La France, pays du fromage, pays des fromages qui tous sont liés à des terroirs et une histoire singulière. Dans la vallée de la Dordogne, le cabécou est lié à une sainte et une ville, Rocamadour, qui domine les alentours avec ses maisons cossues et ses chapelles dont l'une renferme la célèbre Vierge noire. Dans le Jura, ce sont les hivers rudes et longs de ce coin le plus froid de France qui ont donné naissance au fromage Comté. Pour survivre, les moines puis les paysans ont dû inventer un produit laitier de garde. Ils ont transformé le paysage et se sont organisés collectivement. Les coopératives et les sommets que se partagent conifères et pâturages racontent cette histoire. Année de Production : 2023
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TVTranscription
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00:38 (Gémissements d'oiseaux)
00:41 -Ces chèvres, qui se repèsent des herbes folles
00:44 des plateaux secs et minéraux d'Ecosse du Quercy,
00:47 sont les héritières d'une histoire millénaire,
00:51 celle du kabekou, un fromage qui a permis aux paysans d'ici
00:55 de survivre et prospérer.
00:57 -Aïe !
00:58 -Cette culture pastorale a patiemment dessiné le paysage
01:02 en leur donnant de murets et de constructions modestes,
01:07 mais élégantes.
01:08 (Générique)
01:11 Au XIIe siècle, ces chemins larges et sécurisés des bergers
01:15 se transforment en autoroutes médiévales de pèlerins
01:18 quand pauvres et malendrins ou riches pénitents
01:22 viennent implorer la célèbre Vierge noire de Roquamadour.
01:26 (Générique)
01:28 Le spectaculaire sanctuaire Marial devient l'un des 4 hauts lieux saints
01:32 de la chrétienté, rivalisant avec Rome,
01:35 Saint-Jacques-de-Compostelle et Jérusalem.
01:39 Les pèlerins essaiment alors aux quatre coins de l'Europe
01:43 le trésor d'Ecosse au lait de chèvre et à la blancheur délicate
01:47 qu'on appelle aujourd'hui le Roquamadour.
01:50 (Générique)
01:54 ...
02:00 Sur les Cosses du Quercy, la terre est pauvre,
02:03 mais les herbes sauvages font le régal des brebis et des chèvres
02:07 élevées par les paysans et les seigneurs locaux.
02:10 (Cri de chien)
02:12 Au Moyen Âge, la production fromagère se développe
02:17 pour une consommation familiale d'abord, puis commerciale.
02:21 Les élevages croissent et se multiplient
02:24 avec des contraintes qui vont redessiner cette terre.
02:27 (Cri de chien)
02:30 ...
02:35 -C'est un animal relativement destructeur.
02:38 Le troupeau de chèvres demande une surveillance
02:41 et une gestion particulière.
02:43 On a des bergers professionnels qui peuvent regrouper
02:46 le troupeau de la communauté.
02:49 On a des élevages familiales.
02:51 On va confier 3 ou 4 chèvres aux enfants.
02:55 (Cri de chien)
02:57 -La campagne se couvre alors de murets,
03:00 ouvrages modestes régulièrement rénovés,
03:04 qui sont indissociables de l'identité du Quercy.
03:07 (Cri de chien)
03:09 -Ces murets sont construits en pierre sèche.
03:12 "Sèche", ça veut dire qu'il n'y a pas de mortier dedans.
03:15 C'est un empilement très habile de pierre sèche
03:19 qui retire les pierres du sol.
03:21 On a le corps du muret avec ses pierres à ajuster les unes sur les autres,
03:25 "calé", c'est le terme.
03:27 Et on a le couronnement, en pierre dressée,
03:30 pour éviter que les animaux ne puissent franchir le muret.
03:34 ...
03:41 -A l'époque, ces murets sont destinés à enclore les animaux
03:45 ou à protéger les quelques cultures de froment
03:48 des maladies baladeuses des chèvres,
03:50 bien plus téméraires que les brebis.
03:52 ...
03:58 -Là, on est à côté de ce qui était un compte aux moutons,
04:02 un compte à doux.
04:03 Cette petite ouverture basse a été prise dans un mur plus haut.
