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00:00 Bonjour Nathalie, j'ai la joie et la chance de recevoir Nathalie Sonnac ce matin à l'Influencia
00:17 Café. Nathalie Sonnac, ex-membre du CSA, professeure à l'université Panthéon-Assas
00:22 et bien d'autres rôles, qui vient de publier un livre absolument passionnant,
00:27 "Le nouveau monde des médias" et je suis absolument ravie de faire un peu mon Bernard Pivot ce matin
00:32 et donc de parler de ce livre formidable qui est au cœur de nos sujets chez Influencia,
00:40 sur le marketing et la communication et l'univers et l'économie des médias.
00:46 Et pour démarrer, évidemment on parle d'urgence démocratique, c'est le sous-titre du livre et donc
00:54 il y a évidemment un portrait un peu noir de la situation et du rôle des GAFA ou des GAFAM
01:02 dans la situation actuelle et je voulais qu'on démarre par ça parce que moi j'avais une vision
01:07 finalement sur le fait que la démocratie avait bien d'autres dangers que seulement les GAFAM,
01:13 on le voit malheureusement dans l'actualité des derniers jours, que ce soit avec les extrêmes,
01:17 que ce soit avec la violence, la décivilisation comme on l'appelle actuellement et donc est-ce
01:23 que les GAFAM sont vraiment centraux dans cette urgence démocratique ?
01:28 En tout cas merci beaucoup déjà de votre invitation, je suis ravie d'être avec vous.
01:32 Oui, ils jouent un rôle central parce qu'ils participent en fait finalement d'une transformation complète,
01:38 pas simplement de nos démocraties mais de nos vies depuis que le numérique a envahi notre espace
01:45 à la fois bancaire, nos façons de vivre, nos façons de se divertir, de nos façons de s'informer
01:51 et ils ont une position, une posture très hégémonique dans le paysage,
01:56 ils se sont installés dans nos vies en l'espace de 20 ans, ils sont extrêmement puissants
02:01 économiquement parlant et financièrement parlant, si on prend simplement Google et Apple,
02:07 ils ont une valorisation boursière de 3 800 milliards de dollars.
02:11 Ils ont bouleversé nos économies, nos modèles économiques et nos médias,
02:16 mais est-ce qu'ils bousculent vraiment nos démocraties ?
02:20 Oui, ils les bousculent parce qu'on n'est plus dans un champ traditionnel
02:24 qui est celui de seuls les journalistes jouent le rôle de filtre, de tiers de confiance,
02:29 de producteurs, de diffuseurs d'informations, on est tous possiblement médias
02:33 et cette possibilité que l'on a aujourd'hui grâce au web,
02:36 et ce qui est une formidable opportunité de s'exprimer,
02:39 il s'avère que le modèle économique de ces acteurs s'appuie sur une collecte massive de nos données
02:46 avec une capacité de nous orienter et de perdre finalement notre libre arbitre.
02:52 Et puis cette possibilité qu'ils ont, parce qu'ils nous connaissent mieux,
02:56 finalement, pas simplement dans cette orientation,
03:00 mais tout simplement parce que cette base de données récupérées gratuitement,
03:06 c'est en échange finalement, il faut qu'on soit tous présents,
03:10 pour le dire autrement, il faut qu'on soit vraiment tous présents,
03:13 et le buzz, le clash, la polarisation des débats,
03:17 leur permet finalement de nous suivre assez bêtement ce genre d'éléments,
03:23 ce genre de fake news, ce genre de débat, et ça fait monter les audiences,
03:28 et eux, chaque montée d'audience, ils récoltent des données,
03:31 et encore plus de revenus publicitaires,
03:33 ce qui leur permet encore plus de nous proposer des services qui sont directement…
03:38 – Oui, mais c'est encore une fois, on s'arrête vraiment à la partie démocratique,
03:42 évidemment, il y a le scandale Cambridge Analytica dont vous parlez,
03:47 mais depuis ce scandale-là, finalement,
03:50 on n'a pas d'autres cas majeurs d'influence antidémocratique de ces acteurs-là,
03:57 il y a évidemment les risques sur Twitter dont on parle actuellement,
04:00 avec ce que fait Elon Musk depuis qu'il l'a racheté…
04:03 – Ce qui n'est pas rien.
04:04 – Ce qui n'est pas rien, non, non, mais il n'y a pas d'exemple flagrant.
