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La question du grand entretien : pourquoi l'Europe est-elle en train de s'installer à droite ? Avec l'Espagne récemment, l'Italie, la Suède, la Finlande... Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, think-tank libéral, tente d'analyser cette tendance. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-10-juin-2023-6995868

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00:00 France en terre.
00:02 Karine Becker, Eric Delvaux, le 6/9 de week-end.
00:07 Des pays d'Europe de plus en plus souvent à droite, Espagne, Grèce, Italie, Suède, Finlande, Pays-Bas, dans les pays de l'Est aussi, la droitisation de l'Europe.
00:18 On va en parler ce matin avec vous. Bonjour Dominique Régnier.
00:20 Bonjour Eric Delvaux.
00:21 Directeur général de la Fondapol, la fondation pour l'innovation politique, un think-tank on va le dire, qualifié libéral, vous acceptez ?
00:29 C'est la qualification officielle, si je puis dire, qui est portée sur les documents.
00:34 Cette droitisation de l'Europe que l'on voit apparaître surtout depuis un an, en quoi est-ce une lame de fond ?
00:40 C'est une lame de fond parce qu'elle est déterminée par des variables qui sont de longue durée et sur lesquelles je pense qu'on peut s'accorder,
00:54 sur les effets on peut discuter mais sur l'existence des variables je pense qu'on peut s'accorder, c'est-à-dire un vieillissement démographique
01:01 qui place les états-providence européens devant des questions redoutables de soutenabilité financière et qui les appelle en quelque sorte à réaménager leur système
01:14 et par exemple à demander à travailler plus longtemps avant de prendre sa retraite.
01:20 Il y a aussi une confrontation de nos sociétés avec en quelque sorte la question migratoire.
01:28 - Pardon de vous couper, les raisons, on va les voir dans un instant.
01:31 Ce qui explique cette droitisation, on va les voir dans un instant.
01:33 D'abord un tour de l'Europe, quelques pays, l'Italie peut-être l'exemple phare, c'est la victoire de Giorgia Meloni,
01:40 issue des nostalgiques du fascisme, plus qu'une droitisation d'ailleurs, on assiste aussi, j'allais pas dire souvent mais parfois, à une extrême droitisation de l'Europe.
01:50 - Ça ne se manifeste pas en Italie dans des actes de gouvernement.
01:54 - Les atteintes à la liberté notamment de la presse, pour ne parler que de ça.
01:58 - En Italie ? - Oui.
01:59 - Bon, on en reparlera. - J'ai pas noté de...
02:03 - Il y a eu une chasse aux sorcières en ce moment dans les opéras, dans la culture, dans certains magazines de presse.
02:07 - Ça c'est peut-être... - Depuis l'arrivée de Giorgia Meloni.
02:10 - Peut-être qu'il y a une politique de nomination, de personnalités qui sont plus...
02:15 - Elle veut faire, dit-il, confiance à celle qu'elle nomme, tout est dit.
02:19 - Oui, mais la politique de nomination n'est pas une caractéristique de l'Italie, ni sa spécialité.
02:25 Enfin, on fait ça beaucoup en France aussi.
02:27 Donc, je pensais que vous aviez repéré des atteintes à la liberté de la presse en Italie.
02:32 Parce que moi j'en ai pas vu pour le moment, j'ai peut-être loupé des informations.
02:35 - La liberté en tout cas dans le monde de la culture, atteinte ou libre.
02:38 - On va pas faire le débat ici et maintenant. - Non, non, mais c'est pas quelque chose qui me paraît avoir été relevé.
02:42 - Mais donc, est-ce qu'il y a une lame de fond de droitisation ?
02:45 C'est-à-dire, est-ce que l'Europe est en train vraiment de se droitiser ?
02:49 Ou est-ce qu'on est juste sur un retour de balancier électoral comme on connaît assez classiquement ?
02:53 Parce que là, pour le coup, en Italie, il me semble que c'est juste un retour de balancier électoral.
02:59 C'est-à-dire que Meloni ne faisait pas partie de la coalition de Draghi,
03:04 mise en place par Draghi, et donc au moment où il y a de nouvelles élections, c'est Meloni qui gagne.
