• l’année dernière
Des violences ont éclaté le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide. Un bilan encore très provisoire s'élève à plus de 420 morts et 3.700 blessés en seulement une semaine... La France a entamé une "opération d'évacuation rapide" de ses ressortissants et de son personnel diplomatique, emboitant le pas aux Etats-Unis et à l'Arabie saoudite.

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Transcription
00:00 Merci de nous avoir rejoint Nargis Haji.
00:01 Vous allez-vous nous parler de cette enquête de CNN
00:03 qui met en lumière le rôle de Wagner dans ce pays ?
00:06 Wagner qui aurait notamment livré, nous dit CNN,
00:08 des missiles au principal groupe paramilitaire
00:11 à l'origine des combats qui déchirent le pays.
00:13 Oui, de plus en plus de preuves confirment
00:16 l'implication de Wagner au Soudan,
00:18 selon nos confrères du CNN qui citent plusieurs sources,
00:21 des sources diplomatiques soudanaises mais aussi régionales.
00:24 Wagner a fourni des missiles aux forces de soutien rapide
00:28 RSF du général Mohamed Hamdan Dagalo.
00:31 En plus de ces informations, le média s'appuie sur des images
00:34 satellites à la frontière libyenne.
00:36 Voici le trajet d'un avion qui a retenu leur attention,
00:39 le Ilychine 76, un avion de transport militaire.
00:43 Il décolle d'abord le jeudi 13 avril de Kadhim en Libye,
00:47 direction Latakia en Syrie.
00:50 Latakia, où la Russie possède une importante base aérienne.
00:54 Le lendemain, le 14 avril, le voyage se fait dans le sens inverse,
00:58 de la Syrie vers la Libye.
01:00 Et le 15 avril, le jour d'après, il a de nouveau volé
01:03 vers une autre base aérienne, mais cette fois toujours en Libye, à Joufra.
01:07 Il s'est garé ensuite dans une zone isolée,
01:09 ce qui semble très inhabituel selon les spécialistes
01:12 interrogés par nos confrères de CNN.
01:14 Et c'est le jour où le conflit a éclaté.
01:16 Deux jours plus tard, toujours selon le média,
01:19 l'avion est aperçu dans les airs.
01:21 Cette fois, l'avion de transport militaire se dirige vers le Soudan
01:25 avec cette photo à l'appui.
01:27 Et deux jours plus tard, ce qui semblerait donc être toujours le même avion,
01:30 eh bien il est détecté à nouveau, mais cette fois en Syrie.
01:33 Et l'autre rajeune ne s'arrête pas là.
01:34 L'avion retourne sur la base aérienne libyenne.
01:37 Il se trouve que c'est ce jour, toujours selon les sources de CNN,
01:40 que les armes ont ensuite été parachutées.
01:42 Alors les deux bases aériennes libyennes n'appartiennent pas à n'importe qui.
01:46 Elles appartiennent au commandant Khalifa Haftar,
01:49 commandant en chef de l'armée nationale libyenne.
01:52 Il est soutenu par Wagner et est candidat
01:55 à la prochaine élection présidentielle en Libye.
01:57 Merci beaucoup Nargis.
01:59 François Delabarre, vous êtes avec nous, merci d'être là.
02:02 On rappelle que vous étiez vous parti pour Paris Match
02:04 couvrir la présence de groupes rebelles en Centrafrique.
02:06 Les exagérations du groupe russe Wagner,
02:08 vous aviez été séquestré pendant cinq jours.
02:10 Justement, quelle analyse vous faites là ?
02:11 C'était un secret de Polichinelle, cette présence de Wagner ?
02:14 Que démontre encore CNN dans ce conflit, notamment au Soudan ?
02:19 Alors en Centrafrique, la présence de Wagner est avérée,
02:22 elle est même officielle.
02:23 Et ce qui est intéressant, c'est que dans l'endroit où nous étions,
02:26 qui est la province du Varyaga, avec des groupes rebelles,
02:30 on savait que Wagner s'appuie sur Emeti
02:34 pour déstabiliser les groupes rebelles en Centrafrique.
02:37 Donc ce général qui est à la tête des forces spéciales
02:42 et qui aujourd'hui est en guerre à Khartoum,
02:44 est l'allié de Wagner.
02:47 Et ces troupes qu'on appelle les djandjaouides
02:50 venaient régulièrement déstabiliser,
02:52 attaquer des bases de groupes rebelles,
02:55 mais aussi des villes, des villages de civils.
02:59 En général, ils faisaient ça juste avant les exactions du groupe Wagner.
03:03 C'est comme ça que ça nous a été expliqué.
