• il y a 2 ans
Ancien directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), Pascal Brice dénonce l'attitude du gouvernement vis à vis des éxilés d’Afrique subsaharienne.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Le grand entretien est ce matin consacré au sort des migrants en Tunisie.
00:03 Vous avez sans doute vu ces images.
00:05 Hommes, femmes, enfants livrés à eux-mêmes dans le désert brûlant entre la Tunisie
00:10 et la Libye.
00:11 Conduits là par le pouvoir tunisien, des migrants venus d'Afrique subsaharienne.
00:15 Selon l'ONG Humane Rights Watch, au moins 1350 auraient été expulsés par les forces
00:20 de sécurité du pays ces dernières semaines vers les frontières libyennes mais aussi
00:24 algériennes.
00:25 Certains périssent, d'autres parviennent à prendre la mer avec là encore son lot
00:29 de drame.
00:30 11 migrants sont morts et 44 autres portés disparus lundi après le naufrage de leur
00:35 embarcation au large du port tunisien de Sfax.
00:37 Tout cela sans aucune réaction ou presque de ce côté-ci de la Méditerranée.
00:42 Quelques chanteurs ont annulé des concerts sur place en guise de protestation.
00:46 Gims, Big Flow et Oli mais aucune du gouvernement français ni de la Commission Européenne.
00:50 Silence radio.
00:51 Alors que l'Union vient de conclure il y a trois semaines avec la Tunisie un partenariat
00:56 stratégique pour tenter d'endiguer les arrivées de demandeurs d'asile.
00:59 C'est peut-être une explication.
01:01 Bonjour Pascal Brice, merci d'être avec nous ce matin.
01:04 Vous connaissez parfaitement ce sujet, vous avez dirigé l'Office français de protection
01:08 des réfugiés et des apatrides, l'OFPRA, de 2013 à 2019 et vous êtes aujourd'hui
01:13 le président de la FAS, la Fédération des Acteurs de la Solidarité.
01:17 Votre fédération regroupe de nombreux acteurs qui en tant qu'opérateurs de l'État
01:21 assurent l'hébergement de ces migrants une fois arrivés sur le sol français.
01:25 Les auditeurs de France Inter peuvent vous interroger directement dès maintenant 0145
01:30 24 7000 ou via franceinter.fr.
01:33 Pascal Brice, commençons par ce qui se passe dans ce désert tunisien en ce moment.
01:37 Comment est-ce que vous qualifieriez cette situation et l'action du gouvernement tunisien ?
01:41 D'intolérable, d'insupportable.
01:44 Mais je voudrais qu'on prenne la mesure de ce que ça signifie pour nous, nous européens
01:49 et nous français.
01:50 Au fond, c'est indifférence à la situation d'hommes, de femmes et d'enfants qui s'installent.
01:58 Cette instrumentalisation qui est celle du président tunisien, qui est en fait dans
02:04 des difficultés économiques, financières et politiques et qui instrumentalise la situation.
02:08 Ce que deviennent des hommes et des femmes tunisiens, tunisiennes à un certain moment
02:13 donné lorsque la stigmatisation des étrangers l'emporte.
02:18 Ce qui se passe lorsque dans cette ville de Sfax, dans cette région, on laisse au fond
02:21 les habitants à l'abandon depuis des années et des années alors que ces arrivées de
02:26 migrants se développent.
02:28 Et donc ce que ça signifie pour nous, européens et français.
02:31 Parce que moi, je ne suis pas un adepte du relativisme.
02:33 La France est une terre d'accueil.
02:35 L'Europe en est une également plus largement.
02:38 Mais voilà ce qui se passe lorsque on laisse à l'abandon des hommes, des femmes, des
02:45 enfants, lorsqu'on est dans l'indifférence, dans le silence, dans l'instrumentalisation,
02:50 dans la fermeture.
02:51 Ce qui se passe en Tunisie, c'est ce qui nous guette, français, européen, si nous
02:56 ne changeons pas d'attitude et de comportement sur ces questions-là.
03:00 Et c'est possible et indispensable.
03:02 Là, on parle de conduire des gens en plein désert.
03:05 On n'en est pas là.
03:06 C'est bien pourquoi je vous dis que je ne suis pas un adepte du relativisme et que
03:10 la Tunisie n'est pas la France.
03:12 Mais regardez ce que des hommes et des femmes deviennent lorsqu'on laisse à l'abandon
03:17 ces questions-là, lorsqu'il s'agit d'hommes et de femmes qui sont dans la misère.
