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00:00 et puis avec l'invité du 6/9 France-Bleu Isère, on va parler faits d'hiver.
00:04 Et en particulier des fusillades qui ont émané les métropoles grenoblosses ces derniers mois.
00:08 La dernière a fait 6 blessés à la Villeneuve en début de semaine.
00:12 Pour en parler, un spécialiste justement de la question,
00:15 notre confrère du Dauphiné Libéré, Denis Masliat. Bonjour.
00:17 Bonjour.
00:18 Merci d'être avec nous. Vous qui suivez ces affaires au quotidien,
00:22 ces fusillades, d'abord, elles sont toutes liées au trafic de drogue ?
00:26 Alors c'est très difficile de se prononcer. Les policiers eux-mêmes l'ignorent.
00:32 On suppose que certaines, effectivement, sont liées au trafic de drogue dans l'agglomération grenobloise.
00:40 On sait que c'est un des problèmes majeurs de la délinquance grenobloise,
00:44 qu'il y a énormément de groupes, de réseaux qui...
00:49 Qui se mènent une guerre de territoire ?
00:51 Alors oui, on le suppose également. En réalité, tout n'est pas très clair.
00:59 Certains enjeux qui n'ont rien à voir avec les stupéfiants peuvent se greffer sur des conflits.
01:04 Lesquels, par exemple ?
01:05 Des rivalités, de vieux contentieux, des conflits qui peuvent également être nés en prison.
01:15 Tout n'est pas directement lié aux stupéfiants.
01:18 Est-ce que c'est aussi... L'une des causes, c'est tout de même le trafic de stupéfiants.
01:22 Est-ce que c'est la preuve, au fond, ces fusillades, que les actions de la police fonctionnent ?
01:27 Ça accentue cette guerre de territoire ?
01:29 C'est difficile. C'est ce que le ministre de l'Intérieur a dit tout récemment.
01:36 Affirmer que ce sont les coups de boutoir de la police qui déstabilisent les réseaux,
01:44 au point qu'effectivement, il y a des guerres de territoire, c'est peut-être une partie de la réalité.
01:49 L'autre partie de la réalité, c'est que le trafic est tellement implanté,
01:54 l'emprise des stupéfiants est tellement forte dans la population,
01:59 il y a tellement de consommateurs, que les rivalités sont très importantes entre groupes.
02:07 Puisque, à Grenoble, on estime qu'il y a une dizaine de gros trafiquants qui sont à la tête de réseaux,
02:15 qui cohabitent plus ou moins, et qui, de temps en temps, se font la guerre.
02:19 Et on sait ce que ça représente, en termes de montant chiffré,
02:22 quel est l'état du marché actuel que tentent de se partager ces groupes-là ?
02:28 C'est impossible à dire, vraiment. C'est impossible à dire.
02:31 On sait que c'est très important, et que malgré tout, il n'est pas extensible à l'infini,
02:38 si vous voulez, le marché de la drogue. Donc, il y a forcément une rivalité.
02:42 On sait que la cocaïne est en train de prendre une part importante,
02:47 est en train de monter en puissance, puisqu'elle est facilement transportable,
02:51 et qu'elle est encore plus rentable que le cannabis.
02:53 D'accord. Aujourd'hui, le marché de la cocaïne dépasse celui du cannabis, ou quand même pas ?
02:57 Non, pas du tout. Il ne le dépasse pas,
02:59 mais c'est un marché qui est en train de monter en puissance,
03:02 et qui aiguise les rivalités, là encore.
03:03 Alors, quelle que soit l'origine de ces conflits,
03:05 que ce soit la drogue ou des affaires personnelles, vous l'avez bien expliqué,
03:09 il y a en tout cas beaucoup d'armes qui circulent aujourd'hui dans la métropole grenobloise,
03:13 pour que toutes ces fusillades aient lieu.
03:15 Comment on explique qu'il y a autant d'armes en circulation ?
03:18 Alors ça, c'est un problème chronique des cités françaises.
03:22 On le voit à Marseille, dans la région parisienne, et évidemment à Grenoble.
03:28 Les armes sont très facilement accessibles.
03:31 Il y a quelques années, elles provenaient des Balkans,
03:37 c'était des armes qui arrivaient, qui étaient importées de l'ex-Sykoslavie.
03:45 Aujourd'hui, la problématique est plus large.
03:49 Les délinquants et les groupes criminels se les procurent très facilement sur le dark web.
03:57 Avec parfois des très jeunes hommes ou femmes,
04:01 des très jeunes individus en tout cas, qui possèdent des armes.
04:04 Oui absolument.
04:06 Au-delà de la problématique des armes, ce qui est très symptomatique ces derniers temps,
04:12 c'est que les services de police remarquent que la violence est très prégnante
04:21 dans les cercles de la délinquance qui font appel à des gens de plus en plus jeunes.
04:28 On a vu récemment une affaire d'homicide au village olympique,
04:35 c'était en décembre dernier.
04:37 La victime avait 17 ans et le suspect...
04:40 - Un mec dans un salon de coiffure.
04:42 - Voilà, c'est ça.
04:43 Et le suspect interpellé en a 18.
04:46 - Effectivement, c'est des très jeunes individus.
04:49 - Oui, c'est un fait qui inquiète énormément.
04:54 - Face à cela, vous suivez aussi régulièrement les policiers,
04:58 vous avez un certain nombre de contacts dans la police,
05:01 comment est-ce qu'eux tendent de réagir ?
05:03 On avait par exemple il y a quelques jours des syndicats de police
05:07 qui parlaient de leur crainte au niveau des effectifs.
05:10 Est-ce qu'ils sont suffisamment "armés" ces policiers pour faire face à ce trafic de drogue ?
05:16 - En fait, il y a deux problématiques.
05:20 La lutte contre le trafic de drogue se fait sur deux fronts.
05:25 Elle se fait sur le harcèlement des points de deal,
05:28 et c'est la politique qui a été définie par le ministre de l'Intérieur
05:34 et qui est appliquée dans toutes les grandes villes.
05:36 C'est-à-dire que les policiers essayent de déstabiliser au maximum les réseaux
05:44 en interpellant le plus de revendeurs, schématiquement.
05:48 - Mais des petites mains.
05:49 - Mais des petites mains.
05:50 Parallèlement, il y a des unités telles que la police judiciaire
05:54 et les sûretés départementales,
05:56 plutôt la police judiciaire d'ailleurs,
05:58 qui travaillent pour remonter sur les têtes de réseaux.
06:02 La problématique actuelle, c'est que les services d'investigation globalement
06:07 sont un peu les enfants pauvres de la police.
06:11 Manque de moyens, manque d'incitation, etc.
06:17 Et il y a un déséquilibre qui est en train de se créer
06:21 entre le terrain et le travail de remonter à la tête des réseaux.
06:30 À cela se juxtapose une réforme de la police nationale
06:34 qui va faire disparaître la police judiciaire
06:36 et l'intégrer dans des unités départementalisées,
06:39 d'investigation départementalisée.
06:41 Donc effectivement, les policiers sont un peu désemparés
06:46 parce qu'il manque de moyens pour l'investigation et pour remonter aux sources.
06:51 - Et tout cela dans un contexte aussi d'approche des Jeux Olympiques
06:53 qui vont effectivement tendre aussi les effectifs de police.
06:57 Merci beaucoup Denis Masliat d'avoir été avec nous ce matin.
07:00 Je rappelle que vous êtes notre confrère au Dauphinet Libéré,
07:02 spécialiste de ces affaires police et justice.
07:05 Belle journée à vous, merci.