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00:06 En février dernier, le 28ème rapport de la Fondation Abbé Pierre appelait le gouvernement à faire du logement une priorité.
00:13 Lundi, la première ministre Elisabeth Borne a dévoilé son plan pour lutter contre la crise du logement.
00:19 Ces mesures sont-elles suffisantes pour répondre aux enjeux du mal-logement en France ?
00:24 Bonjour Christophe Robert.
00:26 Bonjour.
00:26 Vous êtes délégué général de la Fondation Abbé Pierre. Peut-être en quelques mots pouvez-vous nous dire
00:33 pourquoi le logement est aujourd'hui un problème en France ?
00:38 Quelle est justement la situation du mal-logement dans notre pays ?
00:42 Il s'est passé plusieurs choses ces dernières années, ces 10, 20, 30 dernières années.
00:48 C'est déjà devenu le premier poste de dépense des ménages. Donc c'est là où on dépense le plus.
00:54 Ça s'est inversé avec l'alimentation sur une trentaine d'années. Autrefois c'était l'alimentation, puis le logement.
00:59 Désormais c'est le logement.
01:01 Oui, de manière considérable.
01:03 De manière très importante. Si on prend toutes les dépenses du logement, celle qui gravite autour du logement,
01:08 y compris les assurances par exemple, vous voyez, c'est à peu près 28-29% en moyenne.
01:14 Ce qui veut dire...
01:14 On peut presque dire que c'est 3 fois plus que l'alimentation.
01:17 Oui, ou un peu plus de 2 fois.
01:20 En revanche, quand on dit que c'est 28-29% en moyenne, ça veut dire pour beaucoup, c'est 40-50.
01:24 On voit beaucoup de personnes aussi qui dépensent 60% de leur budget pour le logement.
01:28 Donc ça c'est un premier élément qui est très important.
01:32 Ensuite, on a 4 millions de personnes qui sont en situation de mal-logement dans le pays.
01:37 Alors, toute chose n'est pas égale par ailleurs.
01:40 C'est-à-dire qu'on a vu évoluer des choses positivement.
01:43 Par exemple, la qualité des logements, le nombre de mètres carrés par ménage a plutôt progressé ces 40-50 dernières années.
01:49 En revanche, il y a un sujet qui est particulièrement préoccupant parmi les 4 millions de mal-logés.
01:55 Ce sont les personnes sans domicile fixe.
01:57 Qui sont aujourd'hui au nombre de 330 000.
01:59 Alors, sans domicile fixe, ça peut être des sans-abri, mais c'est aussi des personnes qui vivent dans l'hébergement d'urgence.
02:04 Ou qui vivent dans des squats, sur des campements.
02:07 Et 330 000 personnes sans domicile fixe, le chiffre a doublé en 10 ans.
02:12 Et là, on a un indicateur qui est extrêmement inquiétant.
02:15 Et ça s'explique pour plusieurs raisons, mais il y en a quand même une qui est importante.
02:19 C'est que, au cours des années 2000, on a vu augmenter considérablement les coûts liés aux logements.
02:24 Le prix de l'immobilier, les loyers, les charges, avec l'explosion des prix et de l'énergie.
02:32 Et, si vous voulez, on voit que pour tout un pan de la population, ces conditions, ces coûts du logement ne passent plus.
02:39 Et donc, ça renvoie les plus fragiles encore plus loin.
02:41 C'est-à-dire, c'est encore plus difficile.
02:43 Pour vous donner juste un exemple, c'est qu'il y avait des logements qui étaient de moyenne qualité,
02:47 pas très bonne qualité dans les années 90, qui servaient de soupape, d'amortisseur.
02:50 Et aujourd'hui, il y a un autre public qui est dessus, ce sont les catégories modestes.
02:54 - C'est ça qui est important, c'est-à-dire qu'en fait, le mal-logement des uns crée des problèmes,
02:59 y compris pour les autres, ou révèle les problèmes des autres,
03:02 y compris ceux qui ne sont pas mal logés, Christophe Robert.
03:06 - Oui, beaucoup de choses se tiennent dans cette histoire-là.
03:09 Et c'est d'ailleurs un des éléments que l'on a pointé dans ce travail que nous avons mené autour du CNR Logement,
03:16 c'est qu'effectivement, il y a des enjeux de fluidité entre les segments du parc.
03:19 Je vous donne juste un exemple, mais comme pour beaucoup aujourd'hui,
03:23 seul le logement social est adapté en termes de niveau de loyer,
03:26 par rapport à ce qu'ils ont en poche, leur portefeuille,
03:28 eh bien, les ménages ne bougent plus du logement social,
03:31 parce que les marges sont trop hautes pour accéder au logement locatif privé,
03:34 à l'accession sociale à la propriété.
03:36 Et quand vous avez, par exemple, une baisse de la mobilité dans le logement social,
03:40 c'est autant de logements qui ne sont pas libérés chaque année pour apporter une réponse à ceux qui en ont besoin.
03:45 Mais c'est très fort. C'est-à-dire qu'on réduit de 60 000 par an, 70 000 par an, le nombre de ménages qui libèrent ces logements-là.
03:52 Donc ça a des conséquences, ça a des effets dominos, en quelque sorte.
03:55 - Bon, donc on voit bien pourquoi tout cela fait système, Christophe Robert.
03:59 Il y a donc eu des mesures annoncées par Elisabeth Borne,
04:04 un plan du gouvernement qu'on peut résumer donc avec toute une série de mesures pour faciliter l'accès à la propriété,
04:12 faciliter également l'accès à la location en élargissant donc la question des cautions,
04:17 et puis libérer plus de fonciers, parce que sans fonciers, bien sûr, on ne peut pas construire.
04:23 Vos commentaires sur les différents points de ce plan, Christophe Robert.
04:28 - Déjà dire que pendant six mois, à la demande du président de la République et du ministre du Logement, Olivier Klein,
04:33 on a travaillé avec tous les acteurs du logement pour proposer une vingtaine de chantiers.
04:38 Donc c'est un travail de six mois, sept mois, plus de 200 personnes y ont contribué.
04:42 Je l'ai co-animé avec Véronique Bédag, la directrice générale de Next City France.
04:47 Et donc on a fait un travail qui est vraiment intéressant,
04:50 parce que chacun s'est un peu oublié par rapport de là où il parle, son secteur, son identité, sa culture.
04:57 - Ça montrait quand même qu'il y avait un front commun entre vous, la fondation Abbé Pierre, et puis les promoteurs.
05:05 - Et puis plein d'autres. Les bailleurs sociaux, l'ensemble des associations, les élus, les aménageurs, les architectes,
05:12 tous ces acteurs-là qui se sont mobilisés pendant six, sept mois.
05:15 Donc il y avait de grandes attentes autour de ce que la première ministre et le ministre du Logement ont annoncé.
05:20 Alors, que dire aujourd'hui ?
05:22 Ben, c'est pas le grand soir.
05:24 Il n'y a pas rien, mais c'est pas le grand soir.
05:26 C'est pas ce qui va nous permettre de rebooster la politique du logement.
