La semaine de 4 jours à 32h : arnaque ou progrès ?

  • l’année dernière
Parlons Vrai chez Bourdin avec Mélanie Tisserand-Berger, dirigeante d'une TPE et présidente du Centre des jeunes dirigeants (CJD), Jean-Claude Delgènes, expert en organisation du travail et dirigeant fondateur du cabinet Technologia et Léonidas Kalogeropoulos, vice-président du mouvement patronal ETHIC.

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##LA_CONFRONTATION-2023-05-19##

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Transcript
00:00 Sud Radio Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30 midi 30, Jean-Jacques Bourdin.
00:05 Il est 11h03, merci d'être avec nous, vous savez que vous pouvez retrouver tous les jours
00:09 votre émission Parlons Vrai chez Bourdin, 10h30 midi et demi.
00:12 Si vous avez manqué le direct, si vous voulez réécouter l'émission, aucun problème,
00:16 elle est immédiatement disponible en podcast sur sudradio.fr, sur notre application Sud Radio
00:21 qui marche très très bien d'ailleurs.
00:22 Pour rappel, vous pouvez aussi nous écouter en direct sur Facebook Live évidemment,
00:28 sur Youtube, en direct et en replay sur notre chaîne Sud Radio.
00:32 Bien, il est 11h03, vous êtes avec nous, vous savez qu'entre 11h et midi tous les jours,
00:37 débat et aujourd'hui je voudrais parler de la semaine de 4 jours.
00:41 Faut-il passer à la semaine de 4 jours ?
00:43 Généralisé, je ne pense pas que ce soit vraiment possible mais je vous pose la question,
00:48 est-ce que vous préféreriez travailler 4 jours ?
00:50 Est-ce possible dans votre entreprise, ça dépend évidemment des secteurs,
00:53 êtes-vous prêt à travailler autant d'heures en 4 jours qu'en 5 ?
00:57 Est-il possible de passer à 32 heures en 4 jours ?
01:00 C'est la proposition de la CGT.
01:02 Réduire le temps de travail, est-ce vouloir s'en débarrasser, se débarrasser du travail ?
01:07 Là aussi c'est un axe de réflexion.
01:10 0826 300 300, vous mêlez à la conversation en appelant,
01:14 nous avons trois invités et je les remercie,
01:17 Mélanie Thyssen-Ramberger, dirigeante d'une TPE et présidente du Centre des Jeunes Dirigeants.
01:22 Bonjour. - Bonjour.
01:24 Merci d'être avec nous.
01:25 Jean-Claude Delgène, expert en organisation du travail,
01:28 et dirigeant fondateur du cabinet Technologia.
01:31 Jean-Claude Delgène, bonjour. - Bonjour.
01:33 Merci d'être là.
01:34 Et Leonidas Kalogéropoulos, qui est vice-président du mouvement patronal éthique.
01:38 Bonjour.
01:39 Alors j'ai été 20 ans vice-président du mouvement patronal éthique.
01:42 Vous savez que j'ai créé une plateforme qui s'appelle "L'Entrepreneur pour la République",
01:44 ça m'accapare tellement que "Entrepreneur pour la République", c'est ce que je suis aujourd'hui.
01:50 Mais j'ai été 20 ans vice-président d'éthique.
01:52 Vous êtes toujours membre d'éthique ?
01:53 Absolument, et je suis bien entendu un engagé patronal historique.
02:00 Voilà, vous êtes un engagé patronal historique.
02:03 Alors, la semaine de 4 jours.
02:05 Fixons les choses.
02:08 Il y a des expériences, une dans le public je crois en Picardie, c'est ça ?
02:13 La salle de Picardie, oui.
02:14 Oui, oui.
02:15 Et tout le reste dans le privé.
02:17 Des entreprises, est-ce qu'on sait combien d'entreprises se sont lancées dans l'expérimentation Jean-Claude Delgène ?
02:23 En fait, très peu. On a une situation où...
02:27 Il y a un double débat, vous l'avez bien précisé d'ailleurs dans votre présentation.
02:30 La question c'est de savoir, est-ce que l'on fait la même production, disons de 5 jours en 4 jours ?
02:36 Oui.
02:37 Donc ce qui veut dire une intensification et une amplitude de travail beaucoup plus importante.
02:41 On passerait donc vers 9 heures de travail par jour avec une intensification forte.
02:46 Bon, ça c'est le premier débat.
02:47 Deuxième débat, est-ce qu'il faut réduire le temps de travail ?
02:51 Parce que la vraie question c'est que si vous restez à faire le travail que vous faites en 5 jours, en 4 jours,
02:57 c'est compliqué, tant sur le plan de l'intensification du travail,
03:01 et c'est compliqué tant aussi sur la question de l'articulation de la vie privée avec la vie professionnelle.
03:07 Pourquoi ? Parce que comment vous allez chercher vos enfants quand vous faites 9 heures de travail par jour ?
03:11 Quand vous rajoutez par exemple le temps de trajet, c'est compliqué.
03:15 Ce qui fait que quand vous faites 5 jours en 4, c'est très peu suivi en fait.
03:19 Il y a eu des expériences qui ont échoué.
03:21 Des gens qui sont revenus, en fait après avoir tenté, qui sont revenus donc à 5 jours de travail.
03:27 Pourquoi ? Parce que tout simplement c'est plus fluide, ça les impacte moins.
03:32 Alors justement, j'attends vos témoignages.
03:34 Ça vous est arrivé, vous avez peut-être expérimenté cette semaine de 4 jours, 0,826, 300, 300.
03:40 Et puis nous allons voir que tout dépend des secteurs professionnels, des secteurs dans lesquels on travaille.
03:46 Et puis on travaille combien ?
03:48 La règle c'est 35 heures, mais en fait on travaille plus que 35 heures chaque semaine.
03:54 - Oui, en fait on a une situation où on est plutôt à 39, un peu plus de 39 heures.
03:58 Dans les statistiques officielles on est à 39 heures.
04:02 Mais il y a toute une partie du travail qui n'est absolument pas comptabilisée.
04:05 Par exemple vous, vous êtes journaliste, vous n'avez quasiment pas d'horaire, vous travaillez tout le temps.
04:10 Vous travaillez le week-end, vous travaillez le tard le soir chez vous.
04:12 On sait qu'aujourd'hui par exemple, 2 cadres sur 3 travaillent tard le soir chez eux.
04:17 On sait que 20% des cadres décrochent réellement en vacances.
04:21 Vous voyez donc, le temps de travail... - Les enseignants travaillent plus.
04:24 - Absolument. - Ils travaillent plus que...
04:26 - On est dans un pays où c'est l'économie de la connaissance.
04:29 Donc la connaissance elle se capte par tous les moyens.
04:31 Donc on a une situation où il y a une toute puissance du travail, on ne s'arrête véritablement jamais.
04:36 Donc la question elle est là, c'est comment on comptabilise réellement le travail ?
04:39 Alors pour les métiers vocationnels, les métiers comme vous qui sont choisis,
04:43 les gens, globalement, il y a le plaisir au travail, on est bien, etc.
04:48 Pour les métiers qui ne sont pas choisis, qui sont un peu alimentaires,
04:52 où les gens ont des contraintes plus fortes, etc.
04:54 Là ça peut être effectivement intéressant de réfléchir à une modalité de travail
04:58 qui soit moins impactante pour la santé.
05:02 Et donc de ce point de vue là, le passage en fait à une semaine de 4 jours
05:09 peut être intéressant parce que ça permet de mieux récupérer.
05:11 - De mieux récupérer. Mélanie Thyssenberger, vous acquiescez ?
05:16 Vous êtes d'accord avec Jean-Claude Delgène ?
05:19 - Alors oui, effectivement, c'est vrai que les métiers les plus compliqués,
05:27 physiquement, intellectuellement, etc.
05:30 peuvent amener à du burn-out.
05:31 Donc l'allègement du temps de travail, puisqu'en effet il y a quand même deux débats.
05:36 Il y a comment est-ce qu'on compresse les 39 heures ?
05:40 39 heures ça semble un peu compliqué, mais enfin, au moins les 35 heures sur 4 jours.
05:45 Ou est-ce qu'on va vers une réduction du temps de travail, à 32 heures,
05:51 pour faire ces fameuses 8 heures par jour.
05:53 Mais si on prend dans les métiers qui sont des métiers que l'on fait par passion,
06:00 moi j'ai envie de vous parler du métier d'entrepreneur.
