Les affaires d’État n’ont qu’un seul intérêt : mettre à nu les mécanismes du pouvoir. Clearstream est de celles-là. Ces films sont le fruit d’une longue enquête. Construits comme un thriller, ils proposent une plongée dans le monde fermé de la grande finance, au centre du lobby militaro-industriel, au coeur du pouvoir exécutif ou dans le secret de la magistrature. Là où d’ordinaire seuls sont admis les puissants. Par ailleurs, le spectateur est convié à mener sa propre enquête.
Manipulation, une histoire française
Une collection documentaire écrite par Christophe Nick, Vanessa Ratignier et Pierre Péan
Réalisé par Jean-Robert Viallet
Manipulation, une histoire française
Une collection documentaire écrite par Christophe Nick, Vanessa Ratignier et Pierre Péan
Réalisé par Jean-Robert Viallet
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00:00 Pour tous, l'affaire Clearstream est une histoire obscure.
00:05 Pour les journalistes Pierre Péan et Vanessa Ratignier, cette histoire en cache une autre.
00:10 Celle des pouvoirs politiques, financiers et militaires industriels qui ont fait la France depuis 25 ans.
00:17 Au commencement de l'affaire, il y a un homme, Imad Laoud.
00:22 Ancien trader, il est recruté dans les services secrets par le général Rondeau, le plus haut responsable du renseignement français.
00:29 Pour cette mission, Imad Laoud obtient, grâce à Jean-Louis Gergorin, une couverture chez EADS.
00:36 Si je n'avais pas rencontré Jean-Louis Gergorin ce jour-là, peut-être que ma vie aurait été totalement différente.
00:40 Imad me fait un grand numéro, je veux me réhabiliter. La France est mon pays, je veux servir mon pays.
00:45 Imad Laoud affirme pénétrer les systèmes informatiques de Clearstream et mettre à jour d'ahurissants réseaux de corruption.
00:52 Ou je fais confiance ou je ne fais pas confiance. Je lui faisais aveuglément confiance.
00:56 C'est quelqu'un de très séduisant.
00:59 Les informations de Laoud remontent jusqu'au sommet du pouvoir, jusqu'à Dominique de Villepin.
01:07 Bien sûr, je me suis amusé parce que pour accepter d'aller là-dedans, il faut être joueur.
01:13 Au centre des soi-disant réseaux de corruption, les noms de mafieux, de vendeurs d'armes, de politiques, dont celui de Nicolas Sarkozy.
01:23 Franchement, qu'est-ce que vous voulez que je réponde là-dessus ?
01:26 Mais c'est bien sûr, c'est Eureka. Mettre son nom, c'est ferrer le système.
01:33 [Musique]
01:38 [Musique]
01:41 [Musique]
02:09 L'affaire Clearstream se tisse maintenant depuis plus d'un an dans le secret de quelques hommes.
02:16 Jean-Louis Gergorin et Dominique de Villepin, sous l'emprise des fausses révélations d'Iman Laoud,
02:23 vont maintenant la faire sortir du cercle très fermé dans lequel elle s'est développée jusque-là.
02:29 Ils sont convaincus qu'il faut porter le dossier devant un juge d'instruction.
02:34 Fin mars 2004, Jean-Pierre Raffarin vient de nommer un nouveau gouvernement.
02:41 Dominique de Villepin obtient le ministère de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy abandonne la place Beauvau et le contrôle des services de renseignement.
02:50 Il rejoint le ministère de l'Economie et des Finances, loin des affaires secrètes.
02:55 La question essentielle pour Jean-Louis Gergorin, c'est vers quel juge d'instruction se tourner.
03:04 Dominique de Villepin l'a toujours démenti, mais Jean-Louis Gergorin affirme que c'est dans son bureau qu'ils évoquent la question.
03:12 Sur le juge, j'en ai parlé devant Dominique de Villepin, le cœur de cette affaire, c'était l'affaire des frégates,
03:17 et donc c'était le juge Van Rymbeek qui était saisi d'une information sur le contrat de frégate de Taïwan.
03:26 Discret mais affable, le juge le plus redouté par les industriels et les politiques, le voici.
03:32 Celui que le pouvoir a surnommé le juge rouge a traité les plus grandes affaires de financement politique occultes, qu'il s'agisse du RPR, du PS ou encore du parti républicain.
03:42 Déjà à la fin des années 70, il est en charge de l'affaire Boulin.
03:50 Au début des années 90, il traite l'affaire Urba-Graco pour le PS, puis l'affaire Longuet pour le parti républicain sous le gouvernement Balladur.
04:02 Dans la foulée, c'est l'affaire Elf, tentaculaire histoire de corruption impliquant toute la classe politique et les grands patrons du monde pétrolier.
04:12 À la fin des années 90, signataire de l'appel de Genève aux côtés de Denis Robert,
04:17 "La justice ou le chaos, le choix est simple, je fais le mien."
04:24 Il devient aux yeux des Français le symbole du combat des juges européens contre les réseaux de blanchiment d'argent sale.
04:32 Début 2000, le juge Van Rymbeck rejoint le pôle financier où il va rapidement s'atteler au dossier le plus explosif du moment, l'affaire des frégates de Taïwan.
04:45 Six navires de guerre, un contrat de 2 milliards et demi d'euros qui a généré d'importantes commissions occultes.
04:53 Chargé de l'affaire, le juge Renaud Van Rymbeck sait qu'un agent des services secrets a suivi de très près le dossier.
05:00 En octobre 2000, Thierry Imbeau a malencontreusement fait une chute mortelle depuis la fenêtre de son appartement au 4ème étage.
05:08 C'est en tout cas la version officielle.
05:10 Dans le sillage de ces frégates, il y a d'autres morts suspectes.
05:13 À Taïwan, en 93, le capitaine Ninh était assassiné, il faisait partie des négociateurs du contrat.
05:19 L'année dernière, c'est l'ancien numéro 1 de Thomson sur l'île qui décédait.
05:23 Peu de temps après, un autre cadre de Thomson, Jacques Morrison, trouvait à son tour la mort.
05:29 Comme Thierry Imbeau, il a fait une chute de 4 étages, à l'époque, la police avait conclu au suicide de cet homme-clé de la vente des frégates.
05:37 Le choix du juge est une chose, le mode opératoire en est une autre.
05:42 Gergoryn est parfaitement conscient qu'au moment où le juge sera saisi, toute l'affaire lui échappera.
05:49 Jean-Louis Gergoryn se tourne d'abord vers un jeune avocat, maître Thibault de Montbrial.
