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"On mangeait, on dormait, on vivait JO. Donc en fait quand ça s'arrête, c'est déstabilisant."

BRUT MENTAL — Il y a quatre mois, elle obtenait une médaille d'argent aux Jeux olympiques de Paris 2024. Et depuis, elle n'avait pas remis les pieds sur une piste, parce qu'elle avait besoin "de décompresser". Entre tristesse, colère et déception, l'escrimeuse Sara Balzer nous raconte l'après JO et le "vide" qu'elle et de nombreux autres athlètes ont ressenti. On est allé la voir pour sa reprise de l'entraînement.

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Transcription
00:00Tout de suite après les JO, je n'avais pas envie de me retrouver sur une piste.
00:03Quand il y a eu toutes ces émotions, toute cette période,
00:07oui les scrims ça me manquait, mais pas au point de vouloir y retourner,
00:11de vouloir me donner et de faire tous les efforts physiques.
00:13Je n'avais pas la motivation immédiate de pouvoir repartir sur une nouvelle saison,
00:16sur des entraînements, de me reprojeter sur de nouveaux objectifs.
00:22Comment ça va depuis les JO ?
00:24Aujourd'hui ça va bien, ça va bien.
00:27Tu dis aujourd'hui parce que les jours d'avant ça allait moins bien ?
00:29Oui je dis aujourd'hui parce qu'il y a quelques semaines, quelques mois,
00:33ça n'a pas toujours été le cas.
00:34Il y a eu un coup de bouse, cette parenthèse s'arrête,
00:37que Paris c'est fini.
00:40C'était un moment euphorique, c'était un moment assez incroyable, assez magique.
00:43Que ce soit l'ambiance, que ce soit le soutien, le public, le village olympique,
00:48toute cette atmosphère en fait, c'était exceptionnel.
00:51Que ce soit au niveau physique, le corps, on l'a poussé à bout.
00:56Que ce soit mentalement pareil, on a demandé beaucoup au mental et au esprit.
01:00Donc en fait, il y a eu vraiment besoin de se poser, de s'arrêter, de décompresser.
01:06Repartir immédiatement, moi je n'étais pas en capacité de le faire.
01:09Sur Instagram, tu as dit pousser mon corps et mon mental à bout
01:12pour essayer d'atteindre mes objectifs la saison dernière,
01:14laisser des traces et je ressens encore cette fatigue.
01:15Ce n'était pas que physique du coup, c'était aussi mentalement que tu étais épuisée ?
01:18Honnêtement c'était surtout mental.
01:19C'est un travail de plus de 4 ans pour un jour, pour aujourd'hui.
01:23Il y avait énormément de pression, que ce soit la pression que moi je mettais,
01:26mais il y avait aussi beaucoup de pression sur les athlètes français,
01:28la pression extérieure.
01:29Moi j'étais favorite, donc on m'attendait.
01:33Moi je ressentais énormément de pression sur mes épaules et ça fatigue.
01:36Ça fatigue et ça demande énormément d'énergie.
01:38Il y a eu des moments où c'était des gros moments de remise en question.
01:43De pourquoi est-ce que je fais ça, de qu'est-ce que je vais faire demain.
01:48Est-ce que justement le fait que toi tu n'as fini que deuxième,
01:50alors que c'est exceptionnel, ça t'a pesé après les Jeux ?
01:53C'est vrai que moi immédiatement après les JO, j'ai voulu voir le positif.
01:57J'ai vu énormément de champions revenir sans rien,
01:59donc j'ai été très contente et je suis toujours très contente de cette médaille.
02:03C'est vrai que ça récompense tout le travail de ces dernières années.
02:06Mon objectif n'est pas atteint, mon objectif n'était pas d'être deuxième.
02:08Il y a eu des moments où oui, on est triste, on est en colère,
02:14on n'a pas atteint l'objectif, on était en finale olympique et on n'a pas gagné.
02:18Et puis on est gênée aussi de dire qu'on est déçue d'être deuxième
02:20parce qu'on voit tous les athlètes à nos côtés qui n'ont pas de médaille.
02:24Donc il y a cette forme de pudeur où on ne dit pas vraiment ce qu'on pense.
02:28Mais moi, c'est ma vérité.