03:21 On les laisse dans le désert.
03:23 On les laisse sans boire ni manger.
03:26 Des enfants.
03:27 Moi, je vous dis que c'est cette inhumanité qui s'installe progressivement, y compris
03:33 en France.
03:34 On est dans l'indifférence et le silence quand des hommes et des femmes meurent dans
03:37 ces conditions-là.
03:38 Et quand on stigmatise et qu'on instrumentalise la présence des étrangers parce qu'on est
03:42 dans la difficulté sociale, économique et qu'il faut entendre, prendre en compte.
03:46 Mais là, il y a des choses totalement intolérables.
03:49 Le point de départ, et vous y faisiez référence, ça a été un discours du président tunisien
03:53 Kay Saïed en février, dans lequel il a dénoncé les migrants venus du sud du Sahara en développant
03:58 l'idée d'un grand remplacement, un complot pour remplacer l'identité arabo-musulmane,
04:04 je le cite, et faire de son pays un pays seulement africain.
04:07 C'est un concept au fond qu'il a emprunté à l'extrême droite française, qu'il a
04:10 adapté à son pays.
04:11 Et voilà, ça vous dit quelque chose, ça nous dit quelque chose, ces mots-là qui sont
04:16 utilisés, y compris dans certains de vos collègues, par certains médias comme le JDD, qui va
04:24 devenir comme les chaînes qui appartiennent à M.
04:26 Bolloré, des lieux où on développe ce genre de propos comme si c'était des propos normaux.
04:32 Oui, le président tunisien, il est sur cette thématique-là.
04:35 Il est sur cette thématique-là parce que ce sont des thématiques qui à la fois relèvent
04:39 de l'instrumentalisation de la question de la présence des étrangers et qui aussi
04:43 instrumentalisent des fragilités du corps social, des fragilités identitaires, des
04:48 fragilités sociales, des fragilités politiques qui sont vraies en Tunisie, qui sont vraies
04:53 un peu partout dans le monde, qui sont vraies aussi en France, encore une fois de manière
04:55 différente.
04:56 Mais ça trouve un écho dans la société tunisienne.
04:58 Bien sûr que ça trouve un écho dans la société tunisienne comme ça trouve un écho
05:01 dans la société française et européenne.
05:03 Parce que, encore une fois, vous avez des hommes et des femmes qui sont dans la difficulté
05:09 économique, dans la difficulté financière, qui sont bousculés au plan culturel et qui
05:13 ont donc la tentation de la stigmatisation.
05:15 C'est bien pourquoi il est temps, il est possible, il est indispensable que l'on cesse
05:21 de banaliser ce type de comportement et de propos, que ce soit dans la relation entre
05:24 la France, l'Europe et la Tunisie en l'occurrence, mais aussi nous, Français, en tant que Français
05:30 et Européens.
05:31 La Tunisie, c'est une route importante sur le chemin de l'exil vers l'Union européenne
05:34 ou vers le Royaume-Uni, Pascal Brice.
05:35 Je ne sais pas quelle est la destination privilégiée et finale de ces migrants, mais c'est aujourd'hui
05:40 l'une des routes principales.
05:41 Oui, c'est l'une des routes principales.
05:43 Et vous savez que, en réalité, ces arrivées-là, alors d'abord, il faut redire qu'elles
05:48 augmentent de manière importante.
05:49 L'Organisation internationale des migrations ou l'Agence européenne en charge des frontières
05:55 extérieures fait valoir qu'on est à peu près à un doublement des arrivées par
05:59 rapport à l'année dernière, mais on parle par exemple là, sur les six premiers mois
06:03 de cette année, en Méditerranée centrale, la région dont nous parlons, de 50 000 personnes.
06:09 Et ce que nous savons très bien, c'est que ces arrivées, ces départs, ils se font
06:13 sur fond de misère.
06:14 Regardez la situation au Sahel aujourd'hui, au Burkina Faso, au Mali, au Niger, en Ethiopie,
06:19 au Soudan, c'est l'instabilité politique, la misère qui conduisent des personnes à
06:23 prendre ces routes terribles de l'exil.
06:26 Et donc, les gens parfois passent par la Méditerranée centrale, parfois c'est par
06:31 le Maroc et les îles Canaries, parfois c'est par la Grèce.
