Le service lancé le mois dernier espère 10 000 abonnés d’ici 3 ans
www.cortex-media.tv
Documentaires, films, podcasts, lecture de contes, Cortex est une sorte de Netflix de la santé, du handicap et de l’autonomie. Cette plateforme créée par le journaliste Benjamin Laurent, lui-même porteur d’un trouble du neurodéveloppement, veut rendre l’information accessible aux personnes en situation de handicap et les visibiliser, alors que selon un rapport de l’Arcom en 2021, 0,8% des personnes présentes dans les médias sont en situation de handicap. Cette infime représentation est « la plus cruelle des exclusions », explique son fondateur sur franceinfo. Il révèle qu’un millier de foyers se sont déjà abonnés au service de streaming. Benjamin Laurent est l’invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt
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Documentaires, films, podcasts, lecture de contes, Cortex est une sorte de Netflix de la santé, du handicap et de l’autonomie. Cette plateforme créée par le journaliste Benjamin Laurent, lui-même porteur d’un trouble du neurodéveloppement, veut rendre l’information accessible aux personnes en situation de handicap et les visibiliser, alors que selon un rapport de l’Arcom en 2021, 0,8% des personnes présentes dans les médias sont en situation de handicap. Cette infime représentation est « la plus cruelle des exclusions », explique son fondateur sur franceinfo. Il révèle qu’un millier de foyers se sont déjà abonnés au service de streaming. Benjamin Laurent est l’invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt
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00:00 Bonjour Benjamin Laurent. Bonjour Céline Bailly-Viacoubeau.
00:02 Cette plateforme est baptisée Cortex. Il y a des documentaires, des films, des podcasts.
00:06 On va détailler tout ça dans un instant.
00:08 Racontez-nous d'abord la naissance du projet.
00:10 Vous êtes parti de quels constats ?
00:12 Je suis parti de deux choses.
00:13 En fait, d'abord une expérience personnelle.
00:16 Parce que moi, je suis né avec un trouble du neurodéveloppement qui s'appelle le TDAH.
00:20 Qu'est-ce que c'est ?
00:20 Alors, ça veut dire trouble déficit d'attention avec ou sans hyperactivité.
00:23 C'est un trouble qui se caractérise par différents symptômes comme de l'impulsivité,
00:28 l'impossibilité de rester en place, des problèmes de concentration.
00:31 Et donc ça, forcément, ça avait impacté ma scolarité.
00:34 Et moi, j'ai pu observer mes parents se débattre pour essayer de comprendre
00:37 qu'est-ce qui lui arrive, qu'est-ce qui arrive à notre enfant.
00:40 Et après, plus tard, quand je me suis lancé dans le journalisme et la réalisation,
00:45 j'ai repensé à ce parcours et naturellement, je me suis dirigé vers une association
00:49 qui s'appelle Hyper Super TDH France et qui m'a permis de réaliser mon premier film.
00:53 Et donc là, c'est la rencontre avec une deuxième expérience, expérience professionnelle,
00:56 où en interrogeant des parents, en interrogeant des personnes concernées, des professionnels,
01:02 je me suis rendu compte qu'il y avait un vrai problème.
01:04 Tout le monde me disait « mais je ne trouve pas l'info ».
01:06 Alors que moi, qui travaillais sur le sujet, l'info, je la trouvais et je la comprenais.
01:11 Et en fait, je me suis rendu compte qu'il y avait un vrai problème d'accessibilité
01:14 et de représentativité des personnes en situation de handicap.
01:17 Voilà, il y a deux sujets en fait.
01:19 Le problème d'accessibilité, on a du mal à trouver les informations.
01:23 Et aussi, les personnes en situation de handicap sont, on peut le dire, invisibilisées à l'écran.
01:29 Oui, et ça, c'est vraiment la plus cruelle des exclusions.
01:31 Parce que l'invisibilisation des personnes en situation de handicap, je donne juste un chiffre.
01:36 0,8%, ça c'est l'ARCOM qui l'a évalué, c'est le nombre de personnes en situation de handicap
01:42 présentes dans les médias.
01:43 Ça c'était en 2021, monsieur Leclerc ?
01:44 C'était en 2021, c'est ça.
01:45 Bon, ça n'a pas beaucoup évolué et on est monté, je crois, le maximum à 0,9%.
01:49 Alors qu'il y a 20% de personnes en situation de handicap en France.
01:53 Oui, 20% de personnes en situation de handicap, mais on peut même considérer que 100% de nos concitoyens
01:58 peuvent être concernés par une situation de handicap.
02:00 Parce qu'on peut compter parmi ça aussi la perte d'autonomie d'une personne âgée.
