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00:00Il incarne l'espoir, l'espoir prudent dans un Liban qui était jusqu'ici
00:04et depuis plus de deux ans sans président.
00:07Joseph Aoun occupe désormais le poste après avoir été élu par le Parlement.
00:10Huit ans qu'il dirigeait l'armée, militaire respecté,
00:13il a l'image d'un homme intègre.
00:15Son portrait avec Nina Masson.
00:19Il est le visage du consensus au Liban.
00:22Le général Joseph Aoun, 60 ans, il dirige depuis mars 2017
00:26C'est l'une des institutions les plus respectées du pays.
00:30Militaire de carrière, le commandant en chef de l'armée libanaise
00:33bénéficie du soutien de plusieurs poids lourds à l'international,
00:36dont l'Arabie saoudite et les Etats-Unis.
00:39Et pour cause dans un Liban en pleine tempête,
00:41il a su manœuvrer pour surmonter les crises,
00:44notamment l'effondrement économique qui a frappé de plein fouet
00:47l'assault de deux C80 000 soldats
00:50et l'a obligé à accepter des aides internationales
00:52pour préserver son institution.
00:54Joseph Aoun a notamment joué un rôle clé dans la mise en œuvre
00:58du cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah,
01:01entré en vigueur le 27 novembre dernier.
01:04Un facteur déterminant dans son ascension vers la présidence.
01:08Né en 1964 dans le quartier de Sinelfil à l'est de Beyrouth,
01:12il étudie les sciences politiques et les affaires internationales
01:15avant d'entrer dans l'armée en tant qu'élève officier en 1983.
01:20Aussi à l'aise en français qu'en anglais, père de deux enfants,
01:23il est issu de la communauté chrétienne marronnite
01:26à laquelle la présidence est réservée en vertu du partage confessionnel du pouvoir.
01:30Récompensé à plusieurs reprises,
01:32il est connu pour avoir mené la bataille du jour Aoud
01:35pour chasser les groupes terroristes hors des frontières du Liban.
01:39Un succès qui vaut à l'armée une bonne réputation
01:42auprès de la population libanaise,
01:44une armée que Joseph Aoun avait qualifiée de « seul espoir des Libanais »
01:48à l'occasion de ses 75 ans d'existence.
01:52– Bonsoir Maïa Kadra, vous êtes enseignante,
01:54vous êtes journaliste franco-libanaise également,
01:57merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
02:00On l'a vu ce militaire sans expérience politique,
02:04une armée à priori en tout cas à l'abri de la corruption,
02:07est-ce que c'est justement le profil qu'il faut
02:09pour que le Liban s'en sorte enfin de cette instabilité, de cette crise ?
02:14– Il y a plusieurs profils qui étaient discutés
02:18dans tous les pourparlers depuis deux ans,
02:20depuis donc la vacance présidentielle.
02:23C'est vrai que les autres profils qui étaient débattus,
02:25c'était plus des profils politiques issus de l'opposition,
02:29surtout l'opposition à Hezbollah,
02:30mais non seulement, c'est aussi l'opposition
02:32qui portait un projet anti-corruption.
02:36Après la conjoncture actuelle et le nouvel équilibre de forces
02:42après la guerre qui a opposé Israël et le Hezbollah,
02:45et l'accord de cesser le feu qui est en vigueur depuis fin novembre 2024,
02:50on fait que le commandant de l'armée est la personne, peut-être,
02:58qui serait à sa place au palais présidentiel.
03:00Premièrement, pour faire appliquer les termes de cet accord,
03:04à savoir le désarmement du Hezbollah,
03:07le fait que le Hezbollah soit refoulé au nord du fleuve Litani,
03:13et que tout le sud soit libéré de cette présence milicienne.
03:17Et le général Aoun était dans les coulisses, très présents,
03:22de cet accord de cesser le feu.
03:23Et donc, c'est une garantie sécuritaire pour Israël.
03:28C'est une garantie également pour les pays partenaires du Liban
03:33et qui ont œuvré pour que le général Aoun soit élu,
03:36à savoir les Etats-Unis, l'Arabie saoudite,
03:39qui était absente depuis plusieurs années de la scène politique libanaise
03:42et qui, aujourd'hui, est revenu dans ce jeu de pouvoir
03:47pour apporter son soutien au général Aoun.
