Pour ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationale, Édouard Chanot reçoit Stanislas Tarnowski.
L'Amérique nous surprend encore, avec la nouvelle tentative d’assassinat visant Donald Trump. Nous nous passionnons pour cette élection américaine parce qu’elle est malheureusement celle de nos maîtres. Une vassalisation qui est le résultat de décennies de servitude volontaire des élites françaises.
Stanislas Tarnowski est rédacteur en chef du magazine Omerta, dont le nouveau numéro, "Trump, l’empire contre-attaque" sortira le 19 septembre en kiosque.
L'Amérique nous surprend encore, avec la nouvelle tentative d’assassinat visant Donald Trump. Nous nous passionnons pour cette élection américaine parce qu’elle est malheureusement celle de nos maîtres. Une vassalisation qui est le résultat de décennies de servitude volontaire des élites françaises.
Stanislas Tarnowski est rédacteur en chef du magazine Omerta, dont le nouveau numéro, "Trump, l’empire contre-attaque" sortira le 19 septembre en kiosque.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Bonjour à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises et de la prospective
00:26internationale de TVL. Votre rendez-vous du mardi soir. Nous allions évoquer ce soir l'emprise de
00:32l'Empire américain sur les esprits français, plus particulièrement sur les esprits des élites
00:36françaises. Mais évidemment, l'Amérique nous surprend encore avec la tentative d'assassinat
00:41visant Donald Trump. Nous sommes une nouvelle fois embarqués dans un scénario quasi hollywoodien.
00:47Nous allons donc parler de Trump et de l'Empire américain et dans l'absolu de sa violence avec
00:52Stanislas Tarnowski, rédacteur en chef du magazine Omerta dont le sixième numéro sort cette semaine
00:57Trump, l'Empire contre-attaque. Bonsoir Stanislas Tarnowski, merci d'avoir répondu présent à l'appel
01:03de Choc du Monde. Bonsoir Edouard Chanot, merci de votre invitation. Alors votre intention, si je
01:08vous ai bien compris, c'était de prévenir les français. La présidentielle américaine est aussi
01:13la nôtre, écrivez-vous dans ce magazine Stanislas Tarnowski. Nous nous passionnons pour cette
01:18élection parce qu'elle est celle, malheureusement dirons-nous, de nos maîtres. Est-ce cela ce que
01:22vous vouliez dire ? Oui tout à fait, tout à fait. C'est très clair, quand on voit la presse française
01:28tout le monde se passionne, enfin à peu près comme si on avait le droit de vote aux Etats-Unis.
01:32Le suzerain américain ne donne pas encore le droit de vote à ses affidés. Mais malgré tout, les
01:39Etats-Unis ont un rôle majeur dans la politique internationale, dans la politique française. De
01:45plus en plus, d'ailleurs, nous sommes assujettis à l'empire américain, bien volontiers pour la
01:53plupart de nos responsables. On va revenir là-dessus, sur cet aspect volontaire. Et donc c'est ce que
01:58nous avons voulu mettre en avant dans le magazine. On part de cette élection américaine qui
02:04passionne les foules, qui, comme vous l'avez dit, est un scénario digne des plus
02:09grandes productions hollywoodiennes, avec de la passion, du drame, des tentatives d'assassinat,
02:15du sang, enfin voilà. Et on va plus loin que ça, puisqu'on examine l'influence américaine sur le
02:23monde, et particulièrement sur la France, que ce soit d'un point de vue politique, diplomatique,
02:29militaire, culturel, économique. Voilà, on essaye de balayer un petit peu tous ces secteurs qui font
02:35que les Etats-Unis, actuellement, sont nos suzerains, nos overlords, comme dirait la célèbre
02:43opération du débarquement en lien en 1944. Du drame, du sang, avez-vous dit. Revenons donc un
02:49instant sur la tentative d'assassinat. Ayant visité, visé, pardon, il y a 48 heures, Donald Trump,
02:54Trump c'est un phénomène, et bien cette deuxième tentative le visant nourrit encore davantage ce
03:00phénomène. Il s'appelle Ryan Wesley Roos, il a 58 ans, et il a été arrêté le 15 septembre au soir à
03:06Palm Beach, en Floride. Selon la presse américaine, un agent des services secrets a repéré un canon,
03:12un fusil, dont la lunette dépassait de la clôture du terrain de golf de Donald Trump, alors que
03:18l'ancien président était en train d'y jouer. L'agent a immédiatement ouvert le feu, forçant
03:24le suspect à s'échapper des buissons où il se cachait. Roos a tenté de fuir dans une voiture
03:30noire avant d'être arrêté. Ce constructeur de logements à Hawaï possédait un casier judiciaire
03:35depuis plusieurs décennies. Depuis le début du conflit en Ukraine, Roos s'était engagé en
03:41faveur de Kiev, levant de l'argent pour ses soldats. La FP l'avait d'ailleurs interviewé
03:47lors d'une manifestation dans la capitale ukrainienne en avril 2022. « Poutine est un
03:53terroriste et il faut en finir avec lui », avait-il déclaré alors. « Je suis prêt à me porter
03:58volontaire, me battre et mourir », avait-il aussi écrit sur Twitter en mars 2022.