06:34 Et donc, ces mouvements, ils sont là.
06:37 Ils ne sont pas constitutifs d'une invasion pour qui que ce soit, mais ils sont là, ils
06:41 doivent être organisés, maîtrisés, parce que sinon, nous avons des drames humains en
06:46 Méditerranée et parce que ça provoque aussi des réactions extrêmement préjudiciables
06:51 en Europe.
06:52 Donc, il faut que nous puissions à la fois dans les pays de transit, la Tunisie par
06:55 exemple, mais aussi en Europe même et en France, organiser et maîtriser la migration.
07:00 Alors maîtriser la migration, c'est l'objectif de ce partenariat qui a été signé par l'Union
07:04 Européenne mi-juillet avec la Tunisie pour endiguer ses départs.
07:07 Une aide de 105 millions d'euros pour que la Tunisie lutte contre l'immigration, une
07:13 aide budgétaire aussi, 150 millions d'euros pour cela.
07:17 Mais est-ce que vous diriez que ce faisant, les Européens financent les opérations d'expulsion
07:23 ? Qu'est-ce que mènent les Tunisiens ces dernières semaines ?
07:26 Il faut aider les pays de transit, comme on dit, de la migration comme la Tunisie.
07:31 Il faut les aider parce que la Tunisie est en état de…
07:34 Donc c'est bien d'avoir signé cet accord ?
07:35 C'est bien d'avoir aidé, d'aider, de continuer à aider la Tunisie.
07:38 En revanche, l'erreur majeure, mais qui maintenant dure depuis quelques années, c'est
07:43 cette volonté d'externaliser, de dire « bon, ben nous, Européens, on ne veut plus voir
07:47 un étranger et donc on va confier ça aux Tunisiens, aux Algériens, aux Libyens ». Et
07:53 donc ces accords-là, de ce point de vue-là, sont absolument intolérables et renvoient
07:57 encore à l'idée de ce que nous, Européens…
07:58 Donc, est-ce qu'il faut passer des accords avec ces pays-là ou pas ?
08:01 Il faut financer, aider ces pays.
08:04 Il faut bien le faire dans un cadre ?
08:05 Il faut dans le cadre budgétaire qui existe.
08:07 Donc ça, ça suscite et ça nécessite un accord ?
08:10 Oui, mais moi, je vous dis que mon analyse est que considérer qu'il faut arrêter
08:14 d'aider ces pays, c'est juste ajouter de la difficulté à la difficulté.
08:17 En revanche, mettre les mains la politique migratoire de l'Europe et de la France,
08:22 entre les mains du président tunisien, notamment à l'instigation du gouvernement d'extrême-droite
08:28 italien, ça c'est quelque chose de tout à fait intolérable.
08:31 Donc il faut continuer l'aide à ces pays de transit, mais en aucun cas faire de l'Europe
08:36 une forteresse complète qui confierait sa politique migratoire dans le cadre de ces
08:40 accords qui ont été aussi passés à une époque avec les milices libyennes.
08:43 Mais si on ne discute pas avec ces chefs d'État, avec qui est-ce qu'on discute, Pascal Brice ?
08:45 C'est bien pour ça que je vous dis qu'il faut discuter et les aider.
08:48 Mais en même temps être dans la confrontation très claire sur ce type de comportement et
08:53 ce type de discours.
08:55 Et que nous-mêmes, encore une fois, Européens et Français, nous donnions l'exemple.
08:58 Mais qu'est-ce qu'on va leur demander ? On pose des conditions en quelque sorte, c'est
09:01 ça qu'il faut faire ?
09:02 Il faut poser des conditions, bien sûr, qui sont que ce type de comportement est tout
09:05 à fait inacceptable.
09:08 Il faut aussi, encore une fois, que notre politique en tant qu'Européens et Français
09:12 sorte du silence, sorte de l'enfermement, sorte de l'aveuglement aussi.
09:15 Parce que regardez la politique africaine de la France et notamment au Sahel.
09:19 Nous ne sommes pas, nous, responsables du coup d'État qui vient d'avoir lieu au Niger.
09:23 D'ailleurs, j'en profite pour saluer le président Basoum, s'il nous écoute, que
09:26 j'avais l'occasion de rencontrer il y a deux ou trois ans au Niger.
09:29 Mais il faut être dans ces partenariats parce qu'on ne peut pas abandonner ces pays dans
09:33 la situation dans laquelle ils sont.
