Le Théâtre national de Nice achève la première phase de son redéploiement. Jusqu’au 1er juillet, il étrenne ses spectacles en plein air aux arènes de Cimiez. Son troisième site d’exploitation après avoir investi il y a un peu plus d’un an la salle des Franciscains dans le Vieux-Nice. Et la Cuisine, barnum à l’entrée du parc des sports Charles-Erhmann. Ce chambardement est dû à la démolition de son bâtiment historique pour laisser place à l’extension de la coulée verte de Nice. Une période pas facile pour sa directrice qui voit enfin la situation se stabiliser. Avec sérénité puisque le mandat de Muriel Mayette-Holtz vient d’être renouvelé pour trois ans. "J’ai envie de mener cette mutation jusqu’au bout", éclaire l’invitée de L’Interview à la une, le grand entretien hebdomadaire de Nice-Matin en partenariat avec Radio Emotion
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00:00 [Musique]
00:14 Bonjour à tous, bienvenue sur le plateau de l'interview à la une, l'émission de
00:18 la rédaction de Nice Matins en partenariat avec Radio Emotions, une émission que j'ai
00:22 le plaisir de présenter avec Frédéric Morris, le chef de l'édition Nice Métropole de
00:26 Nice Matins.
00:27 Bonjour Frédéric.
00:28 Bonjour Denis.
00:29 On va inviter aujourd'hui Muriel Mayette-Host, la directrice du Théâtre National de Nice.
00:34 Bonjour Muriel.
00:35 Bonjour.
00:36 Vous avez inauguré vendredi, donc hier soir, les Arènes de Simier, un nouveau lieu.
00:43 Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ce lieu est né ?
00:48 C'est une proposition de Christian Estrosi que le TNN puisse investir les Arènes de
00:54 Simier et c'est une possibilité d'avoir un rendez-vous en plein air et ça c'est
00:58 extraordinaire.
00:59 C'est un lieu qui est vraiment adapté au théâtre ?
01:01 C'est un lieu qui est adapté au théâtre, c'est un lieu magistral, d'abord d'une
01:06 grande beauté mais qui a une histoire, qui a une âme et qui nous permettra de déployer
01:10 beaucoup beaucoup de propositions sous le vrai ciel.
01:13 Alors justement Frédéric.
01:15 Oui, la première de ces propositions c'est le dernier volet de Marie Vau, Le préjugé
01:20 vaincu que vous mettez en scène et que vous proposez jusqu'au 28 juin, c'est ça ?
01:24 Exactement.
01:25 Je joue aussi dedans avec la troupe du TNN et j'ai la chance aussi de faire un couple
01:32 avec mon mari Gérard Holtz.
01:33 Pourquoi ce choix de cette pièce ?
01:35 Alors depuis mon arrivée à Nice, je propose une saga Marie Vau, c'est la quatrième
01:41 pièce de Marie Vau que je mets en scène et après nous partons dans les vallées grâce
01:46 à la métropole et on offre ce spectacle du 20 août au 2 septembre gratuitement.
01:53 D'accord, vous précisez tout de suite que vous jouiez avec votre mari Gérard Holtz,
01:56 je crois que j'ai repéré aussi une Margot Maillet dans la distribution.
02:00 C'est un besoin de travailler en famille comme ça ?
02:02 Oh ce sont des métiers qui se font souvent en famille parce que les enfants, les neveux
02:08 ont envie de poursuivre la même carrière.
02:10 Ma nièce en l'occurrence elle est flûtiste, grande musicienne de jazz notamment, elle
02:16 sort de Berkeley et c'est elle qui a composé la musique de ce Marie Vau.
02:20 D'accord.
02:21 Et ensuite les arènes accueilleront un cycle de lecture, trois soirées de lecture je crois,
02:25 est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
02:26 Voilà, j'ai l'ambition la saison prochaine d'ouvrir un festival de tragédie, il n'y
02:31 en a pas en France, on peut le voir à Syracuse en Italie, à Epidore en Grèce et avant ce
02:40 festival de tragédie, je propose trois lectures par des femmes sur des destins tragiques.
