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Transcription
00:00 Avant de retrouver Gauthier Rybinski en plateau, un mot de l'enquête.
00:04 Le policier en question est interrogé depuis hier par l'IGPN, la police des polices.
00:10 Sa garde à vue a été prolongée, il est visé par une enquête pour homicide volontaire.
00:14 On revoit cette vidéo, Gauthier, qui tourne depuis hier sur les réseaux sociaux.
00:19 On sent aussi les autorités françaises embarrassées par ce drame.
00:23 Emmanuel Macron a eu des mots assez forts.
00:26 Embarrassées plus par crainte de nouveaux débordements qu'en solidarité à la victime.
00:31 Il faut le craindre parce que, si vous voulez, moi je n'ai pas à me prononcer,
00:35 je ne suis pas en mesure de me prononcer sur des éléments de l'enquête.
00:38 Ce qu'on peut essayer de faire, c'est de voir comment il y a presque une histoire des émeutes urbaines.
00:44 Il y a d'ailleurs même des sociologues, des chercheurs de renom qui se sont penchés
00:48 sur ce qu'est la fabrique des émeutes urbaines.
00:52 En France, il y a quelque chose qui est sous-jacent, on va dire,
00:57 et qui affleure à chaque fois qu'il y a un drame.
01:00 Et c'est en ce sens-là que vous disiez peut-être que, effectivement,
01:03 les pouvoirs publics se soucient plus de ce qui pourrait arriver que de ce qui est déjà arrivé.
01:08 Et c'est là l'erreur probablement, parce que ces affaires sont appréhendées sous l'angle sécuritaire.
01:13 Alors, bien sûr qu'il ne faut pas négliger cet angle-là,
01:17 mais tant qu'on ne s'attaque pas au reste, on ne s'attaque pas au fond du problème.
01:21 Encore une fois, je n'ai pas à me prononcer sur le cas présent.
01:25 Ce que je peux vous dire, c'est comment, et notamment pour des téléspectateurs
01:29 qui ne sont pas au fait des arcanes de la vie française,
01:34 comment cette chose a pris racine en France,
01:39 là où, par exemple, dans des pays d'Europe voisins, il n'y a pas ce phénomène.
01:45 On est, je parle encore une fois des émeutes, je ne parle pas du cas de ce jeune homme.
01:49 Pourquoi y a-t-il des émeutes de ce type-là ?
01:51 Non pas parce que tout le monde connaissait la personne du défunt,
01:55 non pas parce que tout le monde connaissait la famille, non, parce que c'est un symbole.
01:59 Symbole de quoi ? Symbole, on va le dire rapidement, de la gâchette facile de certains policiers.
02:05 Est-ce qu'il s'agit simplement de policiers qui sont mal formés,
02:10 qui ne sont pas assez nombreux,
02:13 qui ne sont pas forcément toujours au fait des règles de l'engagement de l'arme,
02:18 c'est-à-dire que c'est quelque chose de très précis dans une démocratie.
02:21 La police détient le monopole de l'usage de la violence physique,
02:25 c'est-à-dire qu'elle seule est amenée à "légitimement" frapper ou à tirer.
02:31 Est-ce que ça veut dire qu'il y a une nuance de ça ?
02:33 Ou est-ce qu'il y a derrière tout un climat,
02:36 alors peut-être un laissé-aller de la part des pouvoirs publics,
02:39 et puis n'oublions pas dans quelle société nous vivons.
02:41 Nous vivons dans une société où les arguments, où les théories, les thèses ultra conservatrices,
02:47 pour dire ça de manière la plus euphémistique possible,
02:50 on vend en poupe.
02:52 Les policiers ne sont pas des citoyens hors sol, ils entendent ce genre de choses.
02:57 Et ce drame est déjà politisé, on le voit avec les déclarations de Mélenchon, de Bardella.
03:01 Oui, mais justement, alors là je crois qu'il faut qu'on cesse de se boucher le nez.
03:06 S'il y a une affaire éminemment politique, c'est bien celle-là,
03:09 c'est-à-dire le rôle de la police, comment les citoyens l'aperçoivent.
03:12 Y a-t-il des zones de non-droit, comme on dit, on pourrait revenir sur ce que ça signifie.
03:16 Qu'est-ce que le respect vis-à-vis de l'autorité,
03:19 ou bien s'il n'existe pas, qu'est-ce que cela, à quoi cela fait-il référence ?
03:24 Et puis, et puis, et puis, bien sûr, alors c'est à cela que je voulais en venir,
03:28 si vous voulez, la création, depuis maintenant, allez, on va dire 50, 60 ans, de ghettos urbains.
03:34 Ces ghettos, ils se sont pas faits tout seuls.
