SMART JOB - Le cercle RH du mercredi 24 mai 2023

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Mercredi 24 mai 2023, SMART JOB reçoit Nathalie Gourdin (Conseillère en communication de crise, NGM Solutions) , Emmanuelle Joseph-Dailly (Directrice Lab Recherches et Prospective, Julhiet Sterwen) et Anne-Sophie GODON-RENSONNET (Directrice des services, MALAKOFF HUMANIS)
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00:00 [Musique]
00:12 Le Cercle RH est un débat sur l'engagement versus le désengagement.
00:16 Qu'est-ce que ça veut dire d'être engagé au sein de son entreprise et qu'est-ce que cela veut dire aujourd'hui ?
00:21 Et les chiffres parlent d'eux-mêmes.
00:23 Qu'est-ce que cela dit d'un salarié qui se désengage ?
00:26 Est-ce qu'il se démotive ? Est-ce qu'il est mal payé ? Est-ce que la qualité de vie au travail n'est pas à la hauteur de ses ambitions ?
00:33 Le Covid est passé par là et c'est vrai que ça a transformé évidemment le rapport au travail.
00:38 Anne-Sophie Godon-Ranson est ravie de vous retrouver.
00:41 Vous êtes directrice des services de Malakoff Humanis avec un document très récent,
00:46 avec une étude assez récente sur l'engagement des collaborateurs.
00:50 Désengagement mais aussi, on en parlera parce que le verre n'est pas totalement vide,
00:54 mais aussi l'engagement des collaborateurs.
00:56 On écoutera les outils que vous mettez en place justement pour maintenir cet engagement.
01:00 Emmanuel Joseph Dahi, vous êtes la directrice du groupe Juliet Sterwen.
01:05 Oui, directrice du Lab.
01:07 Du Lab.
01:08 Lab recherche et prospective de Juliet Sterwen.
01:10 Vous êtes une chercheuse, vous êtes très prolifique, vous écrivez beaucoup de livres.
01:13 Vous étiez venue nous parler dans le livre de Smart Job des 60 ou 80 situations des animaux.
01:20 Rappelez-moi le titre de votre livre.
01:21 La stratégie du poulpe.
01:22 La stratégie du poulpe, qui est un excellent livre.
01:25 Et puis celui-ci, Développer l'engagement de vos collaborateurs chez Erol.
01:29 On découvre la couverture, on est au cœur du sujet.
01:32 Puis Nathalie Gourdin, ravie de vous retrouver.
01:34 Vous êtes venue il n'y a pas très très longtemps nous parler des Math Skills.
01:38 Parce que vous avez un parcours évidemment assez incroyable.
01:40 Vous êtes aujourd'hui conseillère en communication de crise, mais vous êtes une ancienne militaire.
01:45 On vous avait vu en photo d'ailleurs engagée sur des théâtres d'opération marathoniennes,
01:49 en longue distance.
01:51 En ultra.
01:52 En ultra, on appelle ça l'ultra.
01:54 Et ancienne pongiste.
01:55 On ne dit pas ping-pong, on dit pongiste.
01:57 Exactement.
01:58 De haut niveau.
01:59 Femme engagée.
02:00 Tiens, je commence par vous.
02:01 Quand on entre dans l'armée, j'ai des amis qui sont entrés dans l'armée,
02:06 qui sont aujourd'hui des militaires de carrière, ils disent "je m'engage".
02:11 Ça dit quelque chose de fort ce mot quand même.
02:13 Forcément, puisque ça annonce aussi un renoncement à certaines libertés,
02:19 une adhésion à des valeurs communes, à des croyances,
02:22 et à un idéal qui va être plus fort que le nôtre, parce que c'est un des premiers métiers et un des rares,
02:26 et le seul à ma connaissance, où on va nous demander de signer un contrat jusqu'au sacrifice suprême.
02:31 Donc, vaut mieux être engagée pour pouvoir être en capacité de donner sa vie,
02:35 non pas parce qu'elle n'a pas de valeur, mais parce qu'on croit en quelque chose de plus fort que nous,
02:39 et on est prêt à aller s'engager et à défendre ses valeurs et cette liberté au péril de sa vie.
