• l’année dernière
De Gao à Tombouctou, le Nord du Mali est dominé par des milices qui imposent leur loi. Cette zone dans la tourmente, où sont toujours détenus quatre français, est un endroit stratégique pour la France, puisqu’une partie de l’uranium qui permet aux centrales nucléaires de produire de l’électricité provient des mines d’Arlit, situées à 300 kilomètres de là, au Niger. Qui sont les nouveaux maîtres du Nord-Mali ? Zoom également sur la vie sous tension des expatriés français qui continuent à exploiter les sites miniers malgré le danger permanent.

Réalisateur : Stéphane RODRIGUEZ

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Transcription
00:00 Devant la grande mosquée de Tombouctou, l'atmosphère est tendue.
00:05 Nous sommes le 20 juin dernier.
00:15 Les islamistes, les nouveaux maîtres de la ville, veulent faire un exemple.
00:28 - Dieu a dit, il est interdit de forniquer.
00:31 La fornication est un péché.
00:34 Nous devons apprendre aux gens quelles sont les lois de l'islam
00:40 et comment les faire appliquer.
00:43 Cet homme et cette femme sont accusés d'avoir eu un enfant hors mariage.
00:55 - C'est quoi votre problème ?
01:00 100 coups de fouet chacun.
01:01 A Tombouctou, voilà désormais le châtiment réservé aux couples illégitimes.
01:07 A la fin de la sentence, l'homme et la femme sont emmenés.
01:20 Ils vont être mariés de force.
01:24 Un avertissement pour la population, mais aussi pour l'Occident.
01:34 Aujourd'hui, c'est la charia qui règne au nord Mali.
01:38 - Ce message est envoyé à la France, aux Etats-Unis et à tous les pays de l'OTAN.
01:43 Leur dire que les moujahidines sont prêts à l'offensive à n'importe quel moment.
01:48 Nous ne sommes pas là pour dominer les villes.
01:51 Nous sommes là pour le djihad, pour propager le message du prophète Mohamed.
01:55 On est prêt à défendre la religion jusqu'au dernier degré.
01:59 On est prêt à combattre la France, les Etats-Unis, tous les pays de l'OTAN.
02:03 Et on considère que toute leur puissance n'est qu'une toile d'araignée.
02:06 Comment nous menacer avec une toile d'araignée ?
02:08 On viendra aux Etats-Unis, on viendra à Londres, on viendra en France.
02:12 On va conquérir le monde.
02:13 Et le drapeau de l'Allah, il sera levé depuis le lever du soleil jusqu'au cousser du soleil.
02:19 Aussalam alaikum.
02:20 Depuis plus de six mois, le drapeau noir du djihad flotte au cœur du Sahel.
02:33 Le nord du Mali est tombé aux mains des milices islamistes.
02:40 Une région aujourd'hui interdite à tout occidental,
02:44 que nous avons réussi à pénétrer avec l'aide des rebelles tuaregs.
02:49 Là, il passe comme un tuareg.
02:50 La zone a sombré dans le chaos.
02:56 La population appelle à l'aide.
02:58 Mais les islamistes, eux, se sentent intouchables.
03:10 Ils sont bien décidés à appliquer une charia pure et dure.
03:16 - J'ai été reconnu coupable de vol et on m'a dit que d'après la charia,
03:19 je devais avoir la main tranchée.
03:22 Dans cette zone de tous les dangers, à seulement 300 kilomètres du Mali,
03:30 une poignée de Français continue pourtant de travailler,
03:35 car c'est au Sahel que se trouvent les mines d'uranium,
03:38 qui alimentent une grande partie des centrales nucléaires de l'Hexagone.
03:41 - C'est aujourd'hui la moitié de la production d'uranium d'Areva.
03:45 - Dans le monde entier. - Donc c'est stratégique.
03:48 - Exactement, tout à fait.
03:49 - C'est hors de question de l'abandonner.
03:51 - On ne peut pas l'abandonner.
03:53 Aujourd'hui, six Français sont toujours retenus en otage au Sahel.
04:00 Ils sont prisonniers d'Akhmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique.
04:04 - Ça fait maintenant deux ans.
04:06 Est-ce que c'est pas normal ?
04:08 Est-ce que vous nous avez oubliés ?
04:10 Enquête au coeur de la poudrière du Sahel.
04:15 Un nouvel Afghanistan aux portes de l'Europe.
04:17 Nous sommes dans le désert, sur une piste qui monte vers le nord du Mali.
04:28 La région est interdite aux journalistes occidentaux.
04:32 Ces deux hommes sont des passeurs Touareg.
04:40 Ils ont accepté de nous faire traverser la frontière clandestinement.
04:44 Depuis plusieurs mois, le Mali est en proie à la guerre civile.
04:59 Le pays est coupé en deux.
05:02 Le nord est tombé aux mains des rebelles touareg et des milices islamistes.
05:13 Nous avons rendez-vous en plein milieu du désert avec le seul groupe
05:17 qui peut garantir notre sécurité.
05:19 La guérilla touareg.
05:22 À la tête de ces hommes, Moussa.
05:32 Il a 26 ans.
05:36 Il partage sa vie entre la France et le Mali.
05:39 Étudiant en sciences politiques en région parisienne,
05:43 il est aussi l'un des fondateurs du MNLA, le mouvement révolutionnaire touareg.
05:47 Un groupe de nomades du désert, habitués à dormir leur arme
05:54 toujours à portée de main, au pied de leur 4x4.
05:57 Ces combattants ont mené une guerre éclair contre l'armée malienne
06:01 et l'ont forcé à se replier dans le sud du pays.
06:04 - Qui sont ces gens?
06:06 C'est des soldats professionnels ou c'est des gens qui ont tout quitté
06:09 pour prendre les armes?
06:10 - Alors il y a un peu des soldats professionnels et en même temps,
06:14 aussi, il y a des gens qui ont réunit les mouvements pour se battre
06:17 pour la libération de leurs terres qui ne sont pas forcément
06:20 militaires au début, mais qui les sont devenus par la suite.
06:23 Moussa et ses rebelles touareg réclament l'indépendance du Nord Mali.
06:29 Ils sont musulmans, mais ce ne sont pas des islamistes.
06:32 Pour assurer notre protection dans la zone, ils sont venus avec
06:37 trois pick up et 30 hommes armés de mitrailleuses lourdes et de Kalachnikov.