04:04Alors Trump est souvent, quasi chaque semaine, qualifié de conspirationniste. Mais maintenant,
04:15ses partisans se demandent s'il n'est pas lui aussi victime de conspiration. Y croyez-vous,
04:20en fait, à cela ? Ce qu'on peut dire, en tout cas, c'est que c'est quand même la deuxième
04:25tentative d'assassinat en deux mois. Ce qui est très frappant, entre cette tentative-là et la
04:33précédente, c'est d'une part la réaction des services du Secret Service, qui ont pêché par
04:42une forme d'inaction et de passivité lors de la tentative du mois de juillet et qui, là, ont été
04:47beaucoup plus réactifs. Ce qui est certain aussi, ce que ne disait pas votre sujet, c'est que cette
04:56personne était non seulement un fervent soutien de l'Ukraine, mais était également enregistrée
05:02comme électeur démocrate. Alors de là à y voir une conspiration... – Alors il a voté démocrate,
05:11il a aussi voté Trump, il a été indépendant. Bon, on a l'impression que c'est quand même un
05:15personnage assez fantasque. – Oui, le premier, oui. Le second, d'après les informations que
05:20j'ai vues passer, était quand même enregistré comme électeur démocrate. Bon, de là à y voir
05:28une conspiration, on n'ira peut-être pas jusque là. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une
05:34polarisation et une violence dans cette campagne électorale qui est manifeste. Les propos
05:41qui sont tenus à l'égard de Trump sont totalement inimaginables en France.
05:48Il y a des gens qui se réjouissent, qui regrettent qu'ils ne soient pas morts. Il y a des responsables
05:56ou des partisans du Parti démocrate qui expliquent que Trump, c'est le diable, c'est le danger
06:03fasciste. Enfin, tout ça suscite très clairement, dans un pays où l'accès aux armes est extrêmement
06:09facile, comme on le sait, des réactions comme celles qu'on a pu voir là. Bon, même si, évidemment,
06:14ces tireurs, pour autant qu'on sache, pour l'instant, sont des tireurs isolés. Mais voilà,
06:24ils sont probablement un petit peu déséquilibrés, comme on dit.
06:26Alors, pour l'heure, dans les sondages nationaux, je souligne, il y a un léger,
06:31très léger avantage pour Kamala Harris, la candidate démocrate, mais bien malin,
06:35celui qui parviendrait déjà à prédire tous les États qui pencheraient en faveur de l'un ou de
06:40l'autre. Mais plus concrètement, je reviens sur votre magazine, Stanislas Tarnowski,
06:44que risquons-nous, nous Français, nous Européens, avec l'un ou avec l'autre, avec Trump ou avec Harris?
06:50Alors, c'est une excellente question. De fait, on le soulignait en introduction,
06:57les Américains sont nos suzerains, que ce soit par l'Union Européenne, par l'OTAN,
07:03par la complaisance, disons, ou le goût qu'ont de nombreuses élites pour servir les États-Unis.
