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00:00 *7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner*
00:06 La question du jour, le gouvernement aurait-il su réévaluer les effets de la réforme des retraites sur l'équilibre des régimes de pension ?
00:12 C'est ce que laisse entendre le nouveau rapport du Conseil d'orientation des retraites publié aujourd'hui dans ses prévisions en 2030.
00:19 Les finances du système ne reviendraient pas à l'équilibre et ce en dépit de la hausse de l'âge du départ à la retraite.
00:25 Comment expliquer ces prévisions ?
00:26 Bonjour Michael Zemmour.
00:27 Bonjour.
00:28 Vous êtes maître de conférence en économie à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
00:32 Il faut d'abord nous préciser ce qu'est le Conseil d'orientation des retraites.
00:37 Le Conseil d'orientation des retraites, c'est un organisme rattaché au Premier ministre
00:42 et dans lequel siègent des expertes et des experts, les partenaires sociaux, patronat et syndicat,
00:48 des représentants de l'administration depuis les années Jospin et qui a pour mission chaque année et en permanence
00:55 de renseigner l'état du système de retraite et de créer une connaissance commune
00:59 pour qu'on sache de quoi on parle et qu'on ait des chiffres en commun.
01:02 Comment effectue-t-il ces prévisions, ce corps ?
01:06 Le Conseil d'orientation des retraites a une maquette.
01:09 Il s'appuie sur les prévisions macroéconomiques du gouvernement pour les prochaines années, les 4 ou 5 années qui viennent.
01:16 Il demande aux caisses de retraite de faire tourner un certain nombre de modèles en fonction de la législation actuelle.
01:23 Et sur cette base, il donne des projections.
01:25 Si à l'avenir, il y a beaucoup de croissance, voilà ce que ça donnerait.
01:28 S'il y en a moins, voilà ce que ça donnerait.
01:30 Alors pourquoi dire que ces scénarios sont biaisés ?
01:34 Puisque suite à l'annonce que cette réforme était insuffisante,
01:38 beaucoup de personnes ont attaqué le corps en disant qu'on avait affaire finalement à un organisme partisan, Michael Zemmour.
01:46 C'est vraiment un mauvais procès.
01:48 C'est à dire qu'il n'y a pas beaucoup de politiques publiques pour lesquelles on a une information continue,
01:53 aussi précise et aussi détaillée et aussi transparente sur ces hypothèses.
01:57 Donc, on peut toujours discuter pour l'INSEE, pour le corps, pour n'importe quel organisme des hypothèses et de la méthodologie.
02:04 Mais le corps est extrêmement transparent et sa vocation n'est pas de faire des recommandations politiques.
02:09 Il y a d'autres organismes pour cela.
02:11 Alors comment expliquer qu'avant cette réforme des retraites, le corps annonçait un déficit d'environ 13 milliards d'euros
02:21 et maintenant, après la réforme des retraites, le corps considère que le régime des retraites ne sera toujours pas équilibré ? Expliquez-nous.
02:29 Alors, il y a plusieurs éléments.
02:30 D'abord, les prévisions économiques, par nature, ça bouge chaque année.
02:33 Elles sont actualisées par la macroéconomie, par la démographie.
02:37 Et donc, il est normal que ça bouge un petit peu chaque année.
02:40 Ça, c'est le premier élément.
02:42 Le deuxième élément, sans doute, même si je n'ai pas tous les détails, que la réforme des retraites mise en œuvre ou telle qu'adoptée,
02:50 réalise un peu moins d'économie que ce que le gouvernement avait en tête au début.
02:54 On peut avoir en tête les concessions, par exemple, sur les carrières longues faites aux Républicains,
02:59 qui a pu réduire un peu le volume d'économie, même s'il y a des recettes qui compensent.
03:03 Puis, il y a un troisième élément qui est sans doute une erreur de la part du gouvernement,
03:10 qui, quand il a compté les gains de la réforme des retraites, a pu compter deux fois certaines recettes.
03:17 C'est-à-dire que quand vous faites travailler les gens plus longtemps, évidemment, ils vont cotiser deux ans de plus.
03:21 Ça fait des recettes supplémentaires pour le système de retraite.
03:25 Ces recettes, elles étaient déjà comptées dans le rapport du corps précédent, qu'il avait très clairement dit,
03:29 parce que le gouvernement lui avait dit « Tenez compte de notre réforme des retraites ».
03:33 Et elles ont pu être comptées deux fois, ce qui fait une erreur au final d'environ 4 milliards.
03:37 Et ce qui peut aussi expliquer qu'on n'arrive pas tout à fait à l'équilibre.
03:40 Ça veut dire qu'on resterait à 0,2 points de déficit, c'est ça, Michael Zemmour ?
03:45 C'est effectivement le scénario central mis en avant par le corps.
03:48 Ce qu'il faut dire tout de suite, c'est que 0,2 points de déficit, c'est l'équilibre, en fait.
03:52 Donc, effectivement, le gouvernement s'est pris à son propre jeu en dramatisant le déficit et en portant le regard dessus.
03:58 Ce n'était pas dramatique à 0,5 points de déficit, ça allait encore moins à 0,2.
04:01 Si vous avez un étranger qui vous demande des nouvelles du système de retraite,
04:06 vous allez lui dire « Les dépenses sont stables, le déficit est minuscule, on est à l'équilibre ».
04:10 Bon, mais alors, on pourrait aussi dire, Michael Zemmour, que dans ces conditions,
04:14 la réforme du régime des retraites a permis un retour à l'équilibre.
04:19 Alors, on passe de 0,5 à 0,2, ce n'est pas grand-chose, mais c'est encore mieux d'être à 0,2.
04:24 Ça dépend de quels problèmes on se pose.