03:09 - La coalition de Draghi allait jusqu'à la gauche. Là, il n'y a plus que la droite.
03:14 C'est une belle illustration de ce mouvement. Et par ailleurs...
03:18 - C'est juste, mais on est dans l'effet de balancier.
03:21 - Je ne crois pas, si vous regardez, je ne crois pas, parce qu'il n'y a plus...
03:24 Au fond, on a vu le moment où disparaissait la gauche communiste en Europe, en gros dans les années 80.
03:29 Maintenant, nous voyons disparaître la gauche sociale-démocrate.
03:32 Je ne vois plus un pays où la gauche sociale-démocrate est en train d'aller vers le pouvoir.
03:38 Ça ne veut pas dire que ça ne se produira pas.
03:40 Il ne faut pas donner à ce propos une prétention prophétique. Ce serait ridicule, bien sûr.
03:45 - Parce qu'on a connu d'autres moments dans l'Europe où, effectivement, il y avait au contraire la social-démocratie
03:50 qui était de retour dans de nombreux pays.
03:52 - Le problème, il faut bien comprendre que les balanciers, ça suppose des forces sociales et des situations historiques pour que ça s'opère.
03:59 Là, comme je vous le disais en introduction, peut-être trop rapidement, mais la démographie ne va pas de ce côté-là.
04:06 L'insoutenabilité de notre générosité sociale ne va pas de ce côté-là.
04:11 Le problème migratoire nous amène plutôt vers la droite, si on veut le dire ainsi,
04:15 compte tenu des positions que la gauche prend sur l'immigration.
04:18 Le réarmement, au sens militaire, de nos sociétés, notamment liées à la crise internationale
04:24 et en particulier à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, ne va pas dans le même sens
04:28 sur le nucléaire. Il y a un consensus sur la nécessité d'aller vers le nucléaire.
04:32 Les gauches ont pris beaucoup trop souvent une position anti-nucléaire qui n'est pas historiquement, je dirais, si ancienne que cela,
04:41 mais qui maintenant a beaucoup marqué la gauche et la gauche écolo.
04:44 Et donc, il y a toute une série de grands sujets sur lesquels la gauche parle à une minorité des électeurs en général.
04:54 - Vous craignez en quoi l'invasion en Ukraine a-t-elle redonné du poids aux droites européennes plus qu'à la gauche ?
05:00 - Au sens où la question militaire devient centrale, donc il faut réarmer, il faut accepter des budgets militaires plus importants.
05:10 On se souvient, c'est une illustration peut-être que vous jugerez anecdotique,
05:16 mais on se souvient de la candidate écologiste à la présidentielle en France
05:20 qui considérait qu'on pouvait mettre fin au défilé du 14 juillet parce que nous n'avions plus d'ennemis
05:24 et qu'il n'était plus nécessaire de s'équiper militairement.
05:28 Il y a quelque chose qui s'est passé.
05:31 Il me semble qu'un certain pacifisme, pas toute la gauche, mais un certain pacifisme, c'est plutôt situé à gauche,
05:38 est pris aujourd'hui à contre-pied par une histoire qui nous amène vers davantage de militarisation.
05:43 Ce n'est pas d'ailleurs ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, c'est un fait de l'histoire.
05:49 - Ces dernières années, les débats aussi sur l'immigration ont redonné du crédit à l'idée de frontières,
05:57 qu'elles soient nationales ou européennes.
05:59 - Oui, je le crois, mais de toute façon, ça c'est à la fois, je dirais, de la politique fondamentale
06:05 sur laquelle moi je n'ai pas de doute.
06:07 Les pays, les peuples, les communautés ont besoin de délimitations
06:13 et d'autant plus que nous sommes dans une situation historique comme la nôtre
06:16 où nous ne dominons pas, nous les européens, le monde, dont nous avons beaucoup à faire,
06:21 mais nous avons aussi beaucoup à redouter.
06:23 Et nous sommes devenus quasiment la seule partie du monde
06:27 où les frontières sont si poreuses, si simples à franchir, ça ne tiendra pas.
