"J'adore garder cette idée folle qu'il n'y ait pas de règle."
Avec le film "Le Règne animal", il sera présent à l'ouverture de la section Un Certain regard au Festival de Cannes. Vieillir en tant qu'acteur, avoir un "instinct animal" sur le plateau... Discussion entre Romain Duris et Augustin Trapenard. #Cannes2023
Avec le film "Le Règne animal", il sera présent à l'ouverture de la section Un Certain regard au Festival de Cannes. Vieillir en tant qu'acteur, avoir un "instinct animal" sur le plateau... Discussion entre Romain Duris et Augustin Trapenard. #Cannes2023
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00:00 - Oui, c'est ça.
00:01 - On prend un tableau de fin, juste.
00:03 - Quand j'étais petit, mon angoisse, c'était d'être un acteur,
00:07 comme je disais, "you play", c'est-à-dire trop léger,
00:10 trop publicité, trop...
00:12 Et que j'étais hanté par le fait d'être assez habité,
00:15 d'avoir assez vécu de choses pour que je sois rempli,
00:19 qu'on s'est trop cadré.
00:20 On a envie de désobéir, juste pour voir.
00:22 Je sais que rien n'est grave, peut-être.
00:24 Parce qu'avant, quand ça bloque, on se dit "merde,
00:27 comment je l'ai m'en sorti, c'est pas possible".
00:30 - Mince ou merde, parce que là...
00:32 - Moi, j'adore garder cette idée folle
00:35 qu'il n'y ait pas de règles, pas de façon de faire.
00:38 Je serais bien incapable de donner des cours
00:40 et que j'ai du mal parfois à répondre à des interviews.
00:42 Donc à des moments, je me retrouve sur un plateau,
00:44 un début de tournage, j'ai l'impression
00:46 que je n'aurais jamais fait de film avant,
00:48 parce que je laisse vraiment place à de l'instinct
00:50 et à de la liberté de bouger, de penser, d'être différent.
00:53 - Il y a un personnage dans votre film qui dit
00:55 que la peur, c'est le fléau de notre époque.
00:58 En l'occurrence, dans "Le règne des humains",
01:00 ce qui fait peur, ce sont les corps des humains
01:02 qui mutent en corps d'animaux.
01:04 C'est le lien entre l'humain et l'animal
01:06 qui est au cœur de ce film.
01:08 Je me suis demandé, qu'est-ce qui est le plus animal en vous ?
01:11 - Peut-être ma mâchoire.
01:13 - J'en sais rien. - Qu'est-ce qui est animal ?
01:15 - On me dit, parce que je suis incapable
01:17 de répondre avec moi, je ne me regarde pas
01:19 pendant le miroir, on me dit que j'ai une manière
01:21 de bouger un peu féline.
01:23 - Je prends, le félin, je prends, pas de problème.
01:25 - C'est la question que je voulais vous poser,
01:27 si vous deviez être un animal, vous seriez quoi ?
01:29 - On va dire un léopard. - C'est pas mal pour l'instinct.
01:32 - C'est vrai que dans le métier de comédien,
01:34 il y a beaucoup de réflexion, mais une fois qu'on est
01:36 sur le moment présent et qu'il faut réagir,
01:39 moi, j'ai beaucoup accès à mon instinct.
01:42 Mes émotions sont beaucoup dirigées par l'instinct.
01:44 C'est pas plus réfléchi que ça,
01:48 c'est pas plus intellectualisé que ça,
01:50 c'est quelque chose d'assez primaire.
01:52 - Votre instinct, maintenant, il vous dit quoi ?
01:54 - Décide de vous répondre clairement,
01:55 décide de mettre les mots les uns après les autres,
01:57 à qui ça claire.
01:58 - Il arrive que votre instinct vous trompe ?
02:00 - Je m'en fiche, je suis plutôt positif,
02:02 donc même s'il me dévie un peu,
02:05 je rive à le transformer en une expérience de vie,
02:07 et puis j'en garde le côté positif.
02:10 - À vous entendre, j'ai l'impression que l'acteur,
02:12 c'est l'être instinctif par excellence.
02:14 - Il y a des gens qui sont pas du tout dans ce trip-là,
02:16 il y a des gens qui préparent énormément,
02:18 qui font des fiches sur l'avant-film,
02:21 quel personnage c'est, son éducation.
02:24 - Vous jamais.
02:25 - Ça m'est arrivé, je peux pas dire que ça m'a aidé,
02:28 moi ça a tendance à plus m'enfermer plutôt qu'autre chose.