02:44 Mesdames, je vous ai quand même vu lever les yeux un petit peu en vous disant "waouh, ça démarre très fort".
02:48 Parce qu'un militaire, c'est ça, son engagement va jusqu'au péril de sa vie.
02:53 Ça vous évoque quoi ?
02:55 Ça m'évoque que c'est un vrai sujet, l'engagement, qui doit être repensé dans les organisations.
03:00 Parce que justement, quand on regarde l'étymologie d'engagement, ça vient de mettre en gage.
03:04 Donc, il y a une perte de liberté dans l'engagement.
03:07 Et aujourd'hui, les collaborateurs, ils ne veulent plus de cette perte de liberté.
03:10 Ils veulent pouvoir avoir des engagements multiples, ils veulent pouvoir avoir des équilibres,
03:15 ils veulent pouvoir avoir une réciprocité dans l'engagement.
03:18 C'est-à-dire l'idée que je m'engage, mais que l'entreprise est engagée vis-à-vis de moi.
03:22 Donc, la notion entière doit être remise à plat.
03:25 On est très loin du concept monolithique de l'engagement jusqu'à la mort, parce que c'est un vrai sujet d'ailleurs.
03:31 Comment vous regardez ce sujet, vous, de l'engagement ?
03:34 Parce que là, on est, chez les militaires, dans l'engagement suprême.
03:37 Moi, j'ai des RH, faites partie de ceux-là, qui regardent leurs collaborateurs et se disent "mais comment je fais ?"
03:44 Comment je fais pour leur donner envie de produire, d'être engagé, d'être motivé ?
03:51 C'est un vrai sujet, ça, pour les responsables.
03:54 Vous n'êtes pas des RH, mais vous vous occupez de ces sujets de manière très globale.
03:57 Comment on fait ?
03:59 C'est un bon sujet. Et d'ailleurs, il y a, dans notre dernière enquête...
04:03 Vous voudriez des militaires dans les entreprises ?
04:05 Alors ça, peut-être.
04:07 Mais je pense que les entreprises ont, à travers leurs organisations d'ailleurs,
04:11 mis en place quelque chose qui s'apparente quand même à une forme d'ordre.
04:15 Alors, peut-être pas, évidemment, le même que celui militaire.
04:19 Mais ce qui est intéressant, justement, c'est que pour répondre à cette question,
04:21 on voit bien que les salariés et les dirigeants n'ont pas tout à fait la même perception.
04:25 Et je pense que pour régler cette problématique, en tout cas, pour essayer d'apporter des réponses à cette problématique,
04:30 il va falloir réconcilier les deux.
04:32 Alors, qu'est-ce que nous disent les salariés ?
04:34 D'abord, ils nous disent qu'ils sont très engagés.
04:36 Et ça, c'est stable dans le temps.
04:38 Ça fait 10 ans qu'on leur pose la même question.
04:40 Spontanément, ils nous disent qu'ils sont très engagés.
04:42 21% ? Même plus engagés ?
04:44 Et même plus engagés qu'avant la crise.
04:46 Donc ça, c'est ce que nous disent les salariés.
04:48 Les dirigeants disent plutôt le contraire.
04:52 En tous les cas, ils ont plutôt le sentiment qu'il y a plus de salariés qui sont désengagés qu'avant la crise.
04:58 Donc déjà, il y a une perception qui est un peu différente.
05:00 Et là aussi, quand on regarde d'autres données, on voit que ce n'est pas si simple que ça.
05:04 Parce que quand on regarde les résultats de l'année 2022, les résultats économiques et financiers sont plutôt bons.
05:09 Et on ne peut pas atteindre ces résultats sans avoir l'engagement des collaborateurs.
05:13 Donc on peut quand même penser qu'il y a des salariés engagés dans les entreprises.
