Frédérique Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône, s'est exprimée ce dimanche sur BFMTV au sujet de la fusillade survenue ce dimanche matin à Marseille et qui a fait trois morts.
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00:00 Éric Camilleri, bonsoir également. Merci de votre participation ce soir.
00:02 Vous êtes la préfète de police de ce département des Bouches-du-Rhône.
00:05 Quelle est la situation ce soir ?
00:06 On sait qu'il y a des assaillants qui sont en fuite.
00:08 Est-ce qu'on a de nouvelles informations ?
00:11 Les assaillants sont en fuite et la police judiciaire est mobilisée pour les retrouver.
00:15 Et l'enquête commence tout juste sous l'autorité des magistrats.
00:19 Donc, je ne rentrerai pas dans les détails,
00:20 mais nous pensons explorer la piste de ce contentieux qui est très sanglant
00:26 depuis le début de l'année à Marseille,
00:27 de deux gangs rivaux qui se disputent le contrôle du trafic de stupéfiants dans la ville.
00:31 Vous parliez récemment de Vendetta.
00:35 Vous pensez qu'on est à nouveau dans ce même schéma de guerre féroce entre deux clans à Marseille ?
00:41 C'est vraiment trop tôt s'agissant de la fusillade de cette nuit.
00:45 Mais oui, il y a un cycle de Vendetta en cours à Marseille
00:48 qui implique deux clans de trafiquants lourdement armés.
00:52 Et c'est pour ça que nous mettons des moyens à la fois sur la voie publique
00:55 pour essayer constamment de contrôler des véhicules suspects.
00:58 Et c'est comme ça qu'encore ce week-end,
00:59 nous avons trouvé trois Kalashnikovs et un fusil mitrailleur
01:04 dans les coffres de voitures et dans des opérations de police.
01:07 Et également, la police judiciaire est mobilisée avec l'appui de services parisiens
01:12 pour retrouver ces assassins et puis surtout travailler en proactif,
01:15 c'est-à-dire trouver les assassins avant qu'ils ne commettent de futurs crimes.
01:19 Et ça, c'est un travail de police judiciaire et de technique policière
01:25 qui est vraiment très important et qui permet d'avoir des résultats probants
01:30 lorsqu'on arrive à interpeller des commandos avant qu'ils ne passent à l'acte.
01:34 – Madame Caminiéry, je voyais en vous écoutant, la voiture, c'est une voiture de luxe,
01:39 on parle de trois Kalashnikovs qu'on trouvait, vous parlez de bandes rivales
01:44 et on entend souvent en termes d'explications qu'on extériorise,
01:48 on externalise plutôt les règlements de compte,
01:51 que désormais il y a des gens qui sont payés très cher pour venir,
01:54 non pas de Marseille, mais qu'on n'est plus dans des batailles de cités,
01:56 mais qu'on est dans les vrais réseaux organisés de meurtres sur commande.
02:00 Est-ce que c'est quelque chose là aussi qui pourrait avoir eu lieu très tôt ce matin ?
02:05 – On est clairement dans un trafic très organisé à Marseille
02:07 qui n'est pas un trafic de cités, c'est un trafic qui est bien organisé
02:10 avec des têtes de réseaux qui sont peu nombreuses
02:13 et qui contrôlent une bonne partie du trafic à Marseille.
02:15 Et donc lorsqu'elles se font une guerre comme elles le font là actuellement
02:18 depuis quelques mois, elles sont très cyniques,
02:21 elles font appel à la main d'œuvre qui est prête à tuer quelqu'un d'autre
02:24 pour quelques dizaines de milliers d'euros.
02:26 Je pense que vous avez lu dans la presse récemment cet article
02:29 sur une personne qui est mise en cause qui a 18 ans et demi,
02:33 qui est soupçonnée d'avoir commis plusieurs assassinats
02:36 et donc voilà, on voit bien que ce qui est nouveau
02:39 c'est le rajeunissement du profil des tueurs
02:42 et que tout ça, ça vient de l'argent
02:44 et c'est l'argent qui maintient ce système en vie,
02:46 cet argent qui sort de la poche du consommateur, qu'on le veuille ou pas.
02:50 – On parle également beaucoup de têtes de réseaux
02:53 qui ne sont plus en France mais qui sont à Dubaï,
02:55 est-ce que c'est aussi quelque chose que vous prenez en compte
02:57 dans la lutte contre ce qu'on a vu ce matin ?
03:00 – Bien sûr, les têtes de réseaux elles sont en fuite,
03:02 elles ne peuvent plus rester à Marseille parce que la police met la pression
03:05 et qu'elles savent très bien qu'elles ne peuvent pas rester
03:09 sur le territoire national donc elles se sont mises à l'abri
03:12 dans certains pays avec lesquels nous coopérons
03:14 et l'année dernière il y a 10 têtes de réseau
03:16 ou trafiquants importants marseillais qui ont été interpellés
03:20 dans des pays étrangers grâce à la coopération internationale.
03:22 Donc ils vivent une vie de fugitifs,
03:24 ils peuvent continuer par leur puissance financière
03:26 à commanditer des assassinats depuis l'étranger
03:29 mais il y a sur le territoire national des personnes qui exécutent ces assassinats
03:33 et donc nous sommes là pour les interpeller
03:35 et nous sommes là surtout pour aller chercher l'argent
03:37 là où il se trouve et leur couper les vivres.
03:39 Et donc c'est cette stratégie-là qui est mise en œuvre aussi,
03:41 de couper les vivres aux trafiquants
03:43 et d'aller aussi s'attaquer à l'ensemble de leurs intérêts.