02:04 On peut considérer les aidants familiaux qui sont autour des personnes en situation de handicap
02:09 qui sont également concernées par ces situations.
02:12 Tout ça fait qu'il y a énormément de personnes concernées, mais qu'on les voit assez peu au final.
02:16 Et quel problème cela pose ?
02:17 Ça pose un vrai problème d'altérité, c'est-à-dire de se rencontrer, de voir des personnes qui nous ressemblent.
02:22 C'est aussi une façon de ne pas avoir honte de ce qu'on est.
02:25 Il y a quelques jours, il y avait une personne qui parlait des personnes LGBTQI+,
02:30 qui venait à votre micro et qui disait "le fait de ne pas se rencontrer fait qu'il y a des jeunes filles
02:33 qui ont encore honte d'être lesbiennes".
02:35 Dans le handicap, c'est pareil.
02:36 Et là, par exemple, je suis en train de tourner un film sur une unité d'enseignement maternel autisme.
02:40 Il y a une maman qui me disait "moi, je n'en ai pas parlé à ma famille".
02:43 Je disais "mais pourquoi ?" "Parce que j'en ai honte".
02:45 Et ça, c'est vraiment dramatique d'avoir honte d'être soi pour quelque chose qui finalement n'est pas de notre ressort,
02:50 en fait, avoir un enfant autiste, c'est comme ça, c'est la vie, c'est la génétique.
02:55 Il y a toute une question autour de ça.
02:58 Et moi, je suis fondamentalement convaincu que le jour où on verra plus de personnes en situation de handicap,
03:03 ça permettra à ces gens de se reconnaître et de se dire "finalement, je vais en parler à ma voisine".
03:09 Et puis la voisine dira "oui, il n'y a pas de souci, ton enfant, il est autiste.
03:12 Je peux te le garder deux heures avec le mien qui ne l'est pas".
03:15 Et voilà. Et donc ça, c'est un vrai problème aujourd'hui.
03:18 Et pour l'aspect accessibilité du public, est-ce que vous trouvez que la télévision progresse ?
03:25 On voit de plus en plus souvent des émissions traduites en langue des signes.
03:30 Je ne vais pas faire le donneur de leçons ou distribuer les bons points.
03:34 C'est vrai que de plus en plus, on voit du SME, mais je dirais que ce n'est pas encore ce type d'accessibilité-là qui va aujourd'hui manquer.
03:43 C'est par exemple tout ce qui est le facile à lire et à comprendre.
03:46 Le FALC, en fait, qui est une façon de traduire le français pour le rendre accessible à des personnes qui ont des difficultés de compréhension.
03:53 Et ça, d'ailleurs, le FALC, c'est un bon exemple de ce qu'on cherche à faire nous sur Cortex.
03:57 C'est que c'est à la fois une technique qui permet aux personnes qui ont une déficience intellectuelle de comprendre l'information qu'on leur donne.
04:04 Je rappelle que depuis 2019, les personnes qui ont une déficience intellectuelle peuvent voter.
04:08 Et donc, il faut leur permettre d'avoir accès aux informations politiques, culturelles,
04:14 enfin les informations qu'on a tous accès, que vous donnez vous sur votre chaîne, sur France Info.
04:18 Et ensuite, ça permet aussi à des personnes qui sont primo-arrivants, c'est-à-dire des personnes qui ne parlent pas le français, qui sont migrantes.
04:24 Ça permet à des personnes âgées qui ont des fois une façon de lire qui est plus lente ou qui ont assimilé des informations plus...
04:29 Enfin voilà, ça sert vraiment à tout le monde.
04:30 Mais ça veut dire, Benjamin Laurent, que sur votre plateforme, vous allez...
04:33 Alors, je ne sais pas, je prends un exemple, une interview du président de la République.
04:37 On pourra la retrouver sur la plateforme en ce que vous avez dit, facile à lire, facile à comprendre.
04:41 Oui, alors nous, on ne fait pas du facile à lire, mais on fait du facile à entendre.
04:44 C'est-à-dire qu'on va plus loin, c'est-à-dire qu'on prend par exemple...
04:47 Oui, alors tout à fait, une interview du président de la République, ça serait vraiment quelque chose...
04:50 C'est vraiment quelque chose sur lequel on va aller.
04:52 Alors, ce n'est pas on prend l'interview, puis on la traduit telle quelle.
04:55 C'est on va sélectionner des informations, puis ensuite, on va les mettre en falc pour les donner
05:00 accessibles aux personnes qui ont une déficience intellectuelle.