02:46 Parmi ces femmes il y a vous, Claire Chazal et Catherine Sélac.
02:50 Exactement.
02:51 Et chacune de nous on va lire une histoire tragique pour montrer qu'au fond la tragédie
02:56 c'est toujours issu d'un fait divers qu'on peut trouver dans Nice Matin et qui devient
03:01 exemplaire.
03:02 Du 29 juin au 1er juillet.
03:04 Absolument, c'est tous les soirs, le 29, 30 et 1er juillet.
03:07 Il reste des places ?
03:08 Il reste toujours des places en plein air, on se sert.
03:11 Est-ce que vous avez prévu d'autres spectacles cet été aux arènes de Simier ?
03:14 Non, cette année on est dans une configuration d'essai, d'abord sur la position des fauteuils,
03:22 sur la configuration générale qui sera définitive en 2026.
03:26 Mais depuis que je répète et que je joue, je peux dire on est bien parti pour cette
03:31 configuration là.
03:33 Vous annoncez un festival de tragédie en 2024 aux arènes de Simier, de quoi vous rêvez
03:39 ?
03:40 J'ai l'impression d'avoir rendez-vous avec les grands auteurs.
03:42 Moi je mettrais en scène Phaedre.
03:44 Je sais qu'on a besoin de distraction mais on a aussi besoin d'élever nos âmes.
03:50 C'est un écran juste pour les grands textes et pour ce que j'appelle le rendez-vous des
03:55 larmes, les spectacles extrêmement émouvants.
03:58 Il y aura notamment Robin Renucci qui viendra nous proposer un spectacle.
04:05 On fera un festival avec beaucoup de propositions, qu'elles soient théâtrales, musicales ou
04:11 dansées sur la tragédie.
04:13 Ce ne sera pas trop aride ? Parce que la tragédie ce n'est pas forcément accessible à tous,
04:17 les grandes tragédies.
04:18 Tout ce qui est émouvant n'est pas aride.
04:20 Vous savez, moi j'aime passionnément le public.
04:23 Alors je veux leur proposer ce qu'il y a de plus beau.
04:26 Et parfois la tragédie, ça te touche au plus profond de toi-même parce que c'est
04:31 un rendez-vous avec nos peurs et avec les auteurs qui savent mettre des mots sur nos
04:36 émotions.
04:37 Et c'est éternel.
04:38 Juste pour finir sur les arènes de Simi, vous venez de dire que la configuration définitive
04:43 apparaîtra en 2026.
04:44 C'est quoi cette configuration à laquelle vous pensez ?
04:45 Alors jusqu'à présent, notamment grâce au festival du jazz, on le prenait, les arènes
04:51 de Simi c'est un ovale, donc dans la longueur.
04:54 Moi j'essaie de le prendre dans la largeur pour que les acteurs puissent se déployer.
04:59 Vous savez, pour un acteur, courir, être sous le vrai ciel et pouvoir déployer son
05:06 corps, c'est extraordinaire.
05:08 Mais ça veut dire qu'on aura des tribunes définitives ?
05:10 Absolument.
05:11 Des tribunes qui protégeront, qui seront posées sur le sol, mais qui seront une configuration
05:17 qui permettra de protéger ce lieu historique.
05:20 Vous savez, ce sont des arènes du 2ème et 3ème siècle.
05:23 Mais sans défigurer ? Parce que justement, ce sont des arènes classées, on imagine,
05:26 vous ne pouvez pas faire n'importe quoi comme installation dedans.
05:28 Bien entendu, au contraire, le but est de les protéger.
05:31 Parce que jusqu'à présent, tout le monde peut y passer, promener son chien, jouer au
05:35 football.
05:36 Et ça, ce n'est pas normal pour un site aussi prestigieux.
05:40 Et donc les gradins seront posés, seront démontables, mais permettront d'avoir une
05:47 configuration qu'on remontera chaque année et qui sera assez confortable.
05:51 Et en bois, d'après ce que j'ai lu aujourd'hui dans "Ice matin".
05:53 Absolument, ce sera en bois.
05:55 Oui, ce sera beau.
05:56 Et c'est exactement ce qu'on fait, cité Epidor, Syracuse.