07:13Nous sommes sous leur coupe économique, politique, militaire, diplomatique. Après,
07:20qu'est-ce que ça va changer si c'est Kamala Harris ou si c'est Donald Trump qui est élu?
07:25Nous resterons sous leur coupe, ça c'est une certitude. Ce qui est certain aussi,
07:30c'est que l'un et l'autre ont des visions qui sont très diamétralement opposées en ce qui
07:36concerne à la fois leur projet de société et leur politique internationale. Donald Trump
07:41s'affirme comme étant beaucoup plus isolationniste, il veut s'occuper de l'Amérique d'abord. On peut
07:48souligner que lors de son premier mandat, il a été le premier depuis une cinquantaine d'années
07:52à ne pas ouvrir de nouveaux fronts, ce qui est quand même assez significatif.
07:56On a eu chaud quand même à certains moments, avec l'Iran, avec la Syrie, en Syrie.
08:01Ça a pu être tendu, ça a pu être tendu avec la Corée du Nord, mais finalement,
08:05c'est un homme d'affaires, il préfère trouver des deals, comme il dit, trouver des
08:11arrangements. Il n'est pas sûr qu'il les réussisse à chaque fois. Kamala Harris, elle, a dans son équipe,
08:19toute l'équipe de Biden, qui est beaucoup plus interventionniste, qui est beaucoup plus
08:25offensive en fait sur le front international. Donc il est à craindre qu'une présidence
08:33Kamala Harris soit plus déstabilisante pour les équilibres, si on peut encore appeler ça
08:40comme ça, mondiaux. On a dans le magazine une interview notamment d'Arnaud Klarsfeld qui
08:46souligne que selon lui, pour Israël, donc il est citoyen franco-israélien, il a fait son
08:55service militaire en Israël, donc il est personnellement impliqué, mais selon lui, pour
09:01la situation d'Israël, il vaudrait mieux que ce soit Trump que Kamala Harris. Il pense que Kamala
09:05Harris pourrait plus facilement déstabiliser la situation en Israël. Encore plus qu'elle ne l'est déjà.
09:12Vous aviez dit, Stanislas Tarnowski, nous resterions sous la coupe des Etats-Unis, même avec Trump.
09:17Ce que vous avez l'air de nous dire donc, c'est que, si je vous traduis, c'est que l'état profond américain
09:23resterait puissant, même sous une nouvelle présidence Trump. Oui, certainement. Ce que Trump a déclaré
09:29en termes de politique internationale vis-à-vis de l'Europe et donc vis-à-vis de la France, c'est
09:36principalement qu'il voulait que ses alliés au sein de l'OTAN contribuent plus au budget de la défense,
09:43donc achètent plus d'armes américaines, allègent d'OTAN le poids que représente la défense du
09:51continent européen par l'OTAN pour les Etats-Unis. Sorti de ça, il n'a jamais remis en cause,
09:57sérieusement, le fait que l'OTAN était le moyen de domination diplomatique et militaire des Etats-Unis sur l'Europe.
10:10Alors, du côté français, la caste politico-médiatique a pris faite écose pour Kamala Harris, vous l'avez
10:17déjà dit. J'aimerais vous poser une question d'ordre sociologique. Qu'est-ce qui différencie en fait les
10:21élites américaines des élites françaises, sachant que vous décrivez l'une et l'autre, Stanislas Tarnowski ?
10:27Alors, on voit une différence, à mon sens, fondamentale. C'est que les élites américaines
10:36peuvent être progressistes, peuvent être conservatrices, peuvent être absolument tout ce
10:41qu'elles veulent d'un point de vue politique, mais elles marchent vraiment en symbiose avec les
10:47intérêts américains. Pour les Américains, défendre l'intérêt national et défendre l'intérêt...