05:29 Alors, de façon positive, et vous l'avez évoqué, par exemple, l'élargissement de la garantie visale.
05:34 Aujourd'hui, c'est à peu près 900 000 personnes qui en ont bénéficié.
05:38 Désormais, ça sera 2 millions d'ici la fin du quinquennat.
05:41 Donc c'est cette garantie qui se substitue à ceux qui n'ont pas de garant dans leur famille, dans leurs proches.
05:45 Donc c'est une bonne nouvelle.
05:46 - Ça permet donc de louer un logement.
05:48 - Tout à fait. Quand un propriétaire vous demande un garant, ben là, c'est une garantie semi-publique,
05:53 mais c'est financé par Action Logement.
05:56 Donc c'est pas l'État, mais c'est vraiment positif.
05:59 Le gouvernement a aussi annoncé qu'il prolongeait le plan Logement d'abord,
06:03 qui vise à permettre un accès direct et digne et durable au logement pour les personnes sans domicile.
06:09 C'était un premier plan quinquennal qui avait eu lieu dans le premier quinquennat,
06:12 qui avait montré un certain nombre d'avancées réelles.
06:15 Mais il manque, comment dire, cette accélération, cette montée en puissance de ce plan.
06:21 Bon, le gouvernement nous dit "on va mettre 160 millions d'euros sur la table pour les 4 ans,
06:27 les 5 ans du quinquennat, pour faire vite".
06:29 Nous, à la Fondation Abbé Pierre, on avait évalué que pour monter en puissance sur tous les territoires,
06:33 faire monter en puissance ce programme, il fallait plutôt 3 fois plus d'argent.
06:38 Mais soit, c'est quand même une évolution,
06:41 et j'espère que ça permettra à beaucoup de mal logés de trouver une solution.
06:45 Il y a aussi une volonté d'accélérer, de booster, comme ça a été dit,
06:50 le bail réel solidaire, qui est une façon de permettre l'accession à la propriété en dissociant le foncier du bâti.
06:55 C'est-à-dire, vous achetez que le bâti et le foncier appartient à la collectivité, à un office foncier solidaire.
07:01 On n'a pas les précisions sur la manière dont ça va être boosté.
07:04 Bon, en revanche, il y a beaucoup d'inquiétudes à ce stade sur les autres sujets.
07:10 Par exemple, une fois de plus, le logement social est le parent pauvre de ce plan.
07:15 Rien n'a été annoncé sur le logement social.
07:16 Or, le logement social fait l'objet d'économies sur le budget de l'État considérables depuis cinq ans.
07:21 Alors, il y a la possibilité, mais je vais vous poser la question d'ailleurs, pour savoir si ça vous satisfait.
07:27 Il y a la possibilité donc d'accroître encore les facilités pour acquérir son logement social.
07:35 Oui, il faudra voir ce que ça veut dire.
07:36 Je ne sais pas, c'est plutôt positif, ça existe déjà depuis longtemps.
07:40 Mais la réalité du sujet, c'est quoi ?
07:42 C'est que le gouvernement voulait faire 125 000 logements sociaux par an.
07:45 Encore, c'était un objectif qui était bas en 2022.
07:49 On a atteint 95 000 logements.
07:51 Cette année, du fait des multiples raisons que l'on connaît aujourd'hui sur la baisse de la production,
07:56 et notamment les ponctions de l'État sur les bailleurs sociaux, on va être plutôt à 80-85 000.
08:00 Il faut peut-être rappeler en quelques mots comment fonctionnent les bailleurs sociaux.
08:02 Oui, écoutez, c'est très cadré en fait.
08:06 Ça existe depuis 100 ans.
08:07 C'est l'idée de dire, l'État va permettre à ses bailleurs sociaux d'emprunter à un niveau très très bas à partir du livret A.
08:15 Mais il va avoir aussi des subventions, il va utiliser ses propres fonds propres.
08:19 Il va aussi avoir des subventions qui peuvent venir de collectivités locales.
08:22 Et ils vont, pendant 50 ans, 80 ans, louer des logements à des niveaux de loyers qui sont bloqués par l'État.
08:27 Chaque année, ils fixent les niveaux.
08:29 Ce qui s'est passé, c'est que depuis 5 ans, il y a eu des ponctions très très fortes sur les bailleurs sociaux.
08:35 Du fait de souhaits d'économie de l'État.
08:38 Pour vous donner juste un exemple, en 2023, c'est une ponction de 1,3 milliard d'euros.
08:43 Donc, ce qui a été annoncé avant-hier soir par la première ministre et le ministre du Logement,
08:47 c'est vraiment très très faible par rapport à ces ponctions qu'il y a eues.
08:51 De la même manière, le gouvernement précédent a, en 2018, augmenté la TVA sur la production des logements sociaux.
08:58 Elle est passée de 5,5 à 10.
09:00 Plus le livret A qui augmente, et c'est là où les bailleurs sociaux empruntent, on est dans une situation extrêmement difficile.
09:05 Donc, le gouvernement a choisi de faire des économies sur le logement social, et bien c'est pas une bonne nouvelle.
09:10 Et puis peut-être l'autre sujet qui est assez préoccupant, c'est qu'il va falloir produire beaucoup plus de logements.
09:17 Or, on assiste à une baisse de production considérable aujourd'hui.
09:20 Là, il n'y a pas les outils.
09:21 Il faut expliquer pourquoi c'est inéluctable, pourquoi en fait, depuis des années, parce que c'est quelque chose d'assez ancien,
09:28 on ne produit pas assez de logements en France, alors même que le besoin à population constante, le besoin de logement va croître.
09:36 Oui, c'est ça, c'est-à-dire que, en fait, pourquoi ce besoin au logement ?
09:41 Évolution démographique, démolition d'un certain nombre de logements, vieillissant, séparation conjugale.
09:48 Quand on se sépare, ça fait une demande de deux logements, évidemment, et des cohabitations des enfants de chez leurs parents, etc.
09:55 Et, alors, tous les experts n'ont pas tout à fait la même analyse,
09:59 mais beaucoup s'entendent pour dire qu'il faut être en capacité de produire, grosso modo, 450 000 logements par an.
10:06 Et on est plutôt à 350 000 aujourd'hui.
10:08 Donc, il y a un vrai problème sur la production.
10:10 Donc, il y a un déficit, d'après ces calculs, d'environ 100 000 logements par an.
10:14 Oui, oui, grosso modo. En tout cas, il manque de logements dans les secteurs tendus.
10:18 Et on le voit bien.
10:19 Il y a beaucoup de monde, quand il y a un logement, se libère, et, évidemment, c'est celui qui a les meilleures garanties qui est le premier servi.
10:26 Donc, ça crée de la tension, ça crée de la concurrence.
10:28 C'est un peu la lutte des places, comme on le dit à la Fondation Abbé Pierre.
10:31 Oui, parce que ce que vous venez de dire est important.
10:33 Les logements ne sont pas fongibles.