06:03 Et ça a été mon cas, pendant très longtemps, j'ai travaillé 12 heures par jour,
06:09 pendant 6 jours par semaine, mais parce que j'étais passionnée par ce que je faisais.
06:14 Aujourd'hui ce que je fais me passionne tout autant,
06:16 mais je me rends compte qu'il y a aussi à côté de ça, ma famille, il y a mon jardin,
06:20 il y a des engagements associatifs que je peux avoir,
06:24 et ça c'est important aussi, alors c'est pas des choses qui sont rémunérées, mais c'est important.
06:28 - Ça veut dire que nous vivons une époque où le temps consacré au loisir
06:31 grignote le temps consacré au travail.
06:34 Où il y a dans tous les cas cette aspiration, cette volonté.
06:39 - Ça dépend pour qui en fait.
06:40 - Ça dépend pour qui, oui, ça dépend pour qui.
06:42 Mais vous, vous seriez Mélanie Thyssen-Ramberger, vous dirigez une TPE, combien de salariés ?
06:50 - On est 13.
06:51 - Est-ce que vous pourriez mettre en place la semaine de 4 jours ?
06:54 - On en parle.
06:55 Aujourd'hui au CJD, 6 750 membres, on a un tiers de nos membres qui parlent,
07:01 mais qui réfléchissent.
07:04 - Qui réfléchissent, oui.
07:05 - C'est tout le débat, en fait les entrepreneurs seraient favorables à condition qu'on maintienne...
07:10 L'entrepreneur il n'a pas vocation à réduire sa production.
07:13 Donc s'il arrive à organiser, et c'est assez possible dans les métiers des services,
07:19 l'activité sur en fait 4 jours, oui pourquoi pas.
07:23 - C'est possible dans les métiers de service à condition de pouvoir continuer à rendre le service au client.
07:31 - Parce que là on va voir quels sont les paramètres qu'il faut mettre en marche.
07:39 Vous n'êtes pas d'accord avec ce regard ?
07:42 Vous défendez le travail !
07:44 - Je suis très très attaché à l'extraordinaire capacité d'épanouissement, d'émancipation, de socialisation, d'équilibre,
07:58 qu'offre le travail.
08:00 Et j'ai un peu de mal à comprendre que l'on ne débatte dans notre pays du travail que pour essayer de le réduire.
08:10 Comme s'il y avait autour des 35 heures des RTT, des ponts,
08:15 il y a des choses qui sont très importantes sur la qualité de vie au travail,
08:19 auxquelles je pense qu'on est collectivement attaché,
08:22 la question du logement, la question des transports,
08:25 si on passe une heure et demie pour aller à leur travail,
08:28 une heure et demie à revenir, c'est plus impactant sur leur vie quotidienne de travail que le travail en lui-même.
08:36 De ce fait, on finit par avoir presque l'impression qu'on a une névrose collective,
08:42 comment est-ce que l'on pourrait constamment aller renier sur le travail ?
08:46 Maintenant, cueillir dans chaque entreprise, j'en dirige une, j'y dis salariés,
08:50 régulièrement on se dit "on va faire le pont, on va pas faire le pont, quelqu'un a besoin de deux jours",
08:55 chaque entreprise l'organise.
08:57 Mais le souvenir que nous avons du débat sur les 35 heures,
09:02 où il a été question pour toutes les entreprises de passer sur ce prisme-là,
09:08 et cet effort, cette uniformité,
09:11 mais c'est dramatique, vous parlez des métiers de service et des métiers de production,
09:14 mais il y a aussi les jeunes entreprises,
09:17 une entreprise qui a 6 mois, elle va pas commencer à se dire
09:20 comment on va faire pour réduire le temps de travail.
09:22 Qu'une entreprise qui a 40 ans, qui a 200 salariés,
09:26 mais que toutes les entreprises du sujet d'études disent "on va mettre dans nos problématiques
09:31 comment on va réduire le temps de travail".
09:33 Mais chacune s'organise, et puis comme vous disiez tout à l'heure, il y a le travail vocationnel,
09:38 et ils ont que ce soit absolument passionné de ce qu'ils font, et ils n'ont jamais compté leur heure.
09:42 - Et on doit se poser la question "pourquoi est-ce qu'on travaille aussi ?"
09:45 On travaille pour de l'argent, on travaille pour du lien social,
09:49 on travaille pour une satisfaction personnelle,
09:52 et on travaille aussi pour une entreprise, pour développer une entreprise.
09:58 Tout ça, ça doit entrer en ligne de compte.
10:00 - Oui, je voudrais réagir par rapport à ce qui a été dit,
10:03 parce qu'à la fin du 19ème siècle, en 1888, on travaillait 14 heures par jour.
10:09 Et on entendait déjà ce débat-là.
10:11 - On va savoir. Et on produisait beaucoup moins qu'aujourd'hui.
10:15 - C'est très intéressant.
10:16 - On s'expose effectivement à de la concurrence parce qu'on n'est pas assez productif, etc.
10:20 Mais le débat sous-jacent est celui-là.
10:25 C'est-à-dire que si on ne travaille pas beaucoup, le problème c'est quoi ?
10:28 C'est la productivité. Pourquoi on est passé de autant à moins ?
10:33 Entre-temps, il y a eu ce qu'on a appelé, moi je ne suis pas favorable,
10:37 c'est comme ça, Taylor a organisé le travail de manière un peu scientifique,
10:41 en transformant les êtres humains en robots, l'organisation scientifique du travail.
10:45 Et on a perdu beaucoup de liberté.
10:49 Ceci dit, on a augmenté de manière très considérable la productivité.
10:53 Et l'expérience a montré que Ford avait 200 000 salariés aux États-Unis,
10:59 à peu près 200 000 à l'extérieur des États-Unis, 400 000 personnes.
11:03 Ford a fait baisser de manière drastique le temps de travail de ses ouvriers,
11:07 après la première guerre mondiale.
11:09 C'est très important ce que je vous dis là.
11:11 Pourquoi ? Parce que les gains de productivité qu'il a réalisés,
11:14 auparavant pour faire une ford T, il fallait 12 heures.
11:17 Avec l'organisation scientifique du travail, il fallait 98 minutes.
11:21 Il a eu des gains de productivité énormes, il en a fait bénéficier les salariés,
11:25 et on est tombé peu à peu à une norme qui était de 40 heures par semaine.
11:29 Oui, mais la productivité ralentit.
11:31 Alors là, le vrai problème il est là, vous avez tout à fait raison.
11:34 On a un découplage de la productivité et des salaires depuis les années 80.
11:38 Ce n'est pas qu'elle ralentit la productivité, elle est même très forte,
11:41 sauf qu'elle est toujours accaparée par les mêmes.
11:43 C'est ça la vérité.
11:44 Et depuis les années 80, en fait, on voit, par exemple aux États-Unis,
11:48 je terminerai là-dessus, aux États-Unis, de 80 à 2015,
11:52 vous avez eu à peu près un doublement du produit intérieur brut par habitant.
11:56 C'est-à-dire qu'on est passé de 100 à 180.
11:58 La richesse par habitant a été quasiment doublée.
12:01 Ceci dit, les salaires, et c'est un vrai problème aux États-Unis aujourd'hui,
12:05 on le voit avec les gens qui votent Trump,
12:07 les salaires sont restés de 80 à 2015 quasiment identiques.
12:11 C'est-à-dire que globalement, tous les gains de productivité ont été accaparés,
12:15 je pourrais vous donner d'autres chiffres, mais par les détenteurs des capitaux.
12:20 Et le vrai problème il est là aujourd'hui.
12:22 On va avoir, je termine là-dessus, on va avoir l'intelligence artificielle
12:26 qui va permettre des gains de productivité énormes.
12:28 Est-ce que ces gains de productivité doivent essentiellement profiter
12:32 à ceux qui détiennent les capitaux, ou est-ce qu'on en fait...
12:35 - C'est un autre débat.
12:36 - Non, c'est le même débat, c'est le débat de la productivité.
12:38 Si on ne réduit pas le temps de travail,
12:43 on va avoir tous ces gains de productivité qui vont aller à la minorité la plus...
12:47 les 10% les plus riches qui vont accaparer les gains de productivité.
12:51 C'est le vrai débat.
12:52 - Vous ne pensez pas qu'il y a d'autres manières de distribuer la valeur
12:54 que de donner des gros objets ?
12:56 - Si, l'augmentation des salaires, mais les salaires sont bloqués.