03:46 – Vous avez les moyens, quand on voit les milliards d'euros ou de dollars
03:49 qui sont gérés par ces trafics de drogue,
03:51 est-ce que vous avez les moyens ?
03:53 Vous préfète de police des Bouches-du-Rhône
03:55 mais également est-ce que l'État français,
03:56 est-ce que la police française a les moyens ?
03:59 – La police française et l'État français ont toujours réussi à empêcher les clans
04:04 de devenir si dominants qu'ils assuraient l'ordre républicain à notre place.
04:08 Parce qu'on leur porte des coups de boutoir,
04:09 parce qu'on les empêche de prendre le contrôle des réseaux,
04:12 parce qu'on les empêche aussi de devenir une sorte de mafia
04:15 qui pourrait infiltrer la sphère publique.
04:17 Nous créons de l'instabilité aussi dans le système, nous le savons bien.
04:20 Mais c'est le choix qui a été fait, de porter des coups très durs aux trafiquants,
04:24 d'être très répressif également sur le consommateur,
04:27 parce qu'encore une fois c'est l'argent qui permet à ce système
04:29 de se maintenir en vie et cet argent-là, il n'y a pas de secret,
04:32 il sort de la poche de tous ceux qui consomment,
04:34 et il y a des millions en France qui consomment régulièrement du cannabis
04:37 ou de plus en plus de la cocaïne.
04:39 Et donc nous faisons ce choix en France et à Marseille en particulier évidemment,
04:43 de mettre les moyens pour ne jamais tolérer le moindre trafic de stupéfiants.
04:48 Je rappelle qu'à Marseille depuis deux ans, avec des moyens exceptionnels,
04:51 aussi bien sur la voie publique qu'en police judiciaire,
04:54 nous avons supprimé définitivement, et j'insiste sur le mot définitivement,
04:59 40 points de deal dans le département.
05:01 Il y a des villes comme Salon de Provence où vous n'avez plus de points de deal,
05:04 grâce à l'action conjuguée de la police nationale, de la police municipale,
05:08 des bailleurs sociaux, parce qu'on sait bien que ce n'est pas la police seule
05:11 qui aura la réponse définitive à ce genre de problème.
05:14 Il faut qu'on se mette tous ensemble et donc c'est ce que l'on fait,
05:17 mais à Marseille, on a une situation qui est plus enquistée sans doute qu'ailleurs,
05:21 qui est plus ancienne, avec des narcotrafiquants de haut vol
05:25 qui ont une surface financière qui leur permet d'être résilients,
05:29 mais on l'a fait sur des points de deal un peu plus petits ailleurs
05:33 dans le département et dans certaines cités de Marseille.
05:35 Il n'y a aucune raison qu'on n'y arrive pas, mais ça va prendre du temps.
05:38 Mais madame la préfète, le bilan reste dramatique.
05:40 On est le 21 mai, depuis le 1er janvier 2023,
05:42 on en est à 21 personnes qui sont décédées dans des règlements de comptes à Marseille.
05:47 Vous disiez récemment, c'est une course contre la montre.
05:49 Comment faire pour faire dérégler la machine, pour stopper cet engrenage infernal ?
05:55 Alors, l'engrenage de la violence, il est lancé, et c'est le fait des trafiquants,
05:59 pour mettre les choses quand même dans leur contexte.
06:01 Et cette course contre la montre, elle est contre ces assassins.
06:03 Et c'est une course difficile parce que nous sommes dans un état de droit aussi,
06:07 où pour interpeller préventivement, il faut avoir des preuves suffisamment solides.
06:10 Mais il y a d'autres choses, il y a d'autres résultats
06:12 sur le plan des trafics de stupéfiants.
06:15 On a supprimé 40 points de deal,
06:18 on a saisi plus de 40 kalachnikovs depuis le début de l'année,
06:21 ce sont des chiffres inédits.
06:23 On a interpellé 700 trafiquants depuis le début de l'année,
06:25 on a mis des amendes à plus de 6 000 consommateurs depuis le début de l'année,
06:29 et tous ces chiffres sont inédits.
06:31 Ça prouve bien que la mobilisation est énorme.
06:33 Cette mobilisation-là, elle produit des résultats
06:36 dans les domaines de la lutte contre les trafics.
06:39 Il y a un point qui est celui de la violence,
06:41 sur lequel nous sommes engagés avec la police judiciaire,
06:43 et ça prend un temps plus long parce qu'il faut le temps de l'enquête,
06:47 et nous avons affaire à une situation qui est compliquée.
06:50 Et nous nous battons pour justement gagner cette course contre la montre.
06:54 Et on part d'un peu plus loin,
06:56 parce qu'ils ont toujours un petit temps d'avance
06:58 quand ils commettent le premier assassinat,
07:00 il faut tirer les fils, il faut comprendre ce qu'il se passe.
07:02 Et là, la dynamique est enclenchée de notre côté,
07:04 avec déjà plusieurs commandos qui ont été neutralisés,
07:07 et cette vague de saisie d'armes, d'interpellations clés,
07:12 qui s'amplifie depuis le mois d'avril.
07:14 Donc, on est dans une situation compliquée, personne ne le nie,
07:17 mais nous allons poursuivre avec beaucoup de détermination cette lutte-là
07:21 pour interpeller l'ensemble des auteurs de ces assassinats,
07:24 les présenter à la justice,
07:25 et c'est bien la moindre des choses que l'on peut faire
07:26 pour les familles de ces victimes.
07:28 – Merci beaucoup Frédéric Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône,
07:30 d'avoir été avec nous ce soir dans BFM TV SD.