04:07 Le mur est dégradé.
04:08 On faisait passer les moutons ou les brebis à travers
04:12 pour vérifier que toutes les brebis étaient là
04:14 quand on les sortait de l'enclos.
04:17 Quand on ne savait pas compter les moutons,
04:19 la tradition veut qu'on confie au jeune patre un bâton
04:23 avec autant d'encoches qu'il y avait de moutons.
04:25 Au passage, dans le compte à doux,
04:28 il suffisait avec le doigt de descendre sur le bâton
04:31 et de compter chaque encoche
04:33 et de vérifier si le compte était bon ou pas.
04:35 ...
04:41 -A Espedaillac, un village pastoral des plus typiques,
04:45 en plein coeur du parc régional,
04:47 on entretient encore avec soin les caselles.
04:50 ...
04:53 Des cabanes rondes et gracieuses, greniers à grains,
04:56 réserve d'eau ou, comme ici, abris en pleine campagne
05:00 pour les bergers et leurs chèvres.
05:02 ...
05:09 Cet édifice, simple étable de passage,
05:13 est savamment construit, tel les églises du Haut Moyen Âge.
05:17 Le bâti carré est surmonté d'une couverture ronde,
05:21 un savoir-faire parfaitement maîtrisé par ces bergers bâtisseurs.
05:25 ...
05:30 -On le voit dans ce détail de construction.
05:33 On a ce dispositif de pierre qui vient en trapèze
05:36 récupérer la forme circulaire de la voûte
05:38 pour l'adapter progressivement
05:40 à l'aspect croix d'angulaire de la maçonnerie.
05:43 C'est un dispositif très habile et très soigné
05:46 qu'on retrouve aux 4 angles du bâtiment
05:49 qui montre le savoir-faire de ces bâtisseurs.
05:52 ...
06:01 -Puisqu'il faut mener au pâturage les troupeaux,
06:04 les bergers créent des sentiers balisés, encadrés de murets,
06:08 pour éviter que bêtes et hommes ne s'égarent
06:11 dans les paysages inhospitaliers des Causses kersinoises.
06:14 ...
06:17 -Nous sommes ici sur une draille,
06:19 qui est un maillage de chemins réservés aux troupeaux.
06:22 Des chemins très larges pour le Causse,
06:25 donc beaucoup plus larges que les chemins publics,
06:28 et qui vont vers des lieux de rassemblement.
06:32 Ça peut être des foires, notamment Rocamadour,
06:36 où l'hospital est, près de Rocamadour.
06:39 ...
06:41 -Ces chemins sécurisés sont une aubaine
06:44 pour des milliers de pèlerins qui commencent à affluer
06:47 vers le pic rocheux de Rocamadour, dans le nord du parc régional.
06:51 ...
06:54 A l'époque, la concurrence est âpre entre les différents sanctuaires,
06:59 qui tous souhaitent attirer les pèlerins en leur sein,
07:02 mais surtout leur bourse.
07:04 Ne pouvant prétendre, comme Veselet ou Saint-Denis,
07:08 à une relique venant de Terre sainte,
07:11 le site Marial Troglodite va se concocter un miracle
07:15 en l'an 1166.
07:17 ...
07:19 -Ici, on est devant le tombeau de Saint-Amadour.
07:22 Un habitant du village voulait être enterré
07:24 près d'un petit oratoire où on priait la Vierge.
07:27 Au surprise, en creusant le rocher, on a découvert un corps intact.
07:31 Les autorités religieuses ont déclaré
07:34 que c'était un miracle.
07:35 Ils lui ont donné le nom d'Amadour, proche de la Vierge,
07:39 "aime la Vierge", qui a donné le nom au village.
07:42 ...
07:44 -Le miracle se confirme.
07:46 Dès la fin du XIIe siècle,
07:48 le pèlerinage est aussi prisé que Rome,
07:51 Saint-Jacques-de-Compostelle et même Jérusalem.
07:54 -Tout le gratin médiéval, forcément, venait à Rocamadour.
07:58 C'était une obligation de venir au moins une fois dans sa vie.
08:03 Après, on a eu Saint-Louis.
08:04 Tout le monde connaît lui.