03:49Un soutien qui a été tardivement apporté par la France,
03:53je dirais même à la veille des élections.
03:56Emmanuel Macron qui, d'ailleurs, salue l'élection de Joseph Aoun
04:00et qui annonce se rendre prochainement dans le pays.
04:03C'est justement ce nouvel équilibre géopolitique, vous disiez,
04:06la guerre, enfin 15 mois de guerre avec cette rêve,
04:09on le rappelle, entre le Hezbollah et Israël,
04:11mais aussi, par exemple, le départ de Bachar al-Assad,
04:13ce nouvel équilibre géopolitique qui, selon vous, a précipité,
04:17il y a des choses, si je puis dire.
04:19C'est vrai que c'est la première élection présidentielle
04:23depuis 30 ans, je dirais, en l'absence du régime syrien,
04:26qui avait toujours son mot à dire.
04:28Et quand c'était un président qui ne correspondait pas
04:31au profil que le régime syrien voulait,
04:35on assistait à des assassinats politiques.
04:37Je cite Bechir Jemayel en 82, assassiné par les Syriens,
04:41René Mouawad dans les années 90 aussi.
04:45Et donc aujourd'hui, il y a un président qui est élu
04:47sans l'influence syrienne, avec une quasi-absence
04:53ou une absence totale même des Iraniens,
04:56qui ont quand même pesé dans le jeu et dans les équilibres de force
04:59aux dernières élections présidentielles.
05:02Et on a donc ce rendez-vous avec la démocratie
05:06qui est un peu libérée de ces influences-là,
05:10sans pour autant être à l'abri des interventions étrangères,
05:15notamment occidentales.
05:16On voit qu'il bénéficie d'ores et déjà le général Joseph Aoun
05:20d'un large soutien international.
05:21Il y a énormément de réactions.
05:24Londres, Berlin, Madrid, on parlait de Paris.
05:27Vous avez évoqué l'Arabie saoudite.
05:29Il y a le Qatar également.
05:31L'ONU en attend beaucoup.
05:32On en attend beaucoup de ce nouveau président.
05:34Et bien sûr, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de dossiers
05:36auxquels il faut s'attaquer dès le lendemain
05:39de l'élection du général Aoun.
05:41Premièrement, la crise économique, parce que plus de 50% du peuple libanais
05:45vit sous le seuil de la pauvreté.
05:47On va en parler, justement.
05:49Je vous propose de voir un petit point en image
05:52sur la situation économique du Liban,
05:53justement pour planter le décor et qu'on comprenne bien la situation.
05:56On en reparle, justement, juste après avec vous.
05:59On voit ça, un défi immense sur le point de vue économique
06:02avec David Gilbert.
06:05Son élection annonce un possible retour
06:07d'une certaine stabilité politique
06:09après deux années de vacances du pouvoir.
06:12Mais le nouveau président libanais, Joseph Aoun,
06:14va devoir s'atteler rapidement aux titanesques chantiers économiques
06:17nécessaires au redressement du pays.
06:20Avec d'abord la refonte du système bancaire
06:22qui s'est effondré en 2019.
06:24Des institutions financières mieux contrôlées et mieux gouvernées
06:27seront indispensables pour redonner confiance aux investisseurs.
06:31C'est ce qu'exige le FMI pour son aide au Liban.
06:34Le nouveau chef de l'État devra pour cela batailler
06:36contre une partie de la classe politique du pays
06:38directement impliquée dans la crise bancaire.
06:40Le sort de l'ancien gouverneur de la Banque centrale,
06:42Riad Salameh, placé en détention depuis septembre dernier
06:45pour son rôle dans cette crise,
06:47sera un indicateur de la volonté politique de tourner la page.
06:51Autre exigence du FMI, une réforme fiscale
06:53permettant de remplir les caisses de l'État.
06:56Le PIB est passé de 54 milliards de dollars en 2019
06:59à moins de 20 milliards en 2023
07:01et devrait encore diminuer pour 2024.
07:04Mais là encore, il faudra pour prélever l'impôt
07:06pour passer au-delà de la corruption systémique.
