Chroniqueur : Jeff Wittenberg
Jeff Wittenberg reçoit aujourd'hui dans les 4 vérités, David Lisnard, maire de Cannes, en duplex de Cannes.
Jeff Wittenberg reçoit aujourd'hui dans les 4 vérités, David Lisnard, maire de Cannes, en duplex de Cannes.
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00:00 Absolument. Bonjour David Lysnard. Vous êtes avec nous en direct de Cannes,
00:05 comme le disait Maya, pas loin du Palais des Festivals, pas loin de votre mairie.
00:09 Le Festival de Cannes s'achève demain. Cette année de la vie générale,
00:13 la sélection a proposé des films particulièrement réussis, un nombre de stars impressionnants
00:18 a foulé le tapis rouge, j'imagine. Vous êtes un maire de Cannes heureux.
00:21 Cannes qui est plus que jamais la capitale du cinéma ?
00:23 Oui, qui est la capitale du cinéma, mais surtout d'une activité économique pour nous majeure,
00:30 qui est celle de l'événementiel. On a trois pôles d'activité principaux à Cannes,
00:34 l'industrie satellitaire avec Thalès et Inaspace, le notice, mais toute la filière industrielle
00:38 autour et le tourisme et l'événementiel. Le Palais des Festivals et des Congrès,
00:42 c'est un peu notre usine Michelin à nous. Ça représente sur l'année 12 000 emplois.
00:46 Le festival, c'est ce qui est visible, c'est un étendard. Donc dès que l'on arrive à faire
00:50 la démonstration de notre capacité organisationnelle, logistique, de fiabilité,
00:56 on défend des milliers d'emplois. Le monde du travail, il passe par un Palais des Festivals
01:00 et des Congrès tonique. C'est devenu le premier de France avec Paris et on en est plutôt fier.
01:04 Vous voulez dire qu'au-delà de la notoriété, de la fréquentation pendant la quinzaine,
01:08 c'est ce que cela rapporte économiquement à la ville de Cannes et à la région même ?
01:13 Oui, au pays d'ailleurs et puis d'un point de vue social. C'est-à-dire que les familles
01:19 qui dépendent de l'activité, non seulement du festival, mais de l'activité Congrès toute l'année,
01:24 de ce secteur qu'on appelle le maïs, c'est des familles dans la vraie vie. C'est-à-dire
01:27 des commerçants, des artisans, des salariés, des employés de commerce, des agents de nettoiement,
01:33 des agents de sécurité. Bref, c'est le monde du travail. C'est ce que tout le monde devrait
01:36 comprendre. Il y a bien évidemment la partie glamour, la partie intello qui est importante
01:41 aussi et qui fait rêver. Ça fait du bien de voir des belles montées de marge, de voir tout Hollywood
01:44 qui est présent à Cannes. C'est quand même merveilleux. Mais derrière cela, nous, c'est
01:49 du job, c'est du boulot et ce sont des retombées sociales et économiques.
01:52 Et le monde du travail n'est pas toujours en phase avec ce qui se passe sur le tapis rouge,
01:55 comme on le voit sur ces images. L'actualité percute aussi le festival. Il y a eu des manifestations
02:00 notamment de la CGT et le Conseil d'État, avant-hier, a validé l'interdiction de manifester autour du
02:07 Palais des Festivals sur la Croisette. Est-ce que vous comprenez ce genre d'interdiction ?
02:14 Deux choses. Le monde du travail, ce n'est pas la CGT. Le monde du travail, c'est ceux qui bossent.
02:19 Je peux vous dire, y compris dans beaucoup de périodes... Moi, je suis très attaché au dialogue social
02:25 et je suis très attaché au droit de grève et à la liberté d'expression. Mais le droit de grève,
02:29 ce n'est pas le droit d'entraver et c'est encore moins le droit de saboter.
02:32 Le deuxième élément sur l'interdiction de manifester, c'est un dispositif réglementaire
02:38 qui s'applique, moi j'ai 22 ans d'expérience, depuis 22 ans. C'est-à-dire que sur le périmètre
02:43 du Palais des Congrès, pour des raisons de sécurité, de surcroît, dans un contexte qui est
02:48 encore terroriste, de malveillance, pour des dispositions d'ordre public, et c'est ce qu'a
02:52 validé le Conseil d'État, la préfecture, à juste titre, prévoit l'interdiction de manifester
02:59 sur un sanctuaire, ce qui est légitime et habituel. Et c'est le même dispositif depuis une vingtaine d'années.
03:04 Alors votre police municipale, en tout cas avec la police nationale, contribue à maintenir l'ordre.
03:09 Elle le fait parfois dans des conditions inattendues. L'altercation entre Thierry Frémault,
03:13 le délégué général du Festival de Cannes, et un de vos policiers municipaux, à propos d'une affaire
03:19 de vélo électrique sur lequel circulait le délégué général du Festival de Cannes,
03:24 a fait le buzz, comme on dit, ça a été vu des centaines de milliers de fois sur internet.