12:58 - Non, ils ne sont pas bloqués.
12:59 Mais pardonnez-moi, mais l'idée selon laquelle le débat que nous avons aujourd'hui
13:03 ne serait que la continuation du même débat que nous avons depuis Germinal et Zola,
13:07 c'est une idée qui, pardonnez-moi, est une idée caricaturale qui fausse le débat.
13:12 - Pourquoi ? Expliquez-moi pourquoi.
13:14 - Je vais vous expliquer avec beaucoup de facilité pourquoi.
13:17 Parce que tout simplement les conditions de travail ont tellement évolué
13:20 que l'idéal de réduire le temps de travail pour réduire la pénibilité et la souffrance au travail est...
13:27 - Vous savez combien de personnes travaillent de nuit aujourd'hui en France ?
13:30 Est-ce que vous savez combien de travaux...
13:32 - Non, pardonnez-moi, excusez-moi, je vous propose que l'on ait la possibilité de circonscrire nos débats.
13:39 Si vous souhaitez que nous parlions de réduire le temps de travail des gens
13:43 qui ont une souffrance au travail, une pénibilité,
13:46 ayons ce débat et nous serons d'accord.
13:48 Mais c'est un autre travail que celui de gens qui travaillent la nuit,
13:53 qui portent des charges, qui ont une usure au travail,
13:56 et pour eux, je serais d'accord avec vous,
13:59 que de vouloir le généraliser à la totalité du monde du travail.
14:02 Donc vous mélangez deux débats...
14:04 - Est-ce qu'on peut généraliser d'ailleurs ?
14:06 - Attends, c'est un faux débat, pardon, je réponds parce que...
14:08 - Répondons et après je fasse une pub.
14:10 - Aujourd'hui, en fait, il faut être clair, on a une représentation,
14:13 vous avez une représentation irénique du travail.
14:17 Aujourd'hui, 67% des Français...
14:19 - Et vous, que je m'ortèse, c'est pas mieux. Allez !
14:22 - 67% des Français ont un travail que l'on dit atypique.
14:27 Atypique, ça veut dire quoi ?
14:28 C'est pas du travail du lundi 8h au vendredi 17h.
14:33 C'est en fait un travail soit le week-end, soit tard le soir, soit la nuit.
14:38 On a 4,8 millions de personnes qui travaillent de nuit.
14:41 On a aujourd'hui, sur les 19 millions et quelques de salariés,
14:44 on a à peu près 8 à 9 millions de salariés qui ont un travail pénible.
14:48 C'est ça la réalité.
14:49 Et donc, effectivement, réfléchir pour faire en sorte que ces gens-là...
14:52 - Ce qui veut dire, Jean-Claude Delgène, que les 4 jours de travail, pourquoi pas,
14:59 mais tout dépend des domaines et des secteurs et des conditions de travail.
15:03 - Et des conditions de travail.
15:04 - Évidemment. Alors, après...
15:05 - La soutenabilité économique, de la productivité.
15:08 - En plus, oui, évidemment.
15:11 Alors, nous allons appeler Laurent de la Clergerie,
15:14 vous le connaissez évidemment, président fondateur de LDLC,
15:18 c'est de la vente de matériel informatique sur Internet.
15:22 Lui, ça fait 2 ans et demi, on le cite souvent en exemple,
15:24 qu'il a mis en place la semaine de 4 jours.
15:26 Depuis 2 ans et demi, il a mis en place la semaine de 4 jours en son entreprise,
15:30 à 32h, payé 35, maintien de salaire, 1100 salariés.
15:35 C'est un domaine particulier, c'est dans l'informatique.
15:38 Nous allons en parler dans un instant avec lui, 11h18.
15:41 - Jean-Jacques Bourdin.
15:42 - Bien, réduire le temps de travail, passer à la semaine de 4 jours,
15:47 oui, mais est-ce que ça n'a pas d'impact sur les salaires ?
15:50 Parce que quand même, qu'on le dise, ou...
15:53 pas, on le dit pas, mais disons-le,
15:56 on va travailler d'abord pour toucher un salaire,
16:00 et pour vivre, pour pouvoir vivre, et pour pouvoir,
16:03 on l'espère, améliorer son niveau de vie,
16:06 à travers des augmentations de salaires,
16:08 donc, plus de travail, peut-être.
16:10 Laurent de la Clergerie, bonjour.
16:12 - Bonjour Jean-Jacques Bourdin.
16:13 - Merci d'être avec nous, président fondateur de LDLC,
16:16 Vente de matériel informatique sur internet, hein.
16:18 Je dis pas de bêtises, Laurent de la Clergerie.
16:20 - Non, pas de bêtises.
16:21 - Bon, 1100 salariés.
16:24 - Qui sont tous aux 4 jours, oui.
16:26 - Qui sont tous aux 4 jours et à 32h ?
16:29 - Et à 32h avec maintien de salaire.
16:31 - Avec maintien de salaire, payé 35, c'est ça ?
16:34 - C'est ça. Sachant qu'on avait avant des contrats,
16:37 avant de passer aux 32h, on avait des contrats 35, 37, 39,
16:40 et qu'on les a tous passés en 32h avec maintien de salaire,
16:43 les 39 ont eu une légère baisse de salaire.
16:45 - Est-ce une décision de la direction de l'entreprise,
16:49 ou est-ce une décision collégiale qui a été prise ?
16:52 - Non, c'était une décision unilatérale de ma part.
16:55 - Unilatérale de votre part.
16:58 Qui a été acceptée facilement ou pas ?
17:00 - Oui, très facilement, vu qu'il y avait les maintiens de salaire avec,
17:03 avec des craintes, cela dit, quand j'ai annoncé au niveau du management
17:06 qu'il y avait peur de devoir travailler plus en moins de temps et de ne pas y arriver.
17:10 Et sur l'organisation des plannings,
17:12 où il se disait qu'on n'arrivera jamais à travailler de façon normale
17:15 puisqu'on n'a pas un jour off, comme le vendredi,
17:18 et ce ne sera pas possible de faire des plannings qui fonctionnent sur 4 jours.
17:22 - Alors j'ai une question à propos des cadres, dirigeants,
17:25 et pas que dirigeants, mais des cadres de l'entreprise,
17:28 est-ce que pendant les 3 jours où ils sont censés ne pas travailler,
17:31 est-ce qu'ils travaillent chez eux, par exemple ?
17:34 - Non, ils ne travaillent pas.
17:36 Alors après, je prends toujours l'exemple, dans toutes les entreprises,
17:39 on a des cadres qui roulent à 180 sur une autoroute à 130,
17:42 c'est-à-dire qu'ils ont toujours plus investi que les heures demandées.
17:45 Et on a constaté que même sur eux, finalement,
17:48 sur une autoroute qui est passée à 110, ils roulent à 160.
17:51 C'est-à-dire que dans tous les cas, même des cadres surinvestis,
17:54 ont réussi à baisser la pression du travail qu'ils avaient par rapport à avant.
17:58 - Est-ce que le passage à 4 jours, 32 heures et à 32 heures,
18:04 est-ce que ça a freiné les augmentations de salaire dans votre entreprise ?
18:09 - Non, pas du tout, au contraire, puisque depuis 2 ans, on suit largement l'inflation,
18:13 et qu'on a même revalorisé chez nous le SMIC,
18:16 qui avant la mesure était chez nous à SMIC + 10%,
18:19 et qui est passé à SMIC + 25%, salaire minimum chez nous.
18:22 On parle bien du SMIC 35%.
18:24 - Est-ce que ça a encouragé la productivité dans votre entreprise ?
18:27 - Alors ça, c'est le meilleur chiffre que je peux avoir.
18:30 C'est-à-dire qu'avant la mise en place,
18:32 on était à 500 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 1050 collaborateurs.
18:36 Il y a eu le Covid qui a boosté notre chiffre d'affaires.
18:39 Je tiens bien à préciser que ça n'a rien à voir avec le passage à la semaine de 4 jours,
18:43 l'augmentation de chiffre d'affaires.
18:45 Par contre, le Covid a largement boosté notre chiffre d'affaires,
18:47 puisqu'on est monté à 700 millions d'euros de chiffre d'affaires.
18:49 Sur 40% de croissance, on n'a recruté personne,
18:52 on est passé aux 4 jours, 32 heures, et on a fait le travail avec des équipes
18:55 qui, à la fin, je tiens à le dire, étaient reposées sans stress, sans rien du tout.