03:05 Et donc dans cette région, les groupes, les troupes de Emeti,
03:09 donc des djandjaouides soudanais, sont avec les Wagner.
03:15 Et c'est le cas partout, puisque ce sont des alliés.
03:19 Et donc, ce n'est pas étonnant que Wagner arme le général Emeti aujourd'hui.
03:24 C'est même totalement logique, puisqu'ils ont un agenda qui est commun.
03:29 François Delaba, est-ce qu'on aurait tort de penser que Wagner
03:33 aujourd'hui met 100% de ses billes en Ukraine
03:38 et qu'elle en oublie sa terre d'accueil ?
03:40 En tout cas, quand je parle de Wagner, c'est de la Russie.
03:45 Alors, en ce qui concerne l'Afrique, le point d'ancrage de Wagner, c'est le Soudan.
03:51 Et c'est en 2018 que Prégojine s'est installé, ses troupes, à Port-Soudan.
03:57 Et c'est du Soudan qu'ils ont rayonné ensuite partout,
04:01 c'est-à-dire en Centrafrique, mais aussi au Mali et au Burkina.
04:06 Ce qu'on sait aujourd'hui, c'est qu'ils sont quand même fragilisés
04:11 par le conflit en Ukraine.
04:13 Ils se sont fait beaucoup d'ennemis en Afrique.
04:16 Et les Américains, notamment, sont quand même très,
04:19 semblent assez déterminés à débarrasser l'Afrique du groupe Wagner,
04:25 ou en tout cas à repousser le groupe Wagner.
04:28 Et ce qui est sûr, c'est que le Soudan, qui est le point d'ancrage de Wagner,
04:31 c'est sa zone de repli, c'est son centre de gravité en Afrique.
04:36 Et donc l'intervention qui a lieu en ce moment,
04:40 ce qui est une guerre civile ou une guerre entre deux généraux,
04:43 sert sans doute, probablement, on peut penser,
04:46 l'intérêt des Américains qui veulent aussi déstabiliser le groupe Wagner en Afrique.
04:51 - Arnaud Duhaime, votre analyse.
04:52 - Oui, il faut rappeler que le Soudan et la Russie, même l'URSS,
04:55 c'est une vieille histoire, et que la Russie, pas seulement Wagner,
04:57 au-delà de Wagner, a des intérêts dans le pays et dans la zone.
05:00 Et je crois que cette affaire est peut-être préjudiciable au Kremlin.
05:04 En quoi ? Eh bien parce que la Russie, jusqu'à présent en tout cas,
05:07 n'avait pas mis ses œufs dans le même panier,
05:10 et la Russie a intérêt à préserver ses relations avec le gouvernement officiel,
05:13 qui peut-être va garder la main.
05:15 Pourquoi ? Pour maintenir ses intérêts,
05:18 et pourquoi pas pour obtenir cette fameuse base navale
05:20 pour laquelle elle est en discussion depuis longtemps.
05:22 Donc un affichage de Wagner trop visible avec une des parties en conflit,
05:29 ça peut mettre en porte à faux le Kremlin.
05:31 - Nagali ?
05:32 - Il faut aussi savoir que si Wagner est si présent au Soudan,
05:35 c'est que Prigojine, on sait qu'il aime se payer sur la bête,
05:40 lui exploite en partie, en tous les cas avec le concours des hommes d'Emeti,
05:45 les mines d'or du Soudan, et que tout ça lui permet aussi certainement
05:50 de financer sa guerre en Ukraine.
05:53 Donc c'est là où en fait les deux conflits se rejoignent,
05:56 c'est-à-dire que le Soudan est une source de financement aujourd'hui
06:00 pour Wagner, pour ces hommes qui sont sur le terrain en Ukraine.
06:03 - Est-ce qu'une petite question ?
06:07 On parle de rivalité parfois en Afrique entre la Russie et son partenaire, la Chine.
06:14 François Delabarre, cet effectif, vous l'avez senti, vous l'avez vu ?
06:19 - Non, alors il y a un événement qui est passé sous silence,
06:22 et qui est quand même très important, c'est la mort de neuf Chinois
06:27 en mars dernier en Centrafrique.
06:29 Ils ont été tués pas très loin de Bangui, dans la région de Bambari,
06:33 et ça a mis en colère évidemment les Chinois
06:37 et le ministre des Affaires étrangères chinois.
06:39 Et on n'a pas encore aujourd'hui déterminé qui était responsable de ces assassinats,
06:47 mais il est possible que les Chinois voient, pas forcément d'un très bon oeil,
06:51 la présence de Wagner.
06:54 Et il n'est pas évident qu'il y ait une alliance aujourd'hui entre la Chine et la Russie
06:58 sur ce terrain-là.