04:08 – On a d'autres exemples quand même, on a Cambridge Analytica,
04:11 alors derrière on a eu quand même l'élection de Trump,
04:14 dont on démontre que finalement elle n'est pas démocratique,
04:18 celle de Ryan Bolsonaro, on a le mouvement 5 étoiles en Italie
04:23 qui explique très bien Giuliano Deampoli dans son ouvrage "Les ingénieurs du chaos",
04:29 et puis on a d'autres facteurs et d'autres lanceurs d'alerte,
04:32 comme Francesc Hogan par exemple,
04:34 qui a travaillé pendant très longtemps en qualité d'ingénieur chez Facebook,
04:38 et qui a montré que finalement l'ensemble de ces acteurs-là
04:42 n'hésitaient pas à nous pousser très très loin, et notamment les plus jeunes,
04:46 finalement à cette mise en scène par une annonce de nous-mêmes,
04:49 pour pouvoir, c'est une sorte de miroir de vanité,
04:53 et cette consommation, cette manipulation, ce biais cognitif
04:57 a une incidence forte sur le comportement des individus,
05:01 mais également sur nos démocraties.
05:03 Il n'y a pas simplement ce scandale de Cambridge…
05:06 Non, parce qu'il n'y a pas un amalgame entre les GAFAM
05:09 et le fait qu'effectivement avec des usines en Russie ou ailleurs,
05:15 on peut influer sur des messages
05:18 qui n'ont finalement pas grand-chose à voir avec les GAFAM.
05:21 Est-ce qu'on peut dire autrement ? En tout cas je le dirais différemment,
05:23 je dirais que ce qu'on observe c'est que dans le monde d'Internet,
05:26 c'est encore le Far West, et ce dont il a besoin,
05:28 c'est une vraie réglementation, une vraie régulation,
05:30 pour qu'il y ait une protection finalement des plus jeunes,
05:33 pour que la question de l'anonymat soit véritablement posée,
05:36 parce qu'elle a une incidence en matière de cyberharcèlement
05:39 chez les plus jeunes,
05:40 parce qu'ils ont des modèles qui sont uniquement
05:42 centrés sur la collecte de données,
05:44 pour pouvoir faire une fois encore une maximisation de leurs profits,
05:47 et qui ne respectent pas de façon systématique
05:51 les données personnelles et la propriété finalement privée des individus.
05:56 On voit qu'il y a des dommages collatéraux,
05:58 alors il ne faut pas non plus être trop noir,
06:00 c'est-à-dire qu'une fois encore,
06:02 Internet, le web et ses acteurs sont fantastiques,
06:05 et nous offrent des mille possibilités de s'informer,
06:08 de consommer, de se divertir,
06:10 mais il y a des externalités qui sont négatives,
06:14 et qui font basculer justement nos démocraties.
06:18 Peut-être que le point que j'aimerais souligner,
06:20 c'est qu'il y a leur puissance,
06:23 et leur puissance hégémonique,
06:24 et la question de la concentration et d'une position de monopolistique
06:27 n'est jamais bonne d'un point de vue concurrentiel et dans le démocratie,
06:31 et dans le même temps, ce qui pose en fait souci,
06:34 c'est que nos médias traditionnels,
06:37 leur modèle économique sont en train de vaciller,
06:39 c'est-à-dire qu'ils aspirent, ils siphonnent la publicité en ligne,
06:44 et dès lors, ça met en difficulté les médias traditionnels,
06:47 il faut qu'eux-mêmes trouvent de nouvelles sources de financement.
06:49 Ensuite, finalement, la différence de taille
06:53 que l'on peut voir entre ces acteurs et nos acteurs traditionnels,
06:56 elle est tellement immense
06:58 que les acteurs traditionnels n'ont pas les moyens,
07:00 ils sont toujours en train de faire une course à l'échalote,
07:03 donc ce n'est pas simplement le fait de leur modèle,
07:06 c'est un modèle qui s'inscrit aussi dans des transformations profondes
07:11 de nos usages,
07:13 et donc qui va beaucoup fragiliser les acteurs traditionnels que sont les médias,
07:17 et ces médias-là, traditionnels, sont eux des vecteurs de démocratie,
07:21 et lorsqu'ils vacillent, il faut que les pouvoirs publics
07:25 s'emparent de ces nouveaux acteurs et puissent définir un nouveau cadre,
07:29 et c'est finalement ce que moi j'ai voulu,
07:32 et c'est une alerte, c'est peut-être pour ça que c'est un peu sombre,
07:34 mais en fait, l'idée de mon ouvrage,
07:36 c'est justement alerter les pouvoirs publics en disant "attention,
07:39 attention, on a aujourd'hui un cadre,
07:41 et notamment celui de l'audiovisuel avec la loi de 1986,
07:45 qui véritablement ne correspond plus aux attentes, aux besoins,
07:50 et surtout à la protection de nos libertés fondamentales".