06:42 - C'est nécessaire d'avoir autant de personnes avec vous?
06:47 - Oui, parce que c'est une zone qui est très risquante pour les étrangers,
06:52 spécifiquement, c'est fait spécifiquement pour les Français.
06:56 - Qui menace les Français ici?
06:58 - Il y a plein, il y a des braqueurs de route, il y a des endeuvers,
07:04 il y a des intermédiaires, après il y a des terroristes.
07:07 La crainte principale de la guérilla touareg, c'est que nous nous fassions enlever.
07:13 Nous devrons donc adopter la mode locale, Djeelaba, Chech
07:18 et nous garderons le visage couvert en permanence.
07:21 - Là, il passe comme un touareg.
07:33 Nous nous enfonçons dans le nord du Mali.
07:35 Une région désertique, grande comme une fois et demie la France.
07:43 C'est la partie la plus pauvre de tout le pays.
07:46 Sur la route, nous croisons un village de nomades.
07:52 Moussa veut nous montrer comment vivent les touaregs du Mali.
07:59 Il serait près d'un million dans des campements comme celui ci.
08:03 Il n'y a aucune infrastructure.
08:05 La population ne peut compter que sur elle-même pour survivre.
08:08 Moussa accuse le Mali de les avoir abandonnés.
08:12 - Il n'y a absolument rien.
08:14 Il n'y a pas d'école, il n'y a pas de centre de santé, il n'y a pas...
08:20 Il n'y a pas d'eau pour la population, il n'y a pas de route, il n'y a rien.
08:23 Voilà pourquoi les touaregs ont pris les armes et déclaré la guerre
08:29 au gouvernement malien.
08:30 Nous reprenons la route.
08:36 Notre destination, Gao, à 150 kilomètres de là.
08:42 Dans le désert, la température frôle les 50 degrés.
08:46 Il va nous falloir quatre heures de piste pour arriver à destination.
08:51 Gao, c'est la plus grande ville du nord Mali.
08:59 Elle compte 80 000 habitants.
09:01 Les touaregs ont choisi d'en faire leur capitale.
09:05 Ils ont investi les bâtiments publics, y ont planté leur drapeau
09:09 et déclaré l'indépendance de toute la région.
09:13 Le nord Mali est devenu l'Azaouane.
09:17 À l'aéroport, une cinquantaine de rebelles campent sur le tarmac.
09:26 Trois semaines avant notre arrivée, c'était encore la principale
09:29 base de l'armée malienne dans le nord.
09:31 Sur la piste, il n'y a plus un seul avion, mais les touaregs
09:36 ont fait une prise de guerre dont ils sont très fiers.
09:38 Cet hélicoptère de fabrication russe, endommagé pendant les combats.
09:42 - C'est cet hélicoptère qui a bombardé nos positions et nos populations.
09:48 L'engin est inutilisable et de toute façon, les touaregs n'ont pas de pilote.
09:56 Sur la piste, 300 combattants se sont réunis.
10:03 Ils sont venus avec leurs armes et avec leurs véhicules.
10:07 Certains ont été pris lors des combats avec l'armée malienne,
10:12 comme ce camion lance roquette.
10:14 Ou se blinder pour le transport de troupes.
10:18 Moussa les a rassemblés pour nous.
10:26 Avec ce défilé, il veut montrer au monde la force et la crédibilité
10:30 de la rébellion touareg.
10:31 - Vive l'Azawad, vive notre pays.
10:39 - Qu'est ce que vous ressentez là?
10:40 - Très, très grande fierté, une grande fierté pour l'ensemble des fils de l'Azawad.
10:46 Ça sent la puissance, ça sent la force et ça sent la liberté surtout.
10:51 Mais Moussa est loin de se douter que son rêve d'indépendance
10:59 est sur le point d'être balayé.
11:00 Car pendant que les touaregs paradent sur l'aéroport, en ville,
11:10 ce sont les milices islamistes qui occupent le terrain.
11:13 Nous les avons filmés en plein centre de Gao.
11:18 Leurs 4 4 sont surmontés du drapeau noir et ils sont aussi bien armés
11:28 que les touaregs.
11:29 Au départ, les deux groupes étaient alliés pour chasser l'armée malienne.
11:33 Mais désormais, ils se disputent le pouvoir.
11:37 - Là on arrive au QG général du MNLA.
11:47 Les touaregs du MNLA se sont barricadés dans le palais du gouverneur de Gao
11:53 et l'ont transformé en quartier général.
11:55 Tout autour du bâtiment, une centaine d'hommes montent la garde.
12:05 Nous allons rencontrer le chef du gouvernement provisoire des touaregs.
12:15 Il s'appelle Bilal Akcherif.
12:17 Il dénonce ces islamistes au drapeau noir qui préparent le djihad
12:23 et qui se sont alliés avec Al Qaïda.
12:25 - Les chefs d'Al Qaïda savent que leur organisation est indésirable ici.
12:35 C'est ça notre conception des choses.
12:37 Nous sommes déjà une société musulmane.
12:41 Il n'y a donc aucune raison de mener le djihad ici.
12:44 Les rebelles craignent pour notre sécurité.
12:50 Le bruit ne doit pas courir qu'un journaliste occidental est en ville.
12:54 Notre escorte nous conduit à l'écart du centre, dans une propriété sécurisée.
13:04 Pendant le reste de notre séjour, 25 hommes en armes seront affectés
13:09 à notre protection jour et nuit.
13:11 - Il y a des individus ici.
13:18 S'ils voient un étranger, ils vont aller informer les groupes
13:21 qui prennent des gens en otage.
13:22 Ils vont les prévenir qu'il y a des Occidentaux ici.
13:26 Pour votre sécurité, c'est mieux que vous restiez à l'intérieur.
13:31 Nous, on sécurise autour et comme ça, il n'y a pas de problème.
13:34 La menace est sérieuse.
13:39 Quelques jours avant notre arrivée, 7 diplomates algériens
13:43 ont été enlevés en plein centre de Gao par une branche d'Al Qaïda.
13:46 L'un d'eux a d'ailleurs été exécuté en septembre dernier.
13:52 Alors, qui sont réellement ces islamistes qui patrouillent dans la ville ?
13:58 Pour tenter d'en savoir plus, nous confions une petite caméra
14:01 aux journalistes qui nous accompagnent.
14:03 Il est originaire de la région et peut circuler librement.
