Tueurs en Séries : BRI, la racaillisation des séries Canal

  • l’année dernière
C'est clairement à un changement de génération auquel nous sommes en train d'assister. Bien loin d'Engrenages ou encore du Bureau des Légendes, BRI, la nouvelle série de Canal +, semble sonner le glas de ce qui fut jadis une patte bien particulière. Prévisible, plate et sans grand intérêt, la série nous offre surtout le triste (et faux) spectacle d'une BRI (Brigade de Recherche et d'Intervention) composée de racailles de cité dont le langage, le style et les méthodes n'ont rien à envier aux trafiquants qu'ils pourchassent. Jusqu'au grotesque et à la caricature... Décryptage d'un naufrage qui ne présage rien de bon.
Transcript
00:00 Salut à tous et bienvenue dans Tueur en série.
00:02 Pour cet épisode, j'ai décidé de m'infliger.
00:04 Je dis bien de m'infliger.
00:06 Quelque chose qui, dans un monde normal,
00:08 aurait pu en soi être très agréable.
00:10 Je veux parler de la nouvelle série canal, BRI.
00:12 Dans cette série, comme son nom l'indique,
00:14 on suit le quotidien de la BRI,
00:16 la Brigade de Recherche et d'Intervention de Versailles.
00:18 En soi, ça peut être sympa,
00:20 me diriez-vous ? Oui, mais pas dans le monde de Canal.
00:22 C'est simple, quand vous lisez
00:24 les critiques sur les sites de cinéma, et là je parle des critiques
00:26 spectateurs, pas des critiques presse,
00:28 parce que le fossé est énorme entre les deux,
00:30 je vais y revenir, les gens disent
00:32 presque tous avoir arrêté au bout d'un ou deux
00:34 épisodes, parfois même au bout de quelques
00:36 minutes. Merci Vincent Elbaz. Moi, j'ai dû
00:38 aller au bout et j'ai dû assister impuissant
00:40 à ce naufrage, à ce naufrage
00:42 de la BRI, mais aussi et surtout à ce naufrage
00:44 des séries canal, autrefois si qualitatives.
00:46 Je peux vous dire qu'avec BRI, on est loin,
00:48 très loin de braquos, d'engrenages
00:50 et même pire, du bureau des légendes.
00:52 Dans cette série, il n'y a rien qui va, ou presque,
00:54 on va en parler, c'est pourquoi, je le dis,
00:56 je le constate, on assiste ici à un changement
00:58 de génération au sein des séries
01:00 canal, et autant vous dire que ça fait peur.
01:02 [Générique]
01:30 BRI, c'est donc la nouvelle série
01:32 canal, réalisée par Jérémy Guez
01:34 qui nous plonge en immersion au sein
01:36 d'un groupe de la BRI de Versailles.
01:38 On suit donc leur mission quotidienne, mais aussi
01:40 leur vie privée respective, et tout ça
01:42 est un peu entrelacé, pas toujours
01:44 de manière très très légale, il y a des
01:46 choses qui entrent en conflit, mais en gros,
01:48 voilà. Et en trame de fond, ce qu'il y a de plus
01:50 intéressant, je mets des guillemets, oui,
01:52 disons ce qu'il y a de plus notable,
01:54 c'est la passation de pouvoir
01:56 entre Saïd, le nouveau
01:58 chef, frais, dynamique et adapté
02:00 au quota, et Patrick, le vieux
02:02 de la vieille, le taulier, un peu ripoux
02:04 de l'ancienne génération, quoi. Je dis un peu
02:06 ripoux parce que, voilà, on sait comment ça marche
02:08 dans ces milieux, il a travaillé, Patrick, pendant
02:10 20 ans, en bonne intelligence
02:12 disons, avec l'un des chefs
02:14 de la pègre parisienne, et
02:16 ça, Saïd, drapé de vertu,
02:18 il veut que ça change. Voilà, en gros,
02:20 pour le scénario, et d'ailleurs, la première chose que j'aurais
02:22 à dire, mettons tout de suite les pieds
02:24 dans le plat, c'est que c'est pas mal
02:26 faiblard, quand même. T'en as pas trop d'intérêt,
02:28 les ficelles sont grosses, on est rarement
02:30 surpris, rarement plongé dans l'intrigue,
02:32 même à la fin de chaque épisode, ils ont essayé de nous
02:34 mettre des cliffhangers, vous savez, c'est censé
02:36 nous donner envie de passer à l'épisode suivant,
02:38 une envie irrépressible, sauf
02:40 que là, quand tu regardes le cliffhanger, t'as
02:42 qu'une envie irrépressible, c'est d'aller au lit, quoi. Donc c'est
02:44 assez faiblard et sans grand intérêt,
02:46 les scènes d'action sont ok,
02:48 rien d'autre à redire là-dessus, pour ce qui est du
02:50 réalisme, du maniement des armes, des
02:52 méthodes, des déplacements, etc.