09:34 Mais en revanche, très clairement, nous ne pouvons pas tolérer, mais même en réalité
09:39 plus ou moins encourager, ce genre de propos et de politique sur le thème "faites la
09:44 politique migratoire à notre place".
09:46 Et si vous faites ça de la manière la plus dégueulasse possible, ce n'est pas un problème.
09:50 Ce n'est juste pas tolérable.
09:51 Mais donc, des arrivées de migrants qui augmentent, par exemple en Tunisie, on pose des conditions.
09:56 Donc pas d'expulsion et pas de reconduite dans le désert, évidemment.
10:00 Mais ensuite, comment agit le gouvernement tunisien ? Qu'est-ce qu'il fait avec ces migrants ?
10:05 Alors, du point de vue des Européens, ce qu'il faut mettre en place, c'est quoi ?
10:09 C'est d'abord des politiques dites de réinstallation.
10:14 C'est-à-dire que lorsque les personnes arrivent dans les pays de transit, les Européens doivent
10:19 ce qu'ils ont commencé à faire, ce que j'ai fait à une époque avec les équipes
10:21 de l'Ofpra, notamment au Niger, c'est faire en sorte que des migrants qui soient là,
10:26 soient, puissent être accueillis en Europe dans de bonnes conditions et ne pas faire
10:29 se traverser, se retrouver dans ces conditions-là.
10:32 Et puis, il faut sur le territoire européen, des lieux d'accueil, des lieux d'accueil
10:37 et une instruction de la demande d'asile.
10:39 Et que l'on puisse aider la Tunisie, comme l'ensemble des pays de transit, sur le plan
10:43 du développement économique, du développement social, de l'organisation de la migration.
10:48 Mais donc, ça veut dire un accueil sur le territoire européen, Pascal Brice ?
10:52 Ça veut dire un accueil organisé, maîtrisé.
10:55 C'est-à-dire qu'au lieu de laisser les frontières extérieures très mal contrôlées,
10:59 lorsque les gens arrivent sur le territoire européen, on fait une instruction de la demande
11:02 d'asile, on vérifie à qui on a affaire, on les accueille dans de bonnes conditions.
11:06 Et en même temps, il y a une demande des électeurs de ce côté-ci de la Méditerranée
11:10 de limiter l'immigration.
11:11 On le voit avec la poussée de l'extrême droite dans de nombreux pays.
11:14 On l'a vu en Italie, où Giorgia Melloni s'est fait élire sur la promesse de réduire
11:19 l'immigration.
11:20 Et puis, nous avons une loi sur l'immigration qui sera débattue au Parlement à la rentrée.
11:26 Moi, j'ai encouragé, je continuerai à le faire, un certain nombre de parlementaires
11:30 de la majorité de l'opposition pour apporter une vision de la politique migratoire qui
11:35 soit justement une capacité à accueillir.
11:37 Ça veut dire qu'on ne tient pas compte de ces votes ?
11:39 Et à organiser.
11:40 Mais si, justement.
11:41 Comment est-ce qu'on n'en tient pas compte ? On n'en tient pas compte en allant à la
11:43 soupe, en disant "vous avez bien raison de considérer que les étrangers devraient être
11:47 chez eux et qu'ils posent des problèmes", alors que la réalité c'est que nous sommes
11:51 un pays d'accueil et que nos entreprises ont besoin d'elles et d'eux.
11:53 Et donc, nous organisons et nous maîtrisons.
11:55 Mais si, il y a de plus en plus d'électeurs qui disent "nous, on veut limiter, on veut
12:00 réduire, on veut stopper".
12:01 Quelle doit être l'attitude d'un responsable politique face à ça ?
12:04 Un responsable politique, mais pas seulement un responsable politique.
12:08 Tout homme et femme de ce pays doit considérer que l'immigration est une réalité.
12:13 L'immigration correspond à des besoins à la fois de protection et pour notre économie.
12:18 Il doit être organisé et maîtrisé.
12:21 C'est-à-dire qu'on ne peut pas accueillir tout le monde.
12:22 On doit le faire dans des conditions où, aux frontières extérieures de l'Europe,
12:26 on instruit la demande d'asile, on cesse de laisser les gens à la rue trop souvent.
12:31 Et c'est ainsi que l'on apporte des réponses à ce qui effectivement fragilise le corps
12:36 social en organisant cette immigration dans le pays.