06:33 Si nous étions des européens très jeunes démographiquement, très allants,
06:37 avec beaucoup de confiance dans l'avenir, ce serait peut-être jouable, c'est pas sûr, mais c'est pas le cas du tout.
06:43 Et donc, tant qu'on ne reconnaîtra pas la nécessité d'avoir des frontières, à tout le moins européennes,
06:49 et si ça n'est pas le cas, ce seront des frontières nationales, c'est ce qui se passera, si vous voulez.
06:52 Le nationalisme, là, d'aujourd'hui, il tient au fait que les européens sont incapables de définir,
06:59 de défendre et même d'aimer leurs frontières communes.
07:02 - Et pour en revenir au flottement qu'on avait au début sur l'Italie,
07:06 je vous confirme que Giorgia Meloni a placé ses têtes à la radio de la télévision publique italienne
07:11 et l'opposition accuse le parti ultraconservateur de prendre le contrôle total de l'audiovisuel.
07:17 - Mais excusez-moi, mais est-ce que c'est quelque chose qui est propre à l'Italie ?
07:20 Est-ce que nous ne pratiquons pas cela en France ?
07:22 - Je peux vous garantir que nous ne sommes pas caisse de résonance ici au service public
07:26 en rapport avec la France, du gouvernement.
07:28 - Non, mais alors là, il faudrait qu'on ait une discussion sur ce sujet spécifiquement.
07:31 - Je pense que je ne peux pas être juge et parti, donc on en parlera ailleurs, si vous le voulez bien.
07:36 - Avec cette droitisation de l'Europe, qu'advient-il des notions de gauche ?
07:40 Je pense à l'État-providence, par exemple.
07:43 - L'État-providence est une notion dont une droite s'accommode très bien.
07:48 Et c'est ce qui s'est passé au Danemark.
07:52 Je ne fais pas une digression sur le Danemark, mais au Danemark,
07:54 la politique migratoire très restrictive qui est aujourd'hui en cours a été mise en place par la droite il y a 20 ans,
08:01 une droite, je dirais, classique type LR et la droite populiste danoise,
08:06 pour défendre l'État-providence, qu'elle voyait se disperser et s'épuiser dans une ouverture des frontières.
08:13 La gauche social-démocrate s'y est opposée jusqu'en 2015.
08:17 Puis Me Fridringsen, l'actuel Premier ministre danoise,
08:21 prenant la tête du parti social-démocrate danois, a rallié cette politique.
08:26 Et elle est maintenant réélue, élue et réélue.
08:28 C'est-à-dire que la question de l'État-providence, c'est d'abord une question qui n'est pas que de gauche,
08:34 qui est aussi une question pour la droite.
08:36 Le RN se considère comme un parti social.
08:39 Et d'ailleurs, sur la question des retraites, on l'a vu, même s'il était un peu plus discret que la France Insoumise,
08:44 il avait la même position. Marine Le Pen était même pour la retraite à 60 ans, je le rappelle.
08:49 Mais la question qui se pose pour la gauche, comme pour la droite,
08:53 mais peut-être davantage pour la gauche en termes d'identité, c'est
08:55 comment on fait pour avoir un État-providence aussi généreux si on ne ferme pas les frontières ?
09:00 Et c'est la question fondamentale pour la gauche en Europe.
09:03 Si on ne sait pas fermer les frontières, on ne préservera pas l'État-providence.
09:07 La gauche n'aura plus aucun discours si elle n'est pas capable de proposer une institution
09:12 qui, de manière très généreuse, défend les siens, c'est-à-dire défend les membres de sa communauté politique.
09:18 - Alors, je reviens sur le Danemark, parce que c'était l'exemple que vous preniez initialement, là.
09:23 Et sur ce qui se passe globalement dans le nord de l'Europe.
09:26 C'est intéressant ce qui se passe en Finlande, c'est intéressant ce qui se passe en Suède,
09:30 où effectivement on a de nouvelles coalitions qui ont inclus des partis d'extrême droite.
09:37 C'est-à-dire que les partis d'extrême droite ne sont pas aux manettes, là, mais ils influencent la politique du gouvernement.