07:00 Les Chinois sont en Afrique pour faire du commerce,
07:03 et ils ne se mêlent jamais, ou très rarement, de politique,
07:06 et encore moins d'action armée.
07:09 Et dans ce cas-là, il est peu probable que les Chinois soutiennent Wagner,
07:14 qui serait sans doute seul dans cette aventure.
07:19 Merci beaucoup d'avoir été avec nous, François Delabarre.
07:22 C'est peut-être même tout le contraire, Catherine,
07:24 si les Chinois pouvaient piéger leur ami sur un territoire
07:28 où là aussi le business est grand.
07:31 - Oui, c'est ça. - Ils se battent pour de la terre et pour de l'argent.
07:33 Oui, c'est ce qu'on dit souvent, c'est-à-dire que les Russes s'octroient le rôle militaire,
07:36 et puis effectivement les Chinois plus le commercial,
07:39 mais en même temps, concernant le Soudan, il y a beaucoup d'or dans ce pays,
07:43 et ce qu'on a remarqué ces derniers temps, c'est que
07:46 avant, l'or du Soudan allait pour beaucoup à Dubaï,
07:50 et que là, effectivement, ces derniers temps, il va plutôt vers la Russie.
07:53 Et la Russie en a vraiment besoin aussi pour son effort de guerre.
07:57 Donc ça renforce la raison pour laquelle le Soudan est vraiment en ce moment
08:02 important pour la Russie,
08:03 quand effectivement à cette répartition des rôles entre la Russie et la Chine,
08:08 on voit mal comment ça pourrait quand même se détériorer,
08:13 quand on voit sur l'Ukraine à quel point la Russie a besoin de la Chine,
08:18 donc sûrement qu'il n'y aura pas de problème de ce point de vue-là,
08:22 mais c'est vrai qu'en fonction de l'évolution de cette crise au Soudan,
08:26 il y a peut-être des pièces du puzzle qui vont un peu bouger, oui.
08:29 Et plus que jamais, Wagner est dans son rôle,
08:31 pilleur, fausse-soyeur au service du Kremlin ?
08:33 Une multinationale du chaos géopolitique,
08:35 c'est comme ça qu'on peut la qualifier de façon la plus simple,
08:37 et ça nous a ramené constamment, nous, Européens,
08:40 à ce qu'on fait par rapport à cet état de fait qui nous est imposé,
08:43 et nous on part de l'Afrique pour l'instant.
08:46 - C'est la réponse.
08:48 - On peut faire des choses sans être en Afrique,
08:50 notamment quand il s'agit de sanctionner les dirigeants effectifs de Wagner,
08:53 et bien rappelons-nous qu'il y a encore peu de temps,
08:56 on a levé les sanctions qui pesaient contre la maman de Prigogine
08:59 qui dirige Concorde, qui est la holding qui possède Wagner
09:02 et qui en gère le trésor de guerre, donc sans être sur place,
09:07 on a un vrai sujet, nous, Européens,
09:09 de pouvoir prendre les sanctions dans les logiques de nos intérêts
09:12 pour ce qui se passe en Afrique, mais de façon plus générale.
09:16 - Ça n'affectera pas M. Prigogine, il va pas se passer de camp.
09:19 - Ni le business, ni ce que l'on peut voir sur ces images,
09:22 c'est-à-dire qu'à un moment donné, pour les Chinois, pour les Russes,
09:26 via Wagner, l'Afrique reste un terrain, une terre que l'on pille.
09:32 - Pour Wagner, en tous les cas, il est certain que c'est de là
09:35 dont il tire l'essentiel de leurs revenus.
09:39 Alors, Prigogine explique, après l'apparition de l'article de CNN,
09:42 que bien sûr, il n'a rien à voir avec les forces des paramilitaires, des métiques.
09:49 Évidemment, il nie en bloc toutes les accusations.
09:53 Mais bon, voilà, on sait ce qu'il en est.
09:56 On voit bien qu'en effet, les Américains essayent de pousser Wagner dehors,
09:59 font pression sur le général rival, Al Bouran, depuis déjà pas mal de temps,
10:04 pour que, justement, ces liens avec Wagner soient distendus.
10:08 Ce qui est intéressant dans l'enquête du CNN,
10:13 c'est de bien voir les mouvements d'avion,
10:15 où l'on voit bien par où transitent les armes qui sont livrées aux milices.
10:22 Tout ça dans un chaos généralisé,
10:24 puisqu'en effet, la France ferme son ambassade, évacue en urgence.
10:27 C'est une situation extrêmement, extrêmement complexe à Carrefour.

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