• l’année dernière
Le directeur de la rédaction de Jeune Afrique revient sur la suspension de JA au Burkina Faso : « Un interdit de plus qui s’ajoute à l’interdiction de se rendre dans les zones de conflit, de rendre compte de façon indépendante des opérations de l’armée ou, dans le cas du Mali, de celles que mènent le groupe Wagner… Entre le marteau des groupes terroristes et l’enclume des militaires au pouvoir, c’est la liberté de l’information qui, peu à peu, disparaît au Sahel, en dépit du courage de beaucoup de nos consœurs et confrères sur place. »

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Transcription
00:00 Bonjour François Soudan.
00:04 Bonjour Benoît.
00:05 Que vous reprochent exactement les autorités burkinabés ?
00:08 Tout simplement d'avoir fait notre métier Benoît, en rapportant, en décrivant ce que
00:12 nul n'ignore à Ouagadougou, à savoir le malaise, les tensions au sein de l'armée.
00:17 Ces mouvements d'humeur sont d'ailleurs maintenant de notoriété publique depuis que les autorités
00:21 de transition ont annoncé, c'était il y a trois jours, l'échec d'une présumée tentative
00:26 de coup d'État avec en toile de fond d'une part les très difficiles conditions de vie
00:29 des troupes engagées sur le front de la lutte contre les groupes djihadistes et de l'autre,
00:33 les clivages internes entre officiers supérieurs et officiers subalternes.
00:37 Il y a moins d'un an, Radio France Internationale a elle aussi été suspendue des ondes au
00:42 Burkina pour des raisons semblables.
00:44 Alors cette décision de la junte vous a-t-elle surpris ?
00:46 Pas vraiment.
00:47 D'abord parce qu'il y a le précédent que vous venez de dire et qui concerne également
00:51 France 24 et des expulsions de journalistes.
00:54 Ensuite parce qu'au Burkina, mais aussi au Mali, en Guinée, au Niger, évoquer les
00:58 divergences et les rapports de force au sein des gens que pouvoir, c'est un sujet qui
01:02 est absolument tabou.
01:03 Vous savez, ces comités militaires fonctionnent dans une très grande opacité et ont pour
01:07 narratif une fiction d'unicité et de cohésion jusqu'au moment où tout cela éclate au
01:12 grand jour comme on l'a vu à Ouagar.
01:14 Alors un interdit de plus donc qui s'ajoute à ce de se rendre dans les zones de conflit,
01:19 de rendre compte de façon indépendante des opérations de l'armée ou dans le cas du
01:22 Mali de celles que mène le groupe Wagner, entre le marteau des groupes terroristes,
01:26 le grume des militaires au pouvoir, c'est la liberté de l'information qui peu à peu
01:30 disparaît au Sahel en dépit du courage de beaucoup de nos consœurs et confrères sur
01:33 place.
01:34 Il y a deux semaines, nous avions parlé aussi du placement en détention de Stanis Boujakéra.
01:39 Votre correspondant en RDC est accusé de diffusion de fausses informations.
01:43 Dans votre dernière éditoriale dans Jeune Afrique, vous évoquez ainsi une régression
01:47 pour les journalistes et la liberté d'expression sur le continent, comme à l'époque des
01:51 partis uniques.
01:52 Sur quoi fondez-vous votre jugement ?
01:53 Ce qui est frappant dans le communiqué du ministre de l'Information pour Kinabé,
01:58 annonçant la suspension de GIA, c'est le langage qui est utilisé.
02:01 Manipulation grotesque, journaliste égaré, au service d'office inoculte, d'intérêts
02:07 étrangers désireux de semer le chaos, etc.
02:09 C'est une sorte de régurgitation d'une logorée archaïque complotiste, tout droit
02:15 sortie de l'époque des partis uniques, avec pratiquement les mêmes mots quand des régimes
02:18 dictatoriaux assimilaient toute vérité dérangeante à un acte de subversion qui devait être
02:23 puni comme tel.
02:24 Aujourd'hui, le Colonel El-Ghoytal, le Capitaine Traoré expliquent aux médias que la seule
02:28 forme de journalisme acceptable, c'est ce qu'ils appellent le journalisme patriotique,
02:32 pour ne pas décourager la population et les forces armées, c'estiment en temps de guerre,
02:36 est l'injonction à pratiquer l'autocensure au profit d'une information qui est presque
02:40 une information de propagande.
02:41 C'est tout à fait assumé.
02:42 Le problème, Benoît, c'est que nous sommes en 2023, pas en 1970, et que pas plus qu'on
02:47 ne répond à un article gênant en emprisonnant un journaliste, ce qui est le cas, vous l'avez
02:51 dit, de Stanislaw Zakaria à Kinshasa, on ne masque que la réalité en tuant le messager
02:55 qui la rapporte, c'est-à-dire en interdisant un média.
02:58 Voilà qui est dit.
02:59 Merci François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

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