14:07 Il se rend sur le marché de Gao.
14:10 Pour la population, ce ne sont déjà plus les Touareg qui tiennent la rue,
14:14 mais un groupe islamiste malien qui se fait appeler Ansardine,
14:18 les partisans de la religion.
14:20 - Le mouvement Ansardine a la protection.
14:24 C'est lui qui fait la protection de la population.
14:28 Plus que les MLM.
14:29 C'est ce que nous, on connaît.
14:31 Parce qu'à chaque intervention, à chaque comité des choses,
14:35 on appelle les Ansardines qui présentent et règlent le problème.
14:39 La milice Ansardine ferait donc la police à Gao.
14:43 Ce qui est sûr, c'est qu'elle commence à appliquer la sharia,
14:47 la loi islamique, en imposant le port du voile aux femmes.
14:50 - Avant, tu mettais le voile ou pas ?
14:53 - Non, non, je ne le mettais pas.
14:54 - Avant, tu ne le mettais pas ?
14:55 - Non, non.
14:56 - Et maintenant, comment ça ?
14:58 - C'est à cause de l'Ansardine qu'on porte ça.
15:00 - Donc vous voulez qu'Ansardine parte ?
15:02 - Oui, pour laisser Mali tranquille.
15:05 Mais les islamistes ne comptent pas s'arrêter là.
15:09 Ils se sont lancés à la conquête du pays.
15:13 Ils se sont emparés de la ville la plus célèbre du Mali.
15:21 Tombouctou, la cité mythique, classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.
15:26 La ville, réputée pour ses mosquées du 14e siècle,
15:31 est aujourd'hui totalement aux mains des islamistes.
15:35 Pour un occidental, il est impossible de s'y rendre.
15:40 Ces images, c'est un habitant de Tombouctou qui nous les a fait parvenir.
15:45 Jour après jour, il a filmé la chute de sa ville avec une caméra amateur.
15:51 Un témoignage édifiant.
15:52 Partout, le drapeau noir du djihad flotte sur les bâtiments officiels.
15:58 Ali Ousmane était le maire de Tombouctou,
16:02 jusqu'à ce qu'il reçoive la visite d'hommes en armes
16:05 qui l'ont immédiatement destitué.
16:08 - Tombouctou est occupé par Ansardine et ses acolytes.
16:13 Parce que c'est pas seulement Ansardine, il y a Ackmi, il y a beaucoup Aram,
16:17 mais d'autres, etc.
16:19 Tous occupent la ville de Tombouctou et chacun fait sa loi.
16:22 Les Maliens d'Ansardine, mais aussi les Algériens d'Ackmi
16:27 ou encore beaucoup Aram, un groupe venu du Nigeria.
16:30 Tombouctou est aujourd'hui devenu un sanctuaire pour les djihadistes
16:35 de tous les pays d'Afrique.
16:36 Dans les rues, ils sont partout.
16:40 On les voit même patrouiller aux commandes des blindés,
16:42 pris lors des combats avec l'armée malienne.
16:46 Assis derrière sa mitrailleuse, Omar Ould Amaha, c'est l'un des chefs militaires d'Ansardine.
16:53 Il porte la barbe rousse teintée aînée, comme le faisait le prophète Mahomet.
16:57 Et il affiche clairement le programme.
17:00 Nous, ce qu'on veut, ce n'est pas Azawad, c'est l'islam.
17:02 L'islam là.
17:03 - Bravo !
17:04 - Bravo !
17:05 - On est avec vous !
17:06 - On est avec vous !
17:07 - On est avec vous !
17:08 - On est avec vous !
17:09 - On veut pratiquer la charia, ce n'est pas à Tombouctou.
17:12 On veut pratiquer dans tous les Mali, même à Colombe, à Bamako, à Caille, à Menaka,
17:19 à Tessalif.
17:20 L'islam, pas plus.
17:21 L'indépendance, c'est l'islam.
17:22 C'est ça la vraie indépendance, c'est la pratique de la charia.
17:25 Du lever du soleil jusqu'au coucher du soleil.
17:32 Nous, nous sommes en sardines.
17:33 En sardines, nous sommes au monde de l'islam.
17:34 - Où est-ce que vous êtes en sardines ?
17:35 - À Tabu !
17:36 - À Tabu !
17:37 - Et très vite, Antsardine impose ses règles.
17:44 Les bars de la ville sont incendiés.
17:47 Les stocks d'alcool détruits, ainsi que les cigarettes.
17:53 On va les brûler parce que c'est interdit par Dieu.
17:58 Aujourd'hui, beaucoup de musulmans utilisent ces choses interdites.
18:01 Alors, si Dieu le veut, on va tout détruire.
18:04 Désormais, les fumeurs sont battus ou emprisonnés.
18:10 Dans les rues, Antsardine impose le port du voile à des femmes, qui, peu de temps auparavant,
18:23 vivaient un islam traditionnel.
18:25 Chaque jour, de plus en plus d'habitants quittent la ville.
18:34 Ils fuient vers le sud du pays, qui est encore sous le contrôle de l'armée malienne.
18:39 Tombouctou devient une ville morte.
18:47 Commerce fermé, administration dévastée et banques pillées.
18:57 Les habitants qui ne sont pas partis appellent à l'aide.
19:06 Sur leur banderole, ils reprochent à l'état malien de les avoir abandonnés.
19:11 Mais sur les islamistes d'Antsardine, pas un mot est pour cause.
19:20 Ce sont leurs véhicules aux drapeaux noirs qui encadrent la manifestation.
19:26 - On est fatigués, là où on est.
19:31 On est désespérés.
19:32 On ne sait même pas là où on se trouve.
19:33 - Ça en est vraiment tout.
19:34 Nous n'en pouvons plus.
19:35 Nous sommes privés de nos libertés.
19:37 Et nous sommes dans tous les maudits.
19:41 Nous n'osons même pas parler.
19:42 Parce que nous savons la situation qui s'est vue aujourd'hui à Tombouctou.
19:46 Tout le monde n'est pas libre de sa bouche.
19:49 Je ne veux pas encore même trop parler.
19:52 Mais nous savons tous que la situation est vraiment critique.
19:57 Mais si les islamistes font peur à la population locale, il semble au départ vouloir donner
20:02 des signes encourageants à la communauté internationale.
20:06 Nous sommes fin avril.
20:09 Les islamistes d'Antsardine ont organisé la libération d'une otage occidentale, en
20:14 plein désert.