10:53Alors, prenons l'exemple des GAFAM, par exemple des dirigeants des GAFAM. Voilà des gens qui, pour la plupart,
11:00on va mettre Elon Musk un petit peu à part, mais pour la plupart, collaborent pleinement avec le FBI,
11:08avec la NSA, avec la CIA. Pour eux, c'est tout à fait normal. Ils défendent l'intérêt de leur pays et
11:15ils pensent d'ailleurs que l'intérêt bien compris de leur pays et l'intérêt de ces élites américaines
11:20se confond. En France, c'est un petit peu différent, puisqu'on a des élites qui, bien souvent,
11:28considèrent que l'intérêt de l'Union européenne et ou des États-Unis est quelque chose de plus
11:35noble à défendre que l'intérêt de notre pauvre petit pays qui n'est qu'après tout une puissance
11:42moyenne perdue au sein de l'Union européenne. Alors, vous avez dans votre magazine préparé
11:47une infographie pour le moins éloquente que voici. À vous lire, en fait, nos dirigeants sont
11:52donc les relais de la puissance américaine via des programmes comme les Young Leaders ou une
11:57organisation comme la French American Foundation. Vous écrivez d'ailleurs que les Young Leaders sont,
12:02je vous cite, un vivier macroniste. Oui, tout à fait. Alors, sur cette infographie, en fait,
12:07on a pris deux exemples. Il y a une multitude de think tanks, de lobbies, de cercles d'influence
12:14américains qui, à la différence des lobbies ou cercles d'influence russes, chinois, pakistanais
12:22ou Dieu sait quoi, non seulement sont bien vus, mais sont même valorisés, en fait, en France.
12:29Avoir été un Young Leader de la French American Foundation, avoir été un visiteur international
12:36du département d'État, c'est une belle ligne sur un CV. On a donc, en fait, ici à gauche,
12:45quelques exemples des Young Leaders. Donc, les Young Leaders, c'est dix jeunes Français prometteurs
12:50dans le domaine de la politique, de l'économie, des médias, etc., qui vont avoir un programme
12:57d'échange avec dix jeunes leaders prometteurs américains. Ça vise très ouvertement à renforcer
13:04les liens transatlantiques et à prêcher la bonne parole atlantiste au sein des futures élites
13:10françaises. C'est un recrutement qui a plutôt bien fonctionné, parce qu'en fait, si on regarde
13:15donc les Young Leaders et, en fait, leur pendant, qui est un programme beaucoup plus ancien, donc,
13:19du département d'État américain, ce qu'ils appellent les visiteurs internationaux. C'est
13:23un peu le même principe, mais sur des fonds publics. Les visiteurs internationaux du
13:27département d'État, ils se vantent d'avoir vu passer dans leur rang plus de 300 chefs d'État
13:31dans le monde. C'est considérable. Et là, en fait, on voit sur cette infographie que,
13:37entre les Young Leaders et les visiteurs internationaux, on a quand même trois
13:40présidents de la République. On a quand même cinq premiers ministres, une foultitude de ministres.
13:45Et donc, effectivement, la Macronie est très friande de ce genre de programme,
13:50à commencer par Emmanuel Macron lui-même, qui est un ancien Young Leader. Mais on a
13:55Madame Oudéa Castera. On a plusieurs ministres ou anciens ministres d'Emmanuel Macron qui sont
14:08passés par ces programmes. Et ce sont des programmes, on l'évoquait un petit peu au début,
14:13où personne ne vous tord le bras pour s'inscrire. Les gens sont volontaires. Et, encore une fois,
14:21pour eux, ils estiment ça valorisant. C'est une belle ligne sur leur CV. Ça leur donne un beau
14:25carnet d'adresse. Et on a une analyse, d'ailleurs, au-delà de cette infographie, on a une analyse,
14:31notamment de Pierrick Rougiron, qui explique tout ça très bien, qui explique qu'en faire partie,
14:39et certainement un bonus, dans une carrière politique, médiatique ou économique, à l'inverse,