05:17 Mais quand on regarde d'autres indicateurs, comme par exemple l'absentéisme,
05:21 on voit que ça se dégrade de manière très importante encore cette année.
05:26 Et puis, il y a une petite question assez anodine.
05:30 Est-ce qu'au travail, vous vous sentez présent mais pas investi ?
05:34 Cette année, on a presque 30% des salariés qui nous répondent oui.
05:38 Donc il y a une forme de...
05:40 On voit bien qu'il y a des...
05:42 Le quiet-quoting.
05:43 Je suis là physiquement mais mon cerveau n'est pas là.
05:46 Et on n'a jamais atteint des scores aussi élevés.
05:49 On était à cette même question.
05:51 On était à 15% en 2020, on est passé à 30%.
05:55 Donc il y a vraiment cette idée.
05:57 Donc il faut repenser.
05:58 Je pense que le message fort, c'est qu'il faut repenser le travail.
06:04 Il faut repenser la manière dont on organise le travail.
06:07 Il faut repenser aussi la conciliation des temps.
06:11 Et je pense que c'est aussi ça que dit cette enquête.
06:14 C'est qu'il faut s'intéresser au travail.
06:16 Je ne veux pas filer la métaphore avec l'armée,
06:18 où la règle, ou la discipline, ou l'engagement est très fort.
06:22 On a des DRH qui vous disent aujourd'hui qu'on est un peu pris au piège.
06:25 Parce qu'à la fois, pour engager, il faut que je cède des choses.
06:30 Et j'ai aussi au même moment des recrutements difficiles
06:34 parce que le collaborateur fait monter la barre tellement haut
06:36 qu'on se retrouve pris au piège.
06:38 On a l'impression comme ça qu'il y a une sorte de rapport de force qui s'est installé.
06:43 Est-ce que vous avez ce sentiment-là ?
06:45 Ce qu'il faut poser à plat dès le départ,
06:47 c'est que l'engagement c'est très différent de la motivation.
06:49 La motivation c'est un moteur qui nous anime, qui nous met en mouvement.
06:52 Ça vient de "movere" en latin.
06:54 Donc c'est l'idée du mouvement.
06:55 L'engagement c'est un lien moral ou contractuel.
07:00 Mais il y a forcément cette notion de transaction dans l'engagement.
07:03 Ça veut dire que ça marche dans les deux sens.
07:06 Et souvent les organisations ont signé un contrat à un instant T
07:10 et on reste sur cette idée de contrat.
07:12 Alors que l'engagement c'est quelque chose d'émotionnel.
07:14 Donc le collaborateur a besoin qu'à un moment,
07:17 quand les données du contrat changent,
07:19 et la pandémie a fait changer les données du contrat,
07:21 de manière temporelle et de manière géographique,
07:24 et de par l'activité au sens large,
07:27 il faut se reposer à la table et revoir comment on met à plat ce contrat-là.
07:32 Je vais donner la parole à Nathalie Gourdin, mais juste d'un mot.
07:34 Est-ce que c'est un débat ?
07:36 Poser cette question de l'engagement ou du désengagement,
07:38 d'abord sur des questions salariales.
07:40 On parle depuis des mois de l'inflation,
07:43 de la difficulté de boucler les fins de mois,
07:45 de salariés qui travaillent.
07:46 Le président Macron s'est exprimé sur le sujet
07:48 en évoquant ces salariés qui n'arrivent pas à boucler les fins de mois.
07:52 C'est d'abord un problème salarial ou c'est un peu plus philosophique, sociologique ?
07:57 D'abord vous, et Nathalie, j'aimerais vous entendre.
08:00 Là, on voit quand même qu'avec l'inflation,
08:04 la question du salaire a repris une place importante.
08:08 Donc ça monte.
08:09 Après, il y a beaucoup d'entreprises et de branches professionnelles
08:13 qui ont réglé partiellement le problème.
08:16 On a quand même des augmentations de salaire qui ont été consenties dans certains secteurs.
