Aurore Bergé, députée des Yvelines et présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, le 17 mai 2023 sur franceinfo.
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00:00 Il y a une loi qui a été promulguée, mais il y a une proposition de loi qui arrive également dans trois semaines,
00:04 déposée par le groupe centriste Lyot, qui vise à abroger cette réforme des retraites.
00:09 Est-ce que la majorité, est-ce que les députés de votre camp, le camp présidentiel,
00:13 vont jouer le jeu et laisser l'examen et le vote se dérouler normalement ?
00:17 Il y a plusieurs choses à dire sur cette proposition de loi.
00:20 La première, c'est que celles et ceux qui aujourd'hui portent cette proposition de loi
00:24 ont dans leur carrière politique toujours demandé le décalage de l'âge de départ de la retraite.
00:29 Vous retrouvez toutes leurs propositions, je les ai ressorties de 2013, 2014, 2021,
00:35 où ils disaient "il faut décaler l'âge de départ à la retraite à 64 ans".
00:38 Ça c'est pour les députés du groupe Lyot, mais pas pour les députés de gauche.
00:41 Oui, enfin, ils sont tous dans un même groupe, donc je veux bien qu'il y ait énormément de différences entre eux,
00:45 puisque ce groupe est composé d'indépendantistes, de corse, de régionalistes, de députés ultramarins,
00:52 d'anciens députés socialistes, mais élus contre la NUPES,
00:55 donc vous avez un patchwork qui est assez large, très peu cohérent quand même idéologiquement.
01:00 Mais les premiers signataires, ceux qui ont déposé cette proposition de loi,
01:04 étaient les mêmes qui, il y a un an, deux ans, disaient "il faut décaler l'âge de départ à la retraite".
01:10 Donc j'interroge quand même...
01:11 Et là on a changé d'avis, Emmanuel Macron 1er a changé d'avis depuis 2019.
01:13 Oui, enfin là il y a un changement idéologique qui est quand même assez invraisemblable,
01:17 c'est-à-dire de dire "il fallait de la rigueur absolue sur les comptes publics"
01:20 et puis après tout, 15 milliards d'euros c'est une taille et c'est pas un problème.
01:24 Il disait hors de question de repousser à 64 ans aussi.
01:26 Mais il disait "il faut faire une réforme des retraites", il ne disait pas "on ne touche à rien".
01:29 Allez-vous laisser l'examen de ce texte se dérouler normalement ?
01:31 Ensuite, deuxième chose, cette proposition de loi est un problème parce qu'elle ne respecte pas notre constitution.
01:37 Et les députés que nous sommes, s'il y a bien une règle absolue qu'on devrait tous respecter,
01:41 c'est de dire "on doit respecter la constitution".
01:43 Quand nous sommes députés, nous n'avons pas le droit, nous n'avons pas la possibilité par la constitution
01:48 de créer, d'avoir des propositions de loi qui créent des charges supplémentaires pour l'État.
01:53 C'est l'article 40 de la constitution, mais vous savez, Aurore Berger, qu'il est régulièrement mis de côté,
01:58 notamment lors des journées, ce qu'on appelle les niches parlementaires.
02:00 Je veux bien qu'on se dise que tout ça n'est...
02:02 Très régulièrement, il y a des propositions de loi qui créent de nouvelles dépenses ou de nouvelles chances d'économie aussi.
02:06 Tout ça n'est quand même pas totalement anodin.
02:08 La question n'est pas de faire découvrir à ceux qui nous écoutent chaque matin,
02:12 on voit l'article de la constitution, même si c'est très utile, sans doute, pour notre culture à tous.
02:16 La question c'est quand même, est-ce que oui ou non, on considère normal que des parlementaires nous disent
02:21 "on sait que ça n'est pas constitutionnel, on sait qu'on ne respecte pas la constitution, mais après tout, c'est pas très grave".
02:28 C'est pas ce qu'ils disent, Aurore Berger.
02:29 Nous, on a posé ce principe.
02:30 Notre proposition de loi, elle a été jugée recevable par le bureau qui filtre justement les propositions de loi,
02:34 par la commission des finances.
