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À l’heure où presque toutes les femmes se disent féministes, “Femmes, réveillez-vous !” vient briser un tabou : le féminisme ment aux femmes. Dans cet ouvrage, Anne Trewby et Iseult Turan, présidente et porte-parole du mouvement Les Antigones, expliquent que sous couvert de libération de la femme, ce sont en fait toujours plus de contrôle social, de contraintes et de pressions qui se sont abattus sur les femmes et les familles. Un petit ouvrage percutant pour, comme le dit le sous-titre, en finir avec les mensonges du féminisme.

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00:00 [Musique]
00:05 Et pour le Zoom du jour, j'ai le plaisir de recevoir une invitée pour parler de ce livre
00:10 "Femmes, réveillez-vous" pour en finir avec "Les mensonges du féminisme".
00:14 Un livre qui a été écrit à quatre mains, mais je vous reçois, vous, aujourd'hui, Anne Troubi.
00:18 Bonjour.
00:19 Bonjour et merci de votre invitation.
00:21 Alors, le deuxième auteur, il s'agit de Iseult Turand.
00:24 C'est un livre qui a été publié chez la Nouvelle Librairie Édition,
00:27 dans la collection "Dans la reine", qui sont donc des petits ouvrages un peu plus engagés,
00:32 dans la Nouvelle Librairie.
00:34 Est-ce qu'on peut commencer tout de suite sur la couverture de ce livre, Anne Troubi ?
00:39 Parce qu'elle est pleine de symboles.
00:40 Est-ce que c'est un retour dans les années 50, comme ces trois femmes ?
00:44 Ou alors, c'est pour critiquer ce modèle qui nous vient directement de ces années-là ?
00:51 Alors, effectivement, modèle ou contre-modèle.
00:53 Quand le graphiste proposait cette image, ça m'a beaucoup parlé,
00:58 parce qu'en fait, ces figures de femmes sont tirées d'une série télévisée
01:01 qui s'appelle "Mad Men", qui prend place dans une agence publicitaire, justement, dans ces années-là.
01:07 Et quand j'avais vu cette série, que j'avais arrêté de regarder tellement elle m'avait parue déprimante,
01:12 j'avais vu, en tout cas personnellement, la misère de beaucoup des femmes de cette époque.
01:17 On voit des personnages très différents, certaines engagées dans leur travail,
01:21 certaines engagées dans une forme de libération, d'autonomie, pour ne pas dépendre d'un homme,
01:28 d'autres dans des schémas beaucoup plus classiques, mariés, etc.
01:32 Et toutes, chacune à leur place, sont très malheureuses de leur situation.
01:35 Donc, non, ici, cette couverture, c'est plutôt un contre-modèle.
01:38 C'est plutôt, justement, ce qu'on dénonce, qui est mis en exergue dans cette couverture.
01:44 C'est pas du tout...
01:45 C'est le ménageur sexy qui se cuisine du surgelé et qui fume, c'est pas tout à fait le modèle souhaité.
01:50 Ce n'est pas la libération que je souhaite pour les femmes, ni Isle de Turand.
01:54 Donc, non, c'est plutôt ce que nous voudrions laisser derrière nous.
01:58 Nous ne sommes pas des partisanes d'un retour en arrière, ça c'est clair.
02:01 Et au contraire, ces figures, je pense qu'elles incarnent beaucoup des travers du féminisme contemporain, notamment.
02:06 Alors, aujourd'hui, on nous explique qu'on n'a pas d'autre choix que d'être féministe,
02:12 et pourtant, vous, dès le titre de cet ouvrage, vous le dites, le féminisme ment.
02:18 – Alors, il y a une confusion souvent dans les termes quand on parle de féminisme,
02:22 parce qu'à l'heure actuelle, toute forme de défense des femmes ou tout propos sur les femmes
02:27 est nécessairement féministe.
02:29 Quand on veut faire une place aux femmes dans tel ou tel domaine ou sur telle ou telle question,
02:34 on serait nécessairement féministe.
02:35 Féministe, or le féminisme, c'est en fait un mot qui est ancré dans une époque,
02:40 qui a un contexte, qui a une histoire.
02:43 – Avec des vagues successives.
02:44 – Exactement, les historiens découpent le féminisme en 3 voire 4 vagues successives.
02:50 La première qui serait toute l'accession à des droits comme le droit de vote, etc.
02:56 égaux aux hommes.