02:54 Je laisse le soin aux spécialistes
02:56 de décortiquer tout ça, mais
02:58 à première vue, ça m'a l'air ok. D'autant que
03:00 les acteurs ont suivi une préparation technique
03:02 avec de vrais agents de la
03:04 BRI, donc j'ai rien à redire là-dessus.
03:06 En revanche, là où j'ai été,
03:08 j'allais dire déçu, déçu non, parce que
03:10 j'en attendais rien, mais franchement, il n'y a
03:12 aucun moyen. Il n'y a pas de technologie,
03:14 à part des Airpods formidables,
03:16 il n'y a aucune recherche, alors que c'est quand même la brigade
03:18 de recherche et d'intervention,
03:20 là, il n'y a rien du tout. Et puis surtout,
03:22 dans l'imaginaire collectif, quand on entend
03:24 BRI, on pense aussitôt à leur célèbre
03:26 véhicule blindé. Là, il n'y a rien,
03:28 rien du tout. Ils se trimbalent en
03:30 Clio et en vieille camionnette de forain,
03:32 alors ça doit faire partie
03:34 de leur quotidien également et de leur métier.
03:36 Mais bordel, où sont les PVP ?
03:38 Où est le Titus ?
03:40 Bon ok, il n'y avait peut-être pas le budget ou
03:42 les autorisations, j'en sais rien, mais
03:44 dans ce cas, il ne fait rien, mec. Au pire, il fait
03:46 Julie Lescaux, c'est tout. Donc déçu par ça aussi.
03:48 Autre point, le jeu d'acteur. Alors là,
03:50 c'est formidable, parce que quand on lit les critiques
03:52 presse, elles sont dithyrambiques.
03:54 Une équipe jeune, dynamique,
03:56 soudée, d'acteurs talentueux,
03:58 crédibles...
04:00 Pas du tout, c'est nul,
04:02 c'est mal joué. Même le nouveau chef,
04:04 Saïd, qui dégage certes beaucoup de sympathie,
04:06 franchement, c'est extrêmement
04:08 plat. Tout est récité,
04:10 ça ne va pas. Et le pire dans tout ça,
04:12 ça a traumatisé beaucoup de gens. Et franchement,
04:14 je comprends, c'est Vincent Elbaz.
04:16 Vincent Elbaz, qui joue le
04:18 chef gitant de la pègre parisienne.
04:20 Franchement, il faut le voir pour le croire.
04:22 Il faut l'entendre pour le croire.
04:24 - Donc je peux pas, donne-moi le numéro, je vais me démerder.
04:26 - Comment ?
04:28 - Qu'est-ce que je te dis ? - Tu l'as, la carte,
04:30 ou tu l'as plus, la carte ? - Elle est où, la carte ?
04:32 - T'es plus Schmidt ? Vous voyez, là, c'est qu'un
04:34 exemple. En gros, la prod a dû lui demander
04:36 de jouer un vieil accent gitant
04:38 tout pourri, je sais pas, et là, c'est
04:40 tellement forcé, c'est tellement caricatural
04:42 que déjà, c'est pas crédible,
04:44 ça nous sort de l'immersion, et en plus, c'est totalement
04:46 ridicule, quoi. Le pire, le pire
04:48 dans l'histoire, c'est que j'ai lu que
04:50 Vincent Elbaz a été, alors
04:52 tenez-vous bien, en immersion
04:54 au sein des gitans, afin d'être au plus
04:56 près de son rôle. Eh ben, mon salaud,
04:58 je sais pas dans quel camp ils t'ont renvoyé, mais
05:00 en vrai, bizarre, mec. - C'est un sagement, je m'attendais pas.