03:36 Quand je disais à l'instant que dans d'autres pays, il n'y a pas ce phénomène-là,
03:40 c'est qu'on a veillé à ce que des personnes qui venaient,
03:43 parce que là aussi, il faut être précis, c'est pour la plupart dans ces ghettos,
03:47 des personnes qui viennent ou qui sont d'origine étrangère,
03:49 et que l'on a mis dans ces films, on a appelé ça des cages à lapins, parfois c'était vrai.
03:55 Vous avez toute une politique qui date des années 60, qui date de la fin de la colonisation,
03:59 et qui consiste à faire venir des travailleurs,
04:01 et à les mettre dans des logements qui ne sont pas des logements.
04:04 Vous allez me dire, on s'écarte du problème. Non, on s'écarte pas du problème.
04:08 Parce que quand, après, bien sûr, dans les années 70, il y a eu ce qu'on appelait les habitations à loyer modéré,
04:14 de meilleurs logements, la question fondamentale qui est celle de la relation et de l'intégration
04:20 de ces personnes dans une société française, dont beaucoup sont français,
04:23 puisqu'on leur dit "vous êtes français, vous êtes nés sur le sol français".
04:26 Mais vous n'avez pas finalement, en réalité, les mêmes, tout à fait les mêmes droits.
04:30 Même si en théorie, ils sont là les droits.
04:32 Vous voyez comment...
04:33 - Unaël est un symbole quoi.
04:34 - Mais évidemment, c'est ça tout le temps.
04:36 - C'est un homme noir qui a 6-7 ans...
04:38 - Oui, mais parce que c'est ça le danger de la chose.
04:40 C'est qu'on extrapole à partir d'un cas particulier, mais qui est tellement démultiplié.
04:45 Quand vous disiez tout à l'heure que la pratique, justement, de tirer par les forces de l'ordre
04:51 sur des véhicules qui n'obtempèrent pas, c'est quelque chose qui a augmenté.
04:55 - 40% en 5 ans.
04:56 - Voilà, 40% en 5 ans.
04:57 Les contrôles d'identité qui sont pratiqués sur la même personne, x fois par jour.
05:03 Tout ça, ça n'est pas contestable, sauf par l'extrême droite éventuellement, bien sûr.
05:07 Mais vous voyez que tout ça a un...
05:10 Comment dirais-je ?
05:11 Prend ses racines dans des habitudes, malheureusement, que nous avons dans cette société française
05:17 et que nous ne remettons plus en cause tellement elles ont l'air ankylosées et encroutées dans cette société.
05:24 De sorte que, effectivement, quand quelqu'un essaye d'en parler,
05:28 et évidemment avec des mauvaises intentions, la récupération politique...
05:31 Mais elle est normale, cette récupération politique.
05:33 Le problème, c'est que soit d'un côté vous allez avoir l'extrême droite qui dit
05:36 "Cela prouve bien que telle ou telle personne n'est pas intégrable dans la société française"
05:40 et d'autres qui vont leur dire "Vous êtes les nouveaux damnés de la terre",
05:44 vont dire aux jeunes ou aux personnes qui sont susceptibles de connaître ce genre de drame,
05:51 "Vous êtes les nouveaux damnés de la terre, restez comme vous êtes, on a besoin de gens qui souffrent".
05:54 Donc c'est assigner des gens à des catégories à chaque fois.
05:57 Mais en même temps, la politisation est parfaitement naturelle.
06:00 Elle est parfaitement légitime.
06:02 Le problème, encore une fois, je terminerai là,
06:04 le problème c'est que ces événements ne trouvent qu'un traitement circonstanciel.
06:09 Et peut-être trouverez-vous que nous en faisons trop, peut-être.
06:11 Mais ne trouvent ce genre de traitement que lorsqu'il y a un drame.
06:15 En réalité, la situation est sous-jacente avec, là c'est vraiment le dernier mot,
06:22 avec aussi, vous le savez bien, dans ces zones, l'établissement, l'instauration de lois
06:26 qui ne sont pas celles de la République, qui sont celles où la femme est soumise à l'oncle, au frère, au mari, etc.
06:32 Et que tout ça participe de la formation de ghettos qui forcément, on ne se comprend plus au bout d'un certain temps.
06:38 Quant à ça, vous ajoutez tout le vent ultra-conservateur,
06:41 vous avez les ingrédients parfaits, malheureusement, pour ce genre de choses.
06:45 Encore une fois, c'est un symbole, et c'est pour ça que je ne parlerai pas de l'affaire elle-même.
06:49 Il y a une enquête, mais la symbolisation elle est déjà en marche, malheureusement.
06:54 Merci beaucoup Gauthier.

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