09:43 Est-ce que ça veut dire que finalement, cette extrême droite a gagné la bataille politique et idéologique dans le nord de l'Europe ?
09:51 - Dans le nord de l'Europe, c'est en train de se faire. Encore une fois...
09:54 - Parce que ce n'est pas le cas dans le reste de l'Union européenne.
09:56 C'est pour ça que vraiment ce qui se passe en ce moment dans le nord, c'est intéressant.
10:00 - C'est un peu le cas en Italie. La progression est forte en Espagne.
10:04 En France, le parti qui progresse vraiment, c'est l'URN.
10:08 Ils sont passés de 20% à 42% en 20 ans au second tour de la présidentielle. C'est assez net.
10:14 - Donc il y a une bataille idéologique qui est en train d'être gagnée, ou pas ?
10:17 - Oui, bien sûr. Pourquoi ? Parce que la gauche a déserté la question du peuple.
10:21 La gauche a déserté la question des conditions de soutenabilité de l'État-providence.
10:24 La gauche n'a pas su arbitrer, pour des raisons pour moi très énigmatiques,
10:28 entre la prétention de venir au secours social de l'universalité du monde,
10:33 nous n'en avons pas les moyens, et la capacité morale et politique
10:37 de décider de réserver notre richesse nationale à la solidarité avec les nôtres.
10:42 Et là, ce n'est pas une question d'origine, c'est une question de nationalité.
10:47 Qui est français, quelles que soient ses origines, est français.
10:50 Donc pour pouvoir accéder à la générosité sociale, nous ne pouvons pas le faire
10:54 si nous ouvrons ainsi les frontières.
10:56 - Mais est-ce que c'est une démission de la gauche, comme vous dites,
10:58 ou est-ce que c'est une démission des partis de gouvernement ?
11:01 On a le sentiment que ce sont les partis de gouvernement qui, face aux partis populistes,
11:05 ont effectivement un peu lâché l'affaire. Non plus de volonté politique.
11:09 - C'est dans les programmes déjà que se fait présence.
11:12 Quels sont les programmes de gauche qui préconisent une politique stricte
11:17 de contrôle de l'entrée dans le pays ou en Europe et une politique stricte d'intégration ?
11:23 - Mais la politique d'un pays, ce n'est pas que sa politique migratoire.
11:26 Il faut à un moment donné ouvrir les discussions.
11:28 - Là, c'est pour répondre à la question de comment la gauche s'est fait enlever,
11:33 voler, si je puis dire, son thème principal, qui est en gros le socialisme,
11:38 quasiment la solidarité sociale.
11:40 S'il n'y a pas, si vous ne mettez pas en avant un effort pour préserver les ressources
11:46 et les distribuer, c'est l'argumentation des sociodémocrates danois.
11:49 C'est la seule gauche aujourd'hui qui est élue et réélue en Europe.
11:53 C'est tout à fait étonnant.
11:55 - Au prix de sa droitisation.
11:58 - Vous appelez ça une droitisation.
12:00 Mais une gauche danoise très sévère sur l'immigration,
12:03 est-ce qu'on peut encore appeler ça un parti de gauche ?
12:06 - Oui, parce que je comprends la question.
12:08 Et la réponse, je dirais, c'est oui, parce que les justifications sont morales.
12:13 Les finalités, les justifications sont de gauche du point de vue de la social-démocratie danoise.
12:18 Les finalités sont de gauche, c'est-à-dire sauver l'Etat-providence,
12:22 assurer sa soutenabilité, sa transmission aux générations futures,
12:25 en permettre les performances très généreuses.
12:28 Aujourd'hui, je rappelle que le Danemark est un pays socialement très généreux.
12:33 Et j'ajouterais qu'il est sur le plan comptable parfaitement équilibré.
12:36 C'est un pays qui n'a pas de dettes, qui gère très bien ses ressources.
12:40 Et donc ça permet de voir, pour les années qui viennent,
12:43 pour les Danois, pour la gauche danoise et pour la droite,
12:45 une discussion sur l'alternance droite-gauche,
12:48 la possibilité d'avoir un débat démocratique sur l'usage des ressources collectives.