18:59 C'est-à-dire que je n'ai pas eu besoin d'embaucher pour faire 40% de chiffre en plus.
19:02 - Oui, vous n'avez pas eu besoin d'embaucher.
19:04 Vous me conduisez à ma question suivante.
19:06 Est-ce que ça a freiné l'embauche ?
19:08 - Alors, ça n'est pas pour moi une mesure d'embauche,
19:11 puisque ce que je me suis rendu compte finalement,
19:13 c'est qu'on travaille beaucoup mieux, beaucoup plus,
19:15 en 4 jours, 32 heures, qu'en 5 jours, 35 heures.
19:18 - Oui. Vous travaillez mieux, donc vous embauchez moins.
19:21 - J'embauche moins, tout à fait. Je confirme.
19:23 - Vous confirmez. Ça a freiné l'embauche.
19:25 - Aujourd'hui, je n'ai pas besoin d'embaucher, clairement, alors que j'ai fait de la croissance.
19:29 - C'est donc l'un des effets pervers, Laurent Delaclergerie ?
19:32 - Oui et non. Parce qu'en fait, aujourd'hui, on est tout seul.
19:35 Enfin, on est tout seul. On est très peu à être 4 jours, 32 heures.
19:39 Si demain, on est beaucoup plus nombreux,
19:41 on va avoir plein de gens qui vont se retrouver un jour dans la semaine
19:43 à devoir s'occuper. Et on va avoir des emplois par effet rebond
19:48 sur le tourisme, les salles de sport, les choses comme ça.
19:52 Donc, il va falloir occuper ces gens pendant ces jours.
19:54 Donc oui, il y a une mesure instantanée.
19:56 Comme on augmente la productivité, forcément, on va avoir moins de besoin d'emploi.
20:01 Alors, sachant que ce n'est peut-être pas valable,
20:03 ce qu'on a vécu dans tous les domaines.
20:05 On a des boutiques, on a de la logistique
20:07 et on a des métiers de bureau pour maintenir les sites.
20:11 - Laurent Delaclergerie, est-ce que vous avez des salariés
20:14 qui aimeraient travailler plus pour gagner plus ?
20:17 - Alors, c'est une question que j'ai demandé à mes équipes.
20:20 J'ai fait le point avec eux de savoir où on en était.
20:23 Et aujourd'hui, sur les collaborateurs, j'ai fait un sondage,
20:26 j'ai eu 550 répondants.
20:28 Il y en a un qui a répondu qu'il aimerait travailler plus pour gagner plus.
20:31 Mais qu'aujourd'hui, à l'inverse, j'ai 91% des salariés
20:35 qui ne voudraient pas revenir en arrière
20:37 et qui sont très bien et très contents dans ce mode de travail.
20:40 Sachant qu'au départ, j'en avais à peu près 20%
20:42 qui n'en voulaient pas parce que ça leur faisait peur.
20:44 - Oui, ça leur faisait peur.
20:46 Celui qui veut travailler plus pour gagner plus, gagne bien sa vie ?
20:50 - Oui, il a un salaire correct.
20:52 Il doit être aujourd'hui à peu près 2500 euros brut.
20:55 Mais il faut savoir d'ailleurs que dans les quelques salariés
20:58 qui sont à 5 jours, on peut en passer à 4 jours,
21:03 quelques-uns, ils sont très peu, ont profité de ce jour pour aller gagner plus.
21:07 - Pour aller gagner plus ?
21:09 - Ils sont allés travailler ailleurs.
21:11 - Ils sont allés travailler ailleurs.
21:13 - Bah oui. - Évidemment, évidemment.
21:15 - Le député Denis Daskalo-Giropoulos est avec nous.
21:18 Vous avez une question ancienne, M. le Président.
21:20 - Oui, d'abord c'est très passionnant de vous entendre.
21:24 Peut-être deux questions.
21:25 D'abord, vous l'avez dit de votre propos,
21:27 c'est probablement pas généralisable,
21:29 mais est-ce que vous auriez pu envisager,
21:33 d'après vous, cette organisation au début de votre entreprise ?
21:37 Est-ce que ce n'est pas une réflexion que l'on peut...
21:41 - C'est viable quand l'entreprise est installée.
21:43 - Voilà. Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui fait partie du sujet
21:47 dans la qualité de vie au travail,
21:49 quand on a déjà 10-20 ans d'ancienneté dans sa boîte
21:51 et qu'on est déjà bien lancé ?
21:53 - Alors c'est une très bonne question.
21:54 En fait, je me suis juré que je ne monterais plus jamais une entreprise
21:57 ce qui ne le ferait pas aux 4 jours.
21:59 Parce qu'en fait, ça apporte tellement de bien aux équipes.
22:02 Il faut les voir, c'est une mesure.
22:04 Je plaisante souvent, j'ai écrit un livre,
22:06 "Aux Etats-Unis, la semaine de 4 jours"
22:08 et j'explique dedans qu'en fait,
22:10 on ne parle plus de QVCT chez nous,
22:12 c'est-à-dire de qualité de vie tout court.
22:14 Parce qu'en fait, ça change la vie des gens, cette mesure.
22:17 Ça recrée un équilibre micro-viperso
22:19 où on a tellement le temps de gérer sa vie perso
22:23 que quand on revient au boulot,
22:24 elle ne nous accapare plus l'esprit et on travaille mieux.
22:26 Et donc en fait, c'est ça la surprise.
22:29 C'est qu'en fait, on se rend vraiment compte
22:30 qu'on revient dans un équilibre où aujourd'hui,
22:32 avec toute l'informatique, toutes les choses,
22:34 on produit des projets à tout va,
22:35 on est débordé, notre cerveau craque.
22:37 Mais on recrée un équilibre à ce niveau-là
22:39 où finalement, on produit plus
22:40 et même dans des métiers manuels.
22:42 Parce que la surprise que j'ai eue,
22:43 c'était en logistique où j'étais convaincu
22:45 que mes gars qui font 30 colis à l'heure,
22:47 n'en feraient pas 40 et au contraire,
22:48 descendraient à 25 et que je devrais recruter
22:50 pour compenser.
22:51 Et en fait, ben non, ils en font 40 à l'heure.
22:54 Parce qu'en ayant trois jours de pause,
22:55 en ayant un vrai week-end,
22:56 quand ils reviennent le lundi,
22:57 ils en sourirent et produisent plus naturellement.
23:00 - Bien. Merci pour votre témoignage,
23:02 Laurent Delaclergerie. Merci beaucoup.
23:04 - Merci.
23:05 - Merci. Ça nourrit notre débat.
23:06 Et d'ailleurs, Alain va nourrir notre débat
23:08 juste après la pub. Vous allez comprendre.
23:10 Alain, lui, est artisan. Il est électricien.
23:12 Il dit "Mais moi, c'est impossible.
23:14 Je ne peux pas mettre en place
23:17 les quatre heures, les quatre jours de travail
23:19 et les 32 heures."
23:20 Il va nous dire pourquoi, évidemment.
23:22 Il est 11h29.
23:24 Vous êtes sur Sud Radio. A tout de suite.
23:25 Alain est avec nous à Valence, dans la Drôme.
23:29 Alain est électricien. Bonjour, Alain.
23:31 - Oui, bonjour, Jean-Jacques Bourdin.
23:33 Bonjour à vos invités auditeurs.
23:35 Alors, pour vous, un électricien,
23:38 installer quatre jours de travail par semaine,
23:41 ça paraît difficile, non ?
23:42 - Oui, mais en fait, quand j'entends...
23:44 Ça me fait doucement rigoler, quand même.
23:46 Quand j'entends vos auditeurs,
23:48 notamment le patron de LBLC et compagnie,
23:50 ça me fait sourire, quand même.
23:52 Alors, dans une époque plus lointaine,
23:54 j'ai connu le monde du digital.
23:56 Il m'est arrivé de contrôler
23:59 même Google à Paris,
24:01 des gens comme ça,
24:02 alors qu'on trouvait leur salle de pause
24:04 avec distributeurs de bières,
24:06 consoles de jeux et tout ça.
24:08 Effectivement, mais il faut arrêter un petit peu le délire.
24:11 Même quand on parlait, il y a quelques mois,
24:13 du télétravail, il faut savoir que l'artisanat,
24:15 c'est quand même le premier employeur de France,
24:17 et aucun des artisans ne peut mettre en place
24:19 le télétravail.