05:57 En avril 2004, monsieur Gergoryn vient me voir, il sait que je suis en très bon terme avec le juge Van Rynbeck,
06:03 et il sait que le juge Van Rynbeck est bloqué dans son enquête sur les frégates de Taïwan, notamment par le secret défense,
06:09 et il vient me dire, en sachant que je suis aussi dans cette optique, parce que je suis l'avocat de la veuve du capitaine Yin,
06:16 il faut que tu ailles le voir tout de suite, il faut que tu le dises, qu'il faut que je le rencontre,
06:19 que c'est très sensible, qu'il faut faire très attention, mais que je sais où est l'argent des frégates.
06:24 Et quand on entend "je sais où est l'argent des frégates" et qu'on est en 2004, en plein dans ce contexte de l'époque,
06:30 de secrets, de paranoïa, de mort suspecte, etc., et de dossiers judiciairement bloqués par le secret défense,
06:37 évidemment, il savait, en venant me dire ça à moi, que le juge Van Rynbeck n'aurait qu'une envie, c'est d'en savoir plus.
06:43 Alors, je sais bien que ce n'est pas très glorieux, peut-être, mais honnêtement, j'avais une vraie peur physique,
06:49 compte tenu de l'affaire des frégates et du nombre de morts qu'il y a eu dans cette affaire.
06:55 Et évidemment, la mort de Jean-Luc Lagardère, ne l'oubliez pas, dont j'étais convaincu à l'époque qu'elle n'était pas naturelle,
07:01 tout ceci influençait un petit peu ce que je pensais.
07:03 Donc, je me suis dit que je devais prendre des précautions, et c'est pour cela que j'ai demandé à voir,
07:09 en dehors de son cabinet et avec une protection de mon identité, le juge Van Rynbeck.
07:16 La confiance de Gergoryn en son super informateur, Kellaud, est telle qu'il lui confie la création d'un organe névralgique pour le groupe EADS,
07:26 le service chargé de la sécurité informatique du centre de recherche.
07:31 Et comme Laud est son homme de confiance, Gergoryn lui demande de mettre au point un système de communication par téléphone portable et boîte mail ultra protégé.
07:42 Jean-Luc Gergoryn était complètement parano sur les écoutes téléphoniques, sur les filatures.
07:47 Il m'avait dit "Montez-moi un réseau sécurisé où un groupe de personnes peuvent communiquer sans être interceptés,
07:54 ni par la police judiciaire, ni par les services de renseignement."
07:58 J'ai créé un circuit fermé, j'ai créé une dizaine ou une douzaine de BlackBerry,
08:04 c'est le petit terminal, mais qui ne peuvent pas communiquer avec l'extérieur.
08:09 C'est-à-dire que pour pouvoir communiquer avec l'une des personnes de ce réseau, il faut que son numéro soit autorisé ?
08:16 Mais vous avez connaissance de l'ensemble des numéros ?
08:18 Oui, je ne savais pas qui était le détenteur final de chacun des terminaux, mais je savais combien il y en avait.
08:26 C'est moi qui gérais le serveur et donc je voyais tous les mails passés.
08:29 C'est vous qui avez finalement accès à tous les échanges entre les différents…
08:34 Protagonistes, on va dire.
08:36 Protagonistes, c'est ça.
08:37 Chacun des protagonistes aura un nom de code.
08:41 Celui remis à l'assistante de Dominique de Villepin sera Madrid.
08:45 Celui de Gergoryn sera Londres.
08:48 Celui de Thibaut de Montbrial, Paris.
08:51 Celui du général Rondeau, Amsterdam.
08:54 Et celui de La Houde, Bruxelles.
08:57 Jean-Louis Gergoryn est maintenant convaincu qu'il peut aller voir le juge.
09:03 Donc vous vous voyez à trois reprises et là en fait, Jean-Louis Gergoryn dénonce auprès de Van der Lindebeek l'existence d'un système de corruption international
09:12 qui permettrait au juge d'avancer dans le cadre de l'affaire des frégates de Taïwan.
09:16 Pour schématiser la première réunion, M. Van der Lindebeek teste M. Gergoryn pour voir à quel point il est crédible.
09:25 Deuxième rencontre, M. Van der Lindebeek a l'air d'être rassuré sur le crédit de M. Gergoryn et sur la fiabilité de sa source.
09:35 Et à ce moment-là, ils engagent une discussion qui est plus pragmatique sur le thème.
09:41 Jusqu'où est-ce que vous allez pouvoir m'apporter des éléments ?
09:45 Et la troisième réunion qui est beaucoup plus courte, c'est comment faire parvenir ces éléments dans la procédure.
09:51 Sans transmission officielle des informations révélées par Gergoryn, le juge ne peut les exploiter.
09:58 Van der Lindebeek propose donc au stratège de ADS de témoigner sous X.
10:03 Mais Gergoryn refuse. Il ne veut pas voir son nom ajouté aux morts des frégates.
10:09 Comment faire ?
10:12 Gergoryn décide d'envoyer une lettre anonyme au juge, ce qui permettra à Van der Lindebeek de verser officiellement les éléments au dossier d'instruction
10:21 et donc de lancer, en totale conformité avec le code de procédure pénale, toutes les perquisitions et les commissions rogatoires qu'il juge nécessaires.
10:32 Quelques jours plus tard, il est venu à mon bureau et il m'a remis une enveloppe fermée dont je ne connaissais pas le contenu.
10:39 Il m'a dit "il faut que tu portes ce courrier à notre ami et que tu t'assures personnellement qu'il l'a bien reçu".
10:49 Et c'est ce que j'ai fait et c'était la première lettre.
10:52 La première lettre du corbeau.
10:54 "Monsieur le juge, je vous écris pour vous informer de l'existence d'un groupe mafieux
11:00 comprenant au moins deux personnes auxquelles vous vous intéressez et qui commence à étendre en France des méthodes de corruption
11:05 et de prédation qui ont fait tant de mal à la Russie dans les années 90.
11:10 En 1989, un ancien officier taïwanais, Wang Chang-Pu, correspondant de longue date de la CIA,
11:19 mais surtout dirigeant d'une importante triade et un des principaux intermédiaires pour les achats d'armes de l'île, a ouvert les comptes suivants.
11:28 En 1992, il introduit dans le système Alain Gomez, président de Thompson CSF,
11:34 en lui ouvrant un compte du même type chez Clearstream et le lui crédite de 1 million de dollars américains.
11:40 Il y a beaucoup de choses que je regrette dans cette affaire et j'ai fait beaucoup d'erreurs dans cette affaire,
11:57 mais celle-là, c'est certainement la dernière et une des plus grandes erreurs, c'est d'avoir écrit cette lettre.
12:01 Jean-Louis Gergorin regrette cette première lettre, et pour cause.
12:06 Quelques mois plus tard, les conséquences pour lui sont dramatiques.
12:10 Il est devenu le corbeau, celui par qui la calomnie arrive.
12:15 Il va être considéré comme le cerveau de la falsification.