07:54 – Et justement, on voit bien qu'en ce moment,
07:57 le marché de l'audiovisuel se secoue un peu,
08:00 on a vu l'attaque des chaînes privées contre le service public,
08:03 on voit le projet de loi sur l'audiovisuel qui a été proposé au Sénat,
08:08 est-ce que ça va dans le bon sens ?
08:11 Est-ce que justement ça correspond du même effort de régulation,
08:16 ou au contraire c'est plus un marché qui se cherche
08:18 et qui du coup s'envoie coup sur coup ?
08:23 – En tout cas, ça met en évidence que l'ensemble de nos acteurs,
08:26 qu'ils soient publics et privés, sont déstabilisés,
08:30 et sont en train eux-mêmes de se reconstruire,
08:32 donc il y a des mouvements de concentration, d'acquisition,
08:34 on voit que la place des maisons de production,
08:37 des sociétés de production, elles aussi,
08:39 et elles aussi sont en train d'évoluer,
08:41 puisqu'en fait on a un véritable âge d'or pour la production,
08:44 on est tous en train de consommer beaucoup plus de films,
08:46 beaucoup plus de séries, donc pour les producteurs,
08:48 pour les réalisateurs, pour toute la chaîne de création,
08:51 c'est évidemment des opportunités à un moment extraordinaire,
08:55 mais dans le même temps, les acteurs qui étaient ceux
08:57 qui achetaient les programmes que sont les chaînes de télévision,
09:01 elles sont en face de concurrence terrible face à ces nouveaux acteurs,
09:06 une fois encore, qui sont très puissants,
09:07 alors il y a LegaFam, il n'y a pas qu'eux,
09:09 on a les Netflix, bien sûr, on a des Disney+, Amazon, Paramount qui débarquent,
09:13 et donc ils sont en concurrence directe et indirecte
09:17 avec l'ensemble de ces nouveaux acteurs,
09:20 plateformes numériques de façon générale,
09:22 qui fait qu'ils sont en train de se chercher,
09:25 et la loi ne vient pas suffisamment vite,
09:28 la réglementation ne change pas, on est encore en celle de 1986,
09:33 et donc eux aussi ont besoin d'un nouveau cadre
09:36 pour diminuer finalement cette concurrence déloyale
09:40 qu'il peut y avoir entre ancien monde et nouveau monde,
09:42 et dans le même temps se repositionner,
09:45 et vous évoquiez la place du service public,
09:47 et vous avez raison, elle est centrale dans l'écosystème,
09:50 il faut absolument qu'à la fois son modèle soit pérennisé,
09:53 ce qui n'était pas complètement le cas,
09:54 et on a vu combien au moment de la redevance
09:57 qu'il n'était plus rattaché à la taxe d'alpidation,
09:59 ça a fait quand même grincer,
10:01 et en tout cas eu peur dans les chemières pour bon nombre de personnes,
10:05 donc évidemment ils se cherchent,
10:07 il faut absolument remettre à plat cet écosystème
10:10 pour qu'ils puissent totalement à la fois s'armer
10:14 et que les pouvoirs publics puissent protéger et cadrer ces nouveaux acteurs,
10:20 ce dont on a besoin c'est une politique de communication.
10:24 Sachant que ces chantiers-là ont toujours été extrêmement compliqués à mettre en œuvre,
10:28 et que souvent ils ont accouché plutôt de…
10:31 De souris ?
10:32 Non peut-être pas de souris,
10:33 mais en tout cas de règlements de problèmes franco-français,
10:36 plus qu'une perspective vraiment mondiale,
10:41 et en tout cas internationale.
10:43 Oui en tout cas au moins européenne.
10:44 Alors là où finalement il y a des portes et des ouvertures intéressantes,
10:50 c'est justement le cadre européen qui lui est en train de beaucoup…
10:53 qui a bougé, d'une part parce qu'on a eu en 2016
10:55 la transposition de la directive des services de médias audiovisuels,
10:59 qui a permis d'élargir le champ de compétences du régulateur,
11:02 qui a permis finalement à ce que ces nouveaux acteurs
11:05 participent au financement de la création,
11:08 et puis dans le pipeline il reste encore le DSA, le DMA,
11:12 qui vise justement à responsabiliser les plateformes,
11:15 à ce qu'il y ait beaucoup de moyens
11:18 qui soient mis en matière de modération,
11:20 notamment à la fois des moyens techniques et des moyens humains
11:23 que le régulateur va devoir contrôler.
11:26 Donc sur le plan européen…
11:27 Il y a de l'espoir.
11:29 Exactement, la ligne elle est bien…
11:31 Elle est tracée et on voit…
11:33 Et ça avance.