20:15 Une mise en scène spectaculaire.
20:18 Pour récupérer l'otage, un hélicoptère a été envoyé par un pays voisin, le Burkina
20:25 Faso.
20:26 La prisonnière est dans cette voiture.
20:30 C'est une humanitaire suisse qui a été enlevée à Tombouctou.
20:34 Personne ne sait qui sont les ravisseurs, mais les miliciens d'Antsardine se présentent
20:38 comme ses libérateurs.
20:39 Ce sont eux qui l'escortent jusqu'à l'hélicoptère.
20:44 L'appareil évacue l'otage, direction le Burkina Faso.
20:53 Officiellement, aucune rançon n'a été versée.
20:58 Pour Antsardine, il s'agit en fait d'une opération de communication.
21:09 Ils ont même un porte-parole, l'homme au boubou jaune.
21:12 Il s'appelle Sanda.
21:13 Il a convoqué quelques journalistes locaux.
21:16 - Où sont les autres ?
21:18 Sous l'attente, il se prête volontiers au jeu des questions-réponses et va jouer les
21:22 médiateurs désintéressés.
21:24 - Tous les otages qui sont en ce moment dans le désert malien, vous êtes prêts à aider
21:29 à la libération ?
21:30 - Ça, c'est sûr.
21:31 - Les journalistes français, allemands, espagnols ?
21:34 - J'ai dit, on est prêts à aider tout le monde.
21:38 Si on nous demande d'aider, on va aider.
21:41 Mais soudain, une question va perturber son opération de séduction.
21:45 - Alors, dites-moi un peu, quelle est la différence entre Antsardine et Al-Qaïda au Maghreb
21:51 islamique ?
21:52 - On va dépasser cette question.
21:53 - Vous n'avez pas de lien ?
21:54 - J'ai dit, je ne peux pas répondre à ces questions.
21:55 C'est la question, je vous jure.
21:56 - Si le porte-parole est embarrassé, c'est qu'aujourd'hui, Antsardine apparaît de plus
22:13 en plus comme la vitrine d'Akmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique.
22:17 D'ailleurs, à Tombouctou, certains chefs de l'organisation auraient été reconnus
22:25 parmi les miliciens islamistes qui patrouillent dans les rues.
22:28 Cet homme au Turban orange, par exemple, filmé en plein centre-ville.
22:34 D'après un service de renseignement occidental, ce serait l'Algérien Abou Zeïd, l'un des
22:42 principaux chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.
22:45 L'homme retient aujourd'hui quatre Français en otage quelque part dans le désert.
22:51 - Cela va faire bientôt deux ans que nous sommes ici.
22:58 La dernière preuve de vie en date, c'est cette vidéo tournée le 29 août dernier,
23:05 dans laquelle les quatre otages appellent à l'aide.
23:07 - Je vous demande de faire le nécessaire auprès d'Al-Qaïda afin que je puisse très rapidement
23:12 retourner chez moi, retrouver ma famille et mes proches.
23:16 Les images de ceux qui les ont enlevées sont très rares.
23:19 Voici un document exceptionnel.
23:21 Cette vidéo a été tournée par un membre d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.
23:28 Elle n'aurait jamais dû être diffusée, mais la bande a été retrouvée sur un djihadiste
23:33 arrêté par les services de sécurité mauritaniens.
23:36 Ces images ont sans doute été tournées au Nord-Mali, mais on ne sait pas précisément
23:41 ni où ni quand.
23:42 Elle montre la vie quotidienne et les visages de ces combattants.
23:47 Cela pose devant une toile de tente.
23:51 La caméra sert à faire des photos d'identité pour de faux papiers.
23:55 Portrait avec barbe et lunettes, puis le même avec une simple moustache.
24:03 Les combattants sont éparpillés en petites unités très mobiles et discrètes.
24:10 De loin ou par satellite, impossible de les différencier d'un simple campement de nomade.
24:15 Mais le plus surprenant, c'est l'ambiance qui se dégage de ces images.
24:21 La plupart des scènes montrent les moudjaïdines en train de chahuter entre eux, comme ici,
24:28 au passage d'un cours d'eau.
24:29 Mais cette vidéo est aussi un document précieux pour les services de renseignement.
24:40 Car elle révèle les visages de ceux qui commandent.
24:43 On y retrouve ainsi le chef Abu Zayd, celui qui aurait été filmé récemment à Tombouctou.
24:51 Dans cet autre extrait, les combattants s'entraînent.
24:58 L'ambiance est toujours bonne en fin.
25:00 On reconnaît des accents algériens, mauritaniens, tunisiens.
25:08 Aujourd'hui, Ackmi recrute dans tous les pays de la région.
25:12 L'homme aux chèches noires qui dirige l'exercice a lui aussi été identifié.
25:22 Il s'agirait d'un autre chef historique d'Ackmi, l'algérien Mokhtar Belmokhtar, surnommé
25:29 Leborgne, à cause d'une blessure qu'il aurait reçue en Afghanistan.
25:33 Ces images, dont l'atmosphère fait parfois penser à un camp de vacances, ne doivent
25:45 pas faire oublier la dangerosité de ces hommes.
25:48 Depuis 2007, ils ont enlevé plus d'une trentaine d'Occidentaux dans tout le Sahel et sont responsables
25:54 de la mort de sept Français.
25:56 Et pourtant, malgré la menace que représentent ces djihadistes, il y a toujours des Français
26:04 qui travaillent dans ce désert.
26:06 Et cela à seulement 300 kilomètres de la frontière malienne.
26:10 Direction le Niger.
26:19 Ce pays compte parmi les plus grandes réserves d'uranium de toute l'Afrique.
26:24 Des réserves exploitées par une entreprise française, Areva, le géant du nucléaire
26:30 et même le premier employeur du pays.
26:32 Les mines d'uranium d'Areva se trouvent à Arlit, en plein désert, à plus de 800 kilomètres
26:41 au nord de la capitale, Niamé.
26:43 Une route longue et dangereuse.
26:45 Alors, Areva a mis en place sa propre liaison aérienne pour acheminer ses employés sur
26:54 la mine en toute sécurité.
26:56 Cette compagnie privée assure cinq vols par semaine.
27:02 Ce matin, parmi les passagers, il y a Himat Toumi, le responsable d'Areva au Niger.