12:19 Pourtant, pour le juge Van Rymbeck, cette démarche prouve tout autre chose.
12:26 On a le sentiment, en tout cas, je vais laisser avoir le vote,
12:30 que Gergorin, s'il l'envoie, c'est qu'il y croit.
12:35 Lui, il ne l'envoie pas, ce serait suicidaire.
12:38 Donc j'ai la conviction qu'il y croit.
12:41 D'autant qu'il se présente à moi.
12:44 Il aurait pu envoyer des lettres totalement anonymes.
12:48 Il exige de me rencontrer.
12:52 Je ne peux pas suspecter sa mauvaise foi, vu la position sociale qui l'occupe.
12:56 Le juge Van Rymbeck va agir vite.
13:01 Il organise une interpellation à Toulouse, chez EADS.
13:04 C'est le jour de l'inauguration du hall d'assemblage de l'A380.
13:08 Le numéro 2 d'Airbus, qui figure dans les listings falsifiés, est placé en garde à vue.
13:14 Au même moment, les premières commissions rogatoires arrivent sur le bureau d'un juge d'instruction luxembourgeois.
13:21 L'objectif ? Vérifier les soi-disant comptes domiciliés chez Clearstream.
13:26 La chambre de compensation Clearstream subit ce qui lui paraît être une nouvelle agression venue de France,
13:36 trois ans après le livre de Denis Robert, contre lequel elle a engagé de multiples procédures judiciaires.
13:42 Maintenant que l'affaire est dans les mains de la justice,
13:46 Lahoud sait qu'il va perdre la main.
13:49 Au rythme où va le juge, l'imposture va rapidement être démasquée.
13:53 Il lui faut réagir vite, inventer quelque chose.
13:57 "Imad Lahoud dit, depuis la perquisition du 5 mai, je ne peux plus pénétrer Clearstream,
14:03 toutes mes outils de pénétration informatique sont bloqués, ils ont mis des pare-feu, des pare-feu informatique.
14:09 Vous renforçant ainsi, dans votre conviction ?
14:12 Oui.
14:13 L'information est évidemment fausse.
14:15 Mais Gérard Gorin y croit.
14:18 Lahoud se protège.
14:19 Mais quelque chose dérape.
14:22 Quelque chose, dans les jours qui suivent, conduit Imad Lahoud à changer de stratégie.
14:28 Il se met de nouveau en danger, revient à la charge et décide de mettre le feu à la République.
14:36 "Mi-mai, vers le 14 ou 15 mai, je me souviens c'était au lendemain d'un week-end,
14:42 il me dit, ce week-end, il me dit, et il dit à mon dos, j'ai réussi à pénétrer dans Clearstream.
14:48 Et qu'il avait une grande nouvelle à annoncer, c'est que Clearstream avait fermé massivement des comptes.
14:53 895 comptes avaient été fermés en bloc.
14:57 Mi-juin 2004, une nouvelle lettre arrive sur le bureau du juge.
15:04 "Monsieur le juge, je vous écris à nouveau.
15:10 Vos collègues luxembourgeois et suisses, vous avez agi avec célérité et efficacité,
15:14 provoquant stupeur et panique chez les crapules à Luxembourg.
15:18 Le système de défense s'est néanmoins rapidement mis en place.
15:22 La direction de Clearstream, pour se couvrir vis-à-vis de ses actionnaires allemands,
15:26 a organisé l'exode des crapules.
15:29 895 comptes non publiés ont été fermés en bloc le 12 mai 2004.
15:36 Les soldes considérables correspondants étant transférés à des paradis fiscaux classiques.
15:40 Je vous souhaite, à vous et à vos collègues européens,
15:45 bonne chance pour nettoyer ces eaux qui ne sont plus très claires."
15:48 Et là, pour vous dire, j'étais quand même dans mon univers.
15:52 Je ne me rendais absolument pas compte que par rapport à la première lettre que j'avais envoyée,
15:57 qui ne concernait que le réseau des frégates,
16:00 là, dans ces 895 comptes, il y avait notamment Boxa Energy.
16:05 Et donc forcément, l'affaire allait exploser.
16:08 Que s'est-il passé ?
16:11 Pourquoi la Houde a-t-il relancé la machine
16:15 et précipité entre les mains du juge les comptes falsifiés
16:19 qui évoquent, en plus de l'affaire des frégates,
16:22 les contrats d'armement signés sous Balladur,
16:25 mais aussi l'angolagisme, le chinoisisme,
16:28 et les alliés de l'Allemagne,
16:31 qui ont reçu, notamment, les armements signés sous Balladur,
16:34 mais aussi l'Angola Gate, bref,
16:37 les grandes affaires de financement politique des 20 dernières années.
16:41 Pour le général Rondeau, comme pour Dominique de Villepin, un doute plane.
16:46 Comme l'indique le jugement du procès,
16:50 Jean-Louis Gergorin reçoit un message attribué au Blackberry Madrid,
16:54 celui de Villepin.
16:56 Un message qui dit que s'il y avait eu manipulation,
17:00 il n'y aurait pas eu de mal.
17:01 Les Blackberries, justement.
17:04 Le fameux réseau téléphonique secret censé protéger Gergorin,
17:08 Rondeau, Villepin et Montbrial.
17:11 Ces Blackberries dont seul Laoud contrôle le serveur central.
17:16 Gergorin croit connaître tous les protagonistes
17:20 qui possèdent un Blackberry de ce réseau.
17:22 Mais il se trompe.
17:24 Imad Laoud lui cache un secret crucial.
17:29 Il existe un Blackberry du réseau dont Gergorin ne connaît pas l'existence.
17:33 Imad l'a remis à un homme
17:36 qui jusque-là n'était pas censé être dans le secret de l'affaire Clearstream.
17:40 Un homme que seul Laoud connaît.
17:43 Cet homme, c'est François Casanova,
17:46 un officier des renseignements généraux.
17:49 Qui est-il ?
17:51 Revenons encore une fois à un jour d'octobre 2002.
17:56 Musique de suspense
17:58 ...
18:11 -Peut-être qu'il y a une période sur laquelle on pourrait revenir.
18:15 C'est les 107 jours de détention que vous avez fait à la santé.
18:18 -108 jours, pardon.
18:20 ...
18:23 Je sors le 7 octobre 2002.
18:25 Tout est détruit. Professionnellement.
18:28 Je n'ai plus rien.
18:30 -Vous-même, vous avez vécu des moments particuliers en détention.
18:34 Je pense notamment à l'histoire avec Belkacem.
18:37 -Oui. Alors bon, ça a été un peu moqué, râlé.
18:41 -C'est quoi, cette histoire ?
18:43 -J'étais à la division D de la maison d'arrêt de la santé.