02:37 Donc dans ces cas-là, vous pouvez, en fait, juste sur le principe, une proposition de loi peut être jugée recevable,
02:42 et puis après, avec votre recours, être jugée irrecevable. C'est possible ça ?
02:46 En fait, c'est toute la question qu'on pose. Parce que, encore une fois, ça ne fait aucun doute que c'est contraire à la constitution.
02:53 Absolument aucun doute. Et ils ne le contestent pas vraiment eux-mêmes, ils nous disent juste, s'il vous plaît,
02:58 comme on a envie que ce texte soit examiné, faisons fi de la constitution, tout ça n'est pas important.
03:02 Mais du coup, Aurore Berger, Emmanuel Macron n'a pas bien lu la constitution quand il disait dans son interview,
03:06 il y a quelques jours, à l'opinion, il faut que l'examen ait lieu.
03:08 Mais le président de la République souhaite qu'il y ait un débat dans le pays. Je pense que le débat existe.
03:12 La question était sur l'Assemblée.
03:13 On a été interrogés ce matin sur le sujet. Et nous, on a été les premiers, dans mon groupe et au sein de la majorité, à souhaiter le débat.
03:18 Ce n'est pas nous qui, pendant la réforme des retraites, avons déposé plus de 20 000 amendements pour empêcher le débat, pour empêcher les votes.
03:25 Mais là, pourquoi vous voulez essayer de l'esquiver, Emmanuel Macron ?
03:27 Je n'esquive pas. Je pose juste un principe.
03:29 Je cite ce que dit Emmanuel Macron dans l'opinion.
03:31 On ne peut pas s'affranchir du débat quand on est une force politique républicaine.
03:35 Pourquoi ne pas tout simplement accepter le débat, lors de cette journée, sur la proposition de loi, et aller jusqu'au vote,
03:41 pour défendre justement vos positions ?
03:43 Je n'ai pas de problème. Vous le savez très bien.
03:44 Vous savez très bien qu'on souhaitait d'ailleurs voter jusqu'au bout,
03:47 parce qu'on considérait qu'il fallait que chacun soit en cohérence avec lui-même, soit en responsabilité, et assume ses choix.
03:54 Donc moi, je n'ai pas de problème à venir le 8 juin pour défendre ce pourquoi je crois à cette réforme,
04:00 et à la nécessité budgétaire d'avoir fait cette réforme pour tenir notre modèle social et financer nos retraites.
04:05 Et je peux vous assurer que les 171 députés de mon groupe, les 251 députés de la majorité, seront évidemment au rendez-vous le 8 juin pour cela.
04:14 On pose juste une question de principe.
04:16 Je vous dis, on pose juste une question de principe.
04:18 C'est est-ce que cette proposition doit être examinée ou pas ?
04:20 Parce que, encore une fois, si on accepte toutes les propositions qui sont contraires à la Constitution,
04:24 ça pose quand même une vraie question de principe sur le respect de nos institutions.
04:28 C'est la question que l'on pose.
04:29 Si à la fin, le débat doit exister, et bien il existera, et on fera valoir notre point de vue,
04:34 on fera valoir la nécessité d'une réforme des retraites, sa nécessité budgétaire,
04:38 et on interrogera ceux qui ont déposé ce texte, ou ceux qui souhaitent le voter,
04:42 en disant concrètement comment vous financez notre modèle social demain.
04:46 Sachant qu'il soit voté ou non, ça ne changera pas grand chose, puisque le Sénat derrière ne le moitera pas.
04:50 Alors pourquoi présenter une proposition de loi si elle est inutile ?
04:53 Pourquoi présenter une proposition de loi, on vient de ment ou on ment aux Français ?
04:56 Ou on ment aux Français, parce que les Français qui nous écoutent ce matin,
04:59 pour beaucoup, nous interrogent en nous disant "mais du coup, est-ce que ça veut dire que le projet a été enterré ?
05:03 Est-ce que ça veut dire qu'on va revenir sur la réforme des retraites ?
05:06 Est-ce que ça veut dire que la réforme va être abrogée ? Vous le dites vous-même, ça ne marchera pas, ça n'aboutira pas.
05:11 Je pense que ça crée volontairement de la confusion, et ça s'appelle mentir aux Français.