À 15 ans, il avait déjà connu l'esclavage en Libye, la traversée de la Méditerranée, la rue en France… Aujourd'hui, il a 20 ans, il est chaudronnier et il dirige 2 associations pour les orphelins et l'éducation des enfants. Sow raconte son histoire.
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00:00Ça, c'est mon cangoule que je peux porter comme ça.
00:04Là, j'ai les pinces.
00:07L'année passée, j'ai travaillé dans un sentier naval.
00:10On faisait des bateaux, ça s'appelle la souverainerie.
00:12C'est le métal, la soudure.
00:14On fait des portes, on fait des fenêtres, on fait plein de choses.
00:19Voilà ma porte d'aujourd'hui.
00:21De cette heure-là, je dois la faire carrément.
00:24Ça, c'est le plan.
00:25Quatre pommelles, droite, tirant, avec serreur.
00:28Je sais ce que je suis en train de faire.
00:31Je le faisais depuis que je suis petit.
00:34Tu le faisais en Guinée aussi ?
00:35Oui, je le faisais aussi en Guinée.
00:37Du coup, ça va, ça me plaît bien.
00:39Salut, Brut !
00:40Moi, c'est Sosaifla.
00:41Je suis souverainerieur en CDI.
00:44Je vais vous raconter mon histoire.
00:46Je vais vous en parler, comment je suis arrivé là.
00:50Pendant mon enfance en Guinée,
00:52je me baladais dans la rue parfois.
00:54Deuxièmement, j'ai travaillé dans un atelier chaudière.
00:57Ma mère était morte depuis ma naissance.
01:00Trois mois après, mon père aussi est mort.
01:03J'étais enfant, j'ai été adopté par ma tante.
01:06Par rapport à l'école, j'aurais voulu y aller,
01:09mais je n'ai pas eu le moyen d'y aller.
01:11Venir en France, ça ne venait pas de moi.
01:14En gros, ça venait de mon frère.
01:16Je lui ai dit non.
01:17Il m'a dit, tu n'as pas à me dire non.
01:19Soit tu bouges, soit je te tape.
01:21C'est entre les deux.
01:22Il y avait 14 ans qu'on est partis.
01:25Du coup, la route, c'est vraiment dur.
01:27Ça a été très très dur, pour ne pas mentir.
01:29Le jour qu'on est arrivés en Libye déjà,
01:31c'est là-bas qu'il a été tué mon frère.
01:33J'ai pris une balle ici.
01:35Je ne peux pas montrer, mais j'ai chié.
01:37Nous, les Noirs,
01:40tous les Libyens nous considéraient comme des marchandises.
01:42Ils nous ont emmenés tous en prison.
01:44Et le chef des prisons, il rentre,
01:46où il y a tout le monde,
01:47plus de 300 personnes d'âge et de même salle,
01:50qui sait faire la soudure parmi vous.
01:52À partir d'où tu es présent, tu peux faire quelque chose.
01:55Et on te fait sortir en prison.
01:57On te donne un Libyen qui a besoin de ces travailleurs-là.
01:59Il te fait travailler
02:01de 8h à 18h.
02:04Il te donne à manger.
02:05Il te renvoie en prison.
02:06Il paye le chef des prisons.
02:08Moi, je suis causé travail pour quelqu'un là-bas
02:10pendant 3 à 4 semaines comme ça.
02:12Et après, à partir du moment où il a commencé
02:14de me faire conscience,
02:15il s'est installé dans une jamboue
02:17pour se retrouver dans un quartier
02:19qui s'appelle Gligaraz, où il n'y a que de noirs.
02:22Les passeurs, je veux dire.
02:24C'est là-bas que j'ai trouvé les amis de mon frère.
02:28Et c'est eux qui m'ont aidé à traverser aussi.
02:31Sur la mer, c'est plus que dangereux.
02:33À partir du moment où tu te retrouves
02:35à un endroit où tu ne vois rien du tout,
02:38sauf le ciel et la mer,
02:40ça, c'est plus qu'effrayant.
02:43Ça, c'est plus qu'effrayant.
02:44Pourquoi ?
02:45Parce que là, toi-même, tu te vois mort.
02:48Sur le bateau où tu es assis, c'est un truc plastique.
02:51Même si tu es assis avec tes ongles,
02:53tu risques de les percer.
02:56Je suis parti à Créteil,
02:57où il y avait des jeunes demandeurs d'asile
02:59qui dormaient sous un pont, au dehors.
03:01Je suis parti, je me suis installé avec eux.
03:03J'ai dormi là-bas pendant 7 mois.
03:05Pendant ces 7 mois-là, j'ai eu des problèmes de dents
03:07parce qu'il faisait froid et tout ça.
03:08Et j'ai eu un problème de dents,
03:09il fallait que je parte à l'hôpital.