04:25 La réforme des retraites, très clairement, fait des économies.
04:28 Elle réduit les dépenses de retraite, elle va aussi augmenter l'emploi des seniors.
04:33 Elle crée d'autres problèmes, notamment la précarité des seniors qui n'atteindront pas l'âge de la retraite en emploi,
04:38 c'est-à-dire qui finissent leur carrière au RSA, au chômage, et qui vont y rester plus longtemps et en précarité.
04:43 Et puis, la réforme des retraites ne résout pas les principaux problèmes que pose le rapport du corps depuis des années.
04:50 C'est-à-dire ?
04:51 Pas tellement des problèmes financiers, de ce côté-là, c'est réglé plutôt par les réformes précédentes, en effet.
04:56 Mais par contre, on a un décrochage annoncé du niveau de vie des retraités dans les 20-30 années qui viennent par rapport aux actifs.
05:02 C'est-à-dire que passer à la retraite va redevenir une expérience de dégradation sociale.
05:08 Et ça, c'est un point important.
05:10 Pourquoi expliquer, nous ?
05:11 Parce que le corps intègre des hypothèses de diminution des pensions, parce que le gouvernement, dans sa réforme,
05:19 fait en sorte que les pensions vont diminuer.
05:22 Parce qu'il n'a cessé de répéter que l'une des hypothèses rejetées par le gouvernement était justement de diminuer les pensions, Michael Zemmour.
05:29 Alors, les pensions ne devraient pas diminuer en euros.
05:32 Mais du fait de toutes les réformes précédentes, on projette ce qu'on appelle des taux de remplacement en baisse.
05:37 Le taux de remplacement, c'est la part de votre salaire que vous gardez quand vous partez à la retraite.
05:41 Et du fait des réformes précédentes, ça a déjà commencé, mais ça va s'accentuer.
05:46 Quand on va partir à la retraite, on va partir avec de moins en moins de son salaire.
05:49 S'il n'y a pas de réforme qu'on pourrait dire en positif, le corps nous dit que dans 20 ou 30 ans,
05:54 le niveau de vie des retraités par rapport au reste de la population serait environ 20% plus faible qu'aujourd'hui.
06:00 Ce qui pourrait vous pousser à changer votre consommation ou à devoir déménager, par exemple.
06:04 Autre question. Dans ce que vous évoquiez, il y a quelques instants, Michael Zemmour,
06:08 et qui a été largement commenté durant cette réforme, ce débat sur la réforme des retraites,
06:14 la précarité de certains seniors qui vont devoir demeurer en emploi et qui auront du mal à le faire.
06:19 Ça, normalement, ça devrait peser sur le déficit du système.
06:25 Alors évidemment, quand l'emploi s'améliore, ça fait davantage de recettes.
06:28 Quand le chômage recule ou quand on reste plus longtemps en emploi, ça compte.
06:32 L'effet de la réforme, c'est à la fois de maintenir des personnes au chômage ou au RSA
06:38 et en même temps de pousser d'autres personnes en emploi alors qu'elles auraient été à la retraite.
06:41 Mais alors si vous avez plus de personnes au chômage et que ces personnes sont considérées comme cotisants,
06:48 ça creuse le déficit.
06:50 Ces personnes au chômage, leur niveau de vie va être dégradé.
06:57 Donc ce n'est pas elles qui creusent le déficit.
06:59 En fait, il y a les personnes qui vont travailler plus longtemps, qui vont amener de nouvelles recettes.
07:03 Donc c'est en ça que la réforme amène de nouvelles recettes.
07:06 Du côté des personnes au chômage, elles ne vont pas cotiser davantage.
07:10 Elles vont percevoir des minima sociaux, des prestations chômage.
07:13 Mais comme ces minima sociaux et ces prestations chômage sont moins protectrices que la retraite,
07:17 elles vont rester plus longtemps en précarité et ça coûtera globalement moins cher.
07:21 Si je vous suis, pour que l'on bénéficie d'une retraite équivalente,
07:26 je ne parle pas d'âge pivot, mais d'un maintien du niveau de vie des retraités futurs,
07:32 Michael Zemmour, il faudrait une nouvelle réforme.
07:35 De toute façon, en France, on a des réformes à peu près tous les cinq ans.
07:38 Mais effectivement, si on veut s'attaquer à la dégradation du niveau de vie des retraités,
07:42 il faudrait une réforme en positif qui se donne un objectif.
07:45 Peut-être pas de maintenir le niveau de vie des retraités à son niveau actuel,
07:48 qui est historiquement élevé, mais l'emprisonnement de se dégrader trop et trop vite.
07:52 Effectivement, pour ça, il faudrait des ressources.
07:54 Mais alors, dans ce cas là, est-ce que ça ne pèserait pas sur le niveau de vie des actifs,
07:57 puisque ce sont les actifs qui payent les retraites des retraités ?
08:01 Toute la question est une question d'équilibre.
08:03 S'il n'y a pas de nouvelle réforme, on va avoir un découplage du niveau de vie des actifs,
08:07 une sorte de dérive avec des actifs dont le pouvoir d'achat progresserait,
08:11 tandis que celui des retraités stagnerait et donc un décrochage.
08:14 Donc le débat qu'il faut qu'on ait collectivement, c'est à quel âge on part à la retraite,
08:18 dans quelles conditions, mais quel est le bon rapport pour nous
08:21 entre le niveau de vie des retraités et des actifs ?
08:23 Et c'est ce débat qu'on n'a pas du tout eu lors des réformes précédentes.
08:27 Merci beaucoup, Michael Zemmour.
08:28 Je rappelle que vous êtes maître de conférence en économie à l'université Paris 1, Panthéon-Sorbonne.