24:21 Et les 32 heures avec maintien du salaire,
24:23 je suis désolé, mais j'ai l'impression
24:25 qu'on ne doit pas avoir les mêmes marges.
24:27 Très clairement, quoi.
24:29 - Mais oui.
24:30 - Donc il y a quand même plein de TPE,
24:32 tout ça, c'est impossible.
24:34 - Alain, vous avez combien de salariés ?
24:36 - Alors au moins aujourd'hui, je suis tout seul,
24:38 mais même les confrères qui ont des employés,
24:40 rassurez-vous, même les 35 heures,
24:42 c'est pas possible.
24:44 - Une question, madame Gramy ?
24:46 - Allez, posez une question.
24:48 - J'aimerais vous demander quelque chose.
24:50 On est quelques-uns dans ce plateau
24:52 en train de se dire, mais nous,
24:54 on est passionnés par notre travail.
24:56 Pour nous, c'est pas spécialement un sujet.
24:58 Et pardon, mais dans ma société,
25:00 mes collaboratrices sont passionnées
25:02 parce qu'elles font.
25:04 L'idée de travailler moins
25:06 n'est pas une obsession tous les jours.
25:08 Est-ce que c'est une obsession pour vous ?
25:10 Est-ce que vous êtes malheureux
25:12 à l'idée que pour vous, les 4 jours,
25:14 ça serait pas pour vous ?
25:16 - Mais à la limite,
25:18 je comprends très bien que
25:20 vos employés ne vont pas au travail
25:22 en reculons, c'est pas ce que je veux dire.
25:24 Mais moi, les 32 heures,
25:26 je peux pas faire mon boulot et je peux pas
25:28 faire mon boulot. Parce que moi,
25:30 si je travaille 32 heures, je suis payé 32.
25:32 Et à peine, même à la limite.
25:34 Vous comprenez ? C'est pas tout à fait
25:36 le même sens.
25:38 Si je pouvais travailler 32 à 35 heures,
25:40 je m'en porterais quand même pas plus mal
25:42 parce que le boulot d'électricien,
25:44 c'est quand même pas maçon, carler ou autre,
25:46 mais c'est quand même un travail un peu physique.
25:48 Si je pouvais bosser moins de 40 heures par semaine,
25:50 je vous assure que je le ferais.
25:52 Mais je gagnerais pas ma vie.
25:54 - Alain, mais il faut prendre en compte
25:56 aussi le service que vous devez rendre aux clients.
25:58 - Oui, mais voilà,
26:00 quand il faut faire une installation
26:02 chez Alain à l'électrique,
26:04 on ne peut pas lui dire "je suis désolé,
26:06 mais je bosse que 30 heures par semaine, ça prendra 3 mois
26:08 au lieu de 2".
26:10 Non, c'est pas possible. Le client va dire
26:12 "attendez, non, c'est pas possible,
26:14 je vais aller voir ailleurs, je vais trouver un autre électricien".
26:16 C'est si bête que ça.
26:18 - Bien sûr. Merci Alain, dans tous les cas.
26:20 Vraiment, merci d'être
26:22 avec nous le matin. C'est un plaisir.
26:24 - Merci.
26:26 - Merci beaucoup Alain. Mélanie Thisseran-Berger,
26:28 vous êtes dirigeante de TPE.
26:30 Vous dites comme Alain ?
26:32 - Mais alors, déjà, moi je suis
26:34 moi dans l'expertise comptable.
26:36 Donc on n'est pas du tout pareil.
26:38 - Oui, ça n'a rien à voir.
26:40 On peut travailler un télétravail, une expertise comptable.
26:42 - Je ne vais pas prendre mon téléphone.
26:44 - Vous avez réorganisé
26:46 votre rythme de travail.
26:48 - Alors, justement,
26:50 par rapport à ça, nous, chez nous, on est en réflexion
26:52 pour ça.
26:54 Mais je ne vous cache pas qu'il y a,
26:56 de la part des collaborateurs, une vraie peur
26:58 d'aller vers ce système-là.
27:00 Parce qu'ils disent "mais comment on va faire ? On va avoir
27:02 beaucoup trop à faire en seulement 4 jours".
27:04 Mais c'est aussi, du coup, une occasion
27:06 extraordinaire de dire,
27:08 de mettre tout le monde autour de la table,
27:10 et de travailler conjointement
27:12 avec les collaborateurs pour dire
27:14 comment est-ce qu'on le met en place.
27:16 C'est un formidable outil de dialogue social.
27:18 Et c'est vrai qu'on ne peut pas
27:20 mettre ça en place
27:22 partout, pas de la même façon.
27:24 On vit dans un monde,
27:26 on navigue en complexité. Et donc,
27:28 on ne peut pas simplifier les choses
27:30 en disant "l'État imposera
27:32 32 heures à tout le monde". - Alors, ça veut dire quoi ?
27:34 Ça veut dire qu'on se dirige vers un monde où il y en a
27:36 qui vont travailler 45 heures
27:38 par semaine, et d'autres qui vont travailler 32 heures.
27:40 - Non, mais les injustices dans le monde
27:42 du travail, c'est pas nouveau. - Donc les injustices vont être
27:44 amplifiées ? - Oui, mais regardez,
27:46 même dans les grands groupes,
27:48 il y a des gens qui ont des CE extraordinaires,
27:50 etc. Donc, des injustices
27:52 dans le monde du travail, c'est indéniable,
27:54 il y en a. Par contre...
27:56 - Il va y en avoir de plus en plus. Si l'on réduit
27:58 le temps de travail
28:00 de certains,
28:02 et si l'on ne peut pas réduire le temps de travail
28:04 d'autres salariés, il va y avoir
28:06 des inégalités qui vont se creuser.
28:08 - Jean-Claude Delgene.
28:10 - Évidemment ! - Les inégalités, elles sont déjà là,
28:12 par exemple, entre les différents pays. Vous prenez les États-Unis,
28:14 par exemple, qui travaillent beaucoup plus que la France.
28:16 Après, la question...
28:18 La question, c'est la soutenabilité
28:20 économique. Ça a été très bien expliqué tout à l'heure
28:22 par l'artisan qui a
28:24 pris la parole. Le fait est que
28:26 pour pouvoir payer, en fait,
28:28 pour se payer, soit, ou payer ses salariés
28:30 chez les artisans, le temps de travail
28:32 se convertit assez rapidement
28:34 en salaire. Donc, effectivement,
28:36 si on imposait
28:38 une norme réglementaire,
28:40 tout le monde à 4 jours, à 32 heures,
28:42 c'est sûr que là, on aurait, à mon avis,
28:44 un choc économique important.
28:46 - Est-ce que c'est stupide ce que dit Sophie Binet
28:48 de la CGT qui demande 32 heures
28:50 et 4 jours pour tout le monde ?
28:52 Est-ce stupide ou pas économiquement
28:54 et socialement ? Je vous pose la question.
28:56 - Je connais très bien Sophie Binet,
28:58 donc je ne vais pas non plus, je dirais,
29:00 frontalement l'attaquer comme ça, mais
29:02 ce que je veux dire par là, c'est que... - Vous êtes d'accord
29:04 ou pas ? - Je pense qu'il y a des
29:06 mesures à prendre pour favoriser la mise
29:08 en place dans la durée, je dirais,
29:10 d'une réduction du temps de travail,
29:12 parce que pour moi, elle est inéluctable
29:14 du point de vue économique. - Mais vous faites une réponse politique.
29:16 - Non, non, ce n'est pas une réponse politique,
29:18 c'est simplement que, en fait, encore une fois,
29:20 si vous voyez les gains de productivité,
29:22 alors après, il y aura effectivement ceux
29:24 qui vont en bénéficier aujourd'hui,
29:26 disons, rapidement,
29:28 et il y a ceux qui seront, en fait,
29:30 en bénéficier beaucoup plus tardivement.
29:32 - Je vous dis ça, c'est parce que
29:34 quand on a mis en place ces 35 heures,
29:36 on s'est bien rendu compte... - On a voulu mettre tout le monde dans la même boîte.
29:38 - On s'est bien rendu compte qu'il y a des
29:40 différences d'un travail à l'autre,
29:42 d'un secteur à l'autre. - Vous avez raison,
29:44 c'est pour ça qu'il ne faut surtout pas
29:46 refaire la même erreur qui a été faite.
29:48 - Donc, mettre, imposer les 32 heures
29:50 par semaine et semaine de 4 jours,
29:52 l'imposer, c'est une erreur.