08:20 Oui, le salaire c'est un sujet, mais juste derrière,
08:23 on retrouve le travail,
08:26 on retrouve la flexibilité qui est attendue par tous,
08:29 et la conciliation, finalement, vie pro, vie perso,
08:32 qui est un sujet transgénérationnel.
08:34 Vous êtes conseillère en communication de crise,
08:36 donc je ne veux pas toujours ramener à votre uniforme,
08:39 mais je ne vois pas un militaire qui dit,
08:41 il est dans l'opération Barkhane, engagé au Mali, en plein désert,
08:44 il dit "je suis dans la semaine des 4 jours".
08:46 Ça ne va pas être possible.
08:47 Il va falloir que je me pose un tout petit peu
08:49 pour quand même manger un petit gâteau au chocolat
08:51 parce que j'ai besoin de souffler.
08:53 Je grossis le trait, mais comment vous regardez cela ?
08:56 Ce phénomène, véritablement, qui est pour moi une révolution.
08:59 Alors moi, je vais faire le parallèle, parce que j'interviens aussi,
09:01 pas que dans la communication, mais aussi sur tout ce qui est optimisation
09:03 du facteur humain en entreprise.
09:05 Et je crois que la première question à se poser,
09:07 c'est qu'est-ce qu'on met derrière la notion d'engagement ?
09:09 Premièrement, je crois que c'est ça,
09:10 parce qu'on peut être engagé d'un point de vue sociétal,
09:13 pour une action, pour une cause, etc., qui nous parle.
09:15 Un engagement, c'est aller vers quelque chose qui fait sens pour nous.
09:18 Donc la notion de sens, c'est l'important, déjà, pour motiver quelqu'un.
09:22 Et puis après, c'est comprendre son désir.
09:24 Quand on est en entreprise... - Donc l'écouter.
09:26 - L'écouter. C'est quoi le désir de mon collaborateur ?
09:28 Est-ce qu'il vient travailler parce qu'il doit combler un manque,
09:30 le manque d'argent, etc., ou est-ce qu'il vient parce qu'il a besoin de progresser,
09:33 de s'épanouir ?
09:34 Donc effectivement, pour répondre à votre question,
09:36 c'est un peu à la fois une dualité entre une réponse philosophique,
09:40 qu'on pourrait dire d'un côté platonicienne et d'un côté de Spinoza, ok ?
09:44 - Fais pas du marathon, Nathalie.
09:46 - Non, non. Mais d'un autre côté, d'un point de vue militaire, c'est simple.
09:49 Je dirais qu'un manager, aujourd'hui, il doit comprendre ses collaborateurs...
09:53 - J'allais y venir.
09:54 - ...comme un commandant d'unité, comme un chef militaire,
09:57 et d'accepter, en fait, la responsabilité qu'on va porter en tant que dirigeant, cadre,
10:03 peu importe le niveau, ou chef militaire...
10:05 - Au plus près de ses hommes. - Au plus près de ses hommes.
10:07 Et d'accepter aussi, nous, de porter, en fait, les problèmes.
10:10 C'est-à-dire que nous, on est là pour l'acceptation.
10:13 Notre engagement, c'est d'accepter les problèmes, d'accepter d'écouter,
10:16 d'accepter de les résoudre et de prendre ça.
10:18 Et finalement, quand on accepte tout ça,
10:20 qu'on essaie de mettre en œuvre un petit peu la compréhension des motivations,
10:23 des leviers de la motivation, des croyances, qu'est-ce qui anime,
10:26 qu'est-ce qui fait vibrer, et pas avoir des fausses valeurs.
10:28 En fait, je pense que c'est ça. - Des valeurs bullshit, oui.
10:31 - Il faut vraiment donner du sens et rappeler à chaque personne
10:34 pourquoi chaque matin, il vient travailler.
10:35 Il n'y a pas de mauvaise raison.
10:36 Ça peut être pour l'argent, c'est tout à fait OK.
10:38 - Et c'est une raison. - Et c'est une raison.
10:40 - Et c'est une raison. - Et si on la comprend,
10:42 en fait, finalement, on va peut-être demander de manière autrement, en fait, les choses.