10:35 Un logement dans le sud de la France n'est pas équivalent, ou son équivalent dans le nord de la France,
10:43 ce qui veut dire, Christophe Robert, qu'on ne peut pas fonctionner uniquement sur le nombre de logements.
10:50 Il faut voir aussi leur localisation.
10:52 Et c'est là où ça ne va pas.
10:54 Absolument, et c'est là où on a eu un débat, mais je crois que le CNR, qui vient de se terminer,
10:58 en tout cas qui a rendu ses conclusions, a pu mieux partager avec le gouvernement le diagnostic.
11:05 Parce qu'il y avait certains acteurs qui disaient "Oh non, en fait, c'est pas la peine de construire, regardez, il y a plein de logements vacants".
11:10 Mais non, mais non.
11:12 Le département où il y a le plus de logements vacants, c'est le Cantal.
11:16 Mais y a-t-il une grande demande ?
11:19 Et donc, bien sûr, quand je parle de besoin en logement, je parle dans les secteurs qui sont tendus,
11:24 les secteurs attractifs, en développement économique, où il y a de l'emploi,
11:28 là où les gens vont et là où il y a déjà une demande très très forte qui n'est pas satisfaite.
11:32 Alors, il y a eu beaucoup de commentaires de fait sur, par exemple, Airbnb,
11:39 sur le fait de voir des logements transformés en résidences secondaires,
11:44 avec des zones en tension, qui sont plus encore en tension.
11:48 Qu'est-ce que vous en pensez de votre commentaire à ce sujet ?
11:50 Énorme problème. Alors, pas partout, mais énorme problème.
11:54 Qu'est-ce qui se passe, en fait ? Et on parle pas de ceux qui louent quelques semaines à l'année leur propre logement.
11:59 C'est pas du tout le sujet.
12:02 Je parle bien de la montée en puissance du nombre de logements qui étaient auparavant loués à l'année,
12:10 qui sont désormais loués sur les plateformes.
12:12 Retirés en fait du marché.
12:14 Complètement. Et c'est devenu un business pour beaucoup.
12:16 Je parle pas de ceux qui louent quelques semaines, qu'on ne confonde pas.
12:19 Il y a un énorme problème sur cette histoire, notamment sur les zones touristiques. Pourquoi ?
12:23 Parce que ça réduit considérablement l'offre de logements disponibles pour loger les salariés du coin,
12:28 les jeunes du coin qui veulent quitter le domicile parental, etc.
12:32 Les saisonniers, par exemple, il y a un énorme problème sur toute la côte ouest, de la Bretagne jusqu'au Pays Basque.
12:38 Et qu'est-ce qui se passe ? En réalité, je vais vous donner deux exemples.
12:42 Aujourd'hui, celui qui loue sur les plateformes touristiques, qui fait un logement touristique,
12:47 il y a une niche fiscale qui atteint 71%, qui est favorable par rapport à l'allocation à l'année.
12:53 Beaucoup plus favorable.
12:55 Deuxième élément. Vous savez qu'il y a des contraintes qui pèsent aujourd'hui sur les propriétaires
12:59 pour que leurs logements, les logements qu'ils louent, soient performants thermiquement.
13:03 Eh bien, il n'y a pas les mêmes conditions aussi dures pour l'allocation touristique.
13:07 Donc il faut réformer cela. C'est nouveau.
13:09 Ça fait dix ans que ça se développe très fortement. C'est en train de partir vraiment en vrille, entre guillemets.
13:14 Et donc, il faut absolument légiférer.
13:17 Il y a une proposition de loi transpartisane qui est prête depuis plusieurs mois,
13:21 avec des députés renaissance de droite, de gauche, qui vise justement à réguler ces plateformes.
13:27 Nous attendions avant-hier que le gouvernement dise "oui, je suis favorable".
13:31 Ils ont dit "on va ouvrir le chantier", mais ça fait déjà un an qu'il est là.
13:34 Il faut supprimer la niche fiscale qui est favorable à ces locations touristiques par rapport aux locations à l'année.
13:40 Et puis, il faut mettre les mêmes conditions de performance thermique pour que ça soit au même niveau.
13:43 Et puis, il faut permettre aux maires de pouvoir réguler, intervenir sur les résidences secondaires.
13:48 Aujourd'hui, ils ne peuvent pas le faire avec la fiscalité, par exemple.
13:50 Ils le demandent. Je crois qu'il faut leur faire confiance.
13:53 Ils savent qu'elle est territoriale et les besoins de leur territoire.
13:56 Mais ces logements qui sont aujourd'hui loués par des touristes,
14:00 puisque finalement, sur Airbnb, on propose des logements à des touristes,
14:04 s'ils sont occupés, c'est parce qu'il y a là aussi un besoin qui n'est pas rempli par des hôtels, par des structures touristiques.
14:12 Mais là aussi, ça signifie, Christophe Robert, qu'il y a une insuffisance en termes de logements construits,
14:19 qu'ils soient des logements à destination touristique, de courte durée ou bien de longue durée.
14:26 Oui, c'est pour ça que ce n'est pas simple. Je partage votre analyse.
14:30 Mais en même temps, on ne peut pas offrir des conditions plus favorables à ces logements-là que les logements à l'année,
14:35 les logements loués à l'année. Donc ça, c'est la première chose. Donc, il faut légiférer.
14:39 Ensuite, il faut quand même que la collectivité, la puissance publique organise ces questions-là.
14:46 On peut faire des villes-musées. Mais regardez ce qui se passe à Saint-Malo.
14:49 Regardez ce que disent les habitants de Saint-Malo.
14:51 Regardez ce que disent les maires. Le maire à Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, ils souffrent de ça.
14:57 Donc, il y a un moment, soit on dit qu'on fait des villes-musées, et puis tant pis,
15:01 mais vous savez, les grandes capitales, les villes très touristiques ont fini par dire "non mais ce n'est pas possible".
15:06 Pourquoi ? Parce que c'est un impact considérable.
15:08 Si vous transformez complètement votre ville à travers justement ses locations touristiques,
15:12 ça modifie par exemple les commerces. Ça modifie les équipements publics.
15:16 Donc, voilà, moi je n'ai rien contre le tourisme et je crois que les villes sont contentes quand elles ont une attractivité touristique.
15:21 Mais il faut réguler. Il faut réguler. Il faut réguler les marchés. Il faut réguler la place de chacun dans la ville.
15:27 Donc, c'est une vraie réflexion à débattre avec les habitants de ces villes.
15:30 Mais il faut avoir les outils pour le faire et il faut être en capacité de pouvoir les réguler et les encadrer.
15:36 Et sur le modèle d'habitat, on en reparlera dans quelques instants avec Pascal Boulanger,
15:39 qui est président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers.
15:42 Christophe Robert, on a dit par exemple que la maison individuelle était un modèle dépassé
15:49 ou un modèle qui n'était plus soutenable. Vous qui êtes délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qu'en pensez-vous ?
15:55 Moi, je me méfie des phrases ou des injonctions par rapport à ce que voudraient les gens.
