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#Ukraine #Russie #céréales
L'accord céréalier entre la Russie et l'Ukraine, sous l'égide de la Turquie et de l'ONU a été prolongé de deux mois. Signé en juillet 2022, il a déjà été reconduit en mars dernier. Cet accord permet notamment à l'Ukraine d'exporter son blé via la mer Noire, mais aussi à la Russie de faire souffler le chaud et le froid sur les cours des céréales dans le monde. L'analyse de Gauthier Rybinski, chroniqueur international à France 24.

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Transcription
00:00 On évoque ensemble la prolongation de cet accord qui arrivait donc à échéance.
00:05 Pourquoi l'avoir prolongé finalement aujourd'hui ?
00:08 Alors, pour les Ukrainiens c'est clair, c'est une source de revenus.
00:12 Quand on voit par exemple que dans les dix derniers mois ils ont pu écouler 30 tonnes de céréales,
00:19 et notamment de blé, c'est quelque chose qui n'est pas négligeable pour eux.
00:23 D'autant que, si vous voulez, les cours du blé ayant chuté,
00:28 on sait bien que l'Ukraine n'a pas grand chose à exporter en temps de guerre,
00:33 et que, j'allais dire, le marasme mondial qui en découle, qui découle de cette guerre,
00:39 n'est favorable ni à elle, ni à la Russie.
00:42 Sauf que la Russie, elle, a le gaz. Et le gaz continue à se vendre.
00:48 Alors, il y a une façon de voir les choses, c'est évidemment l'avantage quand il y a les Ukrainiens,
00:54 mais vous savez que cet accord est fragile.
00:56 Il est fragile parce que, normalement, il doit aussi permettre à la Russie d'exporter,
01:01 non seulement du blé, mais des engrais, et que la Russie, de par le fait qu'elle est soumise à des sanctions,
01:07 bien, indépendamment de cet accord, elle ne peut pas.
01:10 Elle ne peut pas exporter comme elle le souhaiterait,
01:13 via ce canal de la mer Noire, d'ailleurs, qu'elle contrôle quasiment entièrement.
01:18 Et donc, c'est là le problème. A chaque fois, Moscou dit "mais pourquoi l'Ukraine en profiterait, et nous ne pouvons pas ?"
01:24 Et malgré tout, Moscou accepte régulièrement de reconduire cet accord pour 60 jours, 120 jours.
01:31 Là, c'est 60 jours, justement, parce que Moscou estimait qu'il ne fallait pas favoriser outrageusement la partie adverse.
01:38 Et malgré tout, elle le fait. Alors pourquoi ?
01:40 Parce que, si vous voulez, quand on se prétend, comme l'a fait Vladimir Poutine,
01:45 le phare d'un monde de pays du Sud, des pays pauvres, d'un monde, finalement, de prolétaires en géopolitique,
01:54 quand on prétend les représenter, et quand on dit que l'on va lutter contre l'impérialisme mondial,
02:00 comme si soi-même, on n'était pas impérialiste, c'est autre chose.
02:04 Mais quand on prétend ça, on ne peut pas décemment verrouiller l'écoulement des céréales, vous l'avez dit,
02:11 il en va de la suffisance, l'autosuffisance alimentaire de beaucoup de pays et d'une crise mondiale.
02:18 Et à ce moment-là, Moscou apparaîtrait comme le fauteur de troubles, comme l'affameur, en quelque sorte,
02:23 ce que Moscou sait très bien faire, quand on repense à l'eau de mort en Ukraine,
02:29 mais donc, il ne pourrait pas, Poutine ne pourrait pas tenir cette position,
02:33 qu'il espère comme étant un ciment entre tous ces pays-là, qui devraient soutenir Moscou.
02:38 Donc il est obligé, d'une certaine manière, de dire "bon, les Ukrainiens gagnent un peu, et puis nous, on a le gaz de l'autre côté".
02:45 Parce que ça, c'est une réalité, finalement, aujourd'hui, cette situation,
02:48 elle a déjà eu pour effet de totalement désorganiser la vie d'une partie des pays du Sud.
02:53 Oui, parce que si vous voulez, ça nous renvoie, pas uniquement d'ailleurs les pays du Sud,
02:57 vous avez bien sûr les pays africains par rapport au blé, par rapport aux engrais,
03:01 mais vous avez aussi, regardez, par rapport au gaz, les Allemands qui étaient totalement dépendants.
03:07 Donc, ce n'est pas quelque chose de propre au Sud,
03:10 simplement, quand on est dans l'hémisphère Nord, on peut retomber sur ses pattes,
03:15 c'est ce que font les Allemands, mais dans l'hémisphère Sud, qu'est-ce que vous avez ?
03:19 Vous avez des pays qui ont entièrement misé sur le blé venant d'Ukraine ou de Russie.
03:24 C'est un problème de bonne gouvernance, parce que le blé, bien sûr, ça n'est pas une céréale africaine,
03:29 mais ça se cultive, on peut faire pousser du blé en Afrique.
03:32 L'Ethiopie, le Kenya le fait, pourquoi pas d'autres ?
03:35 Vous avez vu récemment que le Sénégal s'y met, mais c'est très tardif.
03:39 Et ça veut dire simplement que l'Afrique, et c'est ça qui est important,
03:43 en ayant cette dépendance vis-à-vis de la Russie et de l'Ukraine,
03:46 cette Afrique qui aspire totalement, légitimement, à jouer un rôle sur la scène internationale,
03:52 d'une certaine manière, elle s'est elle-même restreinte dans ce rôle-là,
03:56 puisqu'elle ne pouvait pas dire, suppliant Poutine de permettre l'exportation du blé,
04:03 elle ne pouvait pas avoir un avis, on va dire, détaché de ces circonstances, de ces contingences-là,
04:09 pour exprimer ce qu'elle avait exprimé sur ce conflit.
04:11 Et donc, vous avez bien vu qu'un certain nombre d'États africains,
04:15 soit par choix, soit par, justement, par, j'allais dire, réalisme commercial,
04:20 sont restés du côté de Moscou.
04:22 Et ça, ça fausse ce jeu, à partir du moment où on considère qu'il y a quelque chose d'intéressant
04:27 de l'Afrique, venant de l'Afrique, sur la scène internationale.
04:31 Donc c'est pour ça que ça a dû réorganiser, c'est en train de réorganiser,
04:35 un certain nombre de pratiques, j'allais dire, de dogmes commerciaux,
04:39 mais tout ça va aller beaucoup plus lentement qu'on ne le pense,
04:44 justement, en ce qui concerne les cultures du blé,
04:47 ou l'indépendance en ce qui concerne les engrais.
04:50 Donc tout ça est en gestation, mais vous savez très bien que le temps militaire
04:54 va beaucoup plus vite que le temps commercial ou économique.
04:57 Merci beaucoup.

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