12:40 Et moi, j'appelle les responsables politiques de ce pays, notamment pour le débat parlementaire,
12:44 à mettre en place cette approche et ces dispositifs-là.
12:48 Alors, les 27 veulent changer les règles du jeu, compte tenu concernant l'immigration.
12:53 Mi-juin, les ministres de l'Intérieur ont adopté un projet de réforme du droit d'asile.
12:57 Les demandes, jugées comme ayant le moins de chances d'aboutir, seraient traitées
13:01 aux frontières de l'Union et les demandeurs d'asile placés en centre de rétention,
13:05 ce qui suppose une révision des accords dits de Dublin.
13:08 L'idée, c'est que le texte soit validé avant les élections européennes.
13:11 Qu'est-ce que ça changerait selon vous ? Et qu'est-ce que vous en pensez, Pascal Brice ?
13:14 Écoutez, moi, sur le principe, j'en pense plutôt du bien.
13:17 Parce que comme je vous le disais, l'immigration est une réalité.
13:21 Il faut l'organiser et la maîtriser, notamment à travers ces lieux aux frontières extérieures
13:26 de l'Europe.
13:27 Pas en Tunisie, pas en Libye, pas aux mains des milices ou du président tunisien.
13:32 Sur le sol européen, des lieux d'accueil où on instruit la demande d'asile et les
13:36 personnes qui relèvent de l'asile ou de la migration de travail, parce que je pense
13:39 que l'Europe, c'est une réalité absolue, que l'Europe a besoin de travailleurs,
13:45 que ces personnes soient accueillies en France et en Europe.
13:48 Ce qui est intolérable, c'est encore une fois la tentation qui existe en Europe, poussée
13:53 notamment par Mme Méleny et d'autres, qui est de dire "en fait, où ce que font les
13:58 Danois ? Où ce que font les Britanniques depuis un certain nombre d'années ? On
14:01 ne veut plus voir un seul demandeur d'asile sur le territoire européen."
14:04 Le modèle danois, c'est le modèle dont tout le monde parle aujourd'hui en Europe,
14:08 y compris en France.
14:09 Vous vous rendez compte où on en est ? Vous vous rendez compte qu'effectivement, des
14:12 ministres de ce gouvernement et d'autres considèrent que le Danemark qui dit "je
14:16 ne veux plus voir un seul demandeur d'asile, tout cela il reste en Afrique", ce serait
14:21 ça l'avenir de ce que nous sommes nous en tant que Français et Européens ?
14:26 Moi, ce que je veux éviter pour ce pays et pour l'Europe, c'est exactement ce qui
14:30 s'est passé au Danemark.
14:31 Le Danemark il y a dix ans, c'était le multilatéralisme le plus absolu, il n'y avait aucun problème
14:35 avec l'immigration, tout était formidable, etc.
14:38 Et puis dix ans après, ce n'est pas un seul étranger au Danemark.
14:42 Donc c'est ça que nous devons éviter pour nous-mêmes.
14:44 Encore une fois, ça correspond au vote des électeurs danois, Pascal Brice ?
14:47 Mais ça correspond au vote des électeurs danois parce que les électeurs danois et
14:50 les responsables politiques danois se sont laissés aller à la pente de la paresse,
14:54 du conformisme, de la stigmatisation qui est récurrente dans l'histoire notamment de
14:59 l'Europe.
15:00 Et c'est ça que nous avons les moyens aujourd'hui de stopper et que nous devons stopper par
15:04 cet accueil organisé et maîtrisé.
15:06 Les questions des auditeurs de France Inter, 01, 45, 24, 7000.
15:11 On va accueillir Paul qui nous appelle du département de l'ISER.
15:15 Bonjour Paul.
15:16 Oui, bonjour.
15:17 Ma question est simple.
15:19 L'Europe ne s'est-elle pas fait piéger, disons, par le gouvernement tunisien qui a
15:25 bénéficié de certaines aides, ces vraies subventions, je schématise, pour envoyer
15:29 des gens à mourir dans le désert ?
15:32 Merci à vous, Paul, pour cette question directe.
15:35 Pascal Brice vous répond.
15:36 Oui, Paul, moi je partage votre analyse.
15:37 C'est-à-dire que l'Europe s'est fait piéger par le président tunisien, comme
15:41 elle s'est fait piéger régulièrement par le régime militaire algérien, par le roi
15:46 du Maroc, à une époque Poutine et Loukachenko, lorsqu'on a retrouvé des migrants et qu'ils
15:52 ont mis des migrants dans le froid.