16:04 Il faut faire attention à ça. En revanche, enfin je veux dire, les aspirations à la propriété ou à la maison individuelle,
16:11 elles sont bien légitimes. Donc, quand par exemple le pré-acto 0 pour faciliter l'accession à la propriété
16:17 qui a été annoncé avant-hier va être supprimé pour les maisons individuelles,
16:21 je pense que c'est un message qui est difficile à entendre pour beaucoup de nos concitoyens.
16:25 Parce que ça veut dire que, en plus, il est fermé sur certains territoires.
16:28 On passe de 36 000 communes, 35 000 communes qui pouvaient être éligibles en fait,
16:32 à 1 100 communes, c'est-à-dire les secteurs tendus.
16:35 Donc, on a une restriction qui a été faite sur ce pré-acto 0.
16:38 Ça veut dire, moi j'habite là, je voudrais accéder à cette maison individuelle,
16:42 je ne suis pas concerné par cette aide. C'est compliqué à entendre quand même.
16:45 Après, bien sûr qu'il y a une réflexion à avoir, collective, à l'échelle des territoires, à l'échelle du pays,
16:51 sur comment on densifie la ville, comment on évite l'étalement urbain,
16:55 parce qu'il faut protéger la biodiversité, il faut éviter l'artificialisation à outrance.
17:01 On sait que ça a des conséquences écologiques qui sont considérables, mais on peut trouver.
17:06 C'est-à-dire qu'il faut accompagner les maires, il faut les doter de compétences
17:10 pour pouvoir avoir ces exemples, par exemple, qui montrent qu'on peut très bien densifier,
17:16 y compris avec du logement individuel.
17:18 Donc, tout n'est pas égal par ailleurs et ça mérite une réflexion collective,
17:21 y compris à l'échelle des territoires.
17:23 Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre,
17:25 on se retrouve dans une vingtaine de minutes.
17:27 Vous serez rejoint par Pascal Boulanger, président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers.
17:32 On évoquera donc la question de la construction de logements.
17:35 Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi y a-t-il des goulots, des tranglements ?
17:38 Pourquoi les Français trouvent-ils difficilement à se loger,
17:42 souvent d'ailleurs dans des lieux où ils auraient préféré ne pas être,
17:49 préférer être plus près des centres urbains ?
17:51 On en reparle dans quelques minutes.
17:53 Il est 8h sur France Culture.
17:55 7h-9h
17:57 Les Matins de France Culture.
18:01 Guillaume Erner.
18:02 Nous allons évoquer le logement, le plan Borne,
18:05 pour tenter de contrer le ralentissement brutal de la vente et de la construction de logements neufs.
18:12 Mais avant tout, Christophe Robert, une réaction à ce que vient de dire mon camarade Jean Lémarie
18:18 sur la réforme du revenu de solidarité active, puisque je le rappelle,
18:21 vous êtes délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
18:24 Tout a été dit. Tout a été dit dans cette magnifique journée.
18:27 Donc vous votez Jean Lémarie.
18:29 Oui, mais j'ajoute un point.
18:31 C'est insupportable.
18:33 Parce que pendant ce temps-là, quand vous êtes déjà en difficulté,
18:36 que vous avez vécu des choses difficiles, que vous avez eu un parcours difficile,
18:39 vous avez eu des problèmes de santé, des problèmes familiaux, des problèmes de décès,
18:42 bref, la vie, comme ça peut arriver à certains,
18:46 et que vous entendez ce type de discours en campagne, uniquement pour des intérêts politiques,
18:51 vous avez l'impression d'être un poids pour la société.
18:54 Donc oui, la question c'est l'efficacité.
18:56 Oui, la question c'est l'accompagnement.
18:58 Mais on ne peut pas jouer avec les gens comme ça.
19:00 Et là, je crois vraiment qu'il faut qu'on prenne conscience, collectivement,
19:04 que notre responsabilité c'est d'aider, c'est d'accompagner tout le monde,
19:07 et pour le retour à l'emploi de tout le monde.
19:09 Et combien de personnes souhaiteraient pouvoir retrouver une place dans la société,
19:13 leur dignité avec l'emploi.
19:15 Mais quand ils entendent ces discours-là,
19:17 eh bien moi je connais des gens à la Fondation Abbé Pierre,
19:19 nous connaissons des gens qui ne demandent même plus le RSA,
19:22 et qui disent "vous savez, moi je ne suis pas un poids pour la société,
19:25 et d'ailleurs le RSA je ne le demande pas".
19:27 Vous vous rendez compte les dégâts que ça peut provoquer,
19:29 cette protection sociale à 600 euros par mois.
19:31 Donc il faut faire très attention avec ça, il faut faire très attention.
19:35 Aider et accompagner, c'est le cas aussi dans le domaine du logement,
19:39 on en parlait il y a quelques instants, Christophe Robert,
19:42 et nous accueillons Pascal Boulanger, bonjour.
19:45 Pascal Boulanger, vous êtes président de la Fédération des promoteurs immobiliers,
19:49 j'ai demandé à Christophe Robert ce qu'il pensait des mesures de la Première Ministre,
19:54 même question, pour vous qui êtes promoteur, qu'en pensez-vous ?
19:58 C'est une déception, c'est insuffisant, ça a eu le mérite d'exister,
20:04 puisque nous les professionnels ça fait longtemps qu'on demandait des états généraux,
20:08 ou un CNR sur le logement, ça a été copiloté par mon voisin Christophe,
20:13 et Mme Véronique Bédag, présidente de Nextcity.
20:15 Donc un gros promoteur.
20:17 Le plus gros promoteur français, je sais pour les avoir rencontrés déjà depuis lundi plusieurs fois,
20:23 c'est une déception générale, c'est une déception dans les médias, c'est une déception générale.
20:27 Mais alors, pourtant il y a des annonces, la Première Ministre a notamment expliqué
20:34 que le prêt à taux zéro serait prolongé, qu'il y aurait des facilités pour libérer du foncier,
20:41 bref, toute une série de choses, ça ne vous suffit pas ?
20:43 Si vous parlez du prêt à taux zéro, il va être prolongé, oui, bonne nouvelle,
20:47 mais on exclut les maisons individuelles, on restreint fortement le nombre de communes éligibles,
20:52 donc est-ce que c'est une bonne nouvelle ?
20:54 Oui, sur la prolongation, mais on le vide de sa substance.
20:57 Sur les mesures du foncier, vous savez, il y avait une rubrique, c'était "libérons du foncier".
21:02 Moi je suis dans le métier depuis plus de 40 ans, j'ai entendu ça tout le temps,
21:06 "l'État va libérer du foncier".
21:07 Jean Castex, alors Premier Ministre, avait dit "on ne sait même pas tout ce que l'État a comme foncier".
21:13 Donc nous on avait des mesures beaucoup plus concrètes que des grandes phrases théoriciennes,
21:17 et on est resté aux déclarations d'intérêt.
21:20 Alors ce qu'il faut dire ou rappeler, Pascal Boulanger, c'est qu'il y a aujourd'hui un besoin d'environ 450 000 logements par an,
21:30 et la France en produit 100 000 de moins depuis des années,
21:35 ce qui veut dire que le déficit de logements se creuse.
