Émeutes: le profil des prévenus jugés en comparution immédiate

  • l’année dernière
Depuis le début des émeutes, 3625 personnes, dont 1124 mineurs, ont été placées en garde à vue, d'après le ministère de la Justice. Parmi celles-ci, 480 ont été jugées en comparution immédiate et 380 ont été incarcérées. 

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00:00 Alors ce qui m'a marqué c'est que, donc il y avait 11 dossiers à peu près qui devaient passer, 11 hommes, 11 jeunes hommes,
00:06 qui devaient comparaître aujourd'hui, alors je suis partie avant la fin, ça devait se terminer, ça va se terminer dans la nuit,
00:12 les avocats me disaient qu'ils s'attendaient à être là jusqu'à minuit environ.
00:16 Ce qui m'a frappée c'est que le prénom de Naël n'a jamais été évoqué, à aucun moment, que ce soit en dehors de l'audience ou au sein du tribunal.
00:25 Ce qui m'a frappée ensuite c'est quelque chose que j'avais jamais vu dans des comparitions immédiates, c'est autant de parents qui étaient là,
00:31 pour vous dire à un moment il y avait une suspension, des pères et des mères, il y avait une suspension d'audience à un moment,
00:36 pour que le tribunal délibère, c'est-à-dire décide du jugement à mettre à un jeune homme,
00:42 et puis au moment où l'audience devait reprendre il y avait beaucoup beaucoup de gens, parce que beaucoup de personnes étaient venues en soutien,
00:48 de prévenus qu'ils connaissaient, voire même qu'ils ne connaissaient pas.
00:52 Il y avait des jeunes autour de moi, je leur demandais pourquoi vous êtes là, ils me disaient "parce qu'on a voulu venir marquer notre soutien, mais on ne connaît personne".
00:58 Et donc les policiers qui faisaient la police d'audience ont demandé à ce que d'abord en priorité les parents rentrent dans la salle,
01:06 parce que la salle était quand même assez petite, et donc là on a vu une quinzaine de personnes sortir de la foule pour aller,
01:12 donc c'était les parents qui rentraient dans la salle.
01:14 Je n'avais jamais vu ça en fait, qu'au début d'une audience on demande aux parents d'abord de rentrer, c'est quand même assez rare,
01:19 et ça dénote de la jeunesse extrême des jeunes qui étaient là, même si on ne parle que de jeunes adultes, de majeurs,
01:25 parce que pour les mineurs c'est une justice différente.
01:27 Ensuite pour être dans le concret, ce que j'ai vu, il y a notamment deux jeunes hommes qui ont été à la barre,
01:34 d'abord le premier qui avait 18 ans, à qui on reprochait d'avoir jeté des cocktails Molotov sur le commissariat d'Arel Forville,
01:41 commissariat qui au final n'a pas eu de dégradation, lui ni à l'effet, néanmoins il a été interpellé et jugé pour cela.
01:48 Il avait un casier judiciaire vierge, sa maman m'avait expliqué qu'il était actuellement en recherche d'emploi,
01:55 elle m'a fait comprendre qu'il était un peu désœuvré, on va dire, et il a écopé de 18 mois de prison ferme,
02:03 c'est-à-dire qu'il est ressorti du box vitré sous escorte pour repartir directement en prison.
02:09 J'ai dit repartir parce qu'il venait de passer deux jours en prison à l'issue de sa garde à vue,
02:13 mais en réalité il n'avait jamais mis les pieds dans une prison, il n'a pas pu échanger avec ses parents qui étaient là,
02:20 son père et sa mère, il a juste envoyé un baiser aux deux qui se sont effondrés en sortant de la salle d'audience.
02:26 Donc j'ai parlé ensuite avec ses parents qui ne comprenaient absolument pas ce qu'ils faisaient là,
02:32 qui reconnaissaient que ce soir-là ils avaient laissé sortir leur fils qui donc avait 18 ans,
02:38 mais en disant qu'il avait l'habitude de sortir le soir avec ses copains, et ce soir-là aussi il est sorti,
02:43 mais qui ne comprenaient pas la peine prononcée, 18 mois de prison ferme,
02:49 beaucoup trop sévère, et pour vous dire combien ils ne comprenaient pas la justice,
02:53 et qu'ils ne savaient même pas qu'ils avaient le droit de faire appel, ils ne savaient pas comment faire appel,
02:56 l'avocate qui était commisse d'office n'est pas venue les voir,
02:59 ils ne savaient pas dans quelle prison allait aller leur fils ce soir, et pas moyen de le joindre.
03:04 Donc c'était quand même une déconnexion assez incroyable.
03:07 - Vous avez des regrets parfois formulés par certains ?
03:09 - Non, parce que tout le monde niait les faits, donc pas de reconnaissance des faits, donc pas de dénégation.
03:16 Un autre dossier ensuite qui est intéressant, parce que lui pour le coup a bénéficié de plus de clémence,
03:21 c'était un jeune homme de 18 ans aussi, qui était jugé lui pour le soir, jeudi soir, un soir des violences urbaines,
03:29 s'être trouvé à Champigny de mémoire, en train de filmer les émeutes,
03:33 et puis en voulant fuir, il a trébuché et a fait tomber un policier, ce qui n'a pas été blessé,
03:37 ça a été dit à l'audience, et donc d'ailleurs il a été jugé pour violence sur personne dépositaire d'autorité publique,
03:43 il a été relaxé pour ça.
03:44 En revanche, condamné pour participation à un groupement en vue de commettre des violences,
03:51 du fait qu'il filmait les émeutes, donc qu'il était là ce soir-là,
03:54 condamné à 5 mois de prison ferme, mais aménageable, c'est-à-dire qu'il va ressortir ce soir libre,
04:01 sa mère va aller le chercher en prison ce soir, et il pourra effectuer sa peine sous brasse électronique.
04:06 Il n'avait pas de casier judiciaire, il n'avait jamais été en prison,
04:08 sa mère qui est une ancienne policière s'est affondue en sanglots dans la salle d'audience
04:13 quand elle a compris que son fils n'allait pas aller en prison,
04:16 et d'ailleurs son fils a crié "je t'aime maman" dans la salle d'audience,
04:20 c'est des gens qui, moi je ne porte aucun jugement, je vous dis juste que c'est des gens qui,
04:26 on sentait qu'ils n'avaient pas l'habitude de se retrouver dans une prison.
04:28 - Oui, des primo-délinquants.
04:29 - Primo-délinquants, et des parents qui visiblement n'avaient jamais eu affaire non plus à la justice,
04:34 que ce soit pour d'autres enfants ou pour d'autres proches.

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