Visitez notre site :
http://www.france24.com
Rejoignez nous sur Facebook
https://www.facebook.com/FRANCE24
Suivez nous sur Twitter
https://twitter.com/France24_fr#
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 -C'est une mandat difficile pour Bolad Sinoubou,
00:02 le nouveau président nigérian.
00:04 Il a prêté serment aujourd'hui,
00:06 alors que les principaux partis d'opposition
00:09 contestent toujours son élection.
00:11 C'est dans ce contexte que l'ancien gouverneur de Légos
00:15 devra relever de gros défis.
00:17 Beaucoup de Nigérians semblent sceptiques
00:19 quant à sa capacité à le faire.
00:21 Il a tenté de rassurer tout à l'heure.
00:24 -Notre administration vous gouvernera
00:26 uniquement en votre nom,
00:28 mais ne règnera jamais sur vous.
00:30 Nous consulterons et dialoguerons,
00:33 mais nous ne dicterons jamais.
00:35 Nous tendrons la main à tous,
00:37 mais nous ne rabaisserons jamais une seule personne
00:40 parce qu'elle a des opinions contraires aux nôtres.
00:43 Nous sommes ici pour réparer et guérir cette nation,
00:47 et non pour la déchirer et la blesser.
00:49 Nous défendrons la nation contre la terreur
00:53 et toutes les réformes de criminalité
00:56 qui menacent la paix et la stabilité de notre pays.
00:59 -Pour en parler, nous avons le plaisir d'accueillir
01:02 Sedi Kaba, journaliste, écrivain, fin connaisseur du Nigeria
01:05 et spécialiste de Boko Haram.
01:07 Vous êtes auteur du livre "Voyage au coeur de Boko Haram".
01:11 Merci beaucoup, Sedi Kaba, d'être avec nous.
01:13 -C'est toujours un plaisir de venir à ce plateau.
01:16 -Première question, elle concerne la légitimité
01:19 du nouveau président nigérian.
01:21 On l'a vu, des partis d'opposition le contestent,
01:24 contestent son élection.
01:26 Comment va-t-il faire pour entamer ce mandat
01:29 dans cette illégitimité ou retrouver une légitimité ?
01:32 -Je pense que le président Tinibu va s'en remettre
01:35 à la décision que la haute cour du Nigeria,
01:38 qui est en charge du contentieux électoral,
01:41 va rendre la décision qu'il rendra,
01:44 il s'y pliera.
01:45 Il me semble, à ce stade, que c'est peut-être
01:49 déjà un peu trop tard pour les opposants
01:52 d'espérer changer le cours de choses.
01:54 Comme on sait, il s'est écoulé un délai
01:57 entre l'élection et l'investiture.
01:59 La décision n'est pas intervenue, à mon avis,
02:03 après la prestation de serment,
02:04 en tout cas au regard de l'histoire politique du Nigeria.
02:08 On n'a pas le souvenir d'un président qui a été investi
02:11 et dont l'élection a été invalidée.
02:13 -Il y a beaucoup de Nigérians qui sont sceptiques,
02:16 qui n'y croient plus.
02:18 Quel chantier devra-t-il entreprendre en premier
02:20 pour gagner la confiance de la population ?
02:23 -Je pense que le plus urgent,
02:25 c'est la situation économique du pays.
02:27 On sait qu'un certain nombre de mesures
02:29 ont fragilisé...
02:31 du président Buhari,
02:33 ont fragilisé l'économie du Nigerien,
02:36 qui reste quand même la première économie d'Afrique.
02:39 La question de changement de billets de banque,
02:41 qui a été introduite sur le tard,
02:43 vers la fin du mandat du président Buhari,
02:46 a fragilisé l'économie,
02:47 qui sort déjà encore plus fragilisée
02:50 de la période du Covid
02:52 et de la chute du cours du pétrole,
02:53 qui est l'essentiel.
02:55 Sur ce chantier-là, le président Thinibou est très attendu
02:58 pour permettre aux Nigérians de bénéficier
03:01 de la production pétrolière.
03:02 Comme on sait, le Nigéria est le premier pays
03:05 producteur du pétrole, la première puissance économique.
03:08 Et il y a aujourd'hui une immense disparité au Nigéria
03:12 entre des populations qui sont trop pauvres
03:15 et une élite politique qui est extrêmement riche
03:18 avec des comptes à millions de dollars.
03:20 Vous l'avez dit, l'économie fait partie
03:22 d'un des plus gros défis,
03:24 mais comment pourrait-il s'attaquer à ce défi
03:28 sans s'attaquer à la corruption,
03:30 qui est aussi un gros problème au Nigéria ?