02:57 Une deuxième vague qui serait celle de la libération sexuelle,
03:00 et une troisième vague à partir des années 80,
03:02 qui est plus la vague de l'intersectionnalité avec tous les combats qui donnent lieu aux woke,
03:07 par exemple, comme on le connaît aujourd'hui,
03:08 et à toutes les polémiques sur le genre qu'on connaît aujourd'hui.
03:11 Et ce féminisme-là, nous, évidemment que nous cherchons une belle place,
03:16 une place juste pour les femmes, comme pour les hommes d'ailleurs,
03:19 dans la société, c'est un peu l'objectif de nos écrits,
03:23 mais nous ne souscrivons pas à toute la vision du monde,
03:27 et toute la vision de l'homme et des rapports entre les sexes,
03:30 qui sont ceux du féminisme.
03:32 On nous dit à l'heure actuelle que le féminisme est très divers dans ses courants,
03:37 d'ailleurs elles ne sont pas d'accord sur la question de la GPA, sur la prostitution,
03:41 elles ne sont pas d'accord sur la répartition des tâches, etc.
03:44 Oui, mais il y a quand même, et c'est quelque chose que je soulignais déjà
03:48 dans mon précédent ouvrage, qui était une enquête sur les contenus féministes sur Internet,
03:53 et je soulignais déjà qu'il y a un vocabulaire commun,
03:55 il y a des références communes, il y a des figures symboliques communes.
03:58 Donc malgré tout, ce féminisme dans sa diversité
04:02 est assis sur un patrimoine intellectuel, culturel et symbolique commun
04:06 que nous ne partageons pas.
04:07 Et c'est là effectivement où nous ne définissons pas,
04:12 ni Seule ni Moi, ni le mouvement que nous avions fondé, Antigone,
04:14 comme féministes, et pour autant nous ne nous définissons pas comme antiféministes.
04:17 Nous cherchons nos propres réponses pour ces questions de sexuation
04:23 et de rapports entre les sexes dans la société,
04:25 mais à partir d'une base de pensée différente de celle des féministes,
04:29 qui est celle de la reconnaissance d'une différence et d'une complémentarité des sexes.
04:34 Qui n'est pas que biologique, qui se traduit aussi dans des symboles
04:38 et dans des institutions politiques.
04:40 Oui parce que j'allais vous faire la blague du chasseur,
04:41 mais est-ce qu'il y a un bon ou un mauvais féminisme ?
04:44 Alors on a tendance à penser également que le féminisme qu'on connaît aujourd'hui
04:49 serait un dévoiement de combats justes.
04:53 Je souligne que même aujourd'hui il y a des combats féministes
04:55 qui peuvent être tout à fait soit justes, soit légitimes,
04:58 parce que quand on parle par exemple de la souffrance des femmes violées
05:02 ou battues par leur conjoint, quand on parle de la difficulté
05:07 que les mères de famille ont à gérer un quotidien,
05:09 et bien on part de constats réels en fait.
05:12 Les féministes, c'est quelque chose que j'observe assez fréquemment,
05:15 c'est qu'elles partent du constat d'une souffrance qui est bien réelle.
05:19 Et le problème étant que comme elles sont dans une grille de lecture du monde
05:22 qui est erronée à mon sens,
05:25 elles apportent des solutions non seulement ironées,
05:28 mais de plus en plus idéologues.
05:31 Et c'est quelque chose qui traverse toute l'histoire du féminisme,
05:35 c'est-à-dire qu'on prend cette question épineuse du droit de vote.
05:40 Les féministes ne sont pas les seules à avoir milité pour le droit de vote des femmes,
05:43 et par ailleurs elles ont quand même mis 150 ans à l'obtenir.
05:46 Ce qui est intéressant quand on se penche sur l'histoire de ces débats,
05:49 c'est que ce combat pour le droit de vote,
05:52 il y a plusieurs courants qui ont milité,
05:55 et il y a eu une forme d'instrumentalisation politique de cette question,
06:00 de l'identité féminine et masculine.
06:03 Certaines par exemple ont décidé de minimiser les différences entre les sexes,
06:08 pour dire "nous appartenons à la même espèce humaine,
06:10 donc il semble logique, puisque nous sommes tous doués de raison,
06:14 que les femmes aient accès au droit de vote".
06:16 Et il y avait toute une frange plus différentialiste qui disait
06:20 "les hommes font un peu n'importe quoi,
06:21 les femmes sont douées d'un cœur énorme et vertueux,
06:24 donc donnons le droit de vote aux femmes et le monde s'en portera mieux,
06:26 il y aura moins de guerre demain".