21:38 Expliquez-nous pourquoi, alors que les Français veulent acheter des logements,
21:42 vous j'imagine que vous voulez en produire, qu'est-ce qui se passe ?
21:45 J'ai l'habitude de dire que le logement est un malade chronique.
21:49 Simplement ce malade chronique vient d'arriver aux urgences depuis quelques mois.
21:53 Qu'est-ce qui se passe ? Si on regarde, je vais vous faire un plan de juriste en deux parties et quatre sous-parties.
21:59 Grantin, une crise de l'offre. Cette crise de l'offre, on la connaît depuis mars 2020.
22:05 Ce n'est pas le Covid, ce sont les élections municipales.
22:07 Les maires élus ont été des maires qui ont été élus sur un programme de ralentissement de la construction,
22:12 et les maires qui avaient un programme plutôt bâtisseur, ou leurs équipes, leurs successeurs,
22:17 je parle de Lyon, Bordeaux par exemple, ont été des maires battus.
22:20 Maire bâtisseur, maire battu, c'est une maxime qui fonctionne encore ?
22:23 Ça s'est vraiment démontré. Et donc il s'est passé un peu, je l'appelle moi, une coulée d'encre
22:28 dans les 34 000 communes de France, où les maires se sont dit "mais attention,
22:32 on va restreindre l'acte de construire, sinon on va être remerciés".
22:37 Et ce n'est pas une tendance, j'entends souvent écologiste, gauche droite, non.
22:40 C'est une tendance des maires de dire "mais de toute façon la population n'en veut plus,
22:43 moi le maire je n'ai plus d'intérêt à agir, j'ai plus de taxes d'habitation,
22:46 je n'ai que des ennuis quand je construis, donc je signe beaucoup moins de permis de construire".
22:52 - Alors c'est important ce que vous venez de dire, ça veut dire que concrètement,
22:55 quand vous êtes promoteur, vous avez des difficultés pour obtenir des permis de construire ?
22:59 - Ah bah ça va plus loin que ça. Les PLU qui ont été votés dernièrement,
23:03 - Les plans de l'eau communiste. - Les plans de l'eau communiste,
23:05 étaient déjà plus restrictifs que leurs prédécesseurs qui étaient les postes,
23:09 les plans d'occupation des sols, et ces mêmes PLU déjà plus restrictifs,
23:13 on sait qu'ils ne sont utilisés qu'à 65% de leur capacité.
23:16 Donc si demain je viens vous voir, vous me vendez un terrain,
23:18 je vous dis "à priori on peut faire 100 logements", je sais qu'au final,
23:21 on ne pourra en faire que 65, c'est une moyenne nationale.
23:24 Donc là déjà c'est un vrai problème, on gaspille de la constructibilité,
23:28 on nous parle d'Usain, mais dans les villes où on peut monter,
23:30 on gaspille de la constructibilité.
23:32 Ensuite, le deuxième point, si je quitte le sujet des mers,
23:35 on a eu une flambée des coûts de construction,
23:38 qui a fait qu'une opération sur cinq ne pouvait plus sortir,
23:42 on avait des prix de revient supérieurs au prix de vente,
23:45 et dans ces cas-là on n'a pas intérêt à la sortir.
23:47 - Ça vient d'où cette conversation ? - Ça vient de...
23:49 Alors ça se calme un peu, c'est un sujet qui est plutôt derrière nous,
23:52 mais qui est encore un peu d'actualité, ça vient de cette flambée de la guerre en Ukraine,
23:56 ça avait commencé un peu avec le blocage du canal de Suez,
23:59 pour vous rappeler, il fallait attendre pour avoir des matériaux,
24:02 on se battait, on dit "on enlève plutôt mon chantier que le chantier du voisin",
24:05 c'était vraiment ça, donc forcément ça fait monter un peu les prix,
24:09 c'est plutôt calmé et ça a l'air d'être plutôt derrière nous,
24:13 mais c'est encore d'actualité.
24:15 Et puis ensuite on a vu arriver fin novembre, début décembre,
24:19 avec la hausse des taux d'intérêt, un arrêt total de la demande,
24:25 et la demande qui était, quand je dis arrêt total, arrêt brutal, pas total,
24:30 mais le peu de demande que nous avions,
24:32 on a eu un taux de désistement après qui est passé de 13 à 51%.
24:37 - Alors j'ai entendu dire effectivement que ce taux de renonciation
24:42 était tellement élevé d'ailleurs que certains promoteurs ne comprenaient pas bien d'où il venait.
24:47 Alors il y a la part qui vient donc de ces crédits, mais pas uniquement.
24:50 - Non, pas uniquement. Moi j'appelle ça les désistements psychologiques.
24:53 Quand vous vendez un appartement, vos collaborateurs, vos services,
24:56 vendent un appartement le vendredi, et que le mardi matin vous avez déjà un recommandé,
25:00 parce que vous avez un délai de 10 jours, de désistement,
25:03 on n'a pas eu le temps d'avoir un refus de prêt.
25:05 C'est le fameux déjeuner du dimanche midi ou du samedi soir chez les amis ou en famille.
25:09 "Ah toi on t'a acheté ? Ah bon ? Pourquoi ? Bah tu sais, c'est tout ce qui se passe."
25:13 Et les gens résilient, dans les 3-4 jours, ils nous demandent l'annulité de la vente.
25:19 C'est parfaitement légal.
25:20 Alors que, pour défendre un peu notre métier, c'est vraiment un bon moment pour acheter.
25:26 Les prix ne vont pas baisser parce que nous on a un prix technique, on a des taux d'intérêt...
25:30 - Pourtant on n'arrête pas de lire des articles qui expliquent que le prix de l'immobilier baisse,
25:34 qu'il va baisser, qu'il y a une bulle...
25:36 - Non, il ne faut pas mélanger deux choses. Dans l'ancien, vous avez un prix d'offret de demande.
25:41 Et effectivement, comme aujourd'hui, il n'y a plus beaucoup de demandes,
25:44 il commençait à y avoir une suroffre par rapport à la demande, c'était pile l'inversie.
25:47 Les marchés sont comme ça. Dans l'ancien, les prix risquent effectivement, et on le voit,
25:51 d'avoir un petit réajustement. Mais dans le neuf, si on prend 2022, alors que c'était une très mauvaise année déjà,
25:57 dans le neuf, on a une augmentation des prix de 5,5% en moyenne.
26:01 Pour être plus clair avec vous, 1,5% environ en région parisienne et un petit peu moins de 7% en province.
26:08 Donc, nous c'est un prix technique, on n'a pas de variable d'ajustement.
26:12 Donc aujourd'hui, oui, on est dans une impasse. Et quand je vous dis que c'était le bon moment d'acheter,
26:18 on emprunte toujours à des taux nettement inférieurs à l'inflation. Et c'est rare, ça.
26:22 On emprunte aux alentours de 3,5 aujourd'hui, peut-être que ça montera à 4.
26:25 On est tous d'accord, ce qu'on lit, pour avoir une inflation qui sera aux alentours de 6.