03:29 Qu'est-ce que vous avez pensé de cette affaire, monsieur le maire ?
03:35 D'abord, ce n'est pas une affaire. On a une police municipale qui, tout au long de l'année,
03:39 parce que Cannes est une ville très dynamique et très énergique, fait un travail exigeant.
03:44 Elle le fait en impartialité, et ça j'y tiens absolument. Et cet épisode prouve que la police municipale
03:50 de Cannes est totalement impartiale. C'est un non-fait. C'est-à-dire que Thierry Frémault arrive
03:56 près de l'arrivée d'Harrison Ford, il veut aller l'accueillir comme c'est prévu.
03:59 Mais oui, le policier ne lui est pas passé. Il passe, il contourne, le policier le rejoint,
04:03 le ton monte, le ton redescend, et basta, on passe à autre chose.
04:07 Ce qui est intéressant, c'est de voir ensuite la meute. Il y a deux meutes.
04:10 Il y a ceux qui voudraient qu'on sanctionne le policier, et lors de questions,
04:13 je sanctionne le policier qui a fait son travail. Et puis il y a ceux qui, ensuite,
04:16 parce qu'il y a un ton qui monte, voudraient qu'on mette les menottes à Thierry Frémault
04:23 parce qu'il est en smoking, ce qui était aussi excessif, et avec toujours les excès sur les réseaux sociaux.
04:28 Objectivement, quand on voit ce que représente le festival de Cannes, quand on voit le travail qui est fait,
04:33 quand on voit aussi le rayonnement culturel de cet événement, le rayonnement économique qu'on évoquait tout à l'heure,
04:38 je pense qu'il y a des sujets plus positifs à évoquer.
04:40 – Bon, donc on a compris que vous ne classez pas ce qui s'est passé dans la catégorie des incivilités.
04:46 En revanche, vous-même, Emmanuel Macron et d'autres, et ce n'est qu'une catégorie de faits qu'il considère ainsi,
04:55 classe ce qui se passe aujourd'hui en France avec la montée de la violence comme une crise de décivilisation.
05:01 Je parle de décivilisation parce que c'est le mot employé par le chef de l'État,
05:04 et vous, vous l'aviez choisi ce mot il y a déjà quelques mois,
05:07 notamment dans une tribune que vous aviez publiée dans le Figaro.
05:11 Vous trouvez que c'est le mot juste pour décrire ce qui se passe en France aujourd'hui ?
05:16 – Oui, c'est un des mots qui définit ce qu'il se passe en France, et d'ailleurs en Occident, mais surtout en France.
05:22 C'est un mot qu'on a utilisé avec le pédopsychiatre Maurice Berger, avec l'essayiste Naïm Haïm Fadel.
05:26 C'est un concept qui a été inventé par Norbert Elias, sociologue dans les années 30 face au nazisme,
05:32 et effectivement il y a un sentiment d'incommunauté,
05:35 pour reprendre un terme que nous avions utilisé avec Jean-Michel Arnault,
05:39 j'avais écrit un bouquin avec lui en 2018, vous voyez donc ce n'est pas nouveau sur ce sujet,
05:43 et qui se traduit par de l'insécurité, qui se traduit aussi par de l'incivisme,
05:47 c'est-à-dire des individus qui ne se comportent pas en responsable de l'espace public,
05:53 qu'il soit physique, les rues ou virtuel le débat,
05:55 mais qui se comportent en consommateurs capricieux.
05:58 Et c'est ce qui amène à de la violence, à de la tension,
06:01 et face à cela, il faut de l'action, il faut de l'action d'instruction, d'éducation,
06:06 il faut retrouver des principes, il faut retrouver une discipline aussi,
06:09 il faut évidemment une action pénale, lorsque il y a transgression.
06:13 Et je voudrais juste que le président de la République récupère le mot,
06:17 et il a raison d'utiliser ce concept,
06:19 mais il ne faudrait pas que la récupération du vocabulaire masque l'incapacité d'action, ou la non-action.
06:25 Monsieur Lyssenach, est-ce que toutes les décivilisations,
06:28 vous avez cité l'origine de ce mot,
06:31 mais il a aussi été employé par un essayiste d'extrême droite,
06:34 Renaud Camus, en l'occurrence, pour dénoncer le déclin dont souffrirait la France,
06:39 notamment selon lui, à travers le grand remplacement, parce que c'est une autre de ses thèses.
06:44 Est-ce qu'on peut tout classer dans le phénomène de décivilisation,
06:47 ce qui s'est passé tragiquement à Villeneuve-Dasques avec les policiers tués,
06:52 ce qui s'est passé à Reims avec l'infirmière également tuée,
06:56 est-ce que tout est décivilisation ?