27:10 Pour rejoindre la mine, cet avion, c'est la seule solution.
27:14 - Alors, c'est la seule solution.
27:15 Bon, si on peut le faire dans un temps limité, en deux heures, c'est la seule solution.
27:16 Sinon, vous avez pratiquement deux jours de route.
27:17 Deux jours de route avec mise en place d'un convoi ou d'escorte pour venir aller dans le
27:18 nord avec une escale en cours de route.
27:19 Donc, c'est quand même...
27:20 Ça reste quand même la meilleure solution.
27:21 Areva s'est offert les services de pilote spécialisés dans les pays africains.
27:22 - On est en train de monter le bateau.
27:23 On est en train de monter le bateau.
27:24 On est en train de monter le bateau.
27:25 On est en train de monter le bateau.
27:26 On est en train de monter le bateau.
27:27 On est en train de monter le bateau.
27:50 - Il y a des dangers dans la zone étrangère ici ?
28:19 - Oui.
28:20 - Bon, il faut faire attention, on est sur le quai.
28:21 - Ah, bon, oui.
28:22 Après deux heures de vol, les mines d'uranium sont en vue.
28:30 Ici, il y a deux ans, un commando d'Al-Qaïda a enlevé sept personnes.
28:37 Alors, les consignes de sécurité sont très strictes.
28:41 Nous ne pouvons pas filmer l'aérodrome.
28:44 Et la voiture qui nous emmène vers la mine est encadrée par un convoi militaire.
28:51 De nouvelles règles de sécurité mises en place par la direction d'Areva.
28:56 - Tous nos déplacements sont sécurisés par des convois.
28:59 Alors bon, il y a des 4x4 qui roulent en convoi.
29:03 Donc il y a 3 4x4.
29:04 Et on est précédés par une voiture de militaire et suivis par une autre voiture de militaire
29:10 avec des lisons radio, donc pour savoir à tout instant où est-ce qu'on est, quoi.
29:13 Précaution supplémentaire, de chaque côté de la piste, un rempart de sable de plus de
29:24 3 m de hauteur.
29:25 Impossible pour un 4x4 venu du désert de couper la route du convoi.
29:31 Le cortège prend la direction de la mine à ciel ouvert.
29:40 Une centaine de militaires nigériens assurent la protection du périmètre et contrôlent
29:46 les accès.
29:47 Depuis l'enlèvement de ses employés en 2010, c'est la première fois qu'Areva autorise
30:02 une caméra à revenir sur le site.
30:04 Comme tous les gisements d'uranium, les mines d'Arlite sont un sujet sensible et hautement
30:18 polémique.
30:19 En cause, les poussières radioactives dégagées par l'exploitation du minerai.
30:27 A long terme, elles seraient dangereuses pour les ouvriers et les populations locales.
30:32 - Attention.
30:33 - C'est radioactif, ici ? C'est dangereux ?
30:34 - Non, à ce niveau-là, c'est pas dangereux.
30:35 On peut pas faire les prendre dans les mains.
30:36 C'est de la radioactivité naturelle, donc c'est pas dangereux.
30:37 Le seul risque, c'est l'inhalation, qu'il faut éviter de ces poussières d'uranium.
30:38 Sinon, y a pas de contact, cette réactivité.
30:39 - On peut rester ici sans être...
30:40 - Comme vous le voyez, on est ici sans corrigoration.
30:41 - On peut rester ici sans être...
30:42 - On peut rester ici sans être...
30:43 - On peut rester ici sans être...
30:44 - On peut rester ici sans être...
30:45 - Comme vous le voyez, on est ici sans corrigoration, sans protection particulière.
30:59 Bon, maintenant, si vous restez ici pendant des jours et des jours, voire des semaines,
31:03 bon, y a peut-être un risque, mais par principe de précaution, vous restez pas ici si vous
31:08 avez un malheur.
31:09 S'il y a débat sur les risques sanitaires, une chose est sûre.
31:13 L'importance stratégique des mines d'Arlite est énorme.
31:16 C'est de cette usine que dépend une grande partie de l'électricité consommée en France,
31:24 car c'est l'uranium qui fait fonctionner les centrales nucléaires.
31:27 A ce stade, l'uranium est une substance fluorescente surnommée Yellow Cake, le gâteau jaune.
31:38 4 500 tonnes sortent d'ici chaque année, de quoi alimenter la moitié des centrales
31:47 françaises pendant un an.
31:49 - C'est aujourd'hui pratiquement la moitié de la production d'uranium d'Areva dans le
31:56 monde entier.
31:57 - Donc c'est stratégique pour vous.
31:58 - Exactement, tout à fait.
31:59 - C'est hors de question de l'abandonner.
32:00 - On ne compte pas l'abandonner.
32:01 Nous sommes là depuis 40 ans, sans discontinuer.
32:06 Et puis les investissements qu'on compte faire dans les années qui viennent montrent qu'on
32:10 a encore l'intention de rester là quelques années.
32:12 - Quel que soient les risques.
32:16 - Quel que soient les risques, disons qu'avec des risques maîtrisés, oui.
32:20 Des risques qu'Areva n'a pas toujours bien évalués.
32:25 En septembre 2010, c'est en plein centre-ville d'Arlite qu'un commando d'Al-Qaïda a kidnappé
32:32 7 employés du groupe.
32:33 4 d'entre eux sont toujours détenus quelque part dans le désert.
32:38 A l'époque, les expatriés vivaient avec leur famille parmi la population, sans protection
32:46 particulière.
32:47 Aujourd'hui, plus question de vivre ici, ni même de traverser la ville sans une escorte
32:54 armée.
32:55 Exceptionnellement, les militaires nigériens qui nous accompagnent nous donnent l'autorisation
33:00 de nous arrêter quelques minutes pour filmer le centre d'Arlite.
33:05 Un tournage qui rend nos gardes du corps un peu nerveux.
33:08 - Ça fait 2 ans que je n'ai pas marché, comme on marche là, en ville, à Arlite.
33:26 C'est quand même, bon, une étrange impression.
33:27 Bon, je suis content de me promener, après, normalement, en ville, ici.
33:28 Bon, on est escorté.
33:29 Notre cortège ne passe pas inaperçu.
33:33 Des Français en ville.
33:35 La population n'en revient pas.
33:37 Mais les réactions sont plutôt amicales.
33:40 - Bonjour.
33:41 - Ça va ?
33:42 - Ça va bien ?