12:51 Nous, nous avons assez largement une gauche qui a, de ce point de vue-là, abdiqué,
12:57 qui n'ose plus revendiquer une organisation de l'Etat-providence
13:03 qui permettrait de le transmettre aux générations futures
13:07 parce que nous aurions un souci de l'économie de la dépense.
13:09 - Alors c'est un pays qu'on observe beaucoup en ce moment, le Danemark.
13:12 On en entend beaucoup parler dans l'actualité.
13:13 Malgré tout, je m'interroge parce que, est-ce qu'on peut comparer la France et le Danemark ?
13:16 Ce sont deux pays très très différents historiquement.
13:18 Ce sont deux pays très très différents démographiquement.
13:21 Vous en parliez au début.
13:23 C'est un tout petit pays, le Danemark.
13:25 Est-ce qu'on peut appliquer les recettes du Danemark à la France ?
13:28 70 millions d'habitants, pas 10 millions.
13:30 Passé colonial, ouverture sur le monde.
13:34 On a 100 millions de touristes qui viennent chaque année.
13:38 On ne peut pas organiser notre pays comme on organise le Danemark.
13:41 - Le tourisme est une richesse formidable qu'on doit utiliser pour financer l'Etat-providence.
13:47 - Mais ça veut dire qu'organiser nos frontières, il faudra prendre en compte la présence de ces touristes qui circulent beaucoup en France.
13:52 - Je ne pense pas que ce soit un sujet comparable à l'immigration, le tourisme.
13:56 C'est une gestion classique du visa touristique.
13:59 Ça se fait très facilement et depuis très longtemps.
14:02 Mais le Danemark est un petit pays, mais la France aussi.
14:04 La question ici, c'est est-ce que nous avons les capacités économiques ?
14:08 Est-ce que nous pouvons produire les ressources qui nous permettraient de ne pas limiter le bénéfice de l'Etat-providence à la population nationale ?
14:17 C'est ça la question.
14:19 Et nous avons, nous, une politique particulièrement généreuse.
14:22 Nous sommes d'ailleurs, de ce point de vue-là, il faut le savoir, la France est le pays le plus dispendieux, le plus généreux, pourrait-on dire,
14:28 en matière de distribution de ses aides sociales, de l'aide médicale.
14:34 Enfin, je crois qu'on mesure mal à quel point il n'y a pas d'autre pays au monde qui dépense à ce point pour des non-nationaux et de manière tout à fait massive.
14:44 Ce n'est pas marginal.
14:45 - Le cas de la France, parlons-en dans cette droitisation de l'Europe, Dominique Reynier.
14:49 La France n'a probablement jamais été autant à droite.
14:53 Mais une droite qui semble politiquement à bout de souffle, à tonne, comment est-ce que vous expliquez ce paradoxe ?
15:00 - Je ne sais pas si la droite est à tonne.
15:03 - La droite républicaine, la droite modérée.
15:05 - Oui, déjà il faut préciser parce qu'il y a le Rassemblement National qui est peut-être aux portes du pouvoir, on verra bien.
15:11 - Mais vous mettez le Rassemblement National à la droite ?
15:13 - Ah oui, clairement, bien sûr.
15:14 - Vous ne parlez pas d'extrême droite pour parler du RN ?
15:16 - Je parle d'une droite populiste.
15:18 - Alors il faut définir les champs lexicaux entre la droite libérale, l'extrême droite ou la droite populiste.
15:24 - L'extrême droite pour moi c'est une droite qui dans son programme souhaite mettre fin au régime démocratique.
15:32 Qui nous explique que les élections compétitives, il va falloir s'en passer,
15:38 et qu'il y aura d'autres modalités pour gouverner que l'élection des représentants et la séparation des pouvoirs, pour aller très très vite.
15:45 - Donc en Italie il n'y a pas d'extrême droite populiste ?
15:47 - Au pouvoir non, il n'y a pas d'extrême droite en Italie.
15:51 Et d'ailleurs le parti de Melonie, nostalgique du fascisme...