02:30 - Parmi les grands metteurs en scène qui vous ont porté,
02:32 qui vous ont accompagné,
02:33 certains vous ont justement accompagné là-dedans,
02:36 dans cet usage de l'instinct.
02:38 - Ah ouais.
02:39 - Pensez à qui ? Je pense à Chéraud, moi.
02:41 - Chéraud ou Jacques Audiard,
02:42 ce sont clairement des réals qui,
02:45 une fois qu'on est sur l'espace-temps
02:47 qui est enregistré par la caméra,
02:48 où tout vibre et tout se met en branle,
02:50 il n'y a plus de...
02:52 On ne réfléchit plus,
02:53 on agit avec le silence, les accidents.
02:57 - Comme un enfant en fait.
02:58 - Ouais, complètement, comme un enfant ou un animal.
03:01 - Quel genre d'enfant est-ce que vous étiez ?
03:03 Parce que l'animal, j'ai déjà posé la question.
03:05 - Un enfant turbulent.
03:06 - Turbulent.
03:07 - Qui rigole beaucoup, je crois.
03:09 Qui voulait prendre sa place,
03:11 je suis le petit dernier d'une fratrie,
03:12 donc j'avais besoin qu'on ne m'oublie pas,
03:15 donc je pense que je faisais beaucoup de conneries
03:18 et je rigolais beaucoup.
03:19 - Dans le film, vous êtes le père d'un ado
03:21 qui va à plusieurs moments vous désobéir,
03:23 et c'est une histoire de relation père-fils,
03:25 c'est à la fois de transmission,
03:26 mais aussi d'affranchissement.
03:28 En quoi ça vous touche ça, particulièrement vous Romain ?
03:31 - Je pense à réfléchir à chacun,
03:33 comment on éduque,
03:34 comment on a un rapport,
03:35 une relation avec un enfant qui est adolescent,
03:38 qui a un âge où on découvre énormément de choses en même temps,
03:40 et où comment, quel père on peut être,
03:42 comment on peut s'ouvrir,
03:43 comment on est au départ.
03:45 - Quel fils est-ce que vous avez été, vous, justement ?
03:47 - Moi, il y avait l'autorité claire,
03:49 parce que j'avais des parents quand même assez précis
03:53 sur le type d'éducation qu'ils voulaient donner,
03:56 avec une sévérité,
03:57 et donc clairement, moi je prenais l'inverse.
03:59 C'est ce qu'on a dit, je faisais du bruit,
04:02 je faisais le con,
04:03 et je me faisais punir à leur façon.
04:05 Mais c'était vital pour moi,
04:06 c'était une façon d'exister.
04:08 - C'est intéressant parce que vous avez grandi Romain,
04:10 sous les yeux du public,
04:11 depuis votre premier rôle dans "Le Péril jeune" de Cédric Clapiche,
04:13 il y a presque 30 ans,
04:14 où vous jouiez un lycéen jusqu'à aujourd'hui,
04:16 où vous jouez les père de famille.
04:17 Vieillir, ça représente quoi pour vous ?
04:19 - Souvent, quand j'étais petit,
04:20 mon angoisse, c'était d'être un acteur,
04:22 comme je disais, "you play",
04:24 c'est-à-dire trop léger, trop publicité,
04:27 et que j'étais hanté par le fait d'être assez habité,
04:30 d'avoir assez vécu de choses
04:32 pour que je sois rempli, quoi, en fait.
04:35 Le pire, c'est le vide, quand on est acteur, je crois.
04:37 Et puis avec les années,
04:39 on le sent, le remplissage, il est là.
04:42 Donc, moi, je veux pas m'en plaindre.
04:45 - Et quand vous voyez aujourd'hui
04:47 votre visage, votre corps, votre mâchoire
04:50 sur un écran de cinéma, vous vous dites quoi ?
04:52 - Toujours pareil, une espèce de gêne que j'ai toujours eu.
04:57 Puis des fois, je suis surpris de voir quelque chose
04:59 parce que ça me ressemble pas.
05:00 Je me dis, tiens, j'ai dû toucher quelque chose de bien, là,
05:02 parce que je ne le vois pas moi, Romain.
05:04 Enfin, non, je trouve que...
05:06 En tout cas, il y a toujours cette espèce d'inconfort bizarre,
05:09 surtout dans des rôles émotifs.
05:12 Je vais pas me mettre à chialer en me regardant.
05:14 Enfin, il y a un truc un peu bizarre
05:16 de véhiculer des émotions.
05:18 Et moi, qui suis Romain, qui les regarde,
05:20 ça fait un effet bizarre.
05:22 ♪ ♪ ♪
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05:26 [SILENCE]