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Transcription
00:00 On accueille Mathilde Vu. Bonjour à vous. Vous êtes responsable pédoyer Soudan au
00:08 Norwegian Refugee Council. Merci d'avoir accepté l'invitation de France 24. Mathilde
00:13 Vu, plusieurs trêves successives ont été négociées, entrées en vigueur au Soudan.
00:18 Elles n'ont jamais été respectées. Quel espoir vous vous fondez sur cette énième
00:24 cessez-le-feu ? Je pense que vous l'avez bien résumé malheureusement. Je crois que
00:32 c'est le 9e déclaration de cessez-le-feu depuis le début du conflit et ils ont toujours
00:38 été systématiquement violés. J'étais en train de parler juste ce matin avec une
00:46 collègue qui a réussi à s'enfuir d'Algerina qui est la ville proche de la frontière tchadienne
00:53 et qui m'expliquait que même hier quand elle est partie il y avait toujours des tirs
00:58 dans la ville, qu'il y avait toujours des civils visés, il y avait toujours des raids
01:03 dans les maisons. C'est un énorme écart entre ce qui est signé à Jeddah et ce qui
01:11 se passe vraiment sur le terrain, c'est-à-dire des violences continues contre les civils.
01:17 Et contre aussi le personnel humanitaire. Vous citiez à l'instant l'exemple de votre
01:21 collègue qui a dû fuir cette ville d'Algerina ?
01:25 Oui, on a eu malheureusement énormément de collègues, et pas seulement de mon organisation,
01:33 mais d'autres ONG, d'agences onusiennes qui ont été blessées, mais aussi des personnes
01:40 qui ont simplement été tuées. Certaines en plus dans l'exercice de leurs fonctions,
01:45 donc c'est encore plus difficile. Et ce qu'on voit aussi c'est qu'il y a eu énormément
01:49 de pillages de bureaux d'ONG, il y a eu énormément d'approvisionnements humanitaires qui ont
01:57 été détruits, qui ont été volés. Tout ça c'est de l'aide qui était indispensable
02:02 pour les gens et qui maintenant n'existe plus. Et c'est pour ça que c'est extrêmement
02:07 difficile pour nous de continuer à travailler et d'acheminer à de l'aide humanitaire
02:12 qui est pourtant essentielle.
02:13 Vitale et cruciale. On va revenir sur l'urgence de cette aide humanitaire. Je voudrais simplement
02:19 rebondir sur ce que vous dites parce que c'est aujourd'hui primordial. Est-ce que des membres
02:23 de votre ONG ont demandé à être exfiltrés du pays ?
02:26 Très peu. En fait, on a dû sortir certains de nos staffs internationaux. On a toujours
02:38 une dizaine de staffs internationaux dans le pays qui travaillent plutôt au Nil blanc
02:43 et à Guédaref, c'est-à-dire à la frontière sud-soudanaise et à la frontière éthiopienne.
02:48 On a eu aussi beaucoup de collègues qui vivaient à Khartoum et qui ont fui d'eux-mêmes vers
02:55 l'Egypte. Beaucoup d'ailleurs restent bloqués à la frontière égyptienne. Mais on a aussi
03:01 énormément de gens, vous savez, qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas partir. Encore une
03:06 fois, ce matin, elle m'expliquait à mes collègues que, par exemple, elle a dû laisser
03:11 derrière sa maman qui n'est plus âgée. Il y a beaucoup de personnes âgées qui ne
03:15 veulent pas partir. Il y a beaucoup de personnes qui n'ont juste pas envie de quitter la maison
03:19 qu'ils ont construite depuis des dizaines d'années. Vers quoi ? Vers un camp de réfugiés,
03:26 vers laisser la maison se faire piller. C'est un dilemme.
03:31 Mathilde Vion, on vous évoquait à l'instant ce besoin vital, crucial d'aide humanitaire.
03:38 La trêve, le prolongement de cette trêve doit normalement, en principe, si elle est
03:42 respectée, permettre l'acheminement de cette aide. Selon les Nations unies, le pays est
03:46 au bord de la famine. Quel est le constat que vous dressez, que vos équipes dressent
03:51 aujourd'hui quant aux besoins de ces populations civiles ?
03:53 C'est une catastrophe. C'était déjà terrible il y a deux mois avant que ça commence.
04:01 Maintenant, on est sur des chiffres insensés. On a 18 millions de personnes en besoin humanitaire.