02:29Ma vérité, c'est que je ne suis pas venue pour faire deuxième,
02:31que cette médaille d'argent, elle est super, mais elle ne me satisfait pas tellement.
02:34Il était important pour moi de passer par toutes ces étapes, toutes ces émotions,
02:39de vivre cette tristesse, de vivre cette colère.
02:41Et en fait, ces émotions aujourd'hui, c'est une énergie,
02:43c'est ce qui me motive aujourd'hui, c'est ce qui me permet de retourner à l'entraînement.
02:48C'était évident pour moi que j'allais revenir un jour.
02:50C'est vrai que la question de combien de temps ça va prendre, ça fait peur
02:52parce qu'on voit la saison passer, on voit les compétitions commencer.
02:56Il y a un classement mondial qui est aujourd'hui toujours numéro 1
02:59malgré le fait que j'ai loupé plusieurs compètes.
03:01Donc il y a un peu cette forme de pression extérieure qui te dit
03:04mais voilà, il faut revenir, la vie, elle continue ailleurs.
03:06Mais j'ai réussi à rester entre guillemets calmes et me dire
03:08non, ce qui est important aujourd'hui, c'est d'aller bien, c'est de prendre le temps.
03:12Mais c'est sûr que ça titille de vouloir revenir un peu trop tôt.
03:16Est-ce que tu t'étais préparée avant les Jeux à cette redescente ?
03:18On m'avait prévenue, on l'avait compris avec la préparatrice mentale,
03:22avec des coachs de yoga, de méditation,
03:26on le savait, on l'avait vu sur les Olympiades précédentes.
03:29C'était aussi une partie du job, c'est-à-dire de gérer cet après-JO
03:32et qu'en fait, quoi qu'il se passe, il y allait avoir des coups de mains bien
03:35mais il ne fallait pas qu'on aille vraiment mal.
03:37Et donc l'accompagnement ne s'arrêtait pas.
03:40Le jour où la compétition se faisait, l'accompagnement durait après.
03:43C'était aussi important de faire des bilans, de faire des discussions post-JO.
03:47Ce n'était pas du tout l'objectif de laisser l'athlète seule gérer toutes ces émotions.
03:54Donc on l'avait anticipée, on l'avait préparée.
03:56Même en le sachant, c'est vrai que c'est toujours bizarre de le vivre
04:00mais je suis contente d'avoir eu cet accompagnement.
04:02Tu n'as pas été la seule dans cette situation.
04:04J'ai vu qu'il y avait par exemple Lisa Barbelin au tir à l'arc, Amandine Bouchard,
04:07même Léon Marchand qui a refusé de faire la championne du monde en petit bassin.
04:11Est-ce que vous en parlez entre vous ?
04:12J'étais aux étoiles du sport il y a quelques semaines
04:15et c'est vrai que c'était intéressant.
04:17On a énormément parlé, échangé entre plusieurs athlètes
04:19et on s'est rendu compte que qu'on soit médaillée ou non,
04:22tout le monde était dans la même situation.
04:24C'est-à-dire cette forme de vide, de questionnement,
04:28de ce qu'on vient de faire, ce qu'on vient de vivre, c'est assez énorme.
04:31On mangeait, on dormait, on vivait JO.
04:33Donc à un moment donné, quand ça s'arrête, c'est déstabilisant.
04:37On était tous dans cette période de questionnement
04:41et c'était un peu rassurant de savoir qu'on n'était pas seuls.
04:44Si je vais lentement, tu peux t'amuser à faire ça quand même.
04:47Par contre, si je vais lentement, tu peux aussi t'amuser à aller lentement.
04:51C'est ça que je voulais dire.
04:58Aujourd'hui, je vais avoir ma première leçon.
05:01C'est marrant, je suis vraiment excitée, je suis contente.
05:03C'est cool de ressentir cette joie et ce bonheur de retourner à l'escrime.
05:09T'as pas peur d'avoir oublié les choses ?
05:12Ça fait bizarre au début de voir qu'on est plus lente, plus lourde, moins vive.
05:19Mais au fur et à mesure de notre entraînement, on voit que ça progresse.
05:22Je me dis qu'on ne va pas se juger.
05:24On laisse de côté tout sous-jugement.
05:28Le corps sait faire, c'est comme le vélo, ça va revenir.
05:31Il faut juste un peu d'entraînement.

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