06:28 Je pense que ces deux dialectiques sont erronés.
06:31 Ce qui se passe au moment où ces revendications émergent,
06:36 c'est qu'il y a un changement dans la nature de notre organisation politique,
06:41 d'une part c'est le moment de la Révolution française,
06:42 mais aussi dans la manière dont on pense la société et le politique.
06:47 C'est-à-dire qu'on passe, pour faire extrêmement bref et extrêmement synthétique,
06:51 on passe de l'idée d'une société qui est un corps, un corps social,
06:55 qui est un tout organique et vivant,
06:57 à une société qui serait le fruit d'un contrat,
07:00 c'est la fameuse théorie du contrat, de tous entre tous.
07:04 Et donc c'est quand même un rapport politique à la société extrêmement différent.
07:08 C'est pareil, on passe d'une certaine vision de l'homme,
07:10 hérité d'Aristote, l'homme est un animal social et politique,
07:14 à "l'homme est une machine pensante".
07:17 Et à partir de là, en fait, ce que je reproche moi au féminisme de cette époque
07:22 et à ces débats-là, on ne peut pas reprocher le passé au passé,
07:25 mais l'analyse qu'on en tire, c'est qu'en fait,
07:28 elles se sont mises, tous ces courants-là, dans toute leur diversité,
07:32 ont adopté ce modèle politique nouveau,
07:35 alors qu'il y avait des moyens de penser les choses différemment.
07:39 Ce n'était pas le seul scénario possible.
07:41 Maintenant les choses sont faites,
07:42 mais par exemple, le vote au Moyen-Âge, les femmes votaient,
07:45 le vote étant communautaire et familial,
07:47 c'est-à-dire que c'était la plupart du temps les hommes qui votaient,
07:51 mais en tant que représentants d'une unité familiale.
07:55 Et donc, quand Monsieur est absent,
07:58 Madame pouvait tout à fait, au nom de toute sa famille,
08:03 voter, signer un contrat, etc.
08:06 Donc il y a d'autres manières d'envisager le vote.
08:08 Et à partir du moment, effectivement,
08:10 où on considérait que chacun,
08:12 ou dans cette conception de la société où chacun était un individu isolé,
08:18 oui, les revendications féministes étaient légitimes.
08:21 C'est là où on en revient à un bon ou un mauvais féminisme,
08:23 je n'oublie pas votre question.
08:24 Les revendications féministes en la matière étaient légitimes.
08:27 Donc on a tendance à dire "c'est un bon féminisme",
08:30 alors que, même si ces revendications étaient légitimes,
08:33 eh bien, les bases de pensée sur lesquelles elles se fondaient
08:38 avaient déjà quelque chose de problématique qui va se continuer plus tard.
08:42 On comprend cette forme d'oppression de la femme,
08:46 ressentie, une oppression ressentie.
08:50 Est-ce que finalement elles ont toujours été des victimes éternelles, ces femmes,
08:55 ou selon vous sont-elles des produits de l'époque qui est très victimaire aujourd'hui ?
09:01 Ah oui, nous vivons dans une époque très victimaire,
09:03 mais c'est effectivement une forme de dialectique, de discours
09:07 qui est omniprésent aujourd'hui et qui n'est pas propre aux femmes.
09:09 C'est-à-dire que les femmes sont victimes du terrible patriarcat blanc hétéro-oppresseur,
09:14 mais soyons clairs, les LGBT, les Noirs,
09:17 mais même les petits garçons blancs hétéros en sont victimes
09:21 parce qu'on voudrait en faire des perpétuateurs du patriarcat.
09:24 C'est une logique globale dans la société,
09:26 cette logique de victimisation qui est horriblement délétère en fait,
09:30 parce qu'elle empêche vraiment de se remettre en question
09:34 et elle empêche surtout d'avoir une analyse un petit peu dépassionnée
09:39 des problèmes pour y chercher des solutions.
09:41 C'est une dynamique qui cherche des coupables, qui cherche un bouc émissaire,
09:45 et c'est pas comme ça qu'on trouve des solutions à des problèmes réels.
09:48 Parce que, soyons clairs, des problèmes réels,
09:51 les hommes et les femmes en ont tous les jours
09:53 et qui sont dus parfois, qui sont inhérents à leur sexe,
09:56 c'est-à-dire que oui, les hommes et les femmes, de par leur biologie,
10:01 de par leur différence, rencontrent des problèmes différents.