05:59 Chaque année, on remonte des gradins et on les enlève, mais dans une configuration
06:03 qu'on aura étudiée avec les architectes.
06:05 Alors, on le voit, le Théâtre National de Nice-Essem, un petit peu partout dans Nice,
06:09 investi de nouveaux lieux.
06:10 Vous vous êtes installée notamment dans la salle des Francisquins, une très belle
06:14 salle.
06:15 Est-ce qu'elle répond à vos attentes ?
06:16 Merveilleusement, pour plusieurs raisons.
06:19 D'abord, parce qu'elle est au cœur de la vieille ville.
06:21 Elle est à 100 mètres de l'ancien bâtiment.
06:23 Parce que la beauté met tout le monde d'accord et que toute la France qui vient jouer dans
06:29 ce théâtre nous envie cet espace.
06:31 Et parce que, je le rappelle, c'est notre petite salle.
06:35 Je l'appelle notre petite grande salle.
06:38 C'est un endroit merveilleux et l'acoustique est assez formidable.
06:41 Alors, il y a une autre salle, c'est la cuisine, à l'ouest de Nice.
06:45 Est-ce que vous réussissez à y attirer les Niçois ?
06:47 Alors, je dois dire qu'on a fêté les un an de la cuisine.
06:52 Depuis le mois de janvier, ça y est, les salles sont pleines.
06:55 Ça prend du temps de changer nos habitudes.
06:58 Il y a des avantages dans cette salle qui, je le rappelle, est éphémère puisque notre
07:02 grande salle sera au Palais des Expositions dans quelques années.
07:06 Mais cette salle, elle a l'avantage d'être à l'ouest, dans un quartier qui n'est
07:10 pas si simple, près des Moulins.
07:12 C'est une salle de 600 places avec un grand plateau.
07:16 Et aujourd'hui, ça nous permet de brasser aussi un autre public.
07:20 C'est 600 pour la cuisine et les franciscains ?
07:24 C'est entre 250 et 350 selon les configurations.
07:28 Cette future salle au Palais des Expositions, vous pouvez nous en dire un petit peu plus ?
07:33 Voilà, alors le projet final, il était de doter le TNN des franciscains et d'une
07:38 grande salle au Palais des Expositions.
07:40 La salle, elle respectera l'architecture de l'arche du Palais des Expositions et
07:46 elle sera un peu comme la salle de la Schaubühne, c'est-à-dire une salle plus contemporaine.
07:51 Non pas à l'italienne avec des cintres qui permettent de monter les décors, mais
07:56 sur des dégagements sur le côté.
07:58 Un peu, oui, comme à l'allemande ou ce qu'on fait notamment à l'Opéra.
08:02 C'est pour quand ça ? Le Palais des Expositions ?
08:04 Alors ça, le calendrier définitif sera plutôt en 28.
08:06 C'est à l'étude, on est en train de le construire en prenant toutes les précautions
08:11 possibles pour que ce soit la salle la plus moderne de France.
08:14 Mais ça veut dire que vous occuperez la totalité du Palais des Expositions ?
08:16 Alors la majeure partie du Palais des Expositions parce que ça demande d'avoir plus de terrain
08:22 au sol, mais ça nous permettra de récupérer nos ateliers de construction, d'avoir un
08:26 lieu de convivialité avec le public, d'avoir une grande salle de répétition.
08:31 Vous savez, il n'y a pas tant de centres dramatiques nationaux en France et c'est
08:35 important qu'il ait un instrument digne de son label.
08:38 Vous regrettez de ne pas avoir pu profiter d'une salle iconique, le fameux bâtiment
08:43 vert en construction actuellement à côté de la gare de Nice ?
08:46 Pas du tout.
08:47 Pourquoi ? Parce qu'on a eu en échange les arènes de Simier, que ça nous permet
08:51 d'avoir un rendez-vous en plein air, encore une fois.
08:54 Que le TNN avait deux salles, maintenant on en aura trois.
08:58 Et que Iconic était une salle à peu près de 400-500 places, mais surtout un petit plateau.
09:06 Et nous avons besoin d'un grand plateau.