06:58 Est-ce que la France vit vraiment une crise de ce type aujourd'hui ?
07:01 Il y a plusieurs choses, moi je ne reprends pas le concept que vous avez évoqué tout à l'heure,
07:08 mais en revanche, tout n'est pas décivilisation,
07:10 évidemment il y a aussi des faits divers, il y a aussi le hasard malheureux de la vie,
07:14 et on ne doit pas avoir une vie et une société aseptisées, évidemment.
07:20 En revanche, lorsque des phénomènes se réitèrent et qu'ils révèlent un effondrement de l'autorité,
07:26 un effondrement de la responsabilité, donc de la liberté,
07:29 on est sur globalement un phénomène de décivilisation.
07:32 Alors tout n'est pas décivilisation, mais il y a un besoin urgent, ardent,
07:37 de retrouver le bon sens d'une instruction publique de qualité.
07:40 Vous parliez de déclin, moi je parle de déclassement,
07:45 le déclassement éducatif est une priorité
07:47 et devrait monopoliser toute l'attention des pouvoirs publics et du débat politique.
07:51 L'un des aspects de la décivilisation selon Emmanuel Macron,
07:54 c'est aussi que l'on s'en prend beaucoup aux élus aujourd'hui,
07:56 on a vu et beaucoup parlé de cette affaire du maire de Saint-Brévin qui a démissionné
08:01 après que sa maison a été incendiée notamment,
08:02 vous n'avez pas été présent lors de la marche de soutien qui a eu lieu mercredi sur place,
08:09 or vous êtes, je le rappelle, président de l'association des maires de France,
08:12 pourquoi vous ne vous êtes pas associé à cette démarche ?
08:17 Je suis totalement solidaire du maire de Saint-Brévin,
08:19 à tel point que je l'ai amené et accompagné,
08:22 voire Elisabeth Borne, puisqu'il représente à peu près la 1300ème démission de maire depuis 2020,
08:30 ce qui est un record, et parmi les causes de la démission,
08:34 il y a la violence sur les élus locaux, sur les maires et les adjoints,
08:37 mais il y a aussi la bureaucratie que l'on affronte,
08:40 qui est la première cause invoquée par les maires dans notre enquête Civipof.
08:43 Donc j'ai exprimé ma solidarité, les maires ont le droit de manifester tant qu'ils veulent.
08:49 Hier, la manifestation avait été portée au départ par un parti politique,
08:54 je représente l'association Transpartisan, qui représente tous les maires de France,
08:59 et donc moi je comprends parfaitement,
09:02 j'aurais été dans la région tel que j'y serais allé à titre individuel,
09:05 vu que la question n'est pas là, mais en revanche on est très soucieux,
09:08 et c'est ce qui fait que l'AMF est si puissante aujourd'hui,
09:11 elle représente tous les maires de France, de ne pas être dans des récupérations politiques,
09:15 qu'elles soient de gauche, de droite ou de l'extrême centre.
09:17 Une dernière question, monsieur Lissnard,
09:18 vous êtes de ceux qui à droite ont soutenu la réforme des retraites,
09:21 que pensez-vous de ce qui risque d'arriver le 8 juin prochain,
09:24 lorsque le groupe Liott, le groupe indépendant, va faire une proposition de loi,
09:28 une partie de la droite pourrait la voter,
09:29 est-ce qu'il faut aller au vote, même si le risque d'abrogation est là ?
09:36 Alors, je dis quelque chose,
09:39 c'est-à-dire que j'ai dit qu'il fallait que la droite soit cohérente,
09:43 elle proposait la retraite à 67 ans, donc elle avait du mal à s'opposer à 64 ans,
09:46 mais j'ai surtout proposé l'introduction d'un régime de capitalisation,
09:50 collectif et obligatoire, pour tous les salariés,
09:52 comme ça marche dans la fonction publique, comme ça marche à l'étranger, aux Pays-Bas.
09:55 Et là, on aurait un système beaucoup plus juste,
09:58 et beaucoup plus robuste sur le plan financier,
10:01 et on sortirait de ces postes.
10:02 Oui, mais est-ce qu'il faut abroger ce soir ?
10:03 C'est insupportable, parce qu'il va y avoir à l'Assemblée une proposition de loi,
10:07 qui va prévoir 13 milliards de dépenses en plus,
10:09 moi je crois qu'il faut assainir les comptes publics,
10:11 parce qu'on est en train de planter les générations futures.
10:14 Et il est temps de regarder cela en face,
10:15 et de sortir de la démagogie de la dépense et du populisme dépensier,
10:20 dont malheureusement l'exécutif n'a pas le monopole,
10:22 puisque parfois les oppositions le rejoignent là-dessus.
10:25 Merci David Lysnard, maire de Cannes,
10:27 vous étiez en duplex de votre ville ce matin, merci beaucoup, suite de Télématin.