18:46 Il y avait Smaïn Aït Ali Belkacem qui était là,
18:50 détenu en attente d'être jugé pour les bombes dans le RER à Saint-Michel.
18:55 Un ancien du GIA.
18:57 Et il était dans ma division.
18:59 Et dans ma division, il y avait toute une série de types fichés au grand banditisme.
19:04 Et on vous oblige à les fréquenter.
19:06 Parce que dans la cour de promenade, vous êtes obligés de marcher avec eux.
19:09 -Et qu'est-ce qu'on fait quand on se retrouve à marcher avec des...
19:11 -Qu'est-ce qu'on fait ? Je vais vous dire, je me mets sous la protection de quelqu'un.
19:15 -Sous quelle protection ? -Quelqu'un.
19:18 -Il y a un corse qui m'a protégé, qui m'a dit "bon bah toi, qu'est-ce que tu sais faire ?"
19:21 "Ben voilà, je suis pas mauvais en maths, je parle arabe, j'ai quelques notions en informatique."
19:25 Alors il m'a dit "ben voilà, tu vas aider ceux qui passent le bac ou le DAEU,
19:29 enfin ils font des diplômes en prison."
19:31 Aujourd'hui, dans les prisons françaises, si vous voulez être protégé,
19:35 soit vous vous mettez sous la protection de quelqu'un, soit vous convertissez à l'islam.
19:40 *Musique*
19:52 -Donc là vous vous êtes mis sous la protection... -De quelqu'un.
19:55 -D'un corse. -Voilà, d'un corse.
19:57 Qui m'a dit "bon bah voilà, tu fais ça, tu fais le canard, tu marches dans la promenade derrière moi."
20:03 Alors on est comme du bétail, est-ce qu'on veut se dégourdir les jambes, vous vous rendez pas compte ?
20:09 Le matin tout le monde court, et l'après-midi on marche, on fait des tours comme ça.
20:14 C'est ce que j'ai fait pendant 108 jours.
20:16 -Et justement quand vous sortez de prison au bout de ces 108 jours de détention,
20:21 avec cette personne corse qui vous a protégé ?
20:26 -Il y a quelque chose qu'on fait qui est une grosse bêtise, mais c'est un peu le syndrome de Stockholm si vous voulez,
20:35 c'est qu'en sortant, avant de sortir, ils prennent soin de prendre votre téléphone portable, votre adresse, etc.
20:41 Et puis quand je sors, ils m'envoient quelqu'un un jour qui me demande de l'aider financièrement,
20:46 et voilà, et en fait j'ai pas les moyens de l'aider financièrement.
20:49 -Un donné pour un rendu. -Un donné pour un rendu, voilà, je me suis occupé de toi en prison, donc tu fais ci, ça, ça pour moi.
20:54 Nous sommes à l'automne 2002, la Houd ne connaît pas encore le général Rondeau,
21:01 il ne travaille pas encore pour la DGSE.
21:05 Pris de panique, la Houd se rend immédiatement au 36 Quai des Orfèvres à la section antiterroriste.
21:11 Il rencontre un commandant de police qui le met en contact avec le spécialiste de la question corse,
21:17 un commandant des renseignements généraux.
21:19 François Casanova, l'homme dans l'ombre de l'affaire Clearstream,
21:25 l'homme dont il n'existe aucune photo, aucune image, et qui rend toute l'histoire encore plus mystérieuse.
21:34 C'était un policier, comme on n'en fait plus, c'est-à-dire des policiers qui prennent des risques, toujours à la tangente.
21:40 -À la tangente, ça veut dire sur le fil ? -Sur le fil, c'est-à-dire un peu entre les deux milieux, si vous voulez, pour être bon,
21:47 et c'est lui qui a fait arrêter Yvan Colonna. Il a d'ailleurs été décoré par Nicolas Sarkozy pour ça.
21:53 Je n'étais pas à la revise de Légion d'honneur.
21:56 François Casanova fait cesser net le chantage qu'exercent les Corses sur la Houd.
22:02 Il en a les moyens et pour cause. Il commence sa carrière à Ajaccio, puis monte à Paris.
22:08 Repéré par celui qui deviendra le numéro 2 des renseignements généraux, Bernard Squarsini,
22:15 François Casanova devient l'un des hommes clés du renseignement opérationnel.
22:22 Ça faisait partie de cette génération de filles qui ne parlent pas, qui ne racontent rien.
22:27 C'est vrai que l'école RG, c'est plus ça. Frayer avec les voyous, les côtoyer, parler avec eux,
22:33 éventuellement les protéger, et après, pour en tirer, le moment venu, la bonne information.
22:39 Je me souviens d'avoir parlé un jour avec Bernard Squarsini, il m'avait dit que ça a été son meilleur chien de chasse.
22:45 Les liens entre le commandant Casanova et Bernard Squarsini, alors numéro 2 des RG,
22:53 atteignent un sommet début juillet 2003, lorsque Casanova retrouve la trace d'Ivan Colonna
22:59 et organise l'arrestation de l'assassin désigné du préfet Érignac.
23:04 Cette capture est le premier triomphe de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur,
23:11 et elle fait entrer Bernard Squarsini dans le premier cercle du futur président.
23:18 Pendant toute cette période, le commandant Casanova ne lâchera jamais Imad Laoud.
23:23 Et qu'est-ce que vous racontez ?
23:25 On se raconte plein de choses, je lui raconte un petit peu ce que je fais pour Philippe Rondeau,
23:30 je lui parle de Clearstream, de ce qui se trame, je le vois quasiment toutes les semaines,
23:37 mais c'était devenu plus un copain que… je ne sais pas, si vous avez des ennuis au travail,
23:44 dans votre boulot, vous n'allez pas en parler à votre patron, vous allez en parler à une amie,
23:48 une amie très proche, non ?
23:51 Si j'ai des problèmes au boulot, j'en parle avec les gens avec qui j'ai des problèmes,
23:54 c'est encore ce qu'il y a de plus simple.
23:56 Non, mais si c'est des problèmes difficiles… Bon, ben voilà, moi c'est comme ça que je fonctionnais,
24:00 et donc j'en parlais à François, à l'époque.
24:02 Mais vous lui racontez tout en fait.
24:04 Mais je lui raconte tout, et il me dit "ça va mal finir pour toi, fais attention, etc, etc."
24:09 Laoud évoque Casanova comme le confident, l'ami intime.
24:13 Mais Casanova est avant tout un homme des renseignements généraux,
24:17 qui sont alors dirigés par Yves Bertrand.
24:20 Je m'intéresse à François Casanova parce qu'il semble avoir été très proche d'Imade Laoud.
24:29 Non, c'était le traitant d'Imade Laoud, il ne faut pas quand même dire qu'il était proche.