10:46 Et on va susciter davantage d'adhésion.
10:48 - Juste un mot sur les managers. Vous ouvrez le débat sur les managers.
10:51 Moi, ça m'interpelle parce qu'il y a beaucoup de formations aujourd'hui
10:54 des entreprises, des DRH qui disent qu'il faut réenclencher les managers
10:58 sur une autre manière de s'exprimer.
11:00 Et ce que vous évoquez, une écoute, qu'on ne soit pas dans du descendant,
11:04 qu'on soit dans quelque chose de plus individualisé.
11:06 Est-ce qu'on va vers ça, finalement, pour aller un peu plus loin ?
11:09 Est-ce qu'on va vers cette relation du salarié un peu consommateur ?
11:13 C'est-à-dire que la consommation individualise de plus en plus les besoins.
11:16 Est-ce qu'on est un peu dans le même phénomène en entreprise ?
11:18 Avant, on massifiait une seule tête terminée. Est-ce que ça, c'est fini ?
11:22 - Alors, la question managériale, elle reste clé parce qu'au final,
11:25 le collaborateur, un petit peu moins maintenant,
11:27 mais celui qui voit le plus sur son lieu de travail, c'est son manager
11:30 et son manager direct, qui est un peu l'incarnation de la direction.
11:36 - L'ambassadeur de sa boîte. - Exactement. C'est l'ambassadeur direct.
11:39 Et les anglo-saxons ont beaucoup travaillé, d'ailleurs,
11:42 l'incarnation que porte le manager de l'engagement du collaborateur.
11:47 - Son charisme, sa manière d'être. - Sa manière d'être, son exemplarité,
11:50 comme vous le mentionniez, la direction qu'il donne,
11:52 sa proximité avec ses collaborateurs.
11:54 Mais c'est important de garder en tête, je crois, que l'engagement, c'est très systémique.
11:59 C'est-à-dire que l'engagement ne peut pas passer que par le manager.
12:02 L'engagement, ça va passer par les locaux, ça va passer par la proximité des locaux,
12:06 aussi, avec mon domicile, ça va passer par mes équilibres de vie.
12:09 - Une sorte de caire global, quoi. - De caire global, absolument.
12:12 Ça ne peut passer que par une globalité.
12:14 Et si on adresse le sujet que par le petit bout de la lorniette,
12:17 en se disant "on mise tout sur le manager"... - C'est beaucoup demandé au manager.
12:20 - C'est énorme. - Ça se passe comment, côté Malakoff, Humanis,
12:23 au-delà de l'étude que vous soulevez, où, encore une fois, le verre n'est pas totalement vide,
12:27 il y a des salariés qui doivent vous dire, vous faire remonter,
12:30 "moi, ma relation avec le manager, j'en ai pas, il n'est pas disponible,
12:34 il ne m'écoute pas, il ne prend pas compte de mes difficultés de femme aidante",
12:39 et tous ces sujets sont sur la table.
12:41 Comment on l'adresse, ce sujet ? Comment on le traite ?
12:44 - Je pense que ce que vous disiez me parle tout à fait.
12:48 Je pense que l'enjeu, et c'est celui qu'on essaye d'adresser chez Malakoff Humanis,
12:52 c'est l'enjeu de l'articulation entre du collectif et de l'individuel.
12:55 Du collectif, parce que la plupart des sujets, quand même, qui créent de l'engagement,
13:00 sont des objets de dialogue social, et le dialogue social, c'est important.
13:03 - Le fameux dialogue social.
13:06 - Ça crée, finalement, en tout cas, on doit réunir les conditions d'un échange fécond.
13:11 - Vous nous emmenez sur la semaine des 4 jours, là, gentiment, ou pas ?
13:14 - Non, pas du tout.
13:15 - Non, je ne sais pas, parce que le dialogue social, c'est...
13:17 Laurent Berger dit, dans son dernier livre,
13:19 "moi, je pense que la semaine des 4 jours, c'est un enjeu majeur,
13:21 justement, pour engager les collaborateurs".