07:08A cela s'ajoute le poids de l'économie informelle,
07:11favorisé par la crise et qui emploie désormais
07:13plus de la moitié de la population active.
07:16Depuis 2019, le chômage a explosé,
07:18atteignant un taux de 40% en 2023.
07:21En 2020, la crise du Covid et l'explosion du port de Beyrouth
07:24n'ont fait qu'accélérer la chute de l'économie libanaise.
07:26La guerre menée contre le Hezbollah entre septembre et novembre par Israël
07:30a mis le pays encore un peu plus à terre,
07:33avec des dégâts estimés à 8,5 milliards de dollars
07:35par la Banque mondiale.
07:37Maya Kadra, l'économie, c'est la priorité du nouveau président ?
07:42Disons qu'il y a plusieurs priorités
07:44et que l'économie est aussi importante que le volet régalien,
07:46que le volet de la souveraineté aussi.
07:48Mais commençons par l'économie.
07:50En effet, depuis 2018, la devise libanaise,
07:54la livre libanaise a été divisée par dix.
07:57Beaucoup de familles ont dû prendre les voies de l'émigration.
08:03Les jeunes, notamment, ont quitté leurs universités,
08:06se sont inscrits ailleurs dans plusieurs pays,
08:09la France, les États-Unis, Londres aussi.
08:11C'était un pays qui est devenu un peu le tombeau des rêves et des ambitions,
08:15surtout de la jeunesse.
08:17Et ceux qui sont là-bas et qui n'ont pas les moyens de voyager,
08:20ils vivent dans une forme de pauvreté et de précarité
08:25dont on n'a jamais témoigné au libre.
08:27C'est une crise cuisante,
08:30c'est une crise qui a été humiliante aussi pour les Libanais,
08:33qui ont vu leur argent s'évaporer dans les banques.
08:38C'est une urgence, c'est une priorité.
08:41Et pour s'attaquer à cette priorité, il faut déjà réduire la corruption,
08:46s'attaquer au trafic de drogue aussi illégal,
08:48à tous les commerces aussi illégaux au Liban,
08:53bien tenir les frontières,
08:54parce que ce sont les frontières poreuses du Liban
08:57qui permettent aussi tous les trafics,
09:00non seulement de drogue, mais même des carburants.
09:04Tout se passe au noir.
09:06Et il y a l'autre volet qui est le volet de la souveraineté du Liban.
09:10Et ça, le nouveau président libanais, Joseph Aoun,
09:12l'a rappelé dans son discours d'investiture.
09:15Son discours, il s'évolue extrêmement rassembleur
09:19par rapport à ce qui s'est tenu jusqu'ici.
09:22Il était rassembleur pour tous les Libanais.
09:25Il a répondu à leurs aspirations,
09:27sauf à une tranche qui est celle du Hezbollah.
09:30Le Hezbollah, aujourd'hui, a du mal à rendre les armes,
09:33même s'il est très affaibli après la guerre qu'il a opposée à Israël.
09:38Et le président de la République, dans son discours,
09:40et c'est une première depuis longtemps,
09:42a rappelé que les armes doivent être entre les mains de l'État,
09:47que le monopole des armes et de la prise de décisions stratégiques
09:50de guerre ou de paix doivent également être prises par l'État
09:54et pas par d'autres milices.
09:55Il a évoqué le mot de paix,
09:57qui peut en fait être interprété par maintes façons.
10:00Est-ce que c'est une paix avec Israël ?
10:02Est-ce que c'est un retour au statut de trêve de 1949
10:05entre le Liban et Israël ?
10:07Est-ce que c'est une forme de neutralité ?
10:11Parce qu'il a prononcé le mot neutralité positive du Liban.
10:14En tout cas, on voit qu'il y a une volonté d'écarter le Liban
10:17de tous les conflits régionaux.
10:18Et on verra si ça se concrétise dans les actes.
10:21Merci beaucoup, Maya Kadra.
10:22On aurait pu, évidemment, en parler beaucoup plus longuement,
10:25mais c'est malheureusement tout le temps qu'il nous est imparti.
10:27Je rappelle que vous êtes enseignante et journaliste franco-libanaise.
10:29Merci d'être venue sur le plateau de France 24
10:32pour évoquer cette fin de vacances politiques au Liban.