26:30 Donc ça reste un bon moment d'acheter.
26:33 - Pascal Boulanger, ça veut dire que si cette tendance persiste, il va y avoir à nouveau un déficit de logements,
26:42 en France de logements neufs, en l'occurrence. Vous pensez qu'on va terminer l'année avec combien de logements construits ?
26:47 - Oh, le chiffre qui circule en ce moment, chez nous, les professionnels, on se dit, on n'est peut-être pas sûr d'atteindre les 300 000.
26:54 - Ce qui veut dire, en fait, un déficit pour cette année de 150 000. - Oui, oui.
26:57 - Et... - Je crois que Christophe en a déjà échangé.
27:00 - Christophe Robert, un commentaire ? - Oui, oui, on disait tout à l'heure qu'il y avait déjà un déficit depuis longtemps de production.
27:06 Donc il faut bien avoir en tête que quand on dit que depuis des années, on construit 100 000 logements de moins que la demande globale,
27:13 ça s'accumule, pendant 10 ans, ça fait un million de logements en moins.
27:16 Donc les tensions, les concurrences, les incapacités à pouvoir répondre à tous les besoins dans les secteurs tendus sont très importants.
27:22 Et ce qui s'est passé, dans ce qui vient d'être dit, c'est qu'en fait, on avait déjà cette tendance-là.
27:27 C'est-à-dire que quand on regarde depuis le début du quinquennat, le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, il y a eu une baisse de la production.
27:32 Or, Emmanuel Macron voulait faire un choc de l'offre, pour faire baisser les prix.
27:35 C'était sa stratégie. C'était quasiment ce qui avait été, avec la politique du logement d'abord, ce qui est bien, ce qui avait été annoncé comme stratégie.
27:42 "On va construire pour faire baisser les prix." En fait, on a réduit.
27:45 Et là, il y a une deuxième lame qui vient d'arriver.
27:48 Augmentation des coûts d'énergie, augmentation des crédits, augmentation des coûts de construction.
27:52 Et ça, c'est très difficile.
27:53 Et il y avait un point qu'on a proposé autour du CNR, avec tous les acteurs qui se sont mobilisés.
27:58 C'était la maîtrise du foncier.
28:00 Tout le monde était d'accord. Même les acteurs économiques.
28:03 C'était assez nouveau de se dire... Aussi pousser les maires, ça a été dit à l'instant par M. Boulanger, à construire au niveau du PLU.
28:09 Parce que c'est du gâchis. Autrement, il y a l'étalement urbain dont on parlait tout à l'heure.
28:13 Donc, on disait, il y a plusieurs moyens de faire.
28:16 On a proposé beaucoup de choses sur le sujet.
28:18 On a des slogans sur "construire la ville sur la ville", "essayez de maîtriser le foncier, densifiez"...
28:24 Il y a des choses qui se font, quand même, au niveau local.
28:25 Ah ben, ça n'est pas ce que semblait dire Pascal Boulanger.
28:28 Il avait tendance à dire, il est là d'ailleurs, que le foncier était très peu libéré par les maires.
28:34 Oui, oui. Le décalage entre ce que le PLU peut faire et la constructibilité réelle, il est très important.
28:39 Non, c'est pas le même sujet. Ce ne sont pas les maires qui libèrent les fonciers.
28:42 Les fonciers, on en trouve chez les particuliers, on trouve des fonciers d'étang...
28:46 Si vous n'avez pas les permis de construire.
28:47 Voilà. Non mais, ce n'est pas un problème de foncier, c'est un problème d'autorisation de construire.
28:51 Alors, nous, on avait proposé, au CNR, ça n'a malheureusement pas été retenu, de faire une aide aux maires bâtisseurs.
28:56 C'est-à-dire qu'on prenait, par exemple, la moyenne de ce qu'une ville avait produit sur les cinq dernières années.
29:01 On prenait une moyenne annuelle.
29:02 Et admettons qu'on trouve, je dis n'importe quoi, 200 logements.
29:05 Une ville, on sait que sa vitesse de croisière, c'est une production de 200 logements par an.
29:09 Et on disait, jusque 200 logements par an, on ne fait rien.
29:12 On ne va pas créer des phénomènes, on ne fait rien.
29:14 Mais à partir du 201e, par exemple, et si Bercy acceptait de laisser une partie de la TVA à la ville ?
29:20 C'était gagnant-gagnant.
29:22 Bercy ne perd rien, puisqu'on ne vient pas piquer sur ce qui est déjà fait, c'est sur le plus.
29:27 On augmente l'assiette.
29:29 Ça n'a pas été retenu.
29:30 Nous, les maires, nous disent, j'ai plus d'arguments pour s'il y a un permis de construire.
29:34 - Pascal Boulanger, il y a eu aussi une critique adressée à un certain nombre de dispositifs,
29:38 des dispositifs qui donnent des avantages fiscaux aux acquéreurs,
29:43 mais on explique que ces dispositifs ont profité aux promoteurs, c'est normal, c'est votre métier,
29:50 mais n'ont pas profité au parc du logement, parce qu'on le disait tout à l'heure,
29:54 les logements, ce n'est pas un bien fongible, c'est-à-dire un logement à albi,
29:58 ce n'est pas la même chose qu'un logement à tonneaux-les-bains.
30:00 S'il y a trop de logements à albi et pas assez à tonneaux-les-bains,
30:03 ce n'est pas le Pinel qui va rééquilibrer le Pinel.
30:06 C'est l'un de ces dispositifs fiscaux qui est censé encourager la construction.
30:12 - Je m'inscris en faux par rapport à ce que vous venez de dire.
30:15 Depuis 1986, il y a des dispositifs fiscaux,
30:19 alors je ne vais pas vous donner les noms, mais rapidement, il y a eu du Menurie, du Cellier, du Borlo, du Deurobiens,
30:24 j'en oublie plein, plein, plein, du Flo, Vidal maintenant, Besson, enfin voilà.
30:29 À chaque fois, depuis 1986, il y a quand même un certain temps,
30:33 on nous dit "ça ne sert à rien".
30:37 - On ne dit pas "ça ne sert à rien", on dit "ça soutient votre secteur, l'immobilier,
30:42 mais ça ne crée pas un parc de logement".
30:46 - Écoutez, moi j'étais il y a une semaine à 7h6 avec M. Bruno Le Maire qui m'a dit
30:49 "ça fait preuve de son inefficacité, ça ne sert à rien".
30:53 Si, on nous dit ça, simplement, à chaque fois un gouvernement est tenté de supprimer le dispositif,
31:00 et 6 mois après le ministère du Logement nous appelle en mode un peu panique,
31:03 en disant "qu'est-ce qui se passe ?" et rouvre encore plus fort les vannes.
31:06 Nous, on proposait un dispositif pérenne.
31:10 On arrête tout ça et on met un vrai statut du bailleur professionnel, privé, particulier,
31:15 on hésitait sur le mot, où il pouvait déduire un amortissement du bien, etc.
31:21 - Des avantages fiscaux.