03:32 Absolument. À mon avis, pour s'attaquer
03:35 ou améliorer la situation économique,
03:37 tous les indicateurs économiques du Nigéria,
03:40 il faut lutter contre la corruption.
03:42 Il a été claboussé par des scandales.
03:44 Lui-même, mais je pense que,
03:46 du point de vue du potentiel,
03:49 il y a encore un potentiel énorme.
03:51 Le président Tinibu a obtenu de très bons résultats
03:54 lors de son passage à la tête de l'État de Légos.
03:59 Entre 1997, 19 et 2007, il a été gouverneur
04:03 et il a obtenu de très bons résultats.
04:05 S'il applique la même recette
04:07 et s'engage à lutter contre la corruption,
04:09 y compris dans son propre entourage,
04:11 il y a des chances que l'économie reparte.
04:13 Il y a des réformes structurelles de l'économie du Nigéria à faire,
04:17 notamment sortir le Nigéria de la dépendance au pétrole,
04:20 puisque le Nigéria a d'autres potentiels,
04:22 notamment sur le plan agricole.
04:24 Il faut donc faire la diversification de l'agriculture.
04:28 Le Nigéria est un pays qui a un dynamisme économique
04:31 en matière de commerce qu'on ne trouve pas ailleurs.
04:34 Comme on sait, par exemple,
04:36 le premier homme le plus riche d'Afrique
04:39 est un Nigérian angoté.
04:41 Il y a aussi un secteur pétrolier nigérien
04:44 qui est un secteur bancaire aussi qui est très puissant.
04:47 Donc il faut cette politique de diversification,
04:49 donc les réformes structurelles.
04:51 À côté d'Eiffel, il y a des éléments conjoncturels.
04:53 À mon avis, si le Nigéria,
04:56 qui représente à lui tout seul 65 % de l'économie de la CDAO,
05:00 la Communauté économique d'Afrique de l'Ouest,
05:03 profite de la création de la zone de libre-échange économique,
05:06 il peut être la locomotive de cette région
05:08 et entraîner les autres pays voisins, justement,
05:10 et assurer la prospérité économique
05:12 à la fois pour les Nigériens et pour la sous-région.
05:15 Alors, on a une autre problématique au Nigéria
05:17 qu'on regarde beaucoup et qui inquiète, c'est l'insécurité.
05:20 L'insécurité d'abord liée au groupe terroriste,
05:23 notamment Boko Haram, que vous connaissez bien,
05:26 et puis l'insécurité liée à la délinquance.
05:28 Là aussi, on voit qu'il y a un chantier important
05:32 et qui aussi va peut-être déterminer
05:34 la situation sécuritaire dans d'autres pays voisins.
05:36 Absolument, et ça, c'est très important
05:38 parce que les promesses que l'arrivée de Bohari
05:41 avait suscité en 2015 en tant que président
05:46 n'ont pas été complètement tenues.
05:48 Et donc, il est important que le président Tinibu
05:52 s'attaque immédiatement de son investiture
05:54 sans qu'il bénéficie même d'une période de grâce
05:56 à cette urgence sécuritaire.
05:58 Et aujourd'hui, quand on regarde la situation sécuritaire,
06:02 le groupe djihadiste a perdu beaucoup en puissance.
06:06 Par contre, l'insécurité dans la zone de Zanfara
06:09 avec le kidnapping quotidien,
06:11 une sorte d'économie, de la rançon,
06:13 une sorte d'industrie d'enlèvement s'est créée.
06:15 Et il est important que le président Tinibu
06:18 s'attaque immédiatement à ça.
06:19 Cette insécurité est venue jusqu'aux portes d'Abouja
06:22 puisque, comme on sait, il n'y a pas longtemps,
06:24 le train express qui réunit Kadouna à Abouja
06:27 a été attaqué, a été interrompu dans sa marche.
06:30 Donc, il est important que cette insécurité,
06:33 face à laquelle l'État fédéral s'est même montré
06:35 un peu impuissant, puisse être rapidement jugulée
06:38 parce qu'elle a un impact à la fois sur la sécurité
06:41 de la population, mais aussi sur l'économie,
06:42 puisque des investisseurs sont effrayés par l'insécurité
06:45 et ne viennent pas.
06:46 Et comme vous l'avez dit, la sécurité au Nigeria
06:50 a un impact sur ses voisins, notamment la question
06:53 de la lutte contre Boko Haram, dont les activités
06:55 ont débordé le Nigeria pour arriver au Niger,
06:58 au Tchad et au Camboun.