15:55 Oui, à partir du moment où l'Europe n'organise pas la migration, elle se met dans
16:01 les mains de ces régimes-là.
16:03 Et donc, effectivement, c'est un piège permanent, ne serait-ce que du point de vue
16:08 de la souveraineté des Européens et des Français.
16:10 Nous devons sortir de cela.
16:12 Et sortir de ça, c'est dire bon, écoutez, voilà, maintenant, nous, Européens, on n'est
16:16 pas suicidaires.
16:17 On sait que l'immigration, c'est une nécessité non seulement pour les personnes qui viennent,
16:20 mais aussi pour notre bien-être collectif et pour notre économie.
16:24 Il faut l'organiser.
16:25 On travaille dans les pays d'origine, dans les pays de transit, au contrôle et à l'accueil
16:31 en Europe.
16:32 Et c'est comme ça qu'on arrête, effectivement, Paul, d'être dans les mains de ces régimes
16:36 qui, en réalité, instrumentalisent tout cela.
16:38 Et on se retrouve avec des hommes, des femmes, des enfants morts de faim et de soif dans
16:45 le désert tulisien, comme ça a été le cas entre la Biélorussie et la Russie, il n'y
16:48 a pas si longtemps.
16:49 Mathias nous appelle de Toulouse.
16:51 Bonjour Mathias.
16:52 Bonjour.
16:53 Précisément d'Agent aujourd'hui.
16:54 D'Agent, bien sûr.
16:55 Ce n'est pas la même chose.
16:56 Merci infiniment pour toutes vos bonnes émissions et votre bel exemple.
17:00 Et voilà, c'est la suite de ce que vous disiez, l'organisation de la souveraineté
17:06 européenne, je dois dire, euro-méditerranéenne, je dis le mot un peu, ou euro-africaine.
17:11 Pourquoi on n'a pas un gouvernement fédéral, euro-méditerranéen, alors qu'on en parle
17:17 depuis si longtemps, dans lequel on organise tout cela ?
17:19 Alors je dirais, en fait, le problème, c'est le changement climatique qui s'accélère
17:24 et qui va accélérer ces choses-là.
17:25 Et on va être pris du cours, en fait.
17:27 Donc il faut organiser ces choses-là de manière collégiale et humaine le plus vite possible.
17:31 Merci à vous, Mathias Pascal-Bris, sur ce point.
17:33 Les discussions au-delà des méditerranéens.
17:36 D'abord, moi, je voudrais vraiment prolonger ce que dit cet auditeur parce qu'il y a des
17:40 solutions.
17:41 Moi, je voudrais qu'on arrête de dire tout ça est terrible, nous tombons sur le...
17:45 Non, il y a des solutions.
17:46 Et notamment ce qu'évoque votre auditeur, c'est-à-dire que c'est évidemment dans l'espace
17:50 européen, dans l'espace euro-méditerranéen, qu'il faut pouvoir apporter des solutions,
17:55 y compris en lien avec le changement climatique, qui a des conséquences.
17:58 On le sait en termes de déplacement migratoire.
18:02 Donc là, je voudrais vraiment qu'on puisse ouvrir ces perspectives-là et de manière
18:06 à sortir encore une fois de situations.
18:08 On se fait instrumentaliser régulièrement.
18:10 Vous savez, une des conséquences de tout cela, de cet enfermement, de cette obsession
18:13 migratoire que certains politiciens instrumentalisent et auxquelles certains Français et Françaises
18:17 se laissent aller, ça suppose qu'on aille à la confrontation et à la discussion sur
18:22 ce qui vive et ce qui vive.
18:24 C'est qu'au fond, on se retrouve là avec des situations qui sont absolument intolérables
18:30 pour les uns et pour les autres.
18:32 Pascal Brice, je voudrais qu'on parle de la situation en France.
18:35 La France a accepté 56 000 demandes d'asile l'an dernier et franchi la barre du demi-million
18:39 de réfugiés accueillis.
18:40 C'est le bilan de l'OFPRA qui a été fait il y a quelques semaines.
18:44 Qu'est-ce qu'il en est de nos capacités d'hébergement ? Je rappelle que votre fédération
18:47 regroupe des acteurs qui assurent l'hébergement des migrants en tant qu'opérateurs de l'État.
18:51 Est-ce que nos capacités sont suffisantes ?