08:06 Il est venu en habit de pèlerin.
08:09 Il a monté les 216 marches avec son aéropage
08:12 en récitant des Ave Maria à genoux.
08:14 Les bergers étaient là, autour.
08:16 Ils étaient aux premières loges.
08:18 Ils admiraient tout ce "fast royal".
08:21 C'était un habit simple.
08:23 Ils montaient l'escalier ici. Ca grouillait de monde.
08:26 -A droite du tombeau de Saint-Amadour,
08:29 la chapelle miraculeuse date du XIIe siècle.
08:32 Les pèlerins y vénéraient la Vierge de Rocamadour,
08:36 dont le culte remonte à des temps bien plus anciens.
08:39 ...
08:45 -Cette Vierge, de couleur noire,
08:47 représente la fécondité.
08:50 On pense qu'elle a remplacé une déesse de culte païen
08:53 qui, curieusement, portait la couleur noire,
08:56 sans doute associée à cette terre fertile,
08:59 qui était l'humus, le terreau, la terre des volcans.
09:03 On vient prier la Vierge pour avoir des enfants.
09:06 -La Vierge noire prolifique
09:08 aurait réalisé 126 miracles au cours du Moyen Âge.
09:12 La Vierge étoile de la mer
09:14 protégeait les marins en péril.
09:17 Et bien que l'on se trouve ici,
09:19 à plus de 200 km des premières côtes maritimes,
09:23 chaque sauvetage était presque immédiatement
09:26 et consciencieusement répertorié par les moines.
09:29 ...
09:31 -Il y a une cloche au-dessus,
09:33 une cloche carolingienne qui sonnait toute seule.
09:37 C'est un côté miraculeux.
09:39 Elle prévenait les moines qui notaient l'heure et le jour
09:42 et attendait les témoignages des marins.
09:45 ...
09:47 -Les pèlerins venaient de toute l'Europe par milliers.
09:50 A la fin du XIIIe siècle,
09:52 la basilique Saint-Sauveur qui jouxte la chapelle de la Vierge
09:57 a dû être agrandie pour continuer à les accueillir.
10:00 Certaines années,
10:01 25 000 personnes montaient jusqu'au sanctuaire.
10:04 Une manne pour l'économie locale.
10:07 ...
10:09 -Il fallait bien les nourrir,
10:12 que ce soit à travers le pain,
10:14 que ce soit à travers les fameux fromages de chèvre
10:17 qu'ils peuvent emporter,
10:19 puisque ça peut être mis dans sa besace et pris avec soi.
10:22 Tout cela pouvait participer à l'économie
10:25 de tous ces gens qui venaient en pèlerinage ici
10:28 et à l'économie de tous ces gens qui vivaient autour.
10:31 ...
10:33 -Mais au XIVe siècle,
10:35 la guerre de Cent Ans et les bandits de Grand Chemin
10:38 menacent dangereusement le sanctuaire et le pèlerinage.
10:42 Les moines de Rocamadour se dotent alors d'une garnison
10:45 pour repousser d'éventuels assaillants.
10:48 ...
10:50 -Il y a un escalier secret
10:52 qui permet de passer de la sacristie actuellement
10:55 jusqu'aux remparts.
10:58 Et cela, déjà, était du temps de cette garnison,
11:02 parce qu'ils avaient besoin de pouvoir passer du haut en bas
11:06 sans être vus et sans être pris, surtout.
11:08 ...
11:12 -L'escalier secret a été creusé dans la roche.
11:15 Il rejoint, 80 m plus haut,
11:18 les remparts construits à la même période.
11:21 ...
11:36 Ces remparts dominent tous les cosses.
11:38 Et ensuite, lorsqu'il y a une attaque
11:41 ou un groupe qui pourrait arriver,
11:43 ils peuvent descendre immédiatement et se rendre au sanctuaire
11:47 pour prévenir les gardes et les moines.
11:49 Mais en 1562,
11:51 lors des guerres de religion,
11:54 les protestants saccagent, pillent le sanctuaire
11:57 et brûlent le corps de Saint-Amadour.
12:00 ...