14:46s'opposer ou, en tout cas, avoir une certaine indifférence vis-à-vis de ce type de réseau
14:53constitue clairement un plafond de verre. D'une certaine manière, ils veulent, en entrant dans
15:00ces cercles, faire partie des gagnants de la mondialisation. Vous dénoncez la servitude
15:04volontaire, Stanislas Tarnowski, la fascination des élites européennes françaises, qui fonctionne
15:08donc, si je vous suis bien, encore par le soft power. Alors, je vais quand même jouer l'avocat
15:11du diable, Stanislas Tarnowski, mais l'Amérique n'est-elle pas, en effet, fascinante ? Ah,
15:16absolument. Elle a un soft power, vous voyez quel mot, qui est considérable, qui façonne,
15:24d'ailleurs, non seulement les élites. Alors, parmi les anciens young leaders, on a interviewé
15:28l'ancien sénateur Yves Pozzo di Borgo, qui nous expliquait que, lui, il avait voulu rentrer dans
15:33ce programme parce qu'il trouvait que les États-Unis étaient un pays formidable, il était
15:38fasciné par la culture américaine, et donc voilà, il avait des étoiles dans les yeux quand il en
15:44parlait. Ensuite, il en est revenu, si vous voulez. Alors, c'est vrai que parfois, il y a des
15:48erreurs de casting, d'ailleurs, dans ces programmes, parce que Nicolas Dupont-Aignan, par exemple, ou
15:54Arnaud Montebourg ont aussi fait partie des young leaders. Bon, ils ne sont pourtant pas connus pour
15:59leur position atlantiste. Voilà, comme quoi, il peut y avoir des erreurs de casting. Mais, de fait,
16:04la puissance du soft power, les représentations mentales qui font que l'Amérique, c'est le pays
16:11des gagnants, on est fasciné par sa puissance, on est fasciné par ce mode de vie, l'American way of
16:17life. Enfin, ça parle à tout le monde, mais ça va des élites jusqu'à toutes les couches de la
16:24population. Enfin, si vous allez vous promener dans un tribunal où vous avez des petits délinquants
16:29qui passent devant un juge, ils vont servir du vote honneur au juge, parce que le seul
16:34contact intellectuel qu'ils ont pu avoir avec la justice ou avec le droit, c'est via des séries
16:41américaines où donc on dit votre honneur et pas monsieur le juge.
16:44Nous sommes devenus des galoriquins, comme le dit Régis Debray, c'est Pierre Bourgeron d'ailleurs
16:48qui le cite, me semble-t-il. Nous sommes des galoriquins.
16:51Oui, nous sommes des galoriquins. Alors, c'est très frappant sur ce côté volontaire, ça ne date pas d'hier
16:58d'ailleurs. Parlant de galoriquins, on peut citer l'exemple de Jean Monnet. Jean Monnet, le père de
17:05l'Europe que tout le monde connaît, n'est-ce pas ? Enfin, qui était quand même, et ça ce n'est pas
17:08complotiste de le dire, ce sont dans des archives qui sont maintenant publiques et tout à fait
17:12accessibles, qui était un agent américain, qui était un conseiller d'Eisenhower pendant la
17:18seconde guerre mondiale et qui a tout fait pour contrecarrer le général de Gaulle. Il estimait que
17:27les nations européennes et notamment la France est un cadre dépassé, qu'il fallait construire
17:34l'Europe et que l'Europe serait le relais, la courroie de transmission de la puissance américaine
17:39sur le vieux continent. Je parle de l'Europe dans le sens de l'Union européenne, bien sûr.
17:43Mais alors, on comprend maintenant, si vous évoquez l'exemple de Jean Monnet, la vision des
17:48européistes atlantistes, des constructeurs de l'Europe européenne, que voudrait-il ? Avec Macron,
17:54on a le sentiment qu'il rêvait d'une Californie au rabais, il évoquait sans cesse la Start-up
17:59Nation. Quel est leur rêve avec cette Amérique aussi idéalisée qu'il voudrait importer ?
18:05Alors peut-être que tout simplement, il y a une congruence entre leurs intérêts bien compris.