11:34 Exactement.
11:35 Et là il y a une urgence qui est plutôt une urgence nationale.
11:38 Bon en tout cas il faut lire le Nouveau Monde des Médias,
11:40 c'est absolument passionnant,
11:42 en tout cas pour tous ceux qui s'intéressent
11:43 et qui sont passionnés par les médias,
11:45 comme c'est le cas chez Influencia.
11:47 D'ailleurs Influencia a un prix du livre
11:49 dans lequel évidemment on retrouvera
11:51 le Nouveau Monde des Médias
11:53 qui concourra au prix du livre Influencia
11:56 qui sera remis comme tous les ans au mois d'octobre.
11:58 Voilà, avant de se quitter d'Atelier,
12:00 j'avais un deuxième sujet
12:02 parce qu'on a eu l'occasion de travailler ensemble
12:04 chez Influencia
12:06 sur le Grand Prix de la Responsabilité des Médias
12:08 qu'on a lancé chez Influencia
12:10 et dont vous avez accepté de prendre la coprésidence
12:13 avec Gautier Piquet de Publicis Media, Publicis France.
12:16 Et donc vous avez, en tant que coprésidente du jury,
12:20 regardé presque une cinquantaine de dossiers
12:26 de tous les médias français
12:27 sur toutes leurs actions en termes de responsabilités,
12:31 qu'elles sont environnementales, sociales ou sociétales.
12:34 Et quel est votre sentiment ?
12:35 Est-ce que vous avez l'impression que les médias français
12:38 ont fait un vrai bout de chemin ces dernières années
12:42 ou que le chemin à parcourir est encore…
12:45 – Non, non, moi j'ai trouvé,
12:46 alors je suis passionnée comme vous le savez par les médias
12:48 et je suis ravie de pouvoir coprésider ce prix,
12:51 c'est fantastique.
12:52 Une vitalité extraordinaire,
12:54 des initiatives fortes, plus ou moins inscrites dans le temps.
12:59 Les initiatives environnementales apparaissent
13:02 comme étant plus récentes mais très fortes,
13:05 avec des idées à la fois originales qui embarquent.
13:08 Moi ce que j'ai adoré c'est de voir finalement
13:11 cette compréhension, cette appréhension des médias
13:14 dans leur prise de responsabilité et du rôle qu'ils pouvaient jouer
13:19 finalement comme leader, comme modèle,
13:21 comme façon pour ceux qui sont les téléspectateurs
13:25 et les lecteurs qui les consomment,
13:27 et bien qui leur donne du sens positif.
13:30 Alors à la fois effectivement dans ces trois secteurs fondamentaux,
13:34 donc des actions qui étaient sociétales,
13:37 des actions en matière de parité, d'inclusion, de diversité,
13:41 des actions environnementales.
13:43 Moi j'avoue que c'était quelque chose que finalement
13:45 on en parle beaucoup mais c'est relativement récent.
13:47 J'ai beaucoup appris et c'était extrêmement riche.
13:52 Ce qui est riche aussi c'est de voir que ce monde-là,
13:56 les entreprises médiatiques, et c'est ce que j'adore dans ce secteur-là,
14:00 c'est qu'à la fois ce sont des entreprises vraiment
14:03 qui sont entièrement à part,
14:05 donc elles doivent penser à profit, croissance, emploi, se battre.
14:09 – Elles ont un rôle dans cette transition écologique absolument majeure.
14:12 – Exactement, et elles ont un rôle majeur dans la transition.
14:15 – C'est elles qui donnent l'exemple.
14:16 – Complètement.
14:17 – Qui peuvent changer les habitudes.
14:20 – Et changer les habitudes.
14:21 – Et changer les imaginaires.
14:22 – Et changer les imaginaires,
14:24 et en matière d'identification c'est fantastique.
14:26 Donc des émissions qui traitent d'inclusion,
14:29 ou des propositions de papier qui traitent d'inclusion,
14:32 de parité ou pour aller vers plus d'égalité,
14:34 et bien ça montre que ce sont des entreprises qui sont à ce titre,
14:39 à part entière, mais donc entièrement à part,
14:42 parce qu'elles ont ce rôle de leader,
14:45 et j'ai hâte qu'on puisse de ce moment de remettre les prix.
14:48 – Donc révélation du palmarès et remise des prix le 13 juin
14:52 chez Publicis Média, avec vous, avec Gauthier Piquet,
14:56 et avec l'ensemble du jury.
14:57 – Bien sûr.
14:58 – Merci beaucoup Nathalie d'être passée ce matin chez Influencia.
15:01 – C'est moi qui vous remercie, merci beaucoup.
15:03 [Musique]