15:55 - Le fascisme c'est pas un parti d'extrême droite ?
15:57 - Non pas du tout, le parti de Giorgia Meloni a une histoire liée au post-fascisme italien, clairement,
16:04 et son parcours elle-même revendiqué.
16:07 Mais dans son programme, que j'ai non seulement lu mais que j'ai traduit pour la Fondation,
16:12 qui a été traduit pour la Fondation qu'on trouve sur le site,
16:14 dans son programme, comme dans la politique qu'elle conduit aujourd'hui,
16:17 on ne trouve rien d'extrême droite.
16:19 On trouve quelque chose qui est peut-être de l'ordre d'une...
16:21 Et encore, même la droite populiste, quand on regarde Giorgia Meloni, c'est très ténu.
16:25 On ne voit pas très bien, même en matière de politique migratoire.
16:28 - Alors Dominique Régnier, la question initiale était une France qui n'a jamais été autant à droite,
16:34 et une France politique, de droite, à bout de souffle semble-t-il.
16:40 - Alors moi j'ajouterais, c'était le troisième élément, il y a le Rassemblement National,
16:44 vous avez les Républicains, vous avez aussi une bonne partie du macronisme.
16:47 Quand on étudie, nous l'avons fait en détail...
16:49 - Le macronisme est de droite ?
16:50 - À 62%. Vous donnez un chiffre qui sort de ces travaux que nous avons menés.
16:56 Lorsque vous regardez les électeurs d'Emmanuel Macron en 2022, à 62%, ce sont des électeurs de droite.
17:03 Et d'ailleurs, ça donne un chiffre total de 58% en France d'électeurs de droite,
17:07 qui se trouve la moyenne, par hasard étonnant, du premier tour des candidats de droite en France depuis 1990.
17:14 - Mais après tout ça, c'est une droite très désarticulée en France, c'est une droite qui est incapable de s'allier.
17:17 - C'est une droite d'opinion, c'est une droite de culture, et ce sont des droites bien sûr.
17:23 Il ne s'agit pas de dire que c'est un parti.
17:26 Mais par exemple, dans le macronisme, il y a évidemment toute une dimension de droite.
17:30 Et d'ailleurs, quand on voit des manifestations en France, ce n'est pas la droite qui manifeste contre Macron,
17:34 c'est la gauche, ce sont les gauches qui manifestent contre Macron.
17:37 - Pardon, en ce moment, vous dites que les français sont majoritairement à droite,
17:42 les français sont aussi majoritairement contre la réforme des retraites, donc contre la droite.
17:47 - Alors, je fais des raccourcis peut-être, mais j'étais un peu rapide, c'est vrai.
17:52 Mais mon analyse depuis le début sur cette question des retraites, c'est que les français sont individuellement hostiles.
17:59 C'est une réforme qui ne peut pas avoir de caractère agréable.
18:02 Ils sont collectivement dans la compréhension de cette nécessité, et qu'il va y avoir un ralliement.
18:09 C'est-à-dire qu'au fond, ce n'est pas dans la joie, c'est ainsi.
18:13 Nous avons une évolution qui va peu à peu nous amener à renoncer à une partie de ce que nous avons.
18:18 D'une certaine façon, c'est le thème de la gauche, la décroissance, de toute façon.
18:22 Donc il peut y avoir même là-dessus une sorte de convergence.
18:26 - Quelques secondes pour terminer. Emmanuel Macron, deux points.
18:29 Le combat contre l'extrême droite ne passe plus par des arguments moraux. Il passe par où ?
18:33 - Il y a longtemps qu'on aurait dû le comprendre.
18:35 Depuis que je m'intéresse à la politique, ça fait très longtemps, le RN qui était marginal est devenu un parti au port du pouvoir.
18:43 Ce sont de mauvais arguments.
18:44 Ça passe par la prise en charge des problèmes qui se posent en France, et en particulier auprès des classes populaires.
18:49 - Dominique Regnier, merci d'être venu en parler ce matin à France Inter, directeur général de la Fondapol, la Fondation pour l'Innovation Politique.
18:57 Bonne journée à vous.

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