07:01 Donc, il est important que rapidement,
07:03 on puisse obtenir, que Tinibu obtienne des résultats.
07:05 À mon avis, s'il le fait, c'est d'autant plus important
07:09 que ça pourrait faire oublier, en tout cas,
07:12 les conditions dans lesquelles il a été élu.
07:14 Ça peut être une circonstance à tenir
07:16 s'il obtient rapidement des résultats
07:18 sur le plan de la sécurité et de l'économie.
07:20 - Alors, justement, on disait que Mohamedou Bouhari
07:22 pouvait être plus rassembleur que Tinibu.
07:25 Est-ce que vous pensez qu'il va réussir à se forger
07:28 ce charisme d'un président rassembleur ?
07:32 - Oui, à mon avis, Tinibu a un atout.
07:34 Il est lui-même Yoruba, donc du sud-est, musulman en plus,
07:39 et il a aujourd'hui cette capacité
07:42 à rassembler le nord et le sud du Nigeria
07:45 parce que le nord et le sud du Nigeria
07:47 ont été souvent fracturés sur la base de considérations
07:51 entre le nord musulman et le sud chrétien.
07:54 Et le fait que Tinibu soit lui-même sudiste,
07:58 mais musulman, peut être un facteur fédérateur.
08:01 Et à cela, s'est ajouté le fait que,
08:04 pour la première fois dans l'histoire du Nigeria,
08:06 il a un vice-président origineur du Boron.
08:09 Ce qui fait que Kachim, le vice-président,
08:12 pourra mettre à l'agenda aussi la question de la lutte
08:15 contre Boko Haram.
08:16 Et Tinibu a obtenu ses meilleurs résultats,
08:19 non pas au sud, dont il est originaire,
08:20 mais au nord, notamment dans la région du Boron
08:23 et dans d'autres États.
08:24 Et ça, à mon avis, c'est un indicateur.
08:26 Et il lui appartient aujourd'hui,
08:28 dans la formation du gouvernement,
08:30 dans la formation de son cabinet,
08:32 de montrer que lui, il est un président rassembleur
08:35 et qu'il est au-dessus de considérations
08:37 entre le nord et le sud du Nigeria.
08:38 À mon avis, si tout cela est fait,
08:40 et avec le potentiel que le Nigeria a,
08:42 parce que ce qui est séduisant pour ceux qui partent au Nigeria,
08:45 c'est le dynamisme.
08:46 Le Nigeria, c'est le pays de tous les possibles.
08:49 C'est une sorte des États-Unis d'Afrique,
08:50 parce que, vous savez, souvent, on dit que les États-Unis,
08:52 c'est le pays de possible.
08:54 Le Nigeria aussi, c'est un pays extrêmement, comment dire, ouvert,
08:57 où vraiment, les potentialités peuvent se réaliser.
09:00 - Alors justement, on s'est rendu,
09:02 avec l'équipe du journal de l'Afrique, au Nigeria,
09:04 et on a vu le potentiel de cette jeunesse,
09:06 mais cette jeunesse qui n'y croit plus, qui veut quitter le pays.
09:08 Que faudra-t-il faire pour que cette jeunesse reste
09:12 et qu'elle y croit encore ?
09:13 - Alors, il faut l'accompagner.
09:14 Il faut absolument accompagner,
09:16 parce qu'au Nigeria, je pense que ce qui est très rassurant,
09:20 en tout cas, c'est la capacité, l'espoir que les jeunes Nigériens ont,
09:25 si on leur donne les potentiels, si on les accompagne, de réussir.
09:29 Les gens ne cherchent pas, à la différence des autres pays africains,
09:31 à devenir fonctionnaires de l'État.
09:33 Vous avez vu les start-up que les gens peuvent créer au Nigeria,
09:36 le développement des TIC,
09:39 le développement, par exemple, du e-banking au Nigeria,
09:42 le développement du e-commerce, c'est important.
09:44 Donc, il faut donner des perspectives à cette jeunesse,
09:47 l'accompagner en lui donnant le moyen de se réaliser,
09:49 de créer des auto-entreprises.
09:51 Et je pense que tout cela fait,
09:53 la jeunesse pourrait être un atout et non un frein
09:55 au développement du Nigeria.
09:57 - Merci beaucoup, Sediq Abba, journaliste, écrivain,
10:00 fin connaisseur du Nigeria, spécialiste de Boko Haram.
10:02 Merci infiniment d'être venu sur ce plateau.
10:04 C'est la fin de Journal de l'Afrique.