04:09 On a plus de 1,4 million de personnes qui sont déplacées. Plus de 300 000 qui ont
04:16 été forcées de quitter le pays. On est vraiment sur des besoins qu'on n'a jamais
04:23 vus avant parce qu'il y a la destruction de tout. Les systèmes de santé ne fonctionnent
04:28 pas. Il y a eu des écoles qui ont été bombardées. Nous, on travaille beaucoup avec les déplacés,
04:33 ceux qui ont fui Khartoum et qui s'approchent vers la frontière sud-soudanaise. Les histoires
04:40 qu'ils nous racontent, c'est horrible. On parlait avec des enfants, parce qu'on
04:44 travaille dans les écoles, qui nous expliquaient que pendant plusieurs jours, ils étaient
04:48 obligés de se cacher sous leur lit parce qu'ils étaient constamment bombardés. Un
04:53 jour, une balle est rentrée dans leur chambre et a failli toucher le lit sous lequel ils
04:58 se cachaient. Il y a aussi tous ces traumas cachés qui vont s'accumuler en plus du
05:07 besoin en eau, en nourriture, en santé, en école.
05:13 Est-ce que des denrées alimentaires, des médicaments sont prêts à être distribués
05:18 mais ce n'est pas possible à cause des combats ou même cette aide humanitaire n'est
05:21 pas entrée dans le pays, simplement pour être sûre de bien comprendre la situation ?
05:24 C'est une bonne question. L'obstacle principal pour que l'aide humanitaire arrive,
05:33 c'est bien sûr la sécurité. Le fait qu'on n'a pas vraiment de garantie que les
05:37 parties du conflit vont respecter l'aide humanitaire, vont respecter nos collègues
05:43 et vont pas nous piller par exemple. Même s'il y a eu des promesses qui ont été
05:47 faites, tout le monde sait que les promesses ne sont pas toujours tenues. Mais en plus
05:52 de ça, c'est vrai qu'il y a énormément de problèmes dans le pays pour acheminer
05:55 l'aide. Par exemple, on lutte pour avoir des visas pour rentrer dans le pays. C'est
06:00 compliqué d'avoir aussi l'aide humanitaire arrivé dans le pays parce qu'il y a énormément
06:03 de règles et de bureaucraties qui empêchent ou du moins qui ralentissent l'acheminement
06:12 de l'aide humanitaire. Et puis même au sein du pays, il y a des
06:18 obstacles logistiques assez simples. Par exemple, depuis le 15 avril, aucune banque n'est
06:26 ouverte ou alors n'est vraiment ouverte. Ça veut dire qu'il y a très peu de cash
06:29 dans tout le pays. Ça veut dire que pour une organisation comme la mienne, on a dû
06:33 faire des choix vraiment difficiles entre est-ce qu'on paye nos employés ou est-ce
06:37 qu'on garde un peu d'argent par exemple pour acheter sur les marchés de la nourriture
06:42 pour distribuer. C'est toujours des dilemmes comme ça qu'il a fallu faire et sur lesquels
06:48 toutes les organisations sont confrontées pour le moment.
06:51 Et vous allez être confrontée à un immense défi. Dans quelques jours, la saison des
06:55 pluies va commencer avec son lot de maladies. Je pense à des épidémies de paludisme ou
07:00 de choléra alors que les hôpitaux dans leur immense majorité ne sont plus fonctionnels.
07:04 C'est une situation qui vous inquiète, je l'imagine.
07:06 Complètement. Vous voyez, là, l'année dernière ou à cette époque de l'année,
07:11 on serait tous en train de ce qu'on appelle prépositionner des stocks humanitaires dans
07:17 les endroits qui sont pronts à des inondations. Par exemple, au Nil blanc, là où on travaille,
07:23 on serait dans les camps de réfugiés sud-soudanais à distribuer des abris, des renforcements
07:28 d'abris, à s'assurer que par exemple les latrines sont vidées, etc. Là, on est tellement
07:33 limité dans ce qu'on peut faire qu'on n'arrive pas à préparer vraiment les gens
07:40 pour cette saison des pluies. Là, je vous parle dans les endroits où on a accès, mais
07:45 dans des endroits comme le Darfour où personne ne peut travailler pour le moment, les mois
07:52 qui vont venir vont être catastrophiques. Ça va être des pluies diluviennes, probablement
07:56 des inondations, des gens qui vont vraiment ne rien avoir comme abri nulle part où se
08:03 vivent. On saisit toute l'inquiétude qui est la
08:06 vôtre. Merci beaucoup pour votre témoignage Mathilde Vu. Je rappelle que vous êtes responsable
08:11 et doyée Soudan au Norwegian Refugee Council. Merci d'avoir pris le temps de répondre
08:15 à nos questions. On va marquer une très courte pause. On se retrouve dans quelques
08:18 instants pour la suite de Paris Direct. A tout de suite.
08:21 [Musique]

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