09:08 Donc si ça peut permettre à d'autres disciplines de se déployer, c'est plutôt bien.
09:13 Aujourd'hui, où en est le Théâtre National de Nice en termes d'abonnement et de fréquentation ?
09:18 Alors, la fréquentation en est à 82%, ce qui est plutôt record dans tout le paysage
09:24 français, surtout après ces deux ans de pandémie.
09:27 Il a fallu qu'on remuscle la curiosité des spectateurs.
09:33 On est plutôt très contents.
09:34 En revanche, les abonnements, ça ne fonctionne plus comme ça aujourd'hui.
09:38 Les gens viennent acheter les places plus à la dernière minute.
09:41 Depuis qu'on a ouvert les abonnements, ça marche très bien.
09:44 Mais on compte surtout sur la spontanéité du public.
09:47 Le public de Nice est différent des autres ?
09:49 Oui, il est différent parce qu'on rivalise aussi avec la mer et la montagne, avec le
09:56 sport, et Dieu sait que j'aime le sport.
09:58 Mais c'est une ville qui est plus portée naturellement vers l'événementiel que vers
10:05 le culturel.
10:06 Mais néanmoins, c'est la cinquième ville de France, on a assez de public pour pouvoir
10:10 remplir nos salles.
10:11 Et on sent que le public nous a suivis dans cette mutation.
10:16 On n'a pas vraiment eu de perte ou de désamour.
10:19 Comment vous avez conçu votre nouvelle programmation ? Qu'est-ce qui a animé votre réflexion,
10:25 vos volontés ? Vers quoi vous voulez aller ?
10:27 Alors, d'abord, je veux mettre en scène les plus grands textes de l'Europe de la
10:31 Méditerranée.
10:32 C'est-à-dire tout notre répertoire entre la France, l'Italie, l'Espagne, la Grèce.
10:38 Donc ça, c'est la base de mon projet.
10:41 Après moi, je le disais auparavant, j'aime le public.
10:44 J'essaie de faire des spectacles qui soient généreux, qui soient faciles d'accès,
10:48 et qui soient les plus beaux possibles de ce qu'on peut trouver aujourd'hui dans
10:52 toute la création.
10:53 Ça parle souvent de la famille, ça parle souvent de sujets qui nous concernent.
10:57 Tout en respectant, j'imagine, un cahier des charges qui n'est pas forcément évident,
11:01 celui d'un CD, c'est-à-dire d'une certaine exigence.
11:03 C'est très lourd le cahier des charges.
11:05 C'est la parité, je trouve ça normal, entre hommes, femmes, sur les créateurs.
11:09 C'est la création contemporaine, donc montrer ce qu'on fait de plus novateur en termes
11:15 de création théâtrale.
11:17 Et puis on accueille aussi d'autres disciplines, la danse, le cirque, la magie.
11:24 Dernièrement, on a créé un festival de magie.
11:26 Donc voilà, il y a des spectacles, des rendez-vous du spectacle vivant pour tous les publics.
11:32 Qu'est-ce que vous aimeriez faire de plus si vous n'aviez pas ce cahier des charges ?
11:34 Ne jamais fermer pendant l'été, être ouvert 12 mois sur 12 pour pouvoir nous adresser
11:41 autant aux touristes l'été qu'au public pendant l'hiver.
11:45 Vous savez, moi j'ai grandi à la comédie française.
11:47 On est fermé un mois par an, mais on joue 7 jours sur 7.
11:50 Et donc j'ai cette école dans la peau.
11:52 Alors on a beaucoup parlé du présent, de l'avenir.
11:57 Un mot sur l'année un peu compliquée que vous venez de vivre.
12:00 Comment vous avez digéré la polémique sur la destruction du TNL ?
12:03 J'ai envie de dire qu'on a fait un peu la tortue, on courbe le dos.
12:07 Les gens n'aiment pas qu'on change leurs habitudes.
12:10 Ça n'a pas toujours été communiqué dans le bon sens non plus.
12:13 Donc on se disait le TNL n'existe pas.
12:15 Il y a eu une contre-information, mais ça c'est le lot de toutes les transformations.