05:02 - Franchement, je comprends. Je comprends
05:04 que beaucoup de gens aient décroché à ce moment-là,
05:06 parce que c'est une vraie catastrophe
05:08 de bout en bout. Je n'exagère pas.
05:10 Enfin, bref, voilà, c'est mauvais, clairement mauvais,
05:12 d'un point de vue général. Maintenant,
05:14 j'aimerais finir en parlant de ce qui m'a
05:16 le plus dérangé dans cette série, le fond.
05:18 Enfin, le fond est une partie de forme aussi, mais ça
05:20 a sauté aux yeux de beaucoup de gens, ça en a
05:22 fait fuir également. Cette série
05:24 est très, très racailleuse. Et là, je parle
05:26 même pas des racailles de cités qui auraient pu être
05:28 la cible des agents de la BRI.
05:30 Non, je parle des agents
05:32 de la BRI en eux-mêmes,
05:34 de l'équipe qu'on suit. Ce groupe,
05:36 c'est une bande de thugs de cités,
05:38 quoi, qui sont au fond de la classe, au lycée.
05:40 C'est des racailles, clairement. Ça nous est présenté
05:42 comme tel, dans le langage,
05:44 dans leur comportement, dans leur vêtement, dans leur style,
05:46 dans leur méthode, ce sont
05:48 des racailles. Donc, en plus du casting
05:50 volontairement très diversitaire,
05:52 on a cette image de la BRI
05:54 qui est véhiculée. Alors, un mec qui vit
05:56 à la cité en cachant son métier
05:58 et qui s'habille tout le temps en survête de Dortmund,
06:00 un mec à dread qui s'appelle
06:02 Socrates, s'il vous plaît, le chef
06:04 Saïd, bon, qui est le seul à se tenir correctement
06:06 dans l'histoire, le seul Français
06:08 qui nous ont mis, il ressemble
06:10 à un néo-nazi, et puis il y a
06:12 sans arrêt des sous-entendus sur le fait
06:14 qu'il soit prétendument homosexuel.
06:16 Forcément. Ah oui, il y a la fille aussi,
06:18 surmaquillée, vulgaire au possible,
06:20 bref, encore une fois, voilà l'image
06:22 qui est donnée de la BRI, assimilée
06:24 à une vulgaire bande de racailles,
06:26 de petites frappes qui traînent dans le hall, quoi.
06:28 Au début, je me suis dit, Canal, ils abusent.
06:30 Ensuite, de bonne foi, je me suis
06:32 dit, bon, il est question d'un changement
06:34 de génération chez les voyous,
06:36 ils n'ont plus affaire au grand banditisme
06:38 d'antan, maintenant ils ont affaire aux trafiquants
06:40 des quartiers, donc
06:42 dans un souci d'infiltrer
06:44 et de comprendre ce milieu, forcément
06:46 la BRI change elle aussi.
06:48 J'étais de bonne foi, mais franchement,
06:50 pour avoir eu des retours de mon côté
06:52 de gens bien mieux informés que moi,
06:54 je peux vous dire que là, franchement,
06:56 ils sont allés très très loin, trop loin,
06:58 c'est lamentable, surtout pour l'image
07:00 de la BRI. Il y a une scène qui résume tout,
07:02 sans vous spoiler, même si franchement,
07:04 je devrais m'en foutre tellement c'est nul.
07:06 À un moment, Saïd, le nouveau chef de la BRI
07:08 Versailles, se rend au parloir
07:10 pour rencontrer l'un des méchants,
07:12 encore que méchant, pas tant que ça, vous allez
07:14 voir, et ce mec-là, qui est l'un des frères
07:16 El Hassani, quand il le voit rentrer
07:18 dans la pièce, il lui dit, c'est ça la police française ?
07:20 Un harbouche en survêt ?
07:22 Harbouche signifiant arabe, voilà.
07:24 Je pense que cette phrase, cette seule
07:26 phrase, résume l'esprit
07:28 général de la série. Et j'ai dit pas si méchant que ça
07:30 parce que là aussi, la série est
07:32 très manichéenne, grossièrement manichéenne
07:34 jusqu'à la caricature.