31:23 - Oui, mais vous savez, l'immobilier c'est quand même taxé fortement.
31:27 Beaucoup d'investisseurs me disent aussi, c'est quelque chose dont on ne parle plus,
31:32 mais ce qui a fait beaucoup de mal aussi à l'immobilier,
31:34 Emmanuel Macron a supprimé l'ISF, c'était une bonne ou une mauvaise nouvelle, mais il l'a fait.
31:38 Mais il ne l'a pas fait pour l'IFI.
31:40 Il a laissé l'impôt sur l'information immobilière.
31:42 Et beaucoup de gens se retirent de ce monde-là en disant "je préfère avoir des liquidités".
31:46 Donc ça ne rentre pas dans le logement.
31:48 Ça a pénalisé encore le logement.
31:50 - Qu'en pense la fondation Abbé Pierre ?
31:52 - On a un problème quand même avec le gouvernement sur la politique du logement.
31:55 - Vous êtes contre l'IFI ?
31:57 - Non, non, mais j'étais pour laisser l'ISF aussi, si on va au bout de la question.
32:02 Parce qu'il faut mieux partager les richesses, les enjeux écologiques, les enjeux de solidarité, de santé, de route, de sécurité sont tellement importants,
32:09 que si on réduit comme pot de chagrin les ressources de la puissance publique, on ne va pas s'en sortir.
32:14 Non, ce qui est tout à fait intéressant dans cette histoire, c'est qu'en fait,
32:18 et un grand journal a titré sur le sujet hier matin, c'est qu'en fait ils ont fait les comptes de la sortie du CNR.
32:24 Et ça pourrait être 2 milliards d'économies du gouvernement sur la politique du logement.
32:29 Et je voudrais dire une chose, on peut discuter de tout, on peut parler de tout sur la manière d'allouer les ressources de l'État.
32:36 Mais c'est pas pareil de dire "on fait une ponction sur la HLM de 1,3 milliard par an,
32:41 on coupe 2 milliards d'euros sur des dispositifs qu'on aurait pu faire évoluer,
32:45 il y avait des propositions dans le CNR pour faire autre chose, mais on fait pas autre chose, on coupe".
32:50 Et ça c'est pas comme ça qu'on fait une politique du logement.
32:53 Pour le reste on peut discuter, est-ce qu'il faut des contreparties sociales, environnementales,
32:57 aux dispositifs de soutien à la construction par exemple ?
32:59 - Le dispositif Pinel avait comme vertu de plafonner les loyers,
33:03 et plafonner les conditions de ressources du locataire, c'était, on va dire le mot à la mode, un peu du logement intermédiaire.
33:09 Ça développait, on a cru longtemps que ça fait majorer les prix, c'est totalement faux.
33:14 On vend dans la même résidence des propriétaires occupants qu'en Pinel.
33:17 Donc nous on sait pas au départ si vous venez m'acheter pour une résidence principale,
33:20 pour loger vos enfants ou pour faire un Pinel.
33:23 Tout ce que j'entends était un peu faux là-dessus.
33:25 - Jean-Les-Marie, vous connaissez tous les deux le contexte financier et le contexte politique.
33:29 L'État vous dit, vous redit, vous citiez Bercy à l'instant,
33:32 "la politique du logement coûte trop cher à la collectivité".
33:35 C'est ça la musique aujourd'hui qui s'est installée.
33:37 Qu'est-ce qui est vrai là-dedans pour vous ?
33:39 Est-ce qu'on paye trop pour un résultat trop faible ?
33:41 - Ce qui est vrai c'est que ça rapporte 90 milliards et ça coûte 38, 40,
33:45 et tout le monde est unanime sur ce chiffre.
33:48 - Pas Bercy. - Si, même Bercy est d'accord sur les chiffres.
33:51 Ca rapporte 90 mais ça coûte 40 et ça devrait coûter moins cher.
33:54 - Gabriel Attal, chargé des comptes publics il y a quelques semaines, disait encore,
33:57 "la politique du logement nous coûte trop cher pour un résultat trop faible".
34:00 - Oui, mais ça n'empêche pas que c'est bénéficiaire quand même énormément.
34:03 Mais vous avez raison, d'ailleurs ils l'ont fait. Le gouvernement l'a fait.
34:06 On est passé de 2,2% du PIB à 1,5.
34:09 C'est-à-dire qu'on a perdu 15 milliards d'euros sur le logement dans le précédent quinquennat.
34:14 Sauf qu'encore une fois, deux choses, c'est vraiment de la baisse aveugle.
34:19 C'est-à-dire on dit "on verra bien, on laissera faire le marché".
34:22 Mais maintenant si on considère tous les impacts du logement, sur la santé, sur l'éducation,
34:27 les impacts environnementaux, on n'a pas parlé,
34:29 et je pense qu'il y aura quand même des avancées avec le CNR sur la rénovation thermique des logements,
34:33 les impacts bien sûr sur les personnes sans domicile, les impacts sur la mobilité dans l'emploi.
34:37 Bref, tout ce que recouvre la question du logement.
34:40 Là on ne regarde plus d'un point de vue seulement technique en disant "ce secteur coûte trop cher pour une efficacité avérée".
34:46 D'ailleurs, je ne suis pas du tout sûr que ce soit inefficace.
34:48 On ne propose pas, au passage, une politique alternative.
34:52 Mais on ne pourra pas faire plus de logements sociaux avec moins de ressources.
34:55 On ne pourra pas aider nos concitoyens à payer moins la facture, par exemple avec les APL,
34:59 dont la portée a beaucoup baissé avec ce quinquennat.
35:01 Donc c'est un choix de société.
35:03 Et évidemment, nous on s'inscrit vraiment en faux dans cette logique.
35:05 Justement, je m'étonne, Pascal Boulanger, vous êtes président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers.
35:09 Il est 8h38 et on n'a pas encore évoqué les questions environnementales et le renchérissement des coûts.
35:15 Parce que les promoteurs expliquent que l'isolation thermique, les nouvelles normes...
35:21 On vient de parler, par exemple, de la suppression des chaudières à gaz.
35:24 Tout cela, ça va renchérir les coûts.
35:27 Déjà, c'est amusant parce qu'il y a 20 ans, on nous dit "il faut mettre du gaz partout".
35:32 Il ne faut surtout plus mettre d'électricité.
35:34 Aujourd'hui, on nous dit l'inverse.
35:35 On a le droit de changer.
35:37 On renchérit les coûts.
35:39 Vous savez, les entreprises, c'est pas facile de s'adapter quand vous travaillez un projet de main,
35:45 on travaille un projet tout électrique.
35:47 Et on nous dit "il faut mettre du gaz".
35:49 C'est très complexe de changer un projet, c'est coûteux.
35:51 Nous, on doit tout remettre à la poubelle.
35:53 Et là, on va nous dire peut-être un peu l'inverse.
35:55 C'est vraiment...
35:57 On voudrait une stabilité.
35:59 Une stabilité fiscale, une stabilité des mesures de succession, par exemple, sur les droits de succession également.
36:05 Tout ça change trop souvent.