24:35 Casanova n'avait aucune illusion sur Laoud comme sur beaucoup d'autres.
24:41 C'était un homme lucide, il travaillait, oui, très proche, non, quand vous dites ça, c'était un traitant.
24:47 Ça signifie quoi concrètement ?
24:49 Officier traitant dans les services d'enseignement, c'est celui qui traite un correspondant ou un informateur, ou un indic.
24:56 En PJ on dit un indic, enfin, nous on ne disait pas indic, on disait correspondant. C'est plus noble.
25:03 Est-ce que vous en avez parlé avec François Casanova ?
25:07 De Laoud ? Non. Mais moi Casanova, je le voyais, quand je le voyais, c'était la section recherche, c'était Squarsini qui dirigeait.
25:14 Squarsini, il avait son domaine de la lutte antitorriste, je le laissais libre dans son domaine.
25:20 Yves Bertrand est considéré comme l'homme des Chiraciens à la tête des RG.
25:25 En guerre frontale avec son numéro 2, Bernard Squarsini, devenu l'homme des Sarkoziens.
25:33 Or Yves Bertrand aussi dispose d'un agent traitant au contact d'Imade Laoud.
25:38 La commissaire Brigitte Henry, spécialiste des affaires politico-financières au RG, a elle aussi rencontré Imade Laoud au printemps 2003.
25:49 Imade Laoud se retrouve en quelques mois traité par la DGSE, traité par le général Philippe Rondeau,
25:56 qui est donc conseiller aux renseignements et aux opérations spéciales auprès du ministre de la Défense.
26:01 Il est en contact avec vous, donc il travaillait au RG.
26:04 Il a également un autre contact aux renseignements généraux, mais qui est d'un clan opposé.
26:09 Enfin, il voit tout le monde.
26:11 Le but était effectivement de donner à Yves Bertrand mon impression sur Imade Laoud.
26:17 Je ne le fais pas pour tous les correspondants, mais je le fais pour des correspondants que j'estime sensibles.
26:22 En quoi cette source-là vous semble-t-elle plus sensible qu'une autre ?
26:26 Déjà du fait de son environnement, le fait que son beau-père est travaillé avec Jacques Chirac.
26:33 Que son frère soit chez EADS, qu'il travaille pour l'ADGSE.
26:38 Voilà, que son frère soit chez EADS, qu'il dise travailler pour l'ADGSE, et qu'il est travaillé puisqu'il me parle aussi de la DST.
26:43 Et qu'il me demande à un moment donné, il me dit "qu'est-ce que vous en pensez ? J'aimerais bien travailler pour la DST."
26:51 Donc j'ai affaire à quelqu'un qui visiblement a envie, a une attirance évidente pour le renseignement.
26:59 Voilà, donc toutes ces raisons font que je me dis qu'il faut peut-être faire un point d'étape pour déjà tenter d'y voir plus clair.
27:06 Et puis c'est un point qui peut servir après tout à d'autres services que le nôtre.
27:12 Mais c'est marrant quand même parce que Laoud parle de tout à tout le monde, enfin de presque tout, puisqu'il parle très peu de François Casanova.
27:20 Et effectivement, lui ne me dira jamais qu'il est en contact avec quelqu'un d'autre au sein des renseignements généraux.
27:25 C'est le seul aspect finalement de ces contacts qu'il garde secret.
27:29 Peut-être parce que François Casanova lui a demandé de garder ce secret, c'est possible.
27:34 Certainement que je pense que François Casanova fait remonter des informations concernant Imad Laoud, ou ce que pouvait lui dire Imad Laoud.
27:45 La multiplicité des relations d'Imad Laoud avec les différents services de renseignement peut inspirer bon nombre d'hypothèses.
27:53 Pour renforcer le trouble, une fâcheuse épidémie se répand dans cette affaire.
27:59 Les traces écrites disparaissent mystérieusement.
28:04 Suite au séjour de Laoud à la prison de la santé en 2002, le registre des visiteurs n'a pas été conservé.
28:13 La seule note que Brigitte Henry dit avoir transmise au chef des RG, Yves Bertrand affirme ne l'avoir jamais reçue.
28:24 Les notes de Casanova à son chef, Bernard Squarsini dit ne les avoir jamais vues.
28:33 Et pour rendre l'affaire encore plus compliquée, qui se trouve au milieu du listing falsifié ?
28:39 Bernard Squarsini, le propre patron de François Casanova.
28:45 Décédé d'un cancer en août 2004, il a été éliminé par la police.
28:53 Personne à ce jour n'a trouvé les comptes rendus de François Casanova à son chef Bernard Squarsini.
29:00 Bernard Squarsini a dit à l'instruction qu'il ne recevait rien.
29:06 Et donc là, me semble-t-il, c'est un des cas qui est le plus important.
29:13 C'est la nature de cette relation extraordinairement étroite entre Imad Laoud et François Casanova.
29:22 Et pendant que les liens se nouent entre le commandant Casanova et Imad Laoud, une tempête gronde dans les salles de l'hôpital.
29:31 Le chef des RG, Yves Bertrand, a été éliminé par la police.
29:37 Les liens se nouent entre le commandant Casanova et Imad Laoud. Une tempête gronde dans les secrets du pouvoir.
29:44 La guerre des droites reprend, comme au pire temps de l'affrontement entre Balladur et Chirac.
29:51 Cette fois, c'est un affrontement entre Sarkozy et Villepin.
29:58 L'enjeu ? La constitution d'un supposé trésor de guerre en vue des prochaines présidentielles.
30:06 "Le matin, vous pouvez penser à autre chose qu'au ministère de l'Intérieur. Est-ce qu'il vous arrive à ce moment-là de penser à l'élection présidentielle ?"
30:12 "Pas simplement quand je me rase."
30:15 "Merci."
30:17 La source, le plus gros contrat d'armement dont la France puisse alors rêver, c'est le dossier MIGSA.
30:24 Un contrat de 7 milliards d'euros avec, comme dans tous les grands contrats d'armement, la promesse d'un trésor de guerre considérable.
30:35 Le contrat de Charles Pasquois avait initié en 1994 en Arabie Saoudite, avec son bras droit de l'époque, un certain Claude Guéant.
30:43 Un dossier que le même Claude Guéant apporte à Nicolas Sarkozy dès son arrivée au ministère de l'Intérieur en 2002.
30:51 "En fait, on voit Nicolas Sarkozy à la manœuvre ministre de l'Intérieur sur le contrat MIGSA parce que Charles Pasquois, son mentor en politique, ministre de l'Intérieur lui aussi entre 1993 et 1995, avait initié ce contrat."
31:04 "Et en quelque sorte, Nicolas Sarkozy, arrivant dans le bureau de son mentor plusieurs années après lui, Place Beauvau, ouvre les placards et il a ce contrat-là."