13:23 - On va, d'ailleurs, probablement, sur ce sujet, lancer une expérimentation,
13:29 parce que c'est bien aussi d'essayer.
13:31 Je pense que, de temps en temps, en tous les cas,
13:33 définir les conditions d'un pilote, d'une expérimentation, c'est toujours bien.
13:38 Donc, on a, d'un côté, un cadre collectif qui est absolument nécessaire,
13:43 et là, je vous rejoins, et qui résulte, quand même, beaucoup du dialogue social.
13:47 Et puis, de l'autre, il y a des aspirations, il y a des enjeux individuels,
13:50 qu'on essaye d'adresser aussi.
13:53 Et d'ailleurs, c'est une des attentes fortes des salariés
13:57 pour, finalement, obtenir leur engagement,
14:00 et qu'on puisse les impliquer mieux.
14:02 Il y a une attente très forte, à la fois de personnalisation,
14:05 mais aussi d'implication très forte.
14:08 - Il y a un effet miroir. - Voilà.
14:09 - On l'entend dans la société, aujourd'hui,
14:11 parce que les politiques, aujourd'hui, ne savent pas trop comment réengager les citoyens.
14:16 Les citoyens disent "on voudrait plus participer".
14:18 Ça ressemble beaucoup à ça, quand même.
14:19 Il y a un effet miroir, quand même, dans le phénomène.
14:21 - Je pense que, en fait, c'est un peu antinomique.
14:23 Les gens sont dans l'attente de quelque chose,
14:25 mais, en fait, n'ont pas la volonté de passer à l'action.
14:27 Donc, je crois que c'est ça, le vrai sujet.
14:29 C'est-à-dire qu'il faudrait peut-être attendre moins, vouloir plus,
14:31 puisque c'est la volonté qui va déclencher l'action.
14:33 Sinon, c'est que des belles promesses.
14:35 - Si on attend, en fait. - Voilà, on attend.
14:36 J'attends toute une entreprise, j'attends...
14:38 - J'attends tout l'État.
14:39 - Ça rappelle, en fait, la boîte de Pandore.
14:41 Qu'est-ce qu'il reste ? L'espérance.
14:42 Et quand on attend trop, on a de l'espoir, certes,
14:45 mais on ne passe pas à l'action.
14:46 Et c'est ça qui tue, parce que, finalement, ça n'engendre que des désillusions.
14:49 Je vais attendre tout de mon manager, je vais attendre tout de mon entreprise,
14:52 mais au final, je ne serai jamais passée à l'action, même sur quelque chose.
14:55 Je n'aime pas quelque chose, mais si je ne fais pas quelque chose pour le changer,
14:59 si je ne fais pas un passage à l'action, il ne se passera rien.
15:01 Donc, moi, j'aurais envie de dire aux gens, aux entreprises,
15:04 c'est OK, faisons des négociations sur ce qui est possible de travailler ensemble.
15:09 Soyons dans la bonne intelligence, mais c'est du donnant-donnant.
15:12 - Juste, il y a un mot que je ne vais pas relever, mais que vous soulevez,
15:16 parce que dans cette étude qui est assez riche,
15:18 les 26 % de chèques d'entreprise qui ont l'impression que leurs salariés sont désengagés,
15:21 on l'a vu, 41 % des 18-24 ans ont démissionné durant les deux dernières années en France.
15:28 Je voulais quand même soulever ce chiffre de votre étude.
15:30 Je me tournais, pour terminer l'émission, sur cette fameuse nouvelle génération dite Z,
15:34 et vous avez un peu ouvert.
15:36 Multiactivité, relations en contrat très distendues.
15:39 On va vers quoi ? Je ne pense pas qu'on aille vers la fin du travail,
15:43 mais ce n'est plus le travail qu'ont fait nos parents et nos grands-parents.
15:46 Ce n'est plus celui-là, d'évidence.
15:48 - Moi, je suis résolument optimiste sur ça, et je crois qu'on va vers une nouvelle forme d'engagement.