07:36 J'ai parlé de changement de génération
07:38 chez les voyous, on a d'un côté la
07:40 pègre à l'ancienne, alors là ils ont mis des
07:42 gitans hyper caricaturo, je sais pas pourquoi,
07:44 avec un Vincent Elbaz ridicule
07:46 au possible, qui est
07:48 un véritable teubé, quoi, y'a pas
07:50 d'autre mot, un gros bourrin abruti.
07:52 Et de l'autre, on a les nouveaux arrivants sur le
07:54 marché de la délinquance,
07:56 les trafiquants de banlieue,
07:58 musulmans et originaires du Maghreb.
08:00 Je précise musulmans parce que
08:02 là aussi, on a une scène magnifique
08:04 dans la série qui dit tout,
08:06 encore une fois, dans ce fameux
08:08 parloir, le frère El Hassani,
08:10 chef donc de ces nouveaux arrivants
08:12 dont je parlais, que dit-il à Saïd ?
08:14 Il dit, et je le cite,
08:16 "Nous, on veut juste rester dans notre coin."
08:18 Voilà, ils sont gentils, quoi. Il dit aussi
08:20 "Nous, on est croyants."
08:22 Ah, on y vient. Alors que les autres,
08:24 je cite, "Eux, ils sont sans foi
08:26 ni loi." Voilà, la nouvelle génération de
08:28 trafiquants arrive, mais rassurez-vous,
08:30 tout ça est sagement encadré par l'islam.
08:32 Eux, ils ont des valeurs, ils ont un code moral.
08:34 Ainsi, nouvelle génération de voyous,
08:36 nouvelle génération d'agents de la BRI, qui
08:38 visiblement sont eux aussi devenus des voyous,
08:40 nouveau chef d'équipe,
08:42 qui lui aussi, au final, va finir par s'entendre
08:44 intelligemment avec l'ennemi,
08:46 qui ne sera plus la pègre à l'ancienne,
08:48 mais les trafiquants arabo-musulmans.
08:50 Voilà, en gros, le message
08:52 de la série en toile de fond.
08:54 Les voyous ont été grands remplacés, la BRI
08:56 a été grand remplacée, mais dormez bien,
08:58 les trafiquants, tout est sous contrôle, c'est ce que veut nous dire Canal.
09:00 Moi, ce que je note surtout concernant ce fameux
09:02 changement de génération, c'est que c'est
09:04 d'abord et surtout un changement de génération
09:06 au sein des séries Canal
09:08 auxquelles on assiste. Le site Cinesérie
09:10 nous le dit, BRI sonne
09:12 le changement de génération. Mais
09:14 comme je le disais au début, c'est pas pour le mieux
09:16 parce qu'on est loin, très loin, de séries
09:18 qui ont fait la réputation de la chaîne
09:20 cryptée, telles que Braco, Engrenage
09:22 ou Le Bureau des Légendes. D'ailleurs,
09:24 petite parenthèse, mais sur Cinesérie, on nous parle
09:26 aussi, je cite, de "l'immersion
09:28 quotidienne et presque sensuelle
09:30 avec laquelle on suit le groupe.
09:32 Une sensualité d'autant plus mise en exergue
09:34 par la jeunesse et la vitalité
09:36 du casting." Wow !
09:38 Je sais pas ce qui lui est arrivé au mec
09:40 qui a écrit ça pendant le visionnage,
09:42 mais ça lui a plu en tout cas. La racalisation
09:44 des séries Canal est en marche.
09:46 Triple nouvelle génération, triple
09:48 grand remplacement, triple dose, prenez-en
09:50 tous. Non, justement, n'en prenez pas,
09:52 ne regardez pas ça, c'est mauvais,
09:54 faux et c'est une énorme perte de temps.
09:56 Sur ce thème, allez plutôt
09:58 voir les films de Cédric
10:00 Rimenez ou d'Olivier Marchal,
10:02 ça vaut un petit peu plus le détour.
10:04 Pour finir, Le Point nous dit
10:06 "Qui a dit que la pâte Canal+ n'existait plus ?"
10:08 Bah moi, je vous le dis, et le public aussi
10:10 visiblement. En tout cas, si ça
10:12 continue sur cette voie, ça n'augure
10:14 rien de bon. Merci à tous et à bientôt
10:16 pour un nouvel épisode de Tueur en Série sur TV Liberté.
10:18 [Musique]

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