31:13 "Il essaye de le refaire vivre en agitant un intermédiaire qui aujourd'hui est devenu très encombrant pour l'Élysée, qui s'appelle Ziad Takhieddine."
31:25 Ziad Takhieddine, le richissime Libanais déjà à la manœuvre pour les baladuriens entre 1993 et 1995, et que Charles Millon comme Dominique de Villepin traquaient entre 1995 et 1997 dans leur chasse aux rétro-commissions.
31:44 "Les notes de Ziad Takhieddine parlent de Nicolas Sarkozy comme du patron, il parle des sujets sensibles qu'il ne faudra aborder que secrètement avec les Saoudiens."
31:55 Un niveau de secret invraisemblable au sein d'un gouvernement pour un contrat censé apporter emploi et devise à l'industrie française.
32:09 Dans une note confidentielle d'octobre 2003, révélée par Mediapart, Takhieddine donne une série d'instructions au cabinet de Nicolas Sarkozy pour finaliser la signature du mérifique contrat.
32:21 De toute évidence, il faut se méfier du quai d'Orsay, dirigé par Villepin, et du conseiller diplomatique de l'Élysée, Maurice Gourdeau-Montagne.
32:33 La visite préparatoire est inhabituelle, elle doit revêtir un caractère secret. Ni le cabinet, ni le conseiller diplomatique ne doivent être au courant, pour cause évidente de fuite.
32:44 Pour cette raison, il sera préférable que B, entendre bris sortefeuille, se déplace seul, et que le déplacement s'effectue sans fanfare, avion de ligne de Genève ou de Zurich.
32:57 Dans l'intérêt d'une signature sans interférence, il est indispensable que tout le monde soit pris par surprise par cette signature.
33:04 On voit bien que là on est dans quelque chose de secret, d'opaque, et on se demande mais que veulent-ils bien cacher avec un tel contrat, un tel homme d'affaires sulfureux qui est Zia Takhieddine au cœur des négociations.
33:20 On voit bien que quasiment tout est bouclé, le contrat est prêt, les projets de contrat sont prêts, notamment celui du versement de l'argent noir pour Zia Takhieddine.
33:30 L'état Chirac a imposé à Nicolas Sarkozy de ne pas se rendre en Arabie Saoudite et a annulé son déplacement.
33:39 Le 12 décembre 2003 donc, Jacques Chirac siffle la fin de la partie.
33:47 Comment a-t-il su ce qui se tramait ? Un homme est au centre de l'affaire.
33:52 Un homme qui vit au cœur de la zone grise où se négocient les grands contrats d'armement de la France.
33:59 Un homme en rivalité frontale avec Zia Takhieddine.
34:08 Alexandre Djouri, de son vrai nom Ahmed Djouri. Un homme qui n'a rien d'étranger à notre histoire.
34:15 Il est depuis 18 ans le correspondant du commandant François Casanova. Il est au cœur de l'enquête de Pierre Péan.
34:23 Alexandre Djouri est très discret. Il n'aime pas que l'on parle de lui ailleurs que dans les conseils d'administration du CAC 40 ou chez ses amis des cabines ministérielles.
34:36 Djouri est donc un quasi inconnu jusqu'à ce que quelques journalistes commencent à s'y intéresser.
34:42 Le parcours de l'homme d'affaires est digne des meilleurs polars.
34:47 D'abord, il est évident que le parcours qu'il a fait montre que c'est quelqu'un d'intelligent.
34:56 C'est quelqu'un qui sait saisir les opportunités parce qu'il n'est pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche.
35:03 Il est né dans le 93, très rapidement il arrive dans le 95 à Sarcelles.
35:07 Il a un certain charisme, il sait bien se battre et il sait raconter des histoires.
35:13 D'habitude, ceux qui ont leurs habitudes à l'Élysée viennent de l'ENA généralement, après Sciences Po, HEC, etc.
35:21 Lui, son HEC c'est tout simplement une bande de voyous à Sarcelles.
35:29 Il est un peu le chef, le chef charismatique.
35:33 Il a comme héros Alexandre Legrand, ce qui est quand même assez original.
35:38 Et il s'intègre à ce que les policiers vont appeler le gang de la banlieue nord.
35:43 Je ne sais évidemment pas le détail de ce qu'il a fait, Alexandre Djouri,
35:47 mais je sais que le gang était connu de tous les policiers pour faire des vols à main armée, pour faire du racket, etc.
35:56 Ils estiment que Sarcelles et la banlieue nord, ça ne suffit pas.
36:00 Ils décident de monter sur Paris grâce à un de leurs copains qui s'appelle David les yeux bleus.
36:05 Et là ils vont se retrouver dans le faubourg Montmartre, tout simplement, dans le clan Zemmour.
36:12 Zemmour c'est dans la fin des années 70, c'est le top du top de l'apègre du grand banditiste parisien.
36:21 Et il va, par son bagout, réussir dans les boîtes de nuit à s'acoquiner avec plein de gens.
36:29 Il va très rapidement ainsi devenir proche du fils du directeur général de l'UNESCO.
36:36 Il va passer au-delà du fils pour devenir copain du père, qui va lui ouvrir plein de gens à l'UNESCO.
36:44 Ce qui va l'entraîner vers des relations avec les fils de chefs d'état africains, des gens importants en Afrique.
36:51 Et puis la même chose sur le Proche et le Moyen-Orient.
36:54 Et donc en peu de temps, c'est quelqu'un qui va se constituer un carnet d'adresses extraordinaire.
37:00 Et parallèlement, il devient très proche, le meilleur pote d'Antony Delon.
37:08 Et il va lui suggérer de monter une affaire de blouson de cuir à la mode, en utilisant le nom de Delon, AD comme le père.
37:17 Le père, ça ne lui plaît pas du tout. Il va rentrer en bataille extraordinaire avec son fils.
37:24 Et Alexandre Delon, qui est un des plus grands chefs d'état, va lui proposer de faire un affaire de blouson de cuir.
37:36 Alexandre Jory va participer à la guerre, on peut parler de véritable guerre, entre le clan de son père et le fils.
37:46 Et là-dedans, il y a des morts.
37:48 Dans la guerre Delon-père-fils, il y a des morts.
37:53 C'est dans cette affaire Delon que pour la première fois, le nom de Jory apparaît au détour de quelques brèves.
38:00 Il a 27 ans et il se présente déjà comme un homme d'affaires.
38:05 Il reçoit quand même une balle de 11-43 dans le dos.
38:08 Mais à partir de ce moment-là, sa vie va changer.
38:12 Je pense qu'une des explications qui permet de comprendre pourquoi ça n'a jamais été jusqu'au bout, les enquêtes, c'est qu'à partir de 1986, il va être protégé.
38:25 C'est-à-dire qu'il va être tamponné par des flics.