12:19 Puis aujourd'hui on surcommonte, notamment avec les réseaux sociaux.
12:25 On s'est concentré sur la création et sur les spectacles qu'on a proposés.
12:29 On n'a jamais autant travaillé.
12:31 J'ai une troupe aussi pour le faire.
12:33 Et je dois dire que l'équipe du TNL de Nice, qu'elle soit administrative ou technique,
12:39 on s'est autoprotégée. Ils ont été formidables.
12:42 Parce que ce n'est pas facile pour nous non plus de déménager.
12:45 Mais j'ai envie de dire que le plus grand défi aujourd'hui c'est de rendre nécessaire ce rendez-vous.
12:51 C'est de donner envie aux spectateurs de venir.
12:53 Dans l'équipe tout le monde a tourné la page ?
12:55 Aujourd'hui je crois, ça y est.
12:58 Il manque encore un équipement, il manque encore telle ou telle chose.
13:02 On a certains réflexes qu'on n'a pas encore envie de multiplier.
13:09 Mais l'équipe a été formidable. Et le public aussi je dois dire.
13:13 Donc on regarde vers l'avant.
13:15 Vous savez dans la création on a cette chance de rêver demain.
13:18 Quelles sont vos relations avec Christian Estrosi ?
13:21 On dit qu'il n'est pas très facile de lui résister.
13:23 Je crois qu'il n'est pas très facile de me résister à moi non plus.
13:27 Je trouve que c'est un maire assez formidable parce qu'il est très instinctif,
13:32 qu'il est loyal et qu'il va jusqu'au bout de ses désirs.
13:37 Je suis aussi obstinée que lui.
13:39 Moi je serais heureuse le jour où on aura l'instrument dont nous avons parlé,
13:44 c'est-à-dire complet, les Franciscains, les arènes de Simier et le Palais des Expositions.
13:51 Sachant qu'aujourd'hui, la cuisine, j'espère que Nice gardera cette salle qui est formidable
13:57 et le proposera à un autre artiste, peut-être la danse.
14:01 Vous êtes arrivé le 1er novembre 2019, vous avez pris le poste de direction du TNN.
14:07 Il paraît que vous êtes sur le point de remplir.
14:11 Oui, je viens d'être renouvelée pour un nouveau mandat.
14:14 Ces mandats sont de 10 ans, c'est d'abord 4 ans et puis 2 fois 3 ans.
14:19 J'ai été renouvelée par le ministère de la Culture et j'en suis très contente.
14:22 Donc là vous repartez pour 3 ans ?
14:24 Absolument.
14:25 Vous étiez candidate, j'en imagine.
14:27 À 200% candidate.
14:29 Oui, vous savez, j'ai envie de mener cette mutation jusqu'au bout.
14:33 Et j'aime énormément être ici, dans cette ville.
14:37 Je suis tombée en amour avec mon équipe et avec Nice.
14:40 Qu'est-ce que vous pensez de la politique culturelle niçoise d'ailleurs ?
14:43 Elle est en construction, je dirais.
14:47 Elle a eu des moments de "down", alors c'est pas bien d'utiliser un mot anglais,
14:53 mais de dessoufflement, je pense, ces 20 dernières années.
14:58 La Covid a été un coup terrible pour toute la culture.
15:05 Et Nice est en train de se reconstruire une nouvelle école, j'ai envie de dire.
15:10 D'abord parce qu'il y a beaucoup de directeurs formidables, assez jeunes,
15:13 dans tous les postes culturels importants, notamment dans les musées.
15:17 On a Hélène Guénin au Mamac, Bertrand Rossi à l'Opéra.
15:21 Il y a une équipe qui a envie de faire des choses ensemble.
15:23 Est-ce que vous partagez les critiques qu'on a entendues
15:26 avec une personne qui était à votre place la semaine dernière dans cette émission,
15:30 Henri-Jean Servat, qui a notamment dénoncé la "derrive walk" de l'Opéra,
15:34 des mauvais choix culturels en disant que des choses étaient horribles,
15:38 comme les statues d'Orlanski.
15:39 Est-ce que vous partagez une partie de ces critiques ?