29:54 - Il faut aller vers une négociation
29:56 entreprise par entreprise,
29:58 avec des accords suivant la soutenabilité,
30:00 et ne pas l'imposer,
30:02 parce que certaines personnes ne vont pas
30:04 vouloir forcément l'accepter.
30:06 Mais on peut très bien avoir des accords d'entreprise
30:08 qui le mettent en place.
30:10 - Il faudra prendre en compte un jour ou l'autre
30:12 le plaisir d'aller travailler aussi.
30:14 Parce qu'il y a des salariés
30:16 qui sont contents de quitter...
30:18 Attendez, il faut dire les choses clairement !
30:20 Qui sont contents de quitter leur domicile
30:22 et d'aller au travail ! - Mais vous l'avez dit tout à l'heure,
30:24 le travail c'est essentiel dans nos vies, c'est ce qui nous
30:26 permet de gagner notre vie, c'est ce qui nous permet
30:28 d'être avec les autres, c'est ce qui nous permet
30:30 d'exercer notre créativité, c'est ce qui nous permet
30:32 d'avoir une nourriture narcissique,
30:34 de se faire plaisir en faisant un bon travail.
30:36 - J'ai tellement plaisir de vous entendre le dire !
30:38 - Tout ça c'est essentiel, mais bien sûr !
30:40 Sauf que, encore une fois, pour certains,
30:42 le travail est aussi
30:44 très aliénant, le travail
30:46 peut être aussi très pénible.
30:48 - C'est un vrai sujet le travail aliénant !
30:50 C'est beaucoup plus intéressant, excusez-moi de vous dire ça,
30:52 d'essayer de faire que les gens
30:54 qui ont un travail aliénant, d'abord ne l'aient pas
30:56 toute leur vie, que ça cesse d'être aliénant,
30:58 que les choses s'améliorent pour eux,
31:00 que de vouloir, parce que
31:02 le travail est aliénant pour certains,
31:04 vouloir mettre la société entière
31:06 devant une réfectoire sur le travail aliénant...
31:08 - Non mais attendez, Jean-Claude Dejeune n'a jamais dit,
31:10 il n'y a pas répondu sur la question, il ne veut pas
31:12 l'imposer ! - Il ne veut pas l'imposer,
31:14 mais manifestement c'est un nouveau débat.
31:16 - C'est une mauvaise idée de l'imposer !
31:18 - Oui, on ne peut pas l'imposer, on se souvient tous
31:20 de la problématique des 35 ans,
31:22 donc là-dessus, on n'a pas de
31:24 débat nous au CJD,
31:26 et on pense au contraire qu'il faut
31:28 expérimenter, et malheureusement en France,
31:30 on n'expérimente pas suffisamment.
31:32 Et nous c'est ce qu'on fait pourtant,
31:34 ça fait 80 ans qu'on ne fait que ça au CJD,
31:36 des expérimentations. - Je sais,
31:38 Pierre est avec nous ! - Je précise
31:40 ma pensée Jean-Claude, parce que...
31:42 - Je vais vous donner la parole à Pierre. - Moi je suis
31:44 sur le court-moyen terme
31:46 favorable à une réduction
31:48 du temps de travail, à condition
31:50 qu'elle soit pensée, et c'est tout le comment.
31:52 Elle est totalement inéluctable,
31:54 parce que les gains de productivité sont là,
31:56 et qu'il faut les répartir d'une manière plus juste,
31:58 et aller vers une
32:00 économie du caire, et arrêter
32:02 avec ce consumérisme, disons
32:04 complètement... - Alors Pierre a un petit hôtel en Ardèche.
32:06 Bonjour Pierre ! - Bonjour
32:08 Monsieur Bourdin. - Bonjour.
32:10 - Bonjour à vos invités, ça va bien ? Oui,
32:12 ça travaille beaucoup. Alors nous,
32:14 pour la petite histoire, on fait 7 jours sur
32:16 7, et 16h-18h par jour.
32:18 - Ah oui d'accord, oui, d'accord.
32:20 - Il n'y a même pas le temps de faire
32:22 la sieste. - Oui.
32:24 - Donc juste, c'était très intéressant votre débat,
32:26 et je voulais expliquer ce
32:28 qu'on a fait, nous, on n'a pas voulu baisser
32:30 la masse salariale, alors qu'on aurait
32:32 dû, pour gagner un peu plus d'argent, mais
32:34 malheureusement on n'en gagne pas. Bon. Et du coup,
32:36 ce qu'on a fait, on a empêché
32:38 le couper, c'est-à-dire de faire revenir
32:40 les filles des chambres le soir pour la plonge.
32:42 Donc on a créé un emploi de plus,
32:44 elles étaient d'accord pour
32:46 avoir un contrat 24h au lieu de 30,
32:48 alors chez nous, personne n'est payé au SMIC,
32:50 donc au niveau du salaire, ils n'y
32:52 ne perdaient pas vraiment, puisqu'ils ont eu
32:54 une petite augmentation aussi, mais
32:56 je dis ça, pourquoi ? Parce que, si vous voulez, quand ils devaient
32:58 faire des longues journées à rallonge,
33:00 on est dans l'hôtellerie-restauration, et bien
33:02 évidemment, ils sont épuisés, évidemment,
33:04 ils ont une dynamique moins positive.
33:06 Depuis qu'on a fait ça, nous avons
33:08 créé un emploi, du coup, puisqu'on a embauché
33:10 quelqu'un qui vient uniquement pour la plonge le soir,
33:12 donc c'est un emploi supplémentaire,
33:14 et de plus, on tire vraiment
33:16 non seulement la gratitude de nos employés,
33:18 parce qu'on n'a pas ce problème
33:20 qu'ont d'autres confrères de recrutement,
33:22 et deuxièmement,
33:24 on a une dynamique très positive,
33:26 quand il faut rester, qu'il y a plus de travail,
33:28 et bien, comme on sait qu'on ne fait pas de coupé,
33:30 et qu'on a fini journée, et bien,
33:32 on est dans une dynamique très positive.
33:34 Donc, je voudrais dire que si tous les employeurs
33:36 vont aussi s'ouvrir un peu plus
33:38 à la qualité de vie de leur employé,
33:40 moi, personnellement, j'ai fait beaucoup de management dans ma vie,
33:42 j'ai là, maintenant, un hôtel, une entreprise,
33:44 et je me rends compte très bien
33:46 qu'à chaque fois, la dynamique positive
33:48 est toujours gagnante. Voilà, il faut venir
33:50 avec le sourire au travail, et quand on est
33:52 heureux de venir travailler, et bien, l'entreprise
33:54 est vraiment gagnante.
33:56 - Voilà, et bien, Pierre, tout le monde
33:58 adhère, je vous le dis tout de suite,
34:00 tout le monde est content.
34:02 Vous rendez heureux tout le monde,
34:04 vous, Pierre, vous êtes un magicien
34:06 du travail. - Les gens qui travaillent
34:08 chez nous sont heureux de travailler avec nous,
34:10 ils sont très bien. - Dites-nous,
34:12 où est votre hôtel ? Dites-nous un peu de publicité,
34:14 profitez-en. - Ah, bien, c'est gentil.
34:16 C'est l'hôtel de vacances La Vignasse,
34:18 alors, c'est pas loin de chez nous,
34:20 de chez vous, des Cévennes, on est à Chambdolat,
34:22 à Maisonneuve, entre Ruance
34:24 et Lévens, Val-en-Provence. - Je vois très bien,
34:26 je vois très bien, c'est à Nardèche.
34:28 Pas loin du Gard,
34:30 mais Cotter-des-Chouas. - Et là, je viens
34:32 du marché de Saint-Paul pour acheter des bons
34:34 produits, comme on dit... - Saint-Paul-Lacoste.
34:36 - Saint-Paul-Lejeune. - Ah, Saint-Paul-Lejeune,
34:38 oui. Oui, pardon, Saint-Paul-Lejeune.
34:40 Et puis dites-moi, dites-moi,
34:42 Pierre, vous ne buvez pas trop de bière
34:44 à Ruance, hein ? Est-ce qu'ils font toujours de la bière ?
34:46 - Oui, oui, et puis alors,
34:48 je conseillerais la brasserie des Rieux
34:50 à Beaulieu, qui fait des bières extraordinaires.
34:52 - Bon, d'accord, bon, pas trop
34:54 en boire. Merci, Pierre. Merci.