38:31 François Antonin d'abord et François Casanova à peu près en même temps.
38:37 Mais François Antonin qui est le premier à l'avoir tamponné, à l'avoir fait de lui, appelons-le comment ? Indique ? Je ne sais pas quoi.
38:47 Honorable correspondant ? Je ne sais pas très bien.
38:50 Mais François Antonin va le tirer parce que François Antonin passe chez elle à partir de 1990.
38:57 Et à partir de 1990, Jory va travailler beaucoup sur l'Afrique noire, beaucoup avec Elf.
39:02 Il commence à gagner de l'argent pas mal, probablement qu'il transporte des valises. On n'a jamais la preuve des valises.
39:08 Il revient proche d'Alfred Sirven, il revient proche de Sasou, il revient proche de Bongo, etc.
39:14 Et puis à partir de 1995, il va changer de statut. Il rentre dans l'entourage de Dominique de Villepin.
39:22 Au point où il va devenir progressivement un homme véritablement dans la chiraki, quelqu'un d'important, qui rend des services.
39:31 Son métier au fond c'est rendre des services.
39:34 Alexandre Jory est donc l'homme qui, en décembre 2003, rend ce grand service au président Chirac et à Dominique de Villepin.
39:43 Déjoué le plan de son rival taxiste, il est devenu le premier à avoir été en charge de la chiraki.
39:50 Il est donc le premier à avoir été en charge de la chiraki.
39:53 Il est donc le premier à avoir été en charge de la chiraki.
39:57 Il est donc le premier à avoir été en charge de la chiraki.
40:01 Il est donc le premier à avoir été en charge de la chiraki.
40:05 Il est donc le premier à avoir été en charge de la chiraki.
40:09 Il est donc le premier à avoir été en charge de la chiraki.
40:14 Voilà que réapparaît Imad Laoud. Il rédige une note pour le général Rondeau.
40:20 Une note très détaillée, prétendant révéler les dessous du contrat Mixa.
40:25 Cette note est une recomposition d'informations assez précise, mais difficile à vérifier.
40:32 Elle prouve cependant une chose.
40:35 Que Laoud est alors l'un des rares français au courant des dessous du contrat.
40:40 Comment ? Mystère.
40:43 Un seul de ses amis aurait pu l'informer.
40:45 L'homme qui, au renseignement généraux, est l'intime d'Alexandre Jouri.
40:49 Le commandant Casanova.
40:51 Sur la période fin 2003, début 2004, vous avez écrit une note sur un contrat en cours.
41:00 Quel contrat Mixa ?
41:02 Oui.
41:04 Alors, oui, oui, je me souviens de cette note.
41:08 Je me souviens de cette…
41:12 Je me souviens de cette note, oui.
41:13 Pourquoi est-ce que Rondeau s'intéresse à l'affaire Mixa ?
41:15 Alors, Mixa, parce qu'en fait, je pense qu'à ce moment-là, il est question de rétrocommission dans l'affaire Mixa.
41:26 Mais à ce moment-là, Rondeau me demande de faire une note sur l'affaire Mixa.
41:31 Donc je vois très bien où vous voulez en venir.
41:33 Vous voulez en venir sur… Est-ce qu'il n'y avait pas encore le nom de Sarkozy qui traînait peut-être quelque part à ce moment-là ?
41:41 C'est ça ? Pas forcément, oui.
41:43 Moi, je n'entends pas parler de Sarkozy à ce moment-là.
41:48 Tout ceci se passe au moment où, rappelez-vous, Jean-Louis Gergorin ne pense qu'à une chose.
41:55 Le prétendu complot contre Lagardère et l'affaire des frégates de Taïwan.
42:05 Cette obsession, on l'a vu, le conduit au Quai d'Orsay, où il s'ouvre le 1er janvier à Dominique de Villepin.
42:12 Rendez-vous qui a provoqué la fameuse réunion secrète du 9 janvier entre Villepin, Rondeau et Gergorin,
42:19 celle qui signe l'entrée du sommet du pouvoir exécutif dans l'affaire Clearstream,
42:24 celle où pour la première fois, le nom de Nicolas Sarkozy est officiellement prononcé.
42:31 Or, que trouve-t-on dans le compte-rendu de cette réunion rédigée par le général Rondeau ?
42:36 Mieux qu'une référence au contrat Mixa, le nom d'Alexandre Jouri.
42:41 Que prononce Dominique de Villepin, inquiet de savoir si son ami figure sur les listings ?
42:47 Ce lien entre l'affaire Clearstream et le contrat Mixa, il est fait à travers le compte-rendu de la réunion du 9 janvier
42:54 entre Dominique de Villepin, Jean-Louis Gergorin et le général Philippe Rondeau.
42:59 Effectivement, le lien entre l'affaire Clearstream et l'affaire Mixa, qui pour moi est absolument essentiel,
43:07 se fait le 9 janvier par la bouche même des principaux acteurs, qui est Dominique de Villepin.
43:13 Il le fait par le nom de Mixa, mais il le fait pas seulement par ça, il le fait par le nom de Jouri,
43:20 qui est son champion dans justement l'affaire Mixa.
43:26 Et sur cette réunion du 9 janvier, on peut voir comment les deux affaires sont liées.
43:30 Mais il y a une autre façon, c'est que Casanova, donc très proche de Jouri,
43:35 va présenter Iman Laoud à Alexandre Jouri, et c'est le déjeuner du Ritz.
43:43 [Musique]
44:00 C'est François Casanova qui m'a présenté Alexandre Jouri.
44:03 Pourquoi est-ce qu'il vous présente Alexandre Jouri ?
44:05 Et pourquoi pas ? Et pourquoi pas ? Peut-être que ce monsieur pouvait me confier un contrat de conseil ?
44:11 Après tout, moi aussi j'y suis allé peut-être en me disant tiens c'est bien de le connaître.
44:17 Toujours est-il, j'ai déjeuné avec eux au Ritz. Voilà.
44:20 Est-ce que vous savez à ce moment-là qui est Alexandre Jouri ?
44:23 Non, non, non, non, je ne savais pas encore très bien qui c'était.
44:26 Enfin bon, vous savez, un petit coup sur Google, googlez la personne et voilà, on sait beaucoup de choses après.
44:33 Il n'y avait rien en ce temps-là sur Internet concernant Alexandre Jouri.
44:41 Imad Laoud savait bien sûr la place qu'occupait Jouri dans la zone grise de la République.
44:46 François Casanova, l'ami de Jouri, était le mieux placé pour le lui apprendre.