15:41 Je trouve toujours que c'est de bonne augure quand on critique la création,
15:45 parce que la création, elle doit déranger, elle doit être nouvelle,
15:49 te proposer de nouveaux voyages, c'est comme de visiter d'autres pays.
15:54 Donc si elle ne dérange pas du tout, si elle est complaisante,
15:56 ce n'est pas très intéressant, c'est qu'elle n'est pas vivante.
15:59 Donc ça veut dire que le milieu culturel qui a beaucoup été heurté
16:03 par les propos d'Henri-Jean Servat avait tort ?
16:05 Je n'ai pas écouté les propos d'Henri-Jean Servat,
16:07 mais par exemple à la Victorine, on a Meriam sur le cinéma, qui est extraordinaire.
16:12 Il y a des initiatives qui sont en train de se construire,
16:15 et je pense que Nice est en train vraiment de se reconstruire
16:19 un vrai rapport fort à la culture, notamment le 100% culture à l'école.
16:24 Toutes les villes ne le font pas.
16:26 Juste pour finir cette question, cette dérive woke qui est dénoncée
16:29 par Henri-Jean Servat et aussi par l'opposition,
16:31 est-ce que c'est quelque chose qui vous parle ? Est-ce que vous êtes d'accord ?
16:34 On pense notamment à l'opéra, effectivement, qui a fait des choix radicaux
16:37 dans la mise en scène de certains classiques ces derniers mois,
16:41 qui ont pu heurter le public.
16:42 Est-ce que vous aussi vous parleriez d'une dérive woke à l'opéra
16:45 ou dans la culture niceoise ?
16:46 Alors, je ne peux pas tellement parler, malheureusement je m'en excuse,
16:49 je n'ai pas vu les dernières créations de l'opéra.
16:51 Mais encore une fois, je vais redire la même chose,
16:54 la création, ça doit déranger.
16:57 Si on ne propose pas une lecture nouvelle,
17:00 alors ce n'est pas la peine de proposer une lecture.
17:02 On peut dire "j'aime pas ça",
17:03 on peut ne pas aimer le directeur d'un lieu culturel,
17:06 mais ce serait terrible que ce directeur ne dérange pas.
17:11 On a beaucoup critiqué la mutation du thème national de Nice,
17:15 je la revendique.
17:16 Se réinventer, se redéployer autrement,
17:19 se remettre en question, se remettre en danger,
17:21 c'est la base même de la création,
17:23 sinon on ne rentre pas sur un plateau.
17:25 Et un petit mot sur quelque chose qui fait beaucoup parler en ce moment à Nice,
17:28 ces sculptures d'Orlenski,
17:29 ces dix bêtes monumentales
17:31 qui sont exposées sur le domaine public,
17:33 vous en pensez quoi vous personnellement ?
17:35 Alors, ce n'est pas forcément l'art plastique que je préfère,
17:41 je le dis pour avoir été très concentrée
17:44 le temps de ma direction à la Villa Medicis à Rome,
17:48 j'étais avec les créateurs contemporains,
17:51 très très contemporains.
17:53 Donc ce n'est pas ce que je préfère,
17:54 mais je trouve ça merveilleux.
17:55 Je trouve ça merveilleux que dans une ville,
17:57 on puisse avoir les statues et les sculptures d'un auteur contemporain.
18:04 C'est merveilleux, ça nous fait parler si vous voulez.
18:06 C'est ce qu'a tweeté jeudi soir Christian Estrosi en disant
18:08 "Voilà, cette année c'est Orlenski,
18:09 l'année prochaine ça pourrait être quelqu'un d'autre".
18:11 Oui, c'est ouvert à tout et tout le monde.
18:12 Mais c'est très important,
18:14 c'est très important qu'on puisse être vivant.
18:16 Tout à fait.
18:17 Alors, on va faire un petit saut géographique,
18:18 on va aller à Saint-Jean-Cap-Ferrat.
18:21 Vous avez pris depuis le 1er janvier
18:22 la direction de la Villa Eiffroucy de Rothschild.
18:26 Pourquoi ce choix ?
18:28 Comment vous arrivez à vous partager ?