33:43 - Il y a 50 ans, ici, ce n'était qu'un village.
33:53 La découverte de l'uranium a fait d'Arlite une ville champignon de près de 100 000 habitants.
33:59 - La totalité vive de la mine, soit directement de la mine ou de façon indirecte, au travers
34:09 de nos sous-traitants ou un certain nombre d'entreprises qui travaillent pour la mine.
34:13 Donc on peut dire qu'il n'y a qu'une seule industrie, ici, c'est la mine.
34:17 Donc ils vivent tous dans la mine.
34:21 Aujourd'hui, les Français qui sont revenus à Arlite vivent à l'écart du centre-ville,
34:27 dans un camp retranché.
34:28 De l'extérieur, l'endroit ressemble à une prison de haute sécurité.
34:33 A l'entrée, ce sont des militaires nigériens qui montent la garde.
34:43 Et à l'intérieur, des civils, chemise couleur sable et lunettes noires.
34:50 Vous ne verrez pas leur visage.
34:52 Ce sont tous d'anciens militaires des forces spéciales reconvertis dans la sécurité
34:56 privée.
34:57 - Tout de suite, le briefing.
34:58 - Tout ce briefing ? Très bien.
34:59 On y va, alors.
35:00 Donc vous allez me suivre, vous allez laisser vos bagages ici.
35:04 Ces hommes ont mis en place une procédure de sécurité très précise pour le cas où
35:09 un groupe terroriste viendrait de nouveau les attaquer.
35:11 - Il va falloir que le caméraman prenne des notes parce que le briefing de sécurité
35:16 est bon pour tout le monde.
35:18 Le briefing restera confidentiel pour ne pas compromettre la sécurité de ceux qui vivent
35:23 ici.
35:24 A première vue, l'endroit ressemblerait presque à un hôtel, avec ses petits pavillons et
35:33 ses chambres alignées.
35:34 Seul dispositif de sécurité visible, ce mirador où une sentinelle veille en permanence.
35:41 Et dans les couloirs, des portes anti-effraction ont été rajoutées devant chaque chambre.
35:47 Partout, à portée de main, des boutons d'alarme sur les murs.
35:54 En cas d'alerte, une sirène prévient directement la gendarmerie discrètement installée au
36:02 bout de la base.
36:03 - Tout a été fait et conçu pour qu'on n'ait pas cette impression-là d'être dans un
36:08 camp en tranchée.
36:09 - Eh bien, quand on regarde autour de nous, on voit pas un seul barbelé, il y a pas de
36:16 mur, il y a pas de caméra visible, il y a rien du tout.
36:18 Ce qu'on voulait, c'est précisément garder le style qu'il y avait avant et qu'on puisse
36:26 vivre le plus normalement possible à l'intérieur.
36:29 Vivre normalement, pas toujours simple pour la vingtaine de Français qui habitent ici.
36:33 Les périodes de travail sont longues, 2 à 5 semaines d'affilée sans un jour de repos.
36:39 Et interdiction formelle de sortir, à part pour aller travailler sur la mine.
36:45 La plupart des employés ont bien connu les otages.
36:53 C'est le cas de Mathieu, un ingénieur à l'usine de production d'uranium.
36:58 Ici, on en parle peu, mais les enlèvements sont encore dans toutes les têtes.
37:04 - Vous y pensez parfois, ces gens qui sont détenus ?
37:10 - Oui, régulièrement.
37:11 On les a côtoyés, on a travaillé avec eux, on pense souvent à eux, à leur famille.
37:18 - Vous les connaissiez bien ?
37:21 - Certaines personnes, oui, je connaissais bien.
37:24 - Vous y pensez parfois, eux, à ce qu'ils vivent, comment ça se passe pour eux ?
37:32 - Oui, on pense...
37:34 Enfin, moi, je pense souvent à cette personne que je connais particulièrement,
37:39 que j'ai fréquentée ici, à Arlite.
37:45 Le fait qu'ils aient été enlevés, c'est clair, avant de venir ici, on y pense tous.
37:49 - Vous pensez à quoi ?
37:51 - À la sécurité.
37:52 En fait, quand on arrive ici, on se retrouve confronté à notre problème,
37:55 c'est le manque de liberté.
37:57 Ça, c'est quelque chose qu'on avait du mal à imaginer quand on venait ici, quoi.
38:01 Parce qu'on se retrouve cloîtré dans la base-vie, jusqu'à...
38:06 Avec un couvre-feu à 22h.
38:09 Et ensuite, les allées retournent au travail avec les combats militaires.
38:14 Ça, c'est quelque chose qu'on...
38:17 On n'a aucun moyen de sortir, de s'évader.
38:20 Les seules références ici, c'est le travail, quoi.
38:22 On se retrouve tous dans un lieu assez renfermé, qui est...
38:25 On pense qu'on travaille, quoi.
38:27 22h, l'heure du couvre-feu.
38:34 Comme tous les employés, Mathieu doit regagner ses quartiers
38:40 et s'enfermer à clé.
38:42 Il vit dans cette pièce de 10 m2.
38:50 Voilà ma chambre.
38:52 Un endroit au confort sommaire dans lequel il passe 15 jours d'affilée.
38:57 - Le point important, c'est la clim, hein,
38:59 parce qu'aujourd'hui, il a fait 48 degrés à l'ombre.
39:02 Ça monte à 52.
39:04 Donc il faut, en tant qu'Européen ou expatrié,
39:07 il faut un endroit frais, sinon on n'arrive pas à passer la nuit.
39:11 Bah, j'ai mon PC,
39:13 qui me permet de rester en contact avec la famille.
39:17 Quelques petits dessins...
39:20 Les enfants ?
39:22 De l'autre côté de l'écran, sa femme Charlotte.
39:30 - Ça va ? - Ouais, ça va. Et toi ?
39:34 - Les enfants, ça va ? - Ouais, ouais, ça va bien.
39:36 Elle vit à Niamey, 800 km plus au sud.
39:40 Depuis les enlèvements, les familles d'expatriés
39:43 ne sont plus autorisées à habiter à Arlit.
39:46 - Est-ce que quand Mathieu est là, justement,
39:48 vous, ça vous inquiète ?
39:50 - Oui, bah, il est clair que depuis les enlèvements,
39:55 c'est sûr qu'on a des apprehensions vis-à-vis de la vie à Arlit.