34:56 Il est 11h44. Allez,
34:58 on se retrouve dans un instant, à tout de suite.
35:00 - Jean-Jacques Bourdin. - 11h47.
35:02 Alors, il y a
35:04 le rôle social du travail,
35:06 Jean-Claude Delgène.
35:08 Quand on va travailler, on a
35:10 un lien social, et
35:12 on a une
35:14 réflexion collective.
35:16 Si on ne va pas travailler, si on reste
35:18 chez soi, on perd.
35:20 On perd ce lien social.
35:22 Il n'y a pas ce risque.
35:24 - Le travail est le premier lien
35:26 d'appartenance sociale aujourd'hui. Il y a une
35:28 centralité dans la vie des individus. Qu'on en ait
35:30 un ou pas, d'ailleurs, parce qu'il y a ceux qui cherchent un boulot.
35:32 Ça, c'est la première chose.
35:34 Depuis la guerre, en fait, si vous voulez, vous avez
35:36 tous les liens, je dirais,
35:38 sociologiques d'appartenance se sont écroulés.
35:40 Vous aviez, à l'époque, après-guerre, vous aviez
35:42 de grands partis politiques, le MRP,
35:44 le Parti Communiste, vous aviez l'Église
35:46 Catholique, qui était très prégnante
35:48 aussi, qui permettait aux gens de se retrouver.
35:50 Aujourd'hui, avec le mouvement vers les
35:52 villes, tout le monde est en ville,
35:54 80 %, dans des petits appartements,
35:56 les gens ne se retrouvent qu'à travers le travail.
36:00 Moi, par exemple, j'ai vécu dans les Vosges, je suis d'origine
36:02 sicilienne. Quand j'étais môme,
36:04 tout le monde allait dans les maisons du coin,
36:06 on était accueillis, il y avait un lien social qui se faisait
36:08 entre toutes les familles. Aujourd'hui, c'est pas
36:10 possible, je ne laisse pas mes enfants aller dehors
36:12 dans la ville. Vous voyez, donc, le lien,
36:14 le travail est devenu le premier
36:16 lien d'appartenance. Et donc,
36:18 quand le lien se détruit, on en fait vite une maladie.
36:20 - C'est pour ça que c'est dangereux !
36:22 - On s'étiole. Il y a eu des études, par exemple, qui ont été
36:24 menées à Turin, en Italie,
36:26 des études sur les
36:28 effets miroirs, miroirs
36:30 neurologiques. Eh bien, quand vous avez,
36:32 je dirais, des gens qui se sont trop
36:34 coupés des autres, ils s'appauvrissent
36:36 et ils se mettent, y compris en danger pour leur santé.
36:38 Le fait de pouvoir échanger, c'est pour ça
36:40 que vous avez raison... - Combien de travailleurs seuls ?
36:42 - Il y a 3 millions
36:44 qui vivent seuls.
36:46 Et vous avez raison de travailler tard,
36:48 dans l'âge, parce que ça vous maintient.
36:50 Le fait d'être en contact avec les autres,
36:52 le fait de pouvoir échanger, de stimuler
36:54 les neurones, c'est un atout
36:56 en termes de santé considérable.
36:58 Alors, à condition que le travail
37:00 ne soit pas trop pénible physiquement.
37:02 Quand, comme vous, le travail est choisi, c'est autre chose.
37:04 - Bien sûr. - Il y a quand même
37:06 quelque chose que je voudrais... D'abord, je souscris
37:08 à tout ce que vous venez de dire. - Ah, pour une fois !
37:10 - Vous voyez, pour une fois, on peut être d'accord sur beaucoup de choses.
37:12 Il y a quelque chose qui est intéressant
37:14 dans ce débat, c'est que
37:16 vous l'illustriez d'ailleurs
37:18 tout à l'heure, ça crée un débat au sein de l'entreprise.
37:20 Mais il y a des débats au sein de l'entreprise
37:22 sur l'environnement. On en a eu beaucoup.
37:24 Comment on réduit nos empreintes,
37:26 nos dépenses, on fait des économies d'énergie.
37:28 Il y a des débats en interne
37:30 sur la raison d'être,
37:32 sur sa charte morale,
37:34 et tout cela me semble
37:36 finalement rejoindre l'idée
37:38 à laquelle je souscris à 2000%,
37:40 que débattre en interne
37:42 dans l'entreprise, sur son mode d'organisation,
37:44 où nous allons,
37:46 tout ça c'est bien.
37:48 En revanche, j'ai du mal à comprendre...
37:50 - Oui, mais réduire le temps de travail,
37:52 c'est bon peut-être
37:54 pour la planète. Ça réduit
37:56 peut-être l'empreinte...
37:58 - Ça fait. - Non, enfin, écoutez,
38:00 vous savez, moi j'ai un entreprise, pardonnez-moi,
38:02 qui sont... Non, mais ça dépend du secteur
38:04 de la société. Vous avez des boîtes
38:06 qui travaillent actuellement
38:08 à réduire la consommation d'énergie
38:10 et la consommation d'eau.
38:12 Plus elles vont aller loin dans les réponses
38:14 qu'elles apportent à la réduction de la consommation d'énergie
38:16 et de la consommation d'eau, et plus on répondra
38:18 à nos besoins
38:20 de société énergétique.
38:22 Donc, ça dépend... Enfin, il faut arrêter
38:24 avec l'idée que le travail,
38:26 et même l'humain, serait nocif à la planète,
38:28 et plus on se rétracte,
38:30 et plus on offrait moins...
38:32 - Non, mais je pense que personne ne pense que le travail
38:34 est nocif.
38:36 Alors là, on entre dans un autre débat,
38:38 qui est le débat de la croissance-décroissance.
38:40 Je ne veux pas ouvrir ce débat-là.
38:42 - C'est un débat intéressant. On l'a traité, nous,
38:44 l'an dernier, avec une étude.
38:46 Mais, en fait, si vous voulez, effectivement...
38:48 - Ah, vous voulez en parler ? Vous allez en parler.
38:50 - Non, mais vous... Il faut que ça fasse
38:52 l'objet d'une émission
38:54 entière de ce sujet.
38:56 - Mais c'est vrai que si vous organisez
38:58 sur 4 jours le travail, au lieu de 5,
39:00 inévitablement, vous réduisez
39:02 les mobilités. Et donc, vous réduisez
39:04 les effets, les émissions...
39:06 - Les empreintes. - Les empreintes et les émissions
39:08 de gaz et effets de serre. Après,
39:10 le vrai sujet, il est, encore une fois,
39:12 il y a deux sujets. Il y a la question de la qualification.
39:14 On l'a vu tout à l'heure avec votre
39:16 auditeur. Les gens qui sont
39:18 qualifiés, pour les attirer
39:20 dans l'entreprise, il faut leur offrir des conditions
39:22 de travail qui soient véritablement
39:24 attractives, sinon ils vont ailleurs. Et donc, là,
39:26 les 4 jours, ça peut être intéressant. Parce que
39:28 vous gardez les talents. Ça, c'est la première chose.
39:30 Mais ces gens-là sont très qualifiés.
39:32 C'est 20% de la population et ils peuvent
39:34 effectivement choisir leur travail,
39:36 choisir leur employeur. Et après, vous avez
39:38 la grande masse des salariés qui,
39:40 eux, en fait, doivent
39:42 travailler pour vivre, pour nourrir leur famille.
39:44 Et s'ils n'ont pas de travail,
39:46 ils n'y arrivent pas. - Mais chez Peugeot,
39:48 chez Peugeot, où on travaille à la chaîne,
39:50 on fait comment ? Vous croyez que Peugeot peut s'organiser ?
39:52 Peugeot peut mettre en place ?
39:54 - Oui, je pense que...
39:56 - Mais, pardonnez-moi, il y a des choses... - Oui, mais ce n'est pas le choix qui a été fait.
39:58 Mais, vous prenez... Mais,
40:00 ça va dépendre, encore une fois, des gains
40:02 de productivité, des marges.
40:04 Votre auditeur, tout à l'heure, a pu le faire
40:06 avec la bascule du Covid,
40:08 parce qu'il avait des marges exceptionnelles.
40:10 Et donc, il a pu prendre le risque.
40:12 Il a pu prendre le risque. - Oui, c'est vrai. Le chef d'entreprise...
40:14 - Le fait est, si vous avez des marges, vous pouvez prendre le risque.