10:07 C'est-à-dire qu'effectivement un homme ne sera jamais enceinte par exemple,
10:11 et par ailleurs, le contexte culturel, civilisationnel dans lesquels on vit
10:16 pose nécessairement des nouveaux problèmes
10:18 dans la mesure où il y a une attente vis-à-vis de chaque sexe.
10:21 Et je fais une petite parenthèse ici, nous ne sortirons jamais de ça.
10:27 C'est-à-dire que l'homme, la nature et la culture ne sont pas deux choses séparées.
10:32 Quand on cherche à mettre à bas toutes ces injonctions sur le genre,
10:37 toutes ces stéréotypes, etc., nous ne faisons que les remplacer par d'autres.
10:43 De toute façon, tout fait naturel à un prolongement culturel.
10:48 Je vois quand par exemple, dans les crèches, on explique qu'il faudrait,
10:51 enfin ça c'est les expériences qui ont été faites dans les pays du Nord,
10:54 on détermine qu'il faut que les petits garçons jouent à la poupée
10:58 parce qu'on force trop les filles à jouer à la poupée,
10:59 et on fait jouer les petites filles au camion.
11:02 Mais en fait c'est l'exemplotype,
11:04 on projette nécessairement quelque chose sur les joueurs.
11:07 Et d'ailleurs c'est un regard d'adulte.
11:10 On ne peut pas avoir de jouets totalement neutres
11:12 à partir du moment où c'est une poupée ou un train.
11:15 C'est-à-dire que dans ce cas, on leur donne des blocs de cubes,
11:17 et tout le monde joue pareil, c'est très bien.
11:18 Et d'ailleurs, on constatera qu'en général, ils n'ont pas tout à fait les mêmes jeux.
11:22 Ceci étant dit, cet exemple de la poupée,
11:24 c'est-à-dire qu'on ne peut pas donner de manière neutre une poupée à un garçon ou une fille,
11:28 il est évident qu'on les projette dans un rôle.
11:30 Et c'est pas grave, c'est pas grave.
11:32 Ça fait partie du fait d'être un être humain,
11:34 que d'avoir justement une projection dans des objets, dans des jouets,
11:38 d'être entouré de symboles et d'attentes sociales.
11:42 Donc effectivement, je pense qu'il y a un mythe sur cette question,
11:47 une atmosphère très victimaire, qu'on projette sur le passé
11:50 en considérant que toutes les femmes sont d'éternelles victimes,
11:54 et on se sert pour se faire de moments où effectivement leur situation n'était pas idéale.
12:01 D'une part, où il y a effectivement, et c'est encore le cas à plein d'endroits sur la planète,
12:06 où la situation des femmes est loin d'être enviable,
12:09 c'est le cas dans le système juridique,
12:11 le code civil n'a pas été tendre pour les femmes par exemple,
12:15 et on projette par ailleurs sur des réalités qui sont loin d'être sexistes,
12:20 qui sont simplement la réalité de société,
12:22 qui avait une répartition beaucoup plus stricte que nous
12:25 des rôles sociaux en fonction du sexe.
12:28 Quand on va taxer de sexistes une société de chasseurs-cueilleurs,
12:33 ou tout simplement, plus proche de nous, une société médiévale
12:38 où les femmes avaient tel rôle et les hommes avaient tel rôle,
12:40 c'est une projection, c'est-à-dire que les hommes aussi étaient enfermés dans des rôles,
12:44 les hommes aussi avaient des contraintes.
12:46 - Moi je prépare à aller ramasser les fruits, moi je chasse le mammouth.
12:50 - En fait, c'est voir l'histoire par le petit bout de la lornette,
12:53 c'est-à-dire que les femmes comme les hommes vivaient avec un certain nombre d'injonctions,
12:57 avec un certain nombre d'interdits,
12:59 c'est simplement les structures sociales dans lesquelles ils évoluaient.
13:03 Et on se leurre quand on pense qu'on n'a pas d'injonction normative aujourd'hui, c'est faux.
13:10 - Alors si on revient dans le foyer Entruby,
13:13 on en était proche puisqu'on était dans la caverne,
13:15 vous dites que le féminisme c'est la mort du père,
13:18 comment dès lors est-ce qu'on peut imaginer un équilibre entre les parents,
13:23 qui restent des parents, même pour élever ses enfants ?
13:26 - C'est une des grandes difficultés du féminisme,
13:29 et qui est une difficulté qui me semble être, encore une fois, une difficulté historique,
13:33 et pas seulement contemporaine, c'est effectivement d'ériger un sexe contre l'autre.