05:02 Mais ce qu'on fait, par exemple, nous, c'est on fait une série qui s'appelle "Mes plus beaux contes",
05:06 où on a pris les contes du patrimoine, donc Cendrillon, Poulous, les Trois Petits Cochons, Boucle d'Or, c'est ça.
05:12 Et on les a traduits en files, puis on les a fait enregistrer par une voix off.
05:16 Ce qui permet de rendre accessible quelque chose qui fait partie de notre patrimoine commun à tout le monde.
05:21 Il y a aussi des films, notamment le vôtre.
05:24 Alors, je ne sais pas si c'est le vôtre ou l'un des vôtres, si vous en avez fait plusieurs.
05:27 J'ai vu "HSA, Handicap sans abri".
05:29 Oui, alors "HSA sans abri", j'ai eu la chance de le réaliser.
05:31 C'est un film qui raconte l'histoire de quatre personnes sans abri qui sont également en situation de handicap.
05:38 Ça a été fait avec le CREAIL d'Île-de-France, qui avait fait une étude justement pour essayer de comprendre
05:44 est-ce que le handicap était un facteur de non-recours aux aides sociales d'urgence ?
05:48 Donc, c'était vraiment un sujet innovant et qu'on a mis sur la plateforme.
05:52 D'autres exemples de contenus ?
05:53 Oui, il y a un exemple de contenu que j'adore et ça, je tiens vraiment à rendre hommage à mon équipe qui l'a trouvé.
06:00 C'est "Koji Inoue, regardez-moi, je vous regarde".
06:02 C'est un film qui est fait entièrement en langue des signes.
06:05 Et ce contenu, pour nous, il est très intéressant parce que c'est nous, personnes entendantes,
06:09 qui sommes obligés de nous adapter au film qui est fait en langue des signes.
06:13 Donc, c'est une réalisatrice qui s'appelle Brigitte Le Men qui a fait ces films.
06:17 Elle en a fait énormément.
06:19 Et en septembre, on prépare une grosse rétrospective de son travail,
06:22 avec notamment un film que j'attends avec impatience,
06:25 qui raconte l'histoire des personnes sourdes pendant la Shoah et qui témoigne en langue des signes.
06:30 Et ça, c'est vraiment exceptionnel.
06:31 C'est un film qui a été assez peu diffusé et on est vraiment très content de le présenter.
06:36 Et ça, ce n'est pas excluant pour les personnes qui ne sont pas en situation de handicap ?
06:40 Eh bien non, pas du tout, parce qu'en plus, ils sont sous-titrés,
06:43 ce qui permet à des personnes entendantes de pouvoir suivre.
06:46 Et je trouve que ça fait partie de quelque chose qui est important pour nous,
06:49 c'est-à-dire de transmettre une culture autour du handicap.
06:53 C'est-à-dire qu'il y a plein de pans de notre histoire qu'on peut aussi voir à l'aune du handicap,
06:57 à l'aune de la différence.
06:58 Parce qu'il faut bien se dire que le handicap, ce n'est pas une différence de la nature humaine,
07:02 c'est uniquement une variation d'un même thème.
07:05 L'être humain n'est pas différent lorsqu'il est en situation de handicap,
07:09 il vit simplement des situations différentes.
07:12 Et c'est vraiment ce qu'on cherche à faire sur Cortex,
07:14 une plateforme pour tous qui parle de situations, de personnes et qui met en avant la différence.
07:21 Ça vient de démarrer, quels sont les premiers retours ?
07:23 Les premiers retours, ils sont plutôt bons.
07:26 Après, on aimerait toujours avoir plus d'abonnés, je pense que c'est...
07:29 Vous en êtes à combien ?
07:31 C'est peut-être un peu secret, on est à peu près à un millier.
07:34 Vous en espérez combien ?
07:35 On espère d'ici trois ans être à 10 000.
07:38 On a eu la chance d'avoir un partenaire, le Gapas, qui nous a suivis dans cette aventure
07:43 et qui a tout de suite abonné tous ses professionnels.
07:46 Notre plateforme, c'est aussi un centre de ressources pour informer, former, sensibiliser autour de ces sujets-là.
07:53 Quel rôle joue, s'il y en a un, le ministère de la Santé ?
07:57 On les voit la semaine prochaine, le 5 juin, donc je pourrais revenir vous dire quel rôle ils ont joué.
08:02 En tout cas, ils ont été très accueillants.
08:04 C'est-à-dire qu'on a pu faire notre présentation au sein de la salle La Roque, qui est au ministère de la Santé.
08:10 Merci beaucoup d'être venu sur France Info, Benjamin Laurent.
08:12 Merci beaucoup, Céline Baillevert-Court.