40:01 Enfin, j'ai des apprehensions vis-à-vis de la vie à Arlit.
40:04 Mais bon, d'un autre côté,
40:07 je pense que maintenant, le risque, il est connu.
40:10 Et puis, il y a eu de gros reculs au niveau sécurité.
40:13 Donc je pense que le risque est maîtrisé.
40:16 Mais bon, c'est sûr que j'ai un peu d'appréhension.
40:19 Donc voilà.
40:21 - Bon, je t'embrasse. - Ouais, moi aussi.
40:24 Pendant que les Français du Niger se cloîtrent dans leur camp retranché...
40:29 Au Mali, à quelques centaines de kilomètres de là,
40:34 les islamistes se renforcent jour après jour.
40:37 Ils ont finalement chassé la guérilla Touareg
40:40 et sont désormais les seuls maîtres du territoire.
40:43 A Tombouctou, nous retrouvons l'un de leurs chefs.
40:47 Souvenez-vous, c'était l'homme à la barbe rousse
40:51 que nous avions vu haranguer la foule lors de la prise de la ville.
40:55 6 mois plus tard, Omar Ouldama est devenu l'homme fort de la région.
41:01 Ce Malien est né à Tombouctou.
41:04 Il a fait ses études au lycée franco-arabe de la ville.
41:08 L'homme n'est pas un inconnu des services de renseignement.
41:11 Il a d'abord été prédicateur avant de choisir la lutte armée.
41:15 On retrouve même sa trace dans la vidéo
41:21 saisie sur un membre d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.
41:25 La barbe n'est pas encore rousse et il a quelques années de moins.
41:31 Mais ce serait bien Omar que l'on voit s'entraîner
41:35 avec le noyau dur d'Al-Qaïda.
41:38 L'image a été authentifiée par un service de renseignement occidental.
41:44 Aujourd'hui, Omar veut imposer la loi islamique dans tout le pays.
41:52 Il lance même un ultimatum au gouvernement malien.
41:56 - Débarrassez-vous de la constitution et des institutions.
41:58 Pratiquez la charia, on est avec vous 100%.
42:00 Salam alaykoum. Terminé. On vous laisse le pouvoir.
42:02 On n'a pas besoin du pouvoir.
42:04 Les responsables restent les responsables.
42:06 Les notables restent les notables. Les imams restent...
42:08 Nous seulement, on va vous servir de guidance et d'orientation.
42:10 Ou dépollation. Ou peut-être on va vous financer pas plus.
42:14 Vous pensez que ça va ? Je viens de faire comprendre quand même.
42:17 - Oui. - Salam alaykoum.
42:19 Le ton est presque amical.
42:21 Mais sur le terrain, les islamistes multiplient les exactions.
42:25 Des actes symboliques conçus pour frapper les esprits.
42:30 Ils se sont ainsi attaqués à ce que les habitants de la région
42:33 ont de plus sacré.
42:35 Les tombeaux des saints musulmans de Tombouctou.
42:38 Depuis plus de 500 ans, les fidèles venaient de tout le Sahel
42:44 pour se recueillir devant ces mausolées de terre.
42:47 Mais pour les islamistes, ce culte des saints est une hérésie.
43:00 - Si un tombeau se dresse plus haut que les autres, il doit être rasé.
43:04 On fait ça pour Dieu. On va supprimer du paysage tout ce qui n'y a pas sa place.
43:08 Et il n'y a pas que la destruction des monuments sacrés.
43:13 Les islamistes vont aussi franchir un nouveau cap dans l'horreur.
43:19 Nous sommes le 16 septembre dernier.
43:24 À la périphérie de Tombouctou, les miliciens veulent à nouveau faire un exemple.
43:29 Devant la foule réunie, cette fois-ci, ils vont trancher la main d'un voleur.
43:35 Le condamné est dans cette voiture.
43:43 Il a été accusé d'avoir volé dans une maison.
43:46 Le châtiment ne sera pas filmé.
43:49 Les islamistes vont confisquer la caméra.
43:57 Mais un caméraman malien a pu retrouver la victime à l'hôpital de Tombouctou,
44:01 quelques heures seulement après l'amputation.
44:04 Le supplicié s'appelle Dedeou. C'est un plombier de 25 ans.
44:10 Surprise, l'homme qui est à son chevet n'est autre que Sanda,
44:16 le porte-parole d'Ansar Dine, celui qui avait organisé la libération de l'otage suisse.
44:23 - On l'a traité conformément à ce que Dieu nous dit chez le charia.
44:29 - J'ai été reconnu coupable de vol.
44:34 Et on m'a dit que d'après la charia, je devais avoir la main tranchée.
44:40 Mais avant de m'amputer, ils m'ont rassuré en me disant qu'ils allaient me prendre intégralement en charge.
44:49 Que ce soit pour la nourriture ou les médicaments, jusqu'à ce que je sois rétabli.
44:56 Et une fois rétabli, je serai lavé de mes péchés et toutes mes fautes seront effacées.
45:05 Après le châtiment, les islamistes ont proposé 80 euros à la famille du condamné, qui a finalement refusé.
45:17 Une amputation à Tombouctou, 5 autres à Gao où les islamistes ont coupé non seulement des mains, mais aussi des pieds.
45:23 Les châtiments et les flagellations continuent.
45:26 Une première exécution publique a même eu lieu à Tombouctou.
45:30 Le monde entier s'indigne, mais les islamistes menacent tous les pays qui voudraient les attaquer.
45:37 - Ça fait plus de 4 mois qu'ils disent qu'ils ne sont pas venus.
45:40 Mais qu'ils viennent une fois pour qu'on en finisse et que le meilleur gagne, il n'y a pas de problème.
45:44 On est prêts à affronter n'importe quelle armée qui tentera de nous envergrer.
45:47 Nous prévérons d'avance tous les états qui tenteront de nous agresser d'une punition impitoyable
45:52 et que nous transmettrons cette guerre au sein de leur propre capitale.
45:54 Et qu'ils sachent d'avance que nous avons des centaines de fidélités élues au premier rang.
45:59 C'est pas n'importe qui, hein.
46:00 Elues au premier rang, prêtes pour les opérations martyres et attendent que l'ordre est exécuté.
46:05 Et ne soyez pas curieux si je vous dis qu'ils sont déjà dans toutes les capitales.
46:09 Avec l'air explosif qui est déjà préparé et là va chaser.
