir sur le mythe de Prométhée,
44:51 parce que j'ai dit que c'était un mythe qui...
44:53 - Rapidement, Alexandre.
44:54 - Très rapidement.
44:56 Il y a deux interprétations.
44:57 Il y a un mythe qui dit l'être humain est arrogant,
44:59 il va s'autodétruire, etc.
45:01 Mais il y a aussi une interprétation plus progressiste,
45:04 ou au sens noble du terme progressiste,
45:07 c'est que Prométhée est l'homme qui apporte le feu à l'humanité.
45:11 C'est donc l'homme qui apporte la civilisation à l'humanité.
45:13 Et là, on retrouve l'ambivalence par rapport à la technique.
45:16 - Merci beaucoup, messieurs, pour m'avoir accompagné ce soir.
45:20 Vous retrouvez Thierry Cabane dans l'heure des pro 2 dans un instant.
45:23 Restez sur CNews.
45:24 L'information continue à lundi.
45:26 Merci.
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