13:38 On a commencé dans la sphère publique,
13:42 je vous parlais tout à l'heure de ces dialectiques qui disaient
13:45 "le monde sera plus beau demain si les femmes votent et ont le pouvoir",
13:49 petit à petit le féministe a conquis de nouveaux champs d'action.
13:53 Avec Simone de Beauvoir, le féminisme rentre aussi dans l'intimité,
13:57 dans toutes ces questions de rapport entre les sexes,
13:59 et de rapport au corps d'ailleurs.
14:02 Et je pense qu'on en arrive vraiment au point,
14:05 et sur beaucoup de sujets que traite le féministe d'ailleurs,
14:07 à l'extrême limite de la logique,
14:11 c'est-à-dire qu'aujourd'hui, le couple n'est plus conçu comme une unité,
14:16 mais comme deux individus qui s'associent sur du plus ou moins court ou long terme,
14:22 pour leur propre épanouissement, pour leur propre bonheur.
14:25 Et en fait, c'est une dynamique qui m'inquiète personnellement,
14:29 c'est-à-dire qu'on anticipe la fin,
14:32 avant même d'avoir commencé une histoire de couple,
14:35 d'avoir fondé une famille.
14:36 On fait des comptes séparés en se demandant
14:41 qu'est-ce qui va se passer quand on va divorcer.
14:43 - Justement, il y a une attaque très forte dans votre livre contre le mariage,
14:46 c'est plus une garantie satisfaisante selon vous ?
14:49 - Alors, c'est-à-dire que le mariage,
14:51 c'est la prolongation politique d'une réalité naturelle.
14:57 La rencontre d'un homme et d'une femme est potentiellement féconde,
14:59 il va potentiellement y avoir des enfants.
15:01 Le propre des petits-dommes, c'est qu'en fait, ils ne sont pas tout à fait autonomes
15:03 et qu'ils ont besoin non seulement de soins,
15:06 d'être nourris et d'être soignés,
15:08 mais aussi d'être instruits et éduqués.
15:11 Donc, la société, pour perdurer, a besoin non seulement de la génération,
15:16 mais aussi d'un cadre pour l'éducation des enfants.
15:18 Et c'est pour ça qu'il y a le mariage,
15:20 parce que c'est une garantie pour la société.
15:23 Le politique ne peut pas se satisfaire des promesses faites dans le blanc des yeux
15:27 en regardant la tour Eiffel de deux amoureux.
15:29 Il faut nécessairement un cadre.
15:31 Donc, ce cadre, c'est le mariage qui, dans la tradition européenne,
15:35 est globalement monogame et indissoluble.
15:39 Bon, pour faire court encore une fois.
15:41 Sauf que les attaques qu'il y a aujourd'hui contre le mariage,
15:46 datent d'il y a un petit peu de temps,
15:48 c'est-à-dire qu'on a commencé à vider le mariage de sa substance,
15:51 il y a longtemps déjà.
15:53 À partir du moment où on a considéré qu'effectivement,
15:56 ce n'était plus qu'un contrat entre deux individus
16:00 pour leur épanouissement personnel,
16:03 et pas le cadre pour l'éducation des enfants.
16:06 À partir du moment où on a mis l'amour au centre,
16:10 c'est pas que je souhaite des mariages sans amour,
16:12 mais au contraire,
16:13 à partir du moment où c'est devenu le ciment du couple,
16:16 eh bien, on a un problème.
16:18 Parce qu'à partir du moment où il n'y a plus de l'amour,
16:20 il n'y a plus de couple.
16:22 Alors qu'à partir du moment où on prend cette responsabilité
16:25 et cet engagement normalement dans le mariage,
16:27 on assume un certain nombre de devoirs mutuels et réciproques
16:33 dans le couple, l'un vis-à-vis de l'autre.
16:34 C'est un serment, c'est un engagement devant la communauté.
16:36 C'est là où il faut distinguer effectivement le mariage en tant qu'institution,
16:39 du fait que les gens se mettent en couple.
16:41 Ce sont des choses différentes.
16:42 Et le fait par exemple que le politique privilégie le mariage,
16:46 donne des droits spécifiques aux personnes mariées,
16:48 ne constitue pas une discrimination.
16:50 Ça n'est pas juger le couple qui ne se marie pas
16:53 comme étant moins valide ou comme s'aimant moins.
16:57 Il y a des couples mariés qui s'aiment moins que certains couples non mariés,
16:59 ce n'est pas la question.