18:12Bon, Macron a quand même été un des champions de la vente d'intérêts stratégiques français à des
18:21entreprises, notamment américaines, avant même qu'il soit président de la République, quand il
18:25était encore secrétaire général adjoint de l'Élysée, puis ministre de l'économie de François
18:29Hollande. Vous évoquez l'affaire Alstom, ce n'est pas un petit dossier. Entre autres, l'affaire
18:35Alstom, c'est certainement l'affaire la plus emblématique. En 2014, Alstom poursuivit à la
18:39suite de l'extraterritorialité du droit américain, grâce au levier de l'extraterritorialité du droit
18:45américain. General Electric, ensuite, rachète sa branche énergie et nous la rachetons quelques
18:50années plus tard, en 2019, 2020, de mémoire. Oui, on essaye de la racheter. Leur achat a connu bien
18:58des déboires et puis, effectivement, on rachète en plus de ça quelque chose avec un périmètre
19:01considérablement réduit, puisque tous les brevets restent chez General Electric et qu'en fait, ça ne
19:06règle pas le problème de souveraineté énergétique et militaire que posait la vente de la branche
19:12énergie d'Alstom. Mais donc, il y a cet aspect d'intérêt. Il y a certainement aussi, tout
19:22simplement, l'aspect qu'il vaut mieux avoir un strapontin chez le Suzerain plutôt que rien du
19:28tout. Ma foi, ce sont des gens... Alors, je pense que, de mémoire, c'est Loïc Leflocq-Prigent,
19:36que nous interrogeons également dans le magazine, qui disait que chez Emmanuel Macron et dans ses
19:44équipes, il y a une espèce d'esprit totalement mondialiste pour la France et quelque chose de
19:50totalement dépassé. Donc voilà, il vise à une autre échelle et cette autre échelle, elle est
19:59dans la route des Américains, clairement. Les néoconservateurs américains, dans les années 2000,
20:04qualifiaient leurs pays, les États-Unis, d'empires bienveillants, bienveillants, pardon, de Benevolent
20:08Empire. Omerta, au contraire, vous dites, avec l'historien Éric Branca ou le philosophe Alain
20:14Benoît, que depuis au moins 80 ans, ce n'est pas le cas. Vous revenez sur l'histoire de cette
20:21pseudo-bienveillance américaine. Oui, alors la bienveillance, c'est dans le discours. Ensuite,
20:27les États-Unis sont effectivement un empire. Ça, je pense que c'est assez clair. Bienveillant,
20:35eh bien non, puisque l'Amérique défend ses intérêts. Et c'est assez simple, en fait. Si vous êtes
20:44avec eux, vous êtes dans leur sillage. Vous n'avez pas d'autonomie. Si vous n'êtes pas avec eux,
20:51vous êtes contre eux. Il n'y a rien de bienveillant là-dedans. On se souvient, par exemple, des
20:57réactions américaines quand Jacques Chirac avait refusé d'engager la France dans la guerre en Irak.
21:02Il y avait eu des rétorsions importantes. Il y a eu un French bashing tout à fait considérable.
21:10Voilà. Enfin, il n'y avait rien de bienveillant. Il n'y avait rien de bienveillant là-dedans. Les
21:16raids d'entreprises américaines soutenues, comme vous l'avez souligné, par le système judiciaire
21:22américain, par l'extraterritorialité du droit, donc contre Alstom, les amendes record contre la
21:28Société Générale, enfin les pressions qu'a subies la France au moment de l'affaire des Mistrals,
21:37donc des navires qui devaient être vendus à la Russie. Tout ça n'a rien de bienveillant. Les
21:43Américains sont des gens pragmatiques. Ils estiment qu'ils ont une forme de destinée manifeste. Alors
21:49vous citiez Alain de Benoît qui revient en fait sur les fondements culturels et anthropologiques
21:54de cette croyance en la destinée manifeste des États-Unis. Ils ne sont bienveillants que dans la
22:03mesure où on suit leurs ordres, leurs directives et qu'on achète leurs produits. Alors il y a un
22:08grand paradoxe. L'Amérique évidemment est bourrée de paradoxes, mais il y en a un qui me saute aux
22:12yeux à vous écouter. On a tendance à percevoir les Américains comme des imbéciles, mais la
22:17puissance américaine se fonde sur une supériorité morale et intellectuelle. Les Américains sont
22:22continuellement à l'affût des évolutions. On a l'impression qu'ils ont toujours un temps d'avance.