18:53 Non, elles sont très élevées.
18:56 Je reconnais l'effort des pouvoirs publics.
18:59 Vous avez un effort important d'accueil.
19:02 Ils ont doublé en quelques années ?
19:03 Oui, on a plus de 200 000 places d'hébergement d'urgence.
19:07 Mais la situation devient en réalité insoutenable.
19:10 Pourquoi ? Vous avez un tiers des demandeurs d'asile qui sont à la rue, alors qu'ils
19:13 devraient être hébergés.
19:14 Ça représente combien de personnes à peu près ?
19:16 C'est à peu près 30 000 personnes qui sont à la rue.
19:21 Et puis vous avez celles et ceux qui sont en hébergement d'urgence, étrangers de
19:24 différents statuts ou en absence de statut.
19:27 Et là, le gouvernement, cet été, est en train de fermer des places d'hébergement
19:30 d'urgence, remettre des gens à la rue.
19:33 Et là, c'est là où je voudrais insister sur le fait qu'un accueil organisé et maîtrisé,
19:38 ça suppose d'abord d'arrêter de laisser les gens à la rue parce que c'est une atteinte
19:42 à leur dignité et que ça sème le désordre dans l'esprit des Français et des Françaises.
19:46 Donc, je demande là à votre micro au gouvernement de cesser immédiatement ces fermetures d'hébergement
19:50 d'urgence parce que moi, je sais ce qui va se passer.
19:52 Si on a à nouveau une canicule, là, au mois d'août, ça va être la panique générale
19:58 parce qu'évidemment, il est hors de question de laisser les gens à la rue avec les conséquences
20:01 que ça suppose.
20:02 En panique, le gouvernement va nous demander d'accueillir les personnes.
20:06 Moi, je demande qu'on cesse ces gestions à l'urgence et au thermomètre, qu'on organise
20:12 l'accueil des hommes et des femmes et des enfants.
20:14 Vous savez qu'aujourd'hui, au moment où nous parlons, au moins 2000 enfants dans la
20:17 rue de ce pays.
20:18 Donc oui, il y a un effort important, mais il est encore insuffisant et je demande qu'on
20:22 cesse les fermetures de places d'hébergement.
20:24 Il y avait l'objectif de créer des sas d'accueil temporaires en dehors de la région parisienne,
20:29 en dehors de l'île de France.
20:31 Où est-ce qu'on en est, Pascal Brice, de la création de ces centres ? On sait qu'ils
20:34 ont généré des tensions, pour ne pas dire plus, dans plusieurs communes.
20:37 Écoutez, moi, ça me met en colère, ça.
20:41 Je vais vous dire pourquoi.
20:42 Moi, j'ai été, vous l'avez dit, directeur de l'OFPRA.
20:44 Je suis maintenant président d'une fédération d'associations qui accueille des étrangers
20:47 un peu partout dans le pays.
20:48 Je sais d'expérience, pour être allé partout dans ce pays, que lorsqu'on accueille les
20:52 étrangers dans de bonnes conditions, un peu partout dans le pays, et pas seulement en
20:56 région parisienne, au risque de les laisser à la rue.
20:58 Les choses se passent très bien.
21:00 Je peux vous parler de ce qui s'est passé chez moi en Pays-Nantais, ce qui s'est passé
21:05 dans le sud-ouest, dans l'est, partout dans le pays.
21:08 Et là, on a un gouvernement qui nous dit « on va faire ça, on va mieux accueillir
21:11 les personnes qui sont là, un peu partout dans le pays ». Très bien.
21:14 Mais le gouvernement ne se donne pas les moyens de cette politique.
21:17 D'abord, est-ce que vous avez entendu M.
21:19 Darmanin défendre cette politique ? Silence radio.
21:21 On ferme des places d'hébergement d'urgence un peu partout, au moment où des gens arrivent
21:25 orientés.
21:26 Donc moi, je demande au gouvernement de se donner les moyens de réussir cette politique,
21:29 parce que c'est ça l'accueil organisé, maîtrisé, respectueux de la dignité des
21:33 personnes et également de l'ordre public et de l'ordre dans ce pays pour les citoyens
21:38 de ce pays.
21:39 Merci à vous, Pascal Brice, d'avoir été l'invité du Grand Entretien ce matin, président
21:43 de la Fédération des Acteurs de la Solidarité.
21:45 Bonne journée à vous.

Recommandations