15:53 C'est-à-dire que les jeunes ne sont pas moins engagés que leurs aînés,
15:55 ils sont engagés différemment.
15:57 - Oui, c'est un peu flou.
15:59 - Ils sont engagés différemment, avec des loyautés qui ne sont plus des loyautés uniques,
16:02 c'est-à-dire qu'ils ne vont plus avoir un employeur unique.
16:04 Potentiellement, ils auront plusieurs employeurs, plusieurs activités au sein d'une même semaine.
16:08 Ce sera OK quand même.
16:10 Le CDI va potentiellement être amené à être reconsidéré aussi,
16:13 avec des formes de travail plus légères, plus flexibles,
16:16 avec l'idée qu'on peut être engagé sur un laps de temps très court,
16:20 et qu'on ne va plus mesurer la temporalité.
16:23 - Zapper, slasher.
16:25 - Slasher plus que zapper.
16:27 - C'est l'ère du numérique, quoi.
16:29 On consomme différemment son travail.
16:31 - On vit son travail différemment.
16:33 - Vous êtes d'accord avec cela ?
16:35 Parce que c'est une réflexion que vous menez chez Malakoff.
16:37 Est-ce que vous dites, nous aussi, face à des collaboratrices ou des collaborateurs,
16:41 il faut qu'on se réadapte, qu'on propose autre chose
16:44 que le simple CDI et la carte de cantine ?
16:48 - C'est déjà à la manœuvre, c'est déjà en route,
16:51 parce qu'il y a certains postes aujourd'hui
16:53 où on ne peut pas recruter avec des CDI.
16:56 On est déjà depuis plusieurs années contraints
16:59 d'adapter nos modes de recrutement,
17:02 la nature des contrats qu'on propose.
17:04 On travaille depuis plusieurs années avec des freelances, par exemple.
17:07 Parce que sur certains postes, de toute façon, c'est ça ou pas.
17:12 - Qu'est-ce que vous en pensez ?
17:14 On a recommencé notre émission en disant que c'était l'engagement suprême
17:16 que de s'engager dans l'armée, notamment dans des forces combattantes.
17:18 Là, on est quand même dans une disruption du rapport au travail.
17:21 On n'est pas dans un engagement, mais dans plusieurs engagements.
17:24 On est plus exigeant qu'avant.
17:27 Comment vous regardez cette évolution ?
17:29 Vous, qui avez fait une grande partie de votre vie en portant l'uniforme.
17:32 - Et je la continue en tant que réserviste.
17:34 - Et réserviste à plusieurs.
17:36 - Je travaille aussi sur ce projet Force morale au sein de l'armée
17:38 où nous, on se pose aussi ces questions de comment engager aussi les jeunes.
17:40 - L'armée peine parfois à recruter.
17:42 - Voilà. Et quelque part, je n'ai pas de réponse.
17:45 S'il y avait une recette miracle, ça se saurait.
17:47 Néanmoins, il y a une hypothèse qu'on peut faire.
17:49 C'est de se dire, et si finalement, on était moins dans la recherche du plaisir immédiat,
17:53 mais plutôt dans la recherche du bonheur.
17:56 Pourquoi ? Parce que l'activation qu'on va avoir dans notre cerveau par la dopamine,
17:59 qu'on va avoir, oui, les likes et tout, ça active direct.
18:01 - Le scroll et la dopamine.
18:03 - Par contre, aller faire un effort physique, par exemple,
18:06 on va avoir des endorphines.
18:07 Et finalement, le bonheur, ce n'est peut-être pas forcément dans l'immédiatité.
18:09 - C'est bien meilleur.
18:10 - Voilà. Et c'est plutôt de se dire, rien n'est facile, il faut arrêter de chercher la facilité.
18:14 Il faut aller plutôt chercher l'effort et quelque chose qui va venir nous porter
18:18 et justement nous engager un peu plus longtemps.
18:20 - Je partage totalement cette opinion, mais ce n'est pas tout à fait ce que nous vend la société quand même.