17:00 C'est simplement que c'est une garantie politique nécessaire.
17:04 C'est un simple raisonnement politique,
17:06 ce n'est pas un jugement sur l'amour.
17:07 On a eu beaucoup de confusion à l'heure actuelle.
17:09 Et effectivement, le mariage à l'heure actuelle a été vidé de toute sa substance.
17:13 Et du coup, ne constitue plus une garantie pour les conjoints,
17:20 ne constitue plus une garantie de stabilité pour les enfants,
17:22 ni une garantie pour la société.
17:23 – D'ailleurs, à ce titre, il y a une charge aussi dans votre ouvrage
17:28 contre l'État et contre l'instruction,
17:31 qui joue un rôle, dites-vous, dans l'éclatement des familles.
17:34 Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ?
17:36 – À partir du moment…
17:39 On a une citation de Badinter assez parlante dans l'ouvrage,
17:44 il me semble, dans la première partie de l'ouvrage,
17:45 qui est dédiée justement à toutes les attaques du féminisme
17:50 contre cette figure du père de famille.
17:53 Et en fait, le premier mouvement,
17:55 c'est effectivement de s'attaquer au père de famille.
17:58 En se disant, en s'attaquant à la sacro-sainte autorité du père de famille,
18:03 certaines féministes qui ont mené ces batailles,
18:06 ou alors qui les ont au minimum applaudies,
18:09 se sont dit "bah super, les femmes vont prendre la place".
18:12 Sauf que non, ce qui ne se passe pas c'est que l'État a pris la place.
18:15 Parce qu'à partir du moment où on a voulu couper la tête au père,
18:19 ce que ça crée, c'est que ça coupe l'unité politique
18:22 qui est censée représenter le couple,
18:24 quels que soient les arrangements particuliers des uns et des autres.
18:26 C'est pareil en matière de contrats de mariage, etc.
18:28 Il y a des arrangements, mais les institutions telles qu'elles sont faites,
18:32 sont faites pour reconnaître, normalement à l'origine,
18:34 l'unité économique et politique que sont censées constituer un couple marié.
18:40 Bref, quand on coupe la tête du père,
18:42 ce n'est pas la mère qui prend sa place,
18:44 c'est, et on l'écrit, c'est le juge,
18:46 c'est le fonctionnaire de la CAF,
18:51 c'est le médecin, c'est l'instituteur,
18:55 c'est la dame de la PMI, etc.
18:57 Et loin d'avoir redonné une belle place à la mère,
19:01 au contraire, on a un féodé en tuant le père,
19:04 la mère et le père, un consortium d'experts,
19:07 et c'est pour ça qu'on dit "à l'État",
19:09 parce que ce sont ces experts-là, en tant que représentants de l'État.
19:12 Parce que, par exemple, on prend la figure de l'instituteur ou du médecin,
19:15 il y a des bons instituteurs, il y a des bons médecins,
19:18 mais la manière dont on a organisé la société à l'heure actuelle,
19:23 avec, je pense, des choses comme l'éducation nationale,
19:26 où, pour les médecins, on l'a vu avec le Covid,
19:30 il y a une pression faite aux médecins
19:32 d'obéir à un certain nombre d'injonctions étatiques,
19:35 au conseil de l'ordre, etc.
19:36 Donc, toutes ces figures-là, en tant que figure
19:40 et pas en tant que personne par-ci par-là,
19:42 viennent remplacer les parents, tout simplement.
19:47 Et dans une certaine mesure, l'État vient remplacer les parents
19:50 dans leur rôle d'éducateur, dans leur rôle auprès des enfants.
19:55 – Il y a quelque chose qui est assez peu abordé dans le féminisme aujourd'hui,
19:58 voire occulté par certains ingroupements,
20:01 c'est le rôle de la maternité, ou alors, du moins,
20:04 il est envisagé seulement sous l'angle de la contrainte,
20:06 avec l'acharge mentale, le regret maternel, etc.
20:10 Enfin, toutes ces thématiques qui sont très à la mode.
20:12 Pourquoi est-ce qu'on n'en parle pas, finalement ?
20:14 Est-ce que c'est un tabou, la maternité, aujourd'hui ?
20:17 – Je pense que pour le féminisme, c'est un énorme tabou.
20:20 C'est un petit peu l'éléphant au milieu du salon,
20:22 quand on parle, par exemple, de questions d'inégalité salariale,
20:26 qui en fait est un épiphénomène pour parler de la question des femmes,
20:30 du rapport des femmes avec leur vie professionnelle.
