Faut-il amender les parents des émeutiers? L'échange entre Laurence Rossignol et Éric Dupond-Moretti au Sénat

  • l’année dernière
Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti répond à Laurence Rossignol sur les amendes destinées aux familles des émeutiers, ce mercredi au Sénat.

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00:00 Je voudrais partager avec les collègues ici présents et les membres du gouvernement
00:04 le malaise que m'inspire le débat public depuis quelques jours.
00:07 Il y a une semaine, un jeune garçon a été tué par un policier dans l'exercice des fonctions,
00:10 policier mis ensuite en examen pour homicide volontaire.
00:15 Et aujourd'hui, le procès qu'instruisent certains réseaux politiques et les médias,
00:19 c'est celui des quartiers prioritaires et des parents qui y vivent.
00:23 Nous assistons à une véritable manipulation fondée sur une part de mensonge
00:28 et beaucoup d'ignorance, j'espère.
00:30 Non, les quartiers prioritaires ne sont pas inondés de subventions publiques
00:35 payées par des bons Français méritants.
00:37 6100 euros par habitant par an dans les quartiers prioritaires,
00:42 6800 dans les autres quartiers.
00:45 Dans ces quartiers, dans certains immeubles, 40% de mères monoparentales
00:49 qui enchaînent deux ou trois boulots par jour,
00:51 qui gardent les enfants des autres, les nôtres souvent,
00:54 et qui ne peuvent pas faire garder les leurs.
00:56 Des pères évaporés.
00:58 Vous voulez les poursuivre ?
00:59 Je suis d'accord avec vous.
01:01 Poursuivons-les, utilisons ce qui existe.
01:03 Poursuivons-les pour abandon de famille, par exemple.
01:06 Et dans les familles où les pères sont présents,
01:08 vous vous intéressez à la violence des enfants,
01:10 intéressons-nous aussi à la violence que ces enfants ont subie chez eux
01:13 avec leur mère et leur père.
01:15 Alors, Madame la Première Ministre,
01:17 aujourd'hui, au lieu de laisser accuser les mères,
01:20 je vous propose de les aider à survivre, à vivre,
01:23 que nous soutenions leurs associations, que nous les écoutions,
01:26 que nous les émancipions du clientélisme municipal aussi.
01:29 Misons sur les mères pour remettre les quartiers d'Aplon,
01:31 ce serait probablement notre meilleur investissement.
01:33 (Applaudissements)
01:36 Pour vous répondre, la parole est
01:40 Monsieur le Garde des Sceaux, ministre de la Justice.
01:43 Merci, Monsieur le Président.
01:48 Mesdames, Messieurs les sénateurs, Madame la Sénatrice Rossignol,
01:53 je pense qu'on ne veut pas poursuivre les parents.
01:58 C'est une caricature que de dire cela ainsi.
02:00 J'ai d'ailleurs dit moi-même que ce n'était pas question,
02:04 à mon avis, de supprimer des allocations.
02:08 Je pense en particulier aux femmes qui travaillent,
02:12 qui sont seules, qui élèvent leur famille,
02:17 qui le font avec beaucoup de dignité dans la difficulté.
02:20 Je pense aussi à des parents qui pourraient faire un certain nombre de choses
02:24 vis-à-vis de leurs enfants, en particulier assurer l'autorité parentale,
02:28 et qui ne le font pas.
02:30 Vous voyez, dans ces nuits courtes que nous avons eues les uns et les autres,
02:34 émaillées de mauvaises nouvelles et de vidéos,
02:36 il y a une vidéo qui m'a plu, c'est celle du père
02:38 qui va récupérer son gamin par le call-back
02:40 et qui lui dit "rentre à la maison",
02:42 parce qu'à 11 ans, on ne traîne pas dans les rues.
02:44 Je veux rappeler d'ailleurs que nous avons tous le souvenir,
02:47 enfin pour ceux qui se sont mariés,
02:49 des dispositions de l'article 212 du Code civil,
02:51 les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance,
02:55 on oublie le reste, les parents ont une obligation morale.
02:58 Ce n'est pas plus compliqué que ça à l'égard de leurs enfants, oui.
03:01 Et ceux qui peuvent et qui ne le font pas méritent d'être sanctionnés.
03:05 Puis il y a une responsabilité civile qui est très simple,
03:08 c'est quand les enfants cassent, c'est les parents qui paient.
03:10 Ça existe depuis toujours et il faut le rappeler.
03:13 Enfin, il y a une autre responsabilité pénale qui consiste,
03:16 lorsque l'enfant est convoqué,
03:18 pour les parents, de l'accompagner devant la justice
03:21 et s'il ne le fait pas, il en court une amende qui est une amende importante.
03:24 J'ai rappelé ça, j'ai demandé au procureur de le mettre en œuvre.
03:27 Je viens à l'attention des parents de rédiger un flyer,
03:31 voilà, c'est pas plus compliqué que ça,
03:33 qui explique en termes simples quelles sont les obligations
03:37 pour les parents, madame la sénatrice, qu'il aurait oublié.
03:40 (Applaudissements)
03:42 Madame la Présidente,
03:44 (Applaudissements)
03:46 Merci monsieur le garde des Sceaux,
03:48 je prends acte du fait que pour vous la loi suffit aujourd'hui
03:51 pour protéger les enfants et poursuivre les parents.
03:54 Vous savez, mes chers collègues, j'observe depuis quelques années
03:57 le monde politique, les hommes, les femmes,
04:00 y compris dans leur intimité et leur difficulté de parents.
04:06 Laissez-moi finir.
04:08 Il y a aussi chez nous des enfants arrêtés,
04:11 placés en garde à vue, mis en examen et condamnés.
04:14 Nos enfants ne sont ni meilleurs ni pires que ceux des autres.
04:18 Pour autant, je vous invite
04:20 à regarder les autres parents avec un peu plus d'empathie et de bienveillance.
04:23 Ils font comme vous, comme nous, comme ils peuvent, au mieux.

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