03:11Ce qui est drôle, c'est qu'on se voit à l'hôpital,
03:13Henri m'endort.
03:14Ce qu'il faut dire, c'est que vraiment,
03:15on a sympathisé immédiatement.
03:17Mais vraiment, quoi.
03:18Mais c'est normal, parce que tout le monde sympathise.
03:21Tout le monde sympathise avec ça.
03:23Donc, il était normal que je n'échappe pas à cette règle.
03:25Et après, on s'est dit au revoir.
03:26Sauf que, combien de temps après ?
03:29Trois semaines.
03:30Trois semaines après, je reçois un coup de fil
03:33de Paris d'Exil, mon association.
03:35On me dit, vous allez avoir des nouveaux locataires.
03:38OK.
03:39Ils s'appellent comment ?
03:40Ils s'appellent Seyfoulaï Sow.
03:42Et c'est comme ça que tu restais un an et quelques ?
03:45Ouais, j'ai resté jusqu'à...
03:47Tu m'as emmené au CIO pour faire un test,
03:50pour rentrer à l'école, tout ça.
03:52Et après, j'étais absenté.
03:53Ils m'ont orienté au lycée, j'en avais des bagnolets.
03:55Du coup, c'était bien.
03:56Le moment où ils arrivent à l'école pour la première fois,
03:59c'est vraiment quelque chose de très, très, très important pour eux.
04:03À la limite, on pourrait presque dire,
04:05c'est pour ça qu'ils sont venus, en premier lieu.
04:07Il s'est avéré que tu étais un très bon élève, n'est-ce pas ?
04:12Ouais, sauf que j'avais des problèmes de maths.
04:14Ah oui, les mathématiques !
04:16Je n'intervenais pas beaucoup pour les devoirs.
04:18Mais je suis intervenu un peu pour les calculs,
04:22les mathématiques, toutes ces choses-là.
04:24Ils t'appellent papa, en fait, maintenant ?
04:26Oui.
04:27Oui, parce que ça vient naturellement, au bout d'un moment.
04:31D'ailleurs, tu ne dis pas papa, tu dis père.
04:34C'est très affectueux de dire père, et en même temps, c'est très respectueux.
04:37Finalement, après un certain nombre de démarches administratives
04:41qu'il a fallu entreprendre,
04:42So a donc été reconnu mineur.
04:44Et partant de ce principe-là, il a été pris en charge par l'ASE,
04:48à savoir l'Aide Sociale à l'Enfance.
04:51Et donc, du jour au lendemain, il a quitté la maison
04:55pour aller à l'école.
04:58Et donc, du jour au lendemain, il a quitté la maison
05:01pour être hébergé dans un centre proposé par l'ASE.
05:14Pendant le moment où j'ai quitté,
05:16ils m'ont trouvé un logement où j'ai fait des heures de temps
05:19d'aller à l'école, des heures de travail, aller,
05:22et des heures de travail, retour.
05:23Maintenant, je prends aussi toujours,
05:25le même air et aussi pour aller au travail.
05:27Et du coup, ça revient encore à la même chose.
05:31J'espère qu'une jour, j'aurai des possibilités
05:33d'avoir 30 minutes de mon lit de travail
05:36ou 20 minutes.
05:38Pour l'instant, c'est un peu chaud, mais bon.
05:46Du coup, voilà, c'est là que je travaille.
05:49Et il faut porter des sécurités comme ça.
05:52Tu vois comment il est grand ?
05:54Je commence à 17 heures, je termine à...
05:58Je termine à 1h30, des heures.
06:01Du matin.
06:02Du matin, ouais.
06:03Pour éviter tout ça, il faut monter ta boîte.
06:08C'est ton rêve ?
06:09Ouais, et je vais le réaliser, ça c'est sûr.
06:12Qu'il s'assoie ici, qu'il s'assoie ailleurs.
06:14Je parlerai tout le monde.
06:16Le week-end, je travaille pour mon association.
06:19À part ça, il n'y a rien d'autre.
06:21J'ai des associations à gérer.
06:23J'ai l'école pour tous à gérer,
06:25j'ai l'éducation pour les enfants et les adultes à gérer.
06:27Tu travailles dans deux associations ?
06:29Je travaille dans deux associations
06:31où je suis président sur les deux associations.
06:33Tu milites à la fois pour les orphelins
06:35et à la fois pour que tous les enfants soient à l'école.
06:38Soit à l'école, ouais.
06:39Tu trouves que là, je pense pas à moi, c'est ça ?
06:42Non, non.
06:43Tu travailles, tu travailles et tu fais des trucs.
06:45Un jour, je vais penser à moi,
06:47je vais chercher une belle copine, c'est sûr.
06:50Je vais chercher une belle copine, c'est sûr.
06:53Mais bon, pour l'instant, j'ai pas le temps, c'est sûr.