46:13 On n'a pas besoin d'amener des missiles.
46:15 Avec les simples engrais, nous, on peut faire des explosifs, détruire presque toute la planète.
46:21 - Merci beaucoup.
46:22 Aujourd'hui, ce qui se passe au nord du Mali inquiète d'autant plus la France
46:27 car Eva vient de lancer un nouveau chantier spectaculaire au coeur du Sahel.
46:41 Pour s'y rendre, retour au Niger.
46:44 Escortée par des automitrailleuses de l'armée, nous nous enfonçons dans le désert
46:52 à quelques heures de piste seulement de la frontière malienne.
46:56 Areva a découvert un nouveau gisement d'uranium à 80 km au sud d'Arlit,
47:06 dans une région totalement isolée.
47:09 Il y a quelques mois ici, il n'y avait rien.
47:18 Aujourd'hui, la plus grande mine d'uranium d'Afrique est en train de surgir des sables.
47:25 La zone est entièrement fortifiée et quadrillée par l'armée.
47:30 Un morceau de désert grand comme deux fois Paris,
47:35 surveillé par des miradors et des caméras thermiques,
47:39 entièrement encerclées par une tranchée et un mur de sable.
47:44 Tout autour, des postes de combat avancés guettent un ennemi invisible.
47:51 Au coeur de ce dispositif, protégée par une double rangée de barbelés,
48:00 la base d'Imouraren.
48:04 Areva a investi près d'un milliard et demi d'euros dans ce projet démesuré.
48:11 Cette ville de préfabriqués peut accueillir 600 personnes.
48:20 Une quarantaine de Français sont déjà à pied d'oeuvre.
48:25 Ils se considèrent comme des pionniers
48:28 et la situation au nord Mali ne change rien à leur détermination.
48:33 - Quand je suis arrivé, il devait y avoir 35 personnes, grosso modo, c'est ça ?
48:36 - Ouais, on était 35 personnes.
48:37 - Et aujourd'hui, il y en a 1 900 et dans 2 ans, on sera 5 000.
48:40 C'était une opportunité de bâtir en plein milieu du désert
48:42 une activité humaine à taille gigantesque.
48:46 Ca va être la 1re mine d'uranium d'Afrique ou la 2e du monde, peu importe.
48:50 Mais... Et tout ça, parti de rien.
48:52 Et d'une feuille blanche... Oui, d'une feuille blanche.
48:55 En plein milieu du Sahara.
48:58 Ici, pour se rendre sur la mine, pas besoin de convoi militaire.
49:03 La zone entière, 200 km2 de désert, est entièrement sous contrôle.
49:15 - Ce qui est étrange ici, par exemple, quand on regarde là,
49:20 on voit aucun militaire, on voit personne en arbre.
49:22 Et pourtant, on vient de dépasser, comme il y a à peu près
49:25 une cinquantaine de militaires sans qu'on le voie.
49:27 - Ca va ? - Oui.
49:28 - Vous étiez où ?
49:30 Sur le site de la mine,
49:35 les 1res pelteuses géantes sont déjà au travail.
49:38 Elles tournent 24 heures sur 24.
49:41 Avec ce nouveau gisement, la production d'uranium d'Areva
49:44 va doubler dans les prochaines années.
49:47 Un enjeu économique colossal.
49:51 Le 1er kilo d'uranium devrait sortir fin 2014.
49:57 Si d'ici là, une nouvelle opération d'Al Qaïda
50:01 ne vient pas tout remettre en question.
50:04 Voici la vidéo que le groupe djihadiste
50:12 vient d'envoyer au gouvernement français.
50:15 C'est la dernière preuve de vie des otages
50:17 détenus dans le désert depuis 2 ans.
50:20 Pascal et Alain Legrand n'avaient pas vu d'image de leur fils,
50:33 Pierre, depuis son enlèvement.
50:37 - J'ai 17 ans, j'ai 17 ans de jour.
50:40 C'est ce que vous m'avez oublié.
50:43 C'est beaucoup trop, c'est difficile.
50:46 Que ce soit de la santé et le moral,
50:50 je suis vraiment fatigué.
50:53 Je vous demande donc de faire le maximum
50:56 auprès d'Al Qaïda pour me faire libérer
50:59 le plus rapidement possible afin que je puisse retrouver ma famille
51:02 et mes proches. Je vous remercie.
51:06 - Cette vidéo, elle a quelques jours.
51:09 Qu'est-ce que vous avez ressenti quand vous l'avez vue ?
51:12 - Moi, quand je l'ai vue, la première phrase qui m'est venue,
51:18 j'ai dit c'est pas une preuve de vie, c'est une preuve de survie.
51:21 C'est vraiment la première phrase qui m'est venue à l'esprit.
51:25 Pierre et donc mon fils, c'est très fatigué.
51:29 J'ai senti pas en forme et...
51:33 De toute façon, ils disent bien, ils survivent dans le désert.
51:37 Je crois qu'il y a vraiment urgence à les faire sortir de là,
51:41 comme ils le disent. Il y a urgence.
51:44 - Donc maintenant, on attend la suite, quoi.
51:47 C'est ça. Ah, ça marque un point de départ.
51:50 Comme si dans ce... Parce que quand même,
51:53 les derniers temps, on était mais il se passe plus rien, quoi.
51:56 Il ne se passe plus rien.
51:59 - Aujourd'hui, les familles des otages veulent faire accélérer
52:02 les négociations. Elles viennent d'être reçues
52:05 par le président de la République et entendent désormais
52:08 médiatiser leur combat. Elles se sont réunies
52:11 pour commémorer le 2e anniversaire de l'enlèvement.
52:14 - Thierry Doll, Marc Ferret, Daniel Larribe,
52:18 Pierre Legrand, 4 noms, 4 visages
52:22 que nous ne devons pas laisser dans l'oubli.
52:25 Nous nous sentons certes démunis devant une situation
52:28 comme celle-là, mais il est indispensable que notre mobilisation
52:31 soit forte et qu'elle le demeure.
52:34 Qu'ils sachent que nous pensons à eux, c'est l'essentiel,
52:37 et que nous ne voulons qu'une chose, leur libération.
52:40 - Le temps est compté. L'hypothèse d'une intervention militaire
52:43 se rapproche au normalie.
52:46 Les familles des otages espèrent que leurs proches
52:49 pourront être sorties à temps de la poudrière du Sahel.
52:53 [Musique]

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