22:25Vous évoquez les banlieues noyautées via des initiatives publiques américaines, de la
22:31diplomatie américaine, mais aussi des réseaux associatifs, ONG, notamment la Galaxie Soros bien
22:37sûr. Je rappelle d'ailleurs au passage qu'elle arrose 1,5 milliard de dollars chaque année dans
22:41des organisations progressistes à travers le monde. Que veulent-ils nous imposer en étant à ce point
22:46en avance ? Pourquoi aussi plus particulièrement cette tentative de séduction des minorités à
22:51votre avis, Stanislas Tarnowski ? Effectivement, nous avons dans le magazine un papier à ce sujet
22:57qui a été écrit par l'un des spécialistes du CFDR, le Centre français de recherche sur le
23:03renseignement, avec qui nous avons collaboré pour ce magazine. En fait, il faut revenir à la guerre
23:09en Irak. Ils se sont aperçus, après la guerre en Irak, le déclenchement des événements en Syrie,
23:16qu'il y avait de plus en plus de djihadistes qui venaient de pays européens et donc notamment des
23:21banlieues européennes à forte teneur en population immigrée ou d'origine immigrée. Et leur analyse a
23:30été de se dire que ces gens-là sont opprimés, il faut donc aller leur parler. Ça n'a rien à voir
23:42avec une forme d'anti-américanisme traditionnel. Si on va leur parler, si on les écoute, si on les
23:48valorise, ma foi, ils vont cesser d'être pour certains plutôt pro-djihadistes. Ils vont se
23:56mettre à aimer les États-Unis comme tout un chacun devrait le faire. Cette tentative a lamentablement
24:05échoué, d'abord parce que le diagnostic était probablement faux. Il y avait plein d'autres
24:10facteurs que des oppressions réelles ou supposées. Ils ont fini par semer les graines d'encore plus
24:25de radicalisation islamique au sein de ces banlieues. Après avoir agi directement, ils ont
24:31sous-traité au Qatar, dont on connaît les liens avec certaines mouvances islamistes. Ma foi,
24:37ça s'est retourné contre eux. Le monde évolue. Il n'est déjà plus ce qu'il était il y a 50-80 ans.
24:47On évoque désormais un monde multipolaire, si l'on écoute les discours notamment russes,
24:52polycentriques, si l'on écoute des discours un peu plus occidentaux. Le monde décidera-t-il à
24:58notre place ? Liquidera-t-il selon vous les États-Unis à notre place, avant nous, et serons-nous en retard ?
25:05Liquider les États-Unis, honnêtement, si ça doit arriver, ça ne va pas arriver tout de suite.
25:11Les États-Unis restent quand même une puissance absolument formidable. Elle est de plus en plus
25:15contestée de par le monde. Mais la puissance de son innovation, sa capacité de rebond que vous
25:22soulignez tout à l'heure, est quand même tout à fait conséquente. Economiquement, ils sont encore
25:27très puissants, même si la Chine devient maintenant la première puissance économique mondiale.
25:34Donc oui, l'impérium américain est clairement de plus en plus contesté, que ce soit en Asie,
25:42en Amérique latine, en Europe de l'Est, enfin un peu partout dans le monde, sauf en Europe de l'Ouest,
25:49finalement. Donc à ce titre, il est à craindre que le monde décide à notre place. Pour l'instant,
25:56on ne voit pas tellement de dirigeants français en Europe. Alors on a le cas d'Urban qui est un
26:03petit peu particulier. Mais il y a très peu de dirigeants français ou européens qui remettent
26:08en cause cet impérium américain sur les affaires européennes. On ne peut qu'espérer que nous
26:19ayons prochainement des dirigeants qui se saisissent de cette recomposition géopolitique pour recouvrer
26:26notre indépendance et un minimum une forme d'autonomie. Autonomie et indépendance, ce sera
26:31le mot de la fin. Stanislas, merci beaucoup. Je rappelle que vous êtes le rédacteur en chef du
26:36magazine Omerta et que vous venez de publier le nouveau numéro Trump, l'empire contre-attaque,
26:42qui sera disponible jeudi en kiosque, si j'ai bien compris. Merci à tous d'avoir suivi ce
26:47nouvel épisode de Chocs du Monde. Rendez-vous tous les mardis soir. Surtout, n'oubliez pas
26:50de nous suivre et évidemment de nous commenter. Merci à tous et bonne soirée.