12:02 La population paysanne réussit à cacher la Vierge noire
12:06 et récupère, fort heureusement pour la réputation du site,
12:10 quelques ossements du sein de Rocamadour,
12:12 aujourd'hui exposés dans cette ossuaire
12:15 de la Basilique Saint-Sauveur.
12:17 ...
12:19 Rocamadour plonge pourtant dans l'oubli.
12:22 Le pèlerinage n'est plus.
12:24 ...
12:28 Sur l'Ecosse, l'économie rurale se fait moins florissante.
12:32 Mais les bergers, eux, continuent d'élever leurs chèvres
12:36 et de produire ce kabekou.
12:38 Et même s'ils sont moins nombreux qu'au Moyen Âge,
12:41 c'est toujours la même terre sèche qui les fait vivre.
12:45 -Les chèvres, elles mangent l'herbe naturelle des Cosses.
12:48 Je les sors tous les jours, malgré le temps,
12:51 toute la journée,
12:53 du printemps jusqu'au début de l'hiver.
12:57 -Au XXe siècle, le petit palais blanc au lait de chèvre
13:01 se voit attribuer ses lettres de noblesse
13:04 et une assurance de survie.
13:06 C'est le miracle de l'appellation d'origine protégée,
13:10 l'AOP, qui valorise le terroir et la culture millénaire
13:14 dont Alain Lacoste, berger, est un représentant.
13:18 -Depuis 96, c'est le rocamadour.
13:22 Autrefois, il ne s'appelait que du kabekou.
13:25 Ca a été une appellation normalisée.
13:28 C'était à peu près les mêmes choses.
13:31 Le format a été standardisé pour tout le monde.
13:36 -Les 200 litres de lait quotidiens fournis par les chèvres
13:41 vont produire 600 fromages.
13:43 ...
13:48 Aujourd'hui, le rocamadour est un fromage recherché,
13:52 prisé des meilleures tables, mondialement célébré.
13:56 ...
14:02 -C'est trop bon. -Oui ?
14:05 Pas trop affiné, ceux-là ? -Non, justement.
14:08 On aime la petite crème entre la croûte et le coeur du fromage.
14:13 Ca commence à être bien crémeux.
14:15 -C'est sans doute le plus grand miracle qu'a produit cet air,
14:21 qu'un morceau de fromage porte en lui seul
14:24 des milliers d'années de labeur et de foi,
14:27 le souvenir d'un roi saint et des petits patres
14:31 qui comptaient leur bête à l'aide d'un bâton à encoche.
14:35 ...
14:42 ...
15:10 -On tape pas un fromage.
15:12 On sonne, parce qu'on a besoin de comprendre.
15:15 On communique, en fait.
15:17 Vous pouvez même pas vous imaginer,
15:19 quand on approche un fromage, tout ce qui se déclenche en nous...
15:23 C'est une histoire qu'on ouvre. Un film démarre.
15:27 ...
15:33 -Cette histoire, c'est celle du comté.
15:36 Une histoire collective qui s'est forgée
15:39 dans l'est de la France, sur les plateaux du Jura,
15:42 la petite Sibérie française, la région la plus froide de France,
15:46 coincée entre Besançon et la frontière suisse.
15:49 Là, des hommes ont lutté pendant des siècles
15:52 pour gagner des pâturages, ont résisté pour leur survie.
15:56 Sans eux, on ne verrait pas ces solides bâtisses comptoises.
16:00 Il n'y aurait que la forêt.
16:02 Pas de paysage en noir et blanc,
16:04 rythmé par la silhouette sombre des épicéas
16:07 et des tendues immaculées.
16:09 -Ce paysage, c'est un paysage qui a été produit par l'homme
16:13 et qui est entretenu par celui-ci.
16:15 Il faut imaginer qu'à la place de ces prairies,
16:18 autrefois, avant l'installation de l'homme,
16:21 nous étions dans des forêts.
16:23 C'est à partir de l'époque médiévale
16:26 qu'on va y pénétrer et s'y installer en les défrichant.
16:30 ...
16:40 -Il y a plus de 700 ans qu'on retrouve les 1res traces écrites.
16:44 Les agriculteurs se sont organisés en communauté
16:48 pour mettre en commande leur lait et le transformer.