18:29 Est-ce que c'était un point de chute si jamais vous quittiez le TNN ?
18:33 Oui, j'ai beaucoup entendu ça.
18:35 Non, non, ce n'était pas du tout prévu.
18:37 Je suis à l'Académie des Beaux-Arts,
18:40 donc vous avez devant vous une immortelle.
18:43 Je suis sur le fauteuil de Maurice Béjar,
18:46 ce qui est un immense honneur, depuis 2017.
18:49 Et la Villa Eiffroucy de Rothschild
18:52 sont une propriété de l'Académie des Beaux-Arts.
18:55 Elles ont été cédées par Béatrice de Rothschild par testament.
19:00 Et c'était jusqu'à présent géré par une société privée
19:04 qui s'appelait Culture-Espace.
19:05 L'Académie des Beaux-Arts a récupéré la gestion
19:09 et à l'unanimité, ils m'ont nommée directrice de cette institution
19:13 parce que toutes les institutions qui appartiennent à l'Académie des Beaux-Arts
19:17 sont dirigées par un académicien.
19:19 Et donc j'ai accepté parce que j'habite à côté,
19:21 mais évidemment j'ai une équipe
19:23 et puis j'ai l'Académie des Beaux-Arts qui est derrière moi.
19:25 Et on a construit un projet ensemble,
19:28 un sur la restauration de ce lieu qui est assez en souffrance,
19:32 deux sur la possibilité d'accueillir des artistes en résidence
19:37 et notamment des paysagistes,
19:39 et trois pour proposer au public de la Côte d'Azur
19:43 une programmation artistique forte.
19:46 - Et juste un petit mot sur les nocturnes de la ville d'Aifrosi
19:49 qui vont bientôt démarrer.
19:50 Si vous pouvez rappeler ce que c'est
19:52 et puis quelle spécificité vous avez essayé de leur insuffler
19:56 pour ce premier été où vous étiez la directrice ?
19:58 - Alors j'ai hérité de ces nocturnes,
20:00 ce sont tous les lundis et mardis soirs,
20:02 à partir du 3 juillet jusqu'au 22 août.
20:05 On peut pique-niquer, on peut dîner au restaurant,
20:07 on peut juste boire un verre,
20:09 on peut juste se promener toute la nuit,
20:11 enfin toute la nuit, jusqu'à minuit dans ses jardins.
20:14 Et j'ai proposé à chaque fois un rendez-vous avec un artiste.
20:18 Donc je vais en citer quelques-uns,
20:19 il y aura Catherine Ringer, Oxmo Puccino,
20:22 Nicole Lemieux, une des plus belles voix lyriques des plateaux d'opéra,
20:28 il y aura Catherine Larra, il y aura Brigitte Fosset.
20:32 Voilà, j'ai proposé beaucoup de figures de femmes,
20:35 il y aura Johan Bourgeois aussi,
20:37 dans des disciplines différentes
20:38 pour qu'on ait la possibilité d'être avec des artistes le soir.
20:42 - Donc ça sera encore une offre culturelle nouvelle.
20:45 Vous l'avez dit tout à l'heure, il y a beaucoup d'événementiels,
20:47 il y a de plus en plus d'offres culturelles aussi.
20:49 Est-ce que ce n'est pas trop cette offre sur la Côte d'Azur quelque part ?
20:53 - Alors à partir du moment où on souhaite continuer à développer le tourisme l'été,
20:58 à partir du moment où les Français voyagent moins loin mais plus dans leur pays,
21:02 je pense que c'est très important de leur proposer mille possibilités de sortir.
21:09 D'abord pour comprendre qu'avoir un rendez-vous avec la culture,
21:13 avec un spectacle, avec un concert,
21:15 c'est une façon d'ouvrir quelque chose de nouveau,
21:19 de se remplir, de s'inspirer et on en a tous besoin.
21:23 Sinon on est enfermé dans nos habitudes, dans notre quotidien.
21:27 Donc je ne crois pas.
21:28 - A Antibes, Antea a fêté ses 10 ans,
21:30 est-ce que ça ne vous agace pas un peu d'être à certains moments encore comparé à Daniel Benoît
21:36 qui a dirigé pendant plus de 10 ans le Théâtre National de Nice ?
