• il y a 2 ans
Emmanuel Todd, anthropologue et essayiste, publie « Où en sont-elles ? » aux édition du Seuil, ouvrage dans lequel notre invité se penche sur la troisième vague de féminisme, portant davantage sur l’identité et le genre. « Ce féminisme me pose une question d’ordre intellectuel, explique Emmanuel Todd. J’avais l’impression qu’il venait du monde américain et ça me paraissait incompatible avec les traditions françaises. Mais la réponse que je trouve, c’est que l’antagonisme du féminisme américain vient d’un fond protestant, il est construit en réaction à un fond protestant assez hostile aux femmes. Ce qui se passe en France actuellement vient plutôt de l’émancipation économique, éducative, des femmes qui accèdent à tous les problèmes des hommes avec un bon fond de lutte de classes ‘petites bourgeoises’. Ce qui suggère que tout cela est temporaire chez nous. »

L’essayiste évoque aussi un « féminisme de conflit, de séparation ». Faut-il donc voir dans cette nouvelle vague féministe davantage un combat contre les hommes que pour les femmes ? « Les deux premières vagues venaient des femmes des classes moyennes supérieures mais étaient bénéfiques à toutes les femmes. Le droit de vote pour toutes les femmes, l’avortement… tout cela bénéficiait autant aux femmes des milieux populaires que des classes moyennes. Alors que le féminisme antagoniste actuel est vraiment quelque chose qui a à voir entre les classes moyennes et ce que j’appelle une ‘pellicule patri centrée supérieure’, toujours dominée par des hommes. Pour ce qui est des femmes des milieux populaires, qui sont dans des problèmes économiques beaucoup plus graves, l’instabilité du couple, l’antagonisme homme-femme est destructeur. Le féminisme ‘petit bourgeois’ actuel est nocif pour les femmes des milieux populaires et ne peut en aucune manière représenter les femmes de manière générale. »

Emmanuel Todd s’est penché sur la relation entre les sexes depuis les débuts de l’humanité, l’amenant à conclure qu’il a toujours existé une sorte de division du travail au sein des couples… mais que le patriarcat dénoncé aujourd’hui par certaines féministes n’a jamais existé. « Le patriarcat est apparu au cœur de l’Eurasie, répond notre invité, autour de la Mésopotamie, de la Chine antique, mais n’a jamais vraiment existé chez nous. Nous appartenons à un monde familièrement archaïque où l’égalitarisme sexuel des chasseurs-cueilleurs a survécu, sous des formes plus sophistiquées. Cela ne veut pas dire une absence de prédominance masculine mais, le féminisme de l’extrême occident, s’est développé sur un terrain où l’on pouvait parler de ‘patridominance’ mais en aucun cas de patriarcat. »

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