36:07 Sur la maison individuelle, là aussi on l'a évoqué il y a quelques instants.
36:11 Votre point de vue en tant que président de la Fédération des promoteurs immobiliers,
36:15 c'est un type de logement qui est plébiscité par les Français.
36:19 Est-ce qu'aujourd'hui, les constructeurs de maisons individuelles ont des problèmes spécifiques ?
36:24 Est-ce qu'ils réussissent à proposer des biens à ces ménages qui veulent être logés de cette manière-là ?
36:32 Est-ce que ce n'est pas la mort programmée de la maison individuelle ?
36:35 Quand on la sort du pré-atot zéro, quand on fait le zéro artificialisation nette,
36:41 est-ce qu'on n'a pas programmé la mort de la maison individuelle, sous prétexte de ne pas être allé ?
36:46 Il y a des lotissements qui peuvent être très vertueux.
36:49 Les Français étaient, il y a 30 ans, demandeurs de très grands terrains,
36:53 parce que c'était la mode d'avoir 1 000 ou 1 500 m² à la campagne.
36:57 Aujourd'hui, ils préfèrent se rapprocher d'avoir 400 m² ou 500 m².
37:00 500 m², c'est très bien, ils n'ont plus le courage, ils ont envie.
37:02 - Au vu du prix du foncier aussi, certains n'ont pas le choix.
37:05 - Oui, et puis c'est passé de mode. Alors il y a une question, bien sûr vous avez raison,
37:07 mais aussi une question de mode de dire "je n'ai pas envie de passer tout mon samedi et tout mon dimanche à entretenir le jardin".
37:11 Donc on peut revoir la maison individuelle.
37:13 Vous savez, l'État, aujourd'hui, je trouve qu'il est vraiment dans la norme, il est vraiment dans les injonctions.
37:19 Alors je comprends toutes ces volontés écologiques, mais on est là aussi un peu pour le bonheur des Français.
37:25 Et quand on prive le Français d'une maison individuelle, aujourd'hui, ça ne devient plus à la mode d'avoir une résidence secondaire.
37:32 On l'entend bien, on est chahuté là-dessus.
37:34 Pourtant c'est le projet de beaucoup de Français, il ne faut pas oublier aussi le bonheur.
37:39 Parce que le bonheur, ça permet aussi une activité.
37:41 Et j'entends, on est beaucoup dans la punition.
37:45 - Christophe Robert, en conclusion, qu'est-ce qu'il faudrait faire aujourd'hui pour permettre à ce logement,
37:53 qui a des conséquences multiples, on l'a dit, mais on ne le répète jamais assez,
37:57 le logement c'est systémique, c'est l'éducation des enfants, le lieu où ils sont scolarisés, la mixité sociale,
38:04 la manière dont les Français vivent ensemble ou pas.
38:08 Bref, qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
38:10 - Et le premier poste de dépense des ménages y revient quand même.
38:13 Le prendre justement à la mesure de tous ces enjeux.
38:18 Et c'est aussi à des principales émetteurs de gaz à effet de serre.
38:21 Donc des enjeux écologiques considérables.
38:25 Le prendre à cette juste mesure.
38:27 Parce que moi ça fait quand même maintenant, et à la Fondation Hervé Pierre,
38:30 longtemps qu'on publie des analyses, le rapport annuel, etc.
38:34 On voit bien que souvent il est réduit à une question technique ou à une question financière.
38:39 Si on ne prend pas la mesure de tout ce que ça provoque sur la vie de la cité,
38:44 la vie de la société, sur le quotidien de tout un chacun,
38:48 on en fait une affaire technique.
38:51 Et on discute du bout de gras, on discute de la manière de faire.
38:54 Mais ça on saura faire, il y a toutes les compétences dans ce pays pour agir,
38:57 pour trouver les bonnes solutions, pour à la fois densifier la ville
39:00 et éviter l'étalement urbain et atteindre en 2050 le zéro artificialisation nette,
39:05 qui peut être compensé, il faut aussi relativiser.
39:08 Mais du coup, d'un point de vue politique,
39:12 ça ne peut pas être que le ministre du Logement qui gère cette affaire-là.
39:15 Il faut qu'on passe au-dessus.
39:17 Il faut qu'il y ait une commande, il faut qu'il y ait une vision politique,
39:19 une vision de l'aménagement urbain.
39:21 Que voulons-nous de notre ville ? Quelle place de tout un chacun ?
39:24 Et je pense qu'il y a deux registres.
39:27 Il y a le registre de la solidarité, il y a le registre du soutien
39:30 pour pouvoir faire une ville qui soit durable, qui soit vivable, qui soit agréable.
39:34 Et ça, on peut faire.
39:37 Mais c'est difficile de demander à tous les acteurs de se mobiliser
39:40 comme on l'aurait voulu à l'issue de ce CNR, si on leur dit
39:42 "mais oui, en même temps, on va réduire considérablement le budget du logement".
39:45 C'est difficile de dire "on a une grande politique, mais on va couper".
39:48 Et je crois que là, il y a une erreur de diagnostic, il y a une erreur de politique.
39:51 - Pascal Boulanger, là aussi, que veut la Fédération des promoteurs immobiliers
39:57 en matière de logement ? Donc ces annonces, vous l'avez dit, vous ont déçu.
40:01 Qu'est-ce que vous attendez maintenant ? Quelles autres annonces voudriez-vous ?
40:05 - Je vous l'ai dit, une aide au maire Bâtisseur, qui ne coûte rien.
40:09 Nous voulions un électrochoc.
40:12 Il y avait une mesure que nous avons portée, et le problème du CNR,
40:16 pour revenir un petit point en arrière, c'est qu'il a été fait à une période,
40:19 le début, où il n'y avait pas de crise de la demande, il n'y avait qu'une crise de l'offre.
40:22 Et ça a évolué, le CNR, au fur et à mesure, parce que la crise de la demande est arrivée après.
40:26 Nous, ce qu'on voulait, on a porté un projet qui semblait plaire.
40:30 J'ai vu pas mal de ministres qui avaient un petit peu adhéré à cette idée,
40:35 et là, aujourd'hui, elle a été rejetée.
40:38 C'était une exonération de droits de succession.
40:40 Ça pouvait être plafonné pour tout logement neuf acheté pendant une période très courte.
40:45 Il fallait que ces logements neufs soient vertueux, mais ça, c'est le cas.
40:49 Il fallait qu'ils soient à titre d'habitation principale de l'occupant,
40:52 soit le locataire, soit le propriétaire.
40:54 L'avantage, c'est que ça ramenait tout de suite 20% à Bercy,
40:56 et que les droits de succession, c'est dans 25 ou 30 ans de ceux qui achètent.
40:59 Donc, on avait proposé cette mesure.
41:01 Elle a même pas été... Elle a été votée en touche par M. le maire,
41:03 qui l'a dit directement, alors que M. Attal semblait vouloir la porter.
41:07 - Merci, Pascal Boulanger. Je rappelle que vous êtes président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
41:12 Merci à Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
41:16 Dans quelques secondes, le point sur l'actualité.