21:39 - Alors je ne me sens pas comparé à Daniel Benoît,
21:42 je trouve qu'il est tout à fait formidable d'avoir au moins deux propositions fortes dans le territoire.
21:49 - Donc il y a vraiment une complémentarité ?
21:50 - Mais bien sûr, d'autant que Daniel Benoît il fait une programmation plus avec des gens connus,
21:56 il est beaucoup plus porté sur le théâtre privé
22:00 et moi je dirige un théâtre public et puis on est amis donc on se complète je crois assez bien sur le territoire.
22:07 Encore une fois il y a beaucoup de public vous savez.
22:10 - Vous n'enviez pas sa liberté à lui parce que lui il peut tout programmer en fait ?
22:14 Par rapport à vous qui êtes un cahier des charges ?
22:15 - Oui absolument, je ne suis pas quelqu'un tellement envieux
22:20 mais tant mieux, ça permet que l'on fasse des choses différentes
22:23 et de temps en temps on se rejoint sur un artiste parce que finalement c'est quand même formidable.
22:29 Je peux dire par exemple Prejlo Kaj ce chorégraphe,
22:31 il peut aller chez Daniel à Antea, il peut venir au Théâtre National de Nice.
22:36 Il y a assez de public encore une fois pour essayer de contenter les gens.
22:40 On a ensemble tous les deux cet amour de l'autre je crois.
22:44 - Alors un mot sur le rapport entre les artistes et les politiques.
22:47 On a vu la ministre de la Culture prendre une position très forte lors de la cérémonie des Molières
22:53 après avoir été interpellée.
22:54 Est-ce qu'elle a eu raison ?
22:57 - Alors je pense que c'est important que les artistes soient libres.
23:03 Sur un plateau on peut tout dire.
23:06 C'est la force du plateau, c'est ce qui ne sera jamais remplacé.
23:10 C'est important que les artistes s'expriment sur leurs convictions.
23:14 Après il faut faire attention de la responsabilité que nous avons tous quand nous prenons la parole.
23:20 Par exemple moi je fais attention de ne pas prendre la parole personnellement
23:23 parce que j'engage tout le Théâtre National de Nice.
23:26 Et ce n'est pas toujours forcément le bon cadre.
23:29 Mais comme ils ont peu la parole et que les artistes ne sont pas toujours les bienvenus
23:34 dans les conversations politiques, après tout c'est de bonne guerre que de la prendre
23:38 quand on a le micro en face de soi.
23:41 - Frédérique ?
23:42 - Après avoir été parisienne, après avoir été romaine, vous êtes niçoise depuis trois ans.
23:47 Ce sera notre dernière question, question personnelle.
23:49 Est-ce que vous vous sentez niçoise du coup aujourd'hui ?
23:52 - Alors je crois que malheureusement je ne serai jamais niçoise
23:55 parce que j'ai bien compris que les niçois de souche, ils sont quand même très chauvins.
24:00 Et moi je suis plus nomade disons.
24:04 Mais je suis très heureuse d'être ici.
24:06 J'ai acheté une maison, je m'y suis installée avec mon mari.
24:10 Et vous savez, moi quand je fais quelque chose, je le fais sans restriction.
24:14 Donc je me sens niçoise de cœur, ça c'est sûr.
24:18 Et à défaut de l'être de souche.
24:21 - Très bien.
24:22 - Merci beaucoup Muriel Maillet-Holst, merci Frédérique.
24:25 Merci à tous de nous avoir suivis.
24:27 Merci à Sophie Danzé et Philippe Bertigny pour la réalisation de cette émission.
24:31 À Christelle Benjamin pour sa réalisation.
24:34 Une émission que vous pouvez retrouver sur les réseaux sociaux
24:36 et les sites internet de Radio Emotion et Nice Matin.
24:39 On se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau rendez-vous de l'interview à la Une.
24:43 Cette fois avec Eric Ciotti, le président des Républicains et député des Alpes-Maritimes.
24:48 Bonne journée et bon week-end à tous.
24:51 [Musique]
24:57 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]