16:52 On va fabriquer des fromages.
16:54 Ces fromages avaient 2 propriétés.
16:57 Ils se gardaient longtemps, pouvaient être stockés
17:00 et ils pouvaient être transportés.
17:02 ...
17:10 -Avant l'arrivée du printemps, on a peine à imaginer
17:13 que toute la richesse de ce pays tient dans son herbe.
17:16 Celle du prébois, où pâturent les vaches
17:19 et qui fait le comté à pête jaune à la belle saison.
17:22 Celle du fond du Val Confoche
17:25 et qui donne le comté d'hiver à pâte blanche.
17:27 ...
17:33 A la Chapelle-du-Hain, comme dans les autres hameaux
17:36 qui longent la frontière suisse, l'hiver venu,
17:39 les vaches ne mettent pas beaucoup le museau dehors.
17:42 -17 est une norme acceptable.
17:44 ...
17:49 Dans les granges qui jouxtent les habitations des fermes jurassiennes,
17:54 les chaux de foin récoltés au beau jour
17:56 sont protégés comme des trésors.
17:58 ...
18:01 A la Combe de Lachaux ou dans le Vallon de la Bosseine,
18:04 la fauche ne parfumera pas le lait des mêmes saveurs.
18:08 ...
18:17 -On évalue la qualité des différentes ballerons
18:21 pour voir les vaches qui aimeront le mieux.
18:24 Elles sont difficiles et très gourmandes.
18:27 Elles savent parfaitement faire la différence
18:30 entre un fourrage plus ou moins bon.
18:33 Impossible de les duper.
18:35 ...
18:41 -C'est pas 100 000 meules de la même usine
18:44 qui fabrique un produit régulier tous les jours.
18:47 En fonction de l'altitude, de la latitude,
18:50 de l'exposition, de la nature des sols,
18:52 de la profondeur du terrain
18:54 et de l'herbe qui pousse
18:57 à Chapelle-du-Hain,
18:59 ou au Narbier, ou à Bélherme,
19:03 on sait qu'on aura des produits différents.
19:06 ...
19:18 -Dans les villages, depuis qu'au Moyen Âge,
19:20 les moines des fricheurs ont commencé à faire du fromage,
19:24 la vie s'organise autour de la production de ces meules rondes
19:28 qui font vivre la population depuis des générations,
19:31 comme ici, à l'Achaud-de-Gilet, le long de la frontière suisse.
19:35 ...
19:37 -La géographie du lieu nous montre une organisation très typique
19:41 de l'habitat et des espaces agricoles du massif du Jura.
19:45 Sur les 2 extrémités, on a les sommets des anticlinaux,
19:49 les monts, sur lesquels on voit les résineux et la forêt.
19:54 Nous avons le fond du Val qui est occupé par le village.
19:59 Nous avons un village d'habitats groupés.
20:02 Ici, autour de Saffrutière,
20:04 qui est l'un des 3 bâtiments les plus importants de la commune,
20:09 car ici, dans le soget, nous avons la fruitière,
20:12 la mairie-école et l'église.
20:14 On peut observer ces 3 éléments qui sont voisins
20:18 dans le centre du village.
20:20 ...
20:25 Ces fromages nécessitaient une mise en commun de beaucoup de lait.
20:30 Pour en faire un, il fallait entre 300 et 400 litres de lait,
20:33 comme un comté actuel qui a besoin de 400 litres.
20:36 Ce n'était pas à la portée d'une seule famille d'éleveurs
20:40 que de produire autant de lait à cette époque.
20:43 C'était une communauté villageoise qui mettait en commun son lait
20:46 pour le transformer en fromage.
20:48 ...
20:51 -Depuis le XIIIe siècle, toutes les fromageries de comté
20:54 sont appelées les fruitières, de "fructus" en latin,
20:58 qui veut dire "les fruits de la terre".
21:00 C'est là que les éleveurs mélangent leur lait.
21:03 ...
21:06 -Ainsi, en toute saison et par tous les temps,
21:10 chacun apporte son lait fraîchement très à la fruitière,
21:13 accroché au dos des filles robustes, le chien atelé.