40:16 - Mais, vous savez, il y a des entreprises dans lesquelles
40:18 on prévoit de la formation, on prévoit de l'éducation,
40:20 ou dans lesquelles
40:22 on prévoit beaucoup de choses
40:24 sur la deuxième carrière,
40:26 après 40 ans. - Alors, justement, tiens,
40:28 vous me conduisez, j'ai une question. Peut-être qu'on peut
40:30 profiter d'une baisse
40:32 du temps de travail pour mettre en place plus
40:34 de formations. - Oui, clairement. - On pourrait
40:36 réserver, par exemple,
40:38 le vendredi à la formation.
40:40 - Là-dessus, nous, on a une
40:42 entreprise, membre de notre mouvement,
40:44 qui fait ça, le vendredi.
40:46 Le vendredi, c'est
40:48 le temps... Alors, en fait, c'est une entreprise
40:50 qui place des collaborateurs
40:52 chez des clients. Ce qui veut dire que si le collaborateur
40:54 n'est pas placé chez le client, il n'y a pas
40:56 de rémunération, enfin, de
40:58 facturation de l'entreprise, d'accord ? - Oui.
41:00 - Donc, le vendredi, malgré tout,
41:02 ils ont décidé que personne
41:04 n'irait en clientèle, tout le monde se
41:06 retrouve au bureau
41:08 pour travailler sur les communs.
41:10 Et ça, je trouve ça génial, parce que ça crée...
41:12 On parlait tout à l'heure de la perte de lien
41:14 social, et notamment quand on a
41:16 tout le monde qui est en train de travailler chez le client,
41:18 les collaborateurs ne se voient pas,
41:20 et donc là, c'est un moment où qu'ils ont
41:22 entre eux pour travailler là-dessus.
41:24 - Parce que, pardon, plus on limite le temps de travail,
41:26 plus on limite la formation aussi.
41:29 - Pas forcément.
41:31 On peut...
41:33 Le vrai problème aujourd'hui, c'est que...
41:35 - Plus on accorde de temps aux loisirs,
41:37 moins on travaille,
41:39 et moins on se forme.
41:41 - Ça dépend des professions, encore une fois.
41:43 Vous avez des professions où la formation est
41:45 obligatoire. Vous prenez les avocats, ils doivent
41:47 suivre une formation. Vous prenez les experts
41:49 comptables, ils doivent suivre. Dans tous les métiers,
41:51 disons à connaissance,
41:53 les gens, s'ils ne se forment pas,
41:55 eh bien, ils sont déchus
41:57 socialement. Ils ne peuvent pas
41:59 suivre le rythme. Il y a une évolution
42:01 vers la qualification qui oblige les gens
42:03 même à s'auto-former.
42:05 Le vrai problème que vous soulevez,
42:07 et c'est bien de l'en parter, c'est qu'il y a eu des différentes
42:09 réformes depuis maintenant 4 ans
42:11 en matière de formation, et là, il faut reprendre
42:13 les choses pour faire en sorte de
42:15 réinscrire
42:17 un caractère plus obligatoire
42:19 dans la formation. Il faut revenir avec des
42:21 obligations de formation dans les boîtes
42:23 parce qu'on a trop allégé à ce niveau-là
42:25 aujourd'hui. - Et ça permet plus de
42:27 mobilité dans le travail, et ça permet
42:29 - L'ascenseur social. - L'ascenseur social.
42:31 - L'ascenseur social, oui. - Et ça permet
42:33 de lutter contre le chômage, et ça permet
42:35 - De voir des femmes au moins pétites, par contre, dans le temps.
42:37 - Et ça permet de donner du travail aux seniors, et enfin, etc.
42:39 Tout ça, c'est positif.
42:41 - Tout à fait. La formation, pour moi,
42:43 est très favorable, et elle devrait être
42:45 encore une fois renforcée
42:47 dans les entreprises. - Ça fait un débat.
42:49 La formation, plus intéressant, le travail est moins...
42:51 - Le vrai problème dans notre pays, c'est
42:53 justement qu'on a une perte en
42:55 qualification par rapport à d'autres pays.
42:57 - Parce qu'on a négligé l'apprentissage,
42:59 on a négligé la formation.
43:01 Bon, maintenant, ça change. Ça semble changer.
43:03 Mais il a fallu
43:05 du temps, pour ça.
43:07 On était restés sur de vieux schémas.
43:09 - Il y a quand même un sujet qui me semble important,
43:11 c'est qu'on n'est pas en train d'opposer travail et loisirs.
43:13 Parce qu'il ne faut pas oublier que les gens, quand ils ne sont
43:15 pas au travail, ne sont pas forcément
43:17 dans du loisir pur, sport,
43:19 etc. - Ils ne sont pas en voie
43:21 d'invité. - Oui, ils sont
43:23 aussi en train d'aider
43:25 dans des engagements associatifs,
43:27 bénévoles, etc.
43:29 Donc c'est aussi un travail pour le bien commun
43:31 qui est fondamental. - Ou même à la maison.
43:33 - Ça peut être à la maison, ça peut être passer du temps
43:35 à jardiner avec ses enfants.
43:37 C'est du temps qu'on occupe
43:39 pour la communauté aussi.
43:41 Et je voudrais quand même juste rajouter,
43:43 parce que je vois que le temps file, et pour moi il y a un
43:45 élément essentiel, c'est que
43:47 il y a un constat à faire. On a des jeunes
43:49 qui arrivent sur le marché du travail
43:51 qui n'entendent pas travailler comme nous
43:53 l'avons fait. Et donc soit on s'oppose à ça
43:55 et on dit "non, on va à tout prix
43:57 les forcer à continuer à travailler comme
43:59 nous avons fait parce que nous croyons que c'est
44:01 la bonne méthode",
44:03 ou alors on arrête de mettre de la force
44:05 là où il ne faut pas en mettre, et on accepte
44:07 de revoir notre paradigme,
44:09 de revoir notre façon de penser les choses.
44:11 - C'est vrai que les nouvelles générations n'ont pas le même regard
44:13 sur le travail que nous.
44:15 Moi je suis encore plus âgé que vous, donc...
44:17 - C'est un débat, parce que
44:19 sur les jeunes et la centralité du travail, il y a
44:21 beaucoup à dire. Moi je pense que
44:23 effectivement on parle beaucoup à la place des jeunes,
44:25 premièrement. Deuxième aspect, quand on regarde
44:27 vraiment les études, on s'aperçoit de deux choses.
44:29 On s'aperçoit d'un côté, il y a ceux
44:31 qui veulent vraiment s'intégrer, qui sont
44:33 prêts à tous les sacrifices pour s'intégrer.
44:35 On a fait une étude... - Qui travaillent beaucoup,
44:37 qui sont prêts à travailler beaucoup. - Voilà, on a fait une étude,
44:39 les jeunes nous répondaient, écoutez bien,
44:41 qu'ils voulaient être
44:43 à disposition de 100%
44:45 de leur temps de leur employeur.
44:47 100% de leur temps de vie. - 100% de leur temps de vie.
44:49 - Voilà, pour vous dire. Et de l'autre côté, effectivement,
44:51 ce qui vient d'être dit est tout à fait vrai aussi,
44:53 vous avez ceux qui se détachent
44:55 et qui sont dans une relation
44:57 beaucoup plus exigeante, parce que pourquoi ?
44:59 Parce qu'ils ont vu leurs parents partir
45:01 dans des conditions parfois très difficiles,
45:03 ils ont mis le pied au cul au travail,
45:05 mais ceux etc... - Et puis, pardon ?
45:07 - Mais bon, et là... - Et tous ceux qui
45:09 veulent créer leur boîte, et je vous assure que ceux-là,
45:11 ils n'ont aucun problème avec le fait de travailler
45:13 énormément. - Ah non, bien sûr.
45:15 - Le fait de travailler, vous savez, moi je dirige une entreprise,
45:17 je travaille 80 heures par semaine,
45:19 enfin, je veux travailler 80 heures par semaine,
45:21 bon, ben voilà, je sais ce que c'est
45:23 que le travail. La question, encore une fois,
45:25 c'est celle de la norme que l'on veut donner.
45:27 Et à terme, on sera obligé
45:29 d'aller vers une réduction du temps de travail
45:31 et vers une autre organisation du travail.
45:33 - Pierre, merci à tous les trois,
45:35 merci parce que c'est un débat
45:37 très intéressant, merci
45:39 d'être venu nous voir ce matin sur ce Radio-Illinois

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