20:34 La difficulté principale, c'est comment concilier ce travail,
20:39 des vocations, un travail alimentaire,
20:43 des façons de travailler, des façons de travailler moins, avec la maternité.
20:46 Et ça, c'est très peu dit aussi,
20:47 mais le féminisme a développé un problème avec la maternité,
20:52 depuis notamment Simone de Beauvoir qui dit bien
20:54 "la maternité est un asservissement à l'espèce".
20:57 C'est-à-dire qu'elle pose là vraiment les termes,
21:00 c'est-à-dire que la maternité est pour elle une réalité biologique
21:03 dont il serait souhaitable que nous soyons débarrassés.
21:06 Ça, c'est plutôt le deuxième chapitre de l'ouvrage,
21:08 où on parle effectivement de tous ces moyens techniques
21:11 qui ont été mis en place.
21:12 – GPA, PMA, congélation des ovocytes,
21:14 – Et promesses de l'heure, utérus artificiel, etc.
21:19 C'est pas une fatalité de régler, c'est une vraie question,
21:23 c'est-à-dire que la maternité, c'est un moment différent dans la vie d'une femme.
21:28 Et oui, à partir du moment où on a un nourrisson dans les bras
21:32 qui dépend de nous, on a une nécessité d'être présente,
21:38 d'avoir une proximité physique, géographique, pour ce petit nourrisson,
21:41 quand on a charge de famille, c'est quelque chose d'important.
21:44 On ne peut pas juste mettre ça du côté de la vie privée,
21:46 et puis ensuite il y aurait la vie publique,
21:48 et pour faire le lien entre les deux, il y aurait la biblicité ou la crèche.
21:52 Ce n'est pas possible, en fait, c'est pas comme ça que l'être humain fonctionne,
21:55 c'est pas comme ça que les mères fonctionnent.
21:56 Et c'est un problème de tout temps et de toute humanité,
21:59 c'est-à-dire comment on règle cette question de la gestion des enfants.
22:02 Et pendant très longtemps, ça a quand même été une gestion commune,
22:04 c'est-à-dire qu'il y avait une vie villageoise,
22:06 une proximité géographique des familles qui permettait des arrangements officieux.
22:12 L'évolution des choses, et notamment la révolution industrielle,
22:15 a beaucoup changé ça.
22:16 Et un des gros problèmes de cette question de la maternité,
22:20 c'est le rapport entre les femmes, la maternité et le travail, soyons très clairs.
22:24 Un des grands changements que vient amener la révolution industrielle,
22:31 c'est pas que les femmes travaillent, les femmes ont toujours travaillé.
22:33 Le problème, c'est que la nature du travail change.
22:36 L'éloignement du domicile, le type de métier qu'on a, etc.
22:40 Et du coup, il faut réorganiser les choses,
22:43 et la voie qu'on a prise, adossée vraiment sur cette vision du monde,
22:47 ce que partagent les féministes, c'est la résolution par la technique.
22:52 Et ça a apparu comme une libération au début,
22:56 avec des techniques comme la contraception,
22:58 avec des techniques comme le biberon,
23:00 qui au départ est une technique plutôt sympa et vertueuse,
23:03 on a une difficulté d'allaitement,
23:05 génial, on peut nourrir le bébé quand même,
23:06 on a un biberon, c'est pratique, plusieurs personnes peuvent le donner.
23:09 La difficulté, c'est qu'à partir du moment où on a des techniques
23:13 et qu'on souhaite les imposer à tous comme un modèle,
23:16 ça donne des facilités.
23:18 Cet exemple du biberon est peut-être extrême,
23:20 parce qu'il est très polémique, j'aime beaucoup les exemples polémiques.
23:24 Est-ce qu'en fait, la règle à l'origine,
23:27 c'est que la nature prévoit qu'on allaite son bébé.
23:30 Et donc, pour X raisons, on est tout à fait légitime à faire un autre choix.
23:34 C'est-à-dire que d'abord, il y a effectivement toutes les difficultés qu'on peut avoir,
23:37 et après, il peut y avoir un milliard de raisons personnelles
23:40 qu'on n'a pas à justifier devant la société.
23:42 La difficulté, c'est que le système dans lequel on vit,
23:44 qui est le système qui valorise la productivité,
23:46 la présence au travail, etc.