44:53 Ce déjeuner qu'Alexandre Jouri dément se situe entre mars et juin 2004,
45:02 au moment même où Jean-Louis Gergorin devient le corbeau,
45:07 où le juge Van Rymbeck lance ses perquisitions,
45:10 et où Laoud affirme à Gergorin que des comptes auraient été fermés en urgence chez Clearstream,
45:17 dont ceux attribués à Nicolas Sarkozy,
45:22 déclenchant ainsi l'un des plus grands scandales de la Ve République.
45:28 Et vous parliez de quoi pendant le déjeuner ?
45:31 On m'a souvent posé la question "mais qu'est-ce que vous êtes dit ?"
45:35 On ne dit pas toujours des choses intelligentes pendant ces déjeuners ou ces dîners.
45:38 Il y a peut-être une idée à faire passer,
45:41 une chose, un renseignement que la personne vient chercher,
45:45 et c'est tout, et le reste c'est du vent, on meuble.
45:49 Peut-être que vous, en m'interviewant, vous cherchez juste une chose,
45:54 et tout le reste c'est me faire converger ou diverger.
45:58 Peut-être que vous aussi, en ayant accepté qu'on vienne faire l'interview,
46:02 on a quand même eu plusieurs interviews qui ne se sont pas faites,
46:05 vous êtes aussi en quête de quelque chose.
46:08 Peut-être que j'essaie de faire passer une idée, sans doute, inconsciemment ou consciemment,
46:12 mais à un moment donné on ne peut pas dire "est-ce que vous vous souvenez de tout ce que vous vous êtes dit avec cette personne ?"
46:19 Le dossier Mixa livrera peut-être un jour ses secrets.
46:24 Le contrat, lui, aura échappé à la France.
46:30 A l'été 2004, l'affaire des faux listings Clearstream, elle, sort du secret.
46:35 L'instruction du juge Van Roembeck fuit très vite.
46:40 Les lettres du corbeau commencent à circuler dans tout Paris.
46:57 Les commissions rogatoires internationales du juge Van Roembeck reviennent progressivement à Paris.
47:02 Les conclusions sont toutes les mêmes.
47:06 Les listings ont été falsifiés.
47:09 Pour le juge, les conséquences de cette imposture sont dramatiques.
47:27 Le voilà inquiété par le conseil supérieur de la magistrature.
47:30 Pire encore, il verra toute son instruction sur les frégates de Taïwan s'écrouler.
47:36 Avec amertume, il rédigera une ordonnance de non-lieu.
47:40 Entre-temps, un très grand nombre des personnalités dont les noms ont été ajoutés dans les listings se portent partie civile.
47:54 Parmi eux, Nicolas Sarkozy.
47:56 Au pôle financier, les juges Duy et Ponce, chargés d'instruire sur le corbeau et la dénonciation calomnieuse,
48:12 passeront quatre années à enquêter, à perquisitionner, au cœur du pouvoir exécutif.
48:19 À eux de dire s'il faut condamner ou relaxer Dominique de Villepin,
48:22 à eux de dire s'il faut reconnaître ou non à Nicolas Sarkozy son statut de victime,
48:26 jamais en tout cas dans la Vème République, une décision judiciaire n'aura pesé autant dans la vie politique.
48:32 Ils mettent en examen Denis Robert et l'auditeur d'Arthur Andersen, Florian Bourges,
48:37 Jean-Louis Gergorin et Imad Laoud.
48:41 Troisième perquisition ?
48:42 Quatrième. Deux fois à mon bureau, deux fois à mon domicile.
48:46 Avec en invité vedette Dominique de Villepin.
48:50 Alors comment ça s'est passé monsieur de Villepin ?
48:52 Tu es victime pendant de longs mois de calomnies et de mensonges.
48:59 Oula.
49:00 Ça va, c'est une brutale, parce qu'elle est tribunale.
49:03 C'est sécurisé.
49:04 Denis Robert, l'habitué des tribunaux, est relaxé.
49:08 On me dit vous êtes le type qui a, c'est à cause de vos livres que tout ça, mais moi je suis pas responsable quoi.
49:13 Je veux dire, comment dire, le type qui invente l'amour, il est pas responsable du crime passionnel, vous voyez ?
49:17 Florian Bourges est condamné à quatre mois avec sursis pour avoir transmis des documents bancaires de la société Clearstream.
49:25 La vengeance de Nicolas Sarkozy n'aboutira pas.
49:29 Le procès en correctionnel, comme on appelle, innocente l'ancien Premier ministre.
49:39 Après six années d'un acharnement sans précédent,
49:44 après six années d'épreuve pour ma famille,
49:53 la justice a reconnu pour la deuxième fois mon innocence.
50:05 Louis Gergorin, qui était en première instance considéré comme le cerveau de l'imposture,
50:10 est condamné en appel à trois ans de prison, dont six mois fermes,
50:14 pour usage de faux et complicité de dénonciations calomnieuses concernant les envois au juge Van Hoornbeek.
50:21 Condamné pour avoir été le corbeau.
50:24 Imad Laoud, lui, est à ce jour le grand coupable de l'affaire.
50:30 Condamné pour avoir confectionné les faux.
50:34 Ce qu'il n'aura jamais cessé de démentir.
50:37 J'ai accumulé les moments où j'aurais pu arrêter.
50:43 Et je vais vous dire une chose,
50:46 c'est un peu comme le drogué qui, j'ai jamais pris de stupéfiants,
50:52 mais c'est un peu comme le drogué qui, quand il rentre,
50:55 plus il se drogue, moins il peut arrêter, plus il se drogue, moins il peut arrêter.
50:59 Et moi, en fait, plus j'avançais, plus mon "ascension" professionnelle avait une pente positive.
51:07 Vous voyez, en maths, la pente, c'est le taux d'accroissement de la fonction, donc ça montait.
51:11 Il est condamné à trois ans de prison, dont 18 mois fermes.
51:23 Le choc de la fin
51:27 A chaque fois que je me suis posé la question "Est-ce que j'arrête ?"
51:31 je regardais en me disant "La chute va être brutale."
51:35 Et donc, voilà, j'ai essayé d'attraper une autre branche.
51:39 Et une autre branche, et puis voilà, la fin, on la connaît.
51:43 Les affaires d'État finissent toujours de la même façon.
51:49 Des vies brisées, des vérités judiciaires et d'autres médiatiques,
51:54 des vérités humaines et d'autres politiques.
51:57 Et finalement, des secrets qui restent trop bien gardés.
52:02 Cette histoire nous a conduits dans un monde où nous ne sommes jamais invités.
52:09 Un monde au croisement du politique, du complexe militaro-industriel et des services de renseignement.
52:18 On en retient une chose.
52:20 Depuis maintenant 25 ans, le système des commissions et des rétro-commissions gangrène la République et salit les hommes.
52:29 Une zone grise s'est installée au cœur des institutions.
52:34 Elle se cache dans les coulisses du pouvoir exécutif.
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53:50 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]
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