18:23 Non, enfin, je ne sais pas. On va plus à la facilité, on va plus vers la dopamine que vers l'endorphine.
18:29 - Mais est-ce qu'on est obligé de céder à ça ?
18:31 Est-ce qu'on n'aura pas cette obligation d'être pédagogue aussi
18:34 et d'amener les gens finalement à la place, d'être dans l'air du temps et d'être dans le suivi ?
18:37 - Donc de les accompagner sur ce point-là ?
18:39 - Voilà, d'accompagner et de faire un compromis en disant peut-être un petit peu de tout.
18:42 - Un mot chacun, mesdames, parce que ça c'est un sujet à la fois de ceux qui accompagnent,
18:46 vous êtes une entreprise de conseil, mais aussi vous qui êtes, j'irais, dans la salle des machines.
18:51 Qu'est-ce qu'on fait ? Un peu plus de fermeté, on guide un peu plus les collaborateurs,
18:54 non pas à la facilité, mais un peu dans le goût de l'effort, parce que c'est ça que vous nous dites.
18:58 - Moi je pense qu'il y a surtout un besoin de plus d'écoute dans les entreprises.
19:04 Tout à l'heure vous en parliez, il faut qu'on arrive à mieux écouter les collaborateurs, leurs aspirations,
19:09 mais aussi ce qu'ils ont à dire sur leur travail, parce que finalement ce sont de formidables ressorts pour changer les choses.
19:15 Et puis il faut aussi faire attention aux managers, parce qu'on attend tout des managers, beaucoup des managers.
19:21 Or aujourd'hui les managers sont dans une situation d'extrême fragilité mentale.
19:27 - Penser aux managers, oui.
19:28 - Voilà, et donc il faut aussi accompagner les managers.
19:31 - Et Manuel quand même, fermeté ou scrolling et dopamine ?
19:34 - Plaisir immédiat, parce que c'est un rapport très sociologique, philosophique même.
19:40 - Absolument, on est en plein dans les neurones qui s'activent avec une récompense rapide versus une récompense différée.
19:47 J'aime beaucoup moi l'idée de persévérance et d'éducation à la volonté et à la persévérance,
19:52 quelque chose qu'on a un petit peu perdu, qui s'applique très bien dans les organisations.
19:55 C'est-à-dire cette idée que pour apprendre, on sait qu'aujourd'hui qu'on apprend dans une forme de difficulté,
20:01 on sait que l'engagement ça demande du soin, ça demande de l'attention, ça demande de la présence, ça demande de l'écoute.
20:06 - Des efforts.
20:07 - Des efforts, et de repasser dans cette notion aussi de réciprocité, et de réciprocité sentie par le collaborateur.
20:16 Le collaborateur doit sentir que son entreprise est engagée vis-à-vis de lui.
20:20 - Quel beau débat, passionnant.
20:22 Merci à vous mesdames de nous avoir éclairés à travers les fenêtres respectives où vous êtes.
20:27 Anne-Sophie Godon, Ransonnet, allez voir l'étude Malakoff Humanis, elle est très instructive.
20:32 J'évoquais ce 41% de ces jeunes qui démissionnent.
20:35 Et puis l'absentéisme, on n'a pas pu le développer, mais qui est un autre sujet.
20:38 Vous êtes en charge des services chez Malakoff Humanis.
20:42 Merci à Emmanuel Joseph Dahi, directrice du Lab, évidemment de chez Juliette Sterouen,
20:48 et puis l'auteur de ce livre "Développer l'engagement de vos collaborateurs", mais chez Errol et Le Poulpe, lisez-le, ce livre il est extraordinaire.
20:54 Et merci à Nathalie Gourdin, je vais aller courir avec vous peut-être.
20:57 J'aime l'effort.
20:58 Conseillère en communication de crise, ancienne militaire marathonienne et enseigne pongiste,
21:02 et engagée comme réserviste au sein de l'armée française.
21:05 - Et aussi écrivain.
21:06 - Et aussi écrivain.