21:18 ...
21:21 ...
21:41 -On est déjà dans une économie du IIIe millénaire,
21:44 plus sociale, plus solidaire, plus alter-mondialiste.
21:48 C'est intéressant et passionnant.
21:50 ...
21:54 ...
21:57 -Une fruitière récolte le lait dans un périmètre de 25 km.
22:01 A la chapelle du Hain, comme ailleurs,
22:03 on tient son rôle pour le bien collectif.
22:06 ...
22:10 -Je pense que c'est un bien que nos ancêtres ont créé les copes,
22:14 qu'on a fabriqué du comté, qu'on a su garder l'outil de travail
22:19 pour pérenniser la chose.
22:20 -Un esprit coopératif qu'il faut savoir entretenir.
22:24 -C'est tout le long de la chaîne, parce que nous, c'est la coopérative.
22:28 On doit avoir tous le même esprit.
22:31 Il faut déjà avoir un esprit coopérateur au départ,
22:34 et toujours aller dans ce sens-là.
22:36 C'est pas toujours évident, ça.
22:38 Parce que vous avez toujours des gorges...
22:41 -Ca, c'est important.
22:43 C'est important, au niveau de la cope,
22:45 de savoir travailler ensemble,
22:48 et de tous s'investir aussi.
22:49 C'est vraiment un investissement personnel,
22:52 mais de tout le monde, qu'on a besoin de tous.
22:55 -La coulée est terminée.
22:57 Mais non pas le rôle du chalet,
22:59 où s'attardent conseillers municipaux, ménagères et autres,
23:02 où s'échangent idées et réflexions,
23:05 où s'éprouve l'irréductible solidité de l'amitié paysanne,
23:08 où s'aiguisent le bon sens.
23:10 ...
23:14 -Après la traite, le soir et tôt le matin,
23:17 à la fruitière de la Chapelle-du-Hain
23:20 et dans tout le territoire, l'or blanc change de main.
23:23 ...
23:32 Daniel, le fromager, récupère le lait dans 11 fermes.
23:36 A son tour de transformer la collecte.
23:39 ...
23:41 -Je le chauffe, j'apporte des ferments pour le faire mûrir.
23:45 Quand j'estime qu'il est assez mûr,
23:48 j'ajoute de la présure pour le faire cailler.
23:51 Je le laisse durcir.
23:53 Ensuite, je le coupe en grains.
23:56 ...
24:02 Depuis tout temps, le fromager, à l'ancien temps,
24:05 était considéré comme un sorcier,
24:08 parce qu'il transformait du lait en fromage.
24:11 ...
24:20 -Les jeunes fromages de la Chapelle-du-Hain
24:23 quittent la fruitière pour le fort Saint-Antoine,
24:26 situé au sud de la Franche-Comté, à 1 100 m d'altitude.
24:29 Un ancien fort militaire, érigé en 1876
24:33 à la suite de la défaite de la France contre la Prusse.
24:37 Pour le comté,
24:38 débute alors un voyage dans la pénombre.
24:41 ...
24:44 Au fil du temps, seuls quelques meules
24:47 deviendront de grands crus
24:49 et regagneront en 24 mois l'eau limpe du comté.
24:53 ...
24:58 Une fois par mois, les hommes viennent prendre des nouvelles
25:01 de leur production collective, confiées aux mains,
25:04 aux nez, aux regards et au palais de Claude, l'affineur.
25:08 ...
25:13 -Déjà, ça sonne bien, au niveau de l'aspect.
25:16 C'est un lait qui est régulier, bien emmorgé,
25:19 on a un croutage régulier.
25:21 On est sur un jour particulier, et c'est même plus précis que ça,
25:24 on est dans la 2e cuve.
25:26 ...
25:29 -Ca parle beaucoup plus de poésie, à cet instant,
25:33 parce qu'on marie toutes les pensées qu'on a
25:36 sur l'origine de ce fromage et le résultat aromatique.
25:40 C'est comme une partition.
25:41 Une musique s'écrit, se lit dans notre bouche,
25:45 et c'est le plus beau moment de la dégustation.
25:48 ...
26:01 [Musique]