23:48 va nous dire "Puisque vous avez les moyens techniques,
23:51 via le biberon par exemple,
23:53 mais aussi puisque vous avez les moyens techniques
23:55 via des systèmes comme la garde d'enfants, etc.
23:59 Madame, si vous restez chez vous, c'est bien que c'est un choix."
24:02 Et du coup, ça nie la souffrance et ça nie l'ambivalence
24:05 dans laquelle sont beaucoup de femmes,
24:07 de se dire "En fait, le tête-à-tête avec mon bébé ne me convient pas,
24:10 et en même temps, j'ai envie de rester avec lui,
24:13 et en même temps, j'ai pas envie de le déléguer 12 heures par jour à une crèche."
24:17 Et ça nie à la fois l'ambivalence et ça renvoie à un mythe du choix.
24:23 C'est-à-dire que tout ce que font les femmes,
24:24 ce serait censé être un choix.
24:26 On a des enfants, donc c'est avec la contraception et l'avortement,
24:31 c'est un choix, donc si on se dit que c'est un peu compliqué,
24:34 un peu difficile quand même,
24:36 "Ma bonne dame, vous les avez choisis, vos 1, 2, 5, 10 enfants."
24:40 Si on souffre beaucoup de ne pas réussir à bien répartir
24:45 sa vie professionnelle et sa vie personnelle,
24:47 "Ah bah madame, il fallait rester au foyer."
24:48 Si on est un petit peu mal de se tête-à-tête avec l'enfant,
24:52 vous pouviez aller travailler.
24:54 Et c'est nier une souffrance réelle,
24:56 et c'est surtout s'empêcher d'y apporter des solutions,
24:59 parce que le but c'est quand même que tout le monde puisse être épanoui
25:02 là où il est, dans sa maternité, dans son travail, dans sa vocation propre.
25:05 Et c'est ça, nous, vraiment, qu'on voulait mettre à jour dans ce livre,
25:08 c'est de dire "En fait, il y a d'autres voies."
25:10 À partir du moment où on met le doigt sur les vrais problèmes,
25:12 donnons-nous les moyens de penser les choses différemment
25:15 et de trouver des solutions qui fonctionnent.
25:18 Et effectivement, le premier pas c'est de reconnaître
25:21 que tout ça ne sont pas des choix, il y a des réalités naturelles,
25:24 qui est que un rapport sexuel peut donner une grossesse,
25:28 peut donner un enfant, qu'on le veuille ou non, parfois,
25:31 qu'un enfant dépend de ses parents et en premier chef
25:34 dans les premiers mois de vie de sa mère,
25:37 mais que par ailleurs, la maternité n'est pas un destin pour les femmes
25:42 et qu'elles peuvent avoir besoin d'autres choses pour leur épanouissement
25:46 et la société dans laquelle on vit, notre organisation sociale, nie ça.
25:52 Et donc on n'a déjà pas le droit de dire
25:55 et ensuite ne trouve pas de solution qui permette d'organiser les choses.
25:59 Donc on finit avec un isolement énorme des mères, qui est un vrai problème,
26:03 et on finit aussi avec un palanqué de solutions techniques
26:08 ou de solutions commercialisables
26:10 qui ne répondent pas aux besoins humains derrière ces problèmes.
26:14 On peut tout avoir, mais peut-être pas en même temps,
26:16 c'est peut-être ce qu'il faut retenir de cet entretien.
26:20 Alors, peut-être pas tout en même temps,
26:21 peut-être de manière organisée différemment,
26:25 peut-être avec une organisation sociale,
26:27 peut-être en pensant les choses différemment.
26:29 Il y a des choses qui restent à écrire
26:31 et j'espère que justement ce livre sera stimulé à la créativité
26:36 de ceux qui liront pour aller en sens.
26:38 Vous étiez déjà venue pour présenter votre premier ouvrage,
26:41 on vous attend bien évidemment pour le suivant.
26:43 Merci beaucoup Anne Trouby.
26:44 Je rappelle, votre ouvrage "Femmes, réveillez-vous"
26:47 pour en finir avec les mensonges du féminisme,
26:50 c'est aux éditions de la Nouvelle Librairie.
26:52 Il est disponible sur la boutique officielle de TVL.
26:55 Si vous avez aimé cet entretien, je continue ma page pub.
26:58 N'oubliez pas de cliquer sur le pouce en l'air, de laisser un commentaire
27:02 et puis de partager également cet entretien
27:04 à tous ceux qui le pourraient intéresser.
27:06 Quant à moi, je vous dis à très vite sur TVL.
27:09 [Générique]

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