Guet-apens homophobes : Sarah Brethes, journaliste Mediapart, révèle l'ampleur de ce phénomène
Sarah Brethes, journaliste chez Mediapart, révèle l'ampleur des guet-apens homophobes qui persistent en France. Piégées via les applications de rencontre, des victimes témoignent dans le documentaire “Guet-apens, des crimes invisibles”.
Le documentaire, réalisé par Sarah Brethes, Mathieu Magnaudeix et David Perrotin, est disponible sur le site de Mediapart.
Le documentaire, réalisé par Sarah Brethes, Mathieu Magnaudeix et David Perrotin, est disponible sur le site de Mediapart.
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00:00 Les guet-apens homophobes, via les applications de rencontres
00:02 ou sur les lieux de rencontres, c'est malheureusement courant.
00:04 Chez Mediapart, nous avons rencontré des victimes, des agresseurs.
00:07 Voici leurs témoignages.
00:08 Dix heures par jour, on discutait tous les deux.
00:12 Jusqu'au moment où on s'est dit qu'on allait se rencontrer.
00:15 Au moment où je suis sorti de ma voiture,
00:17 j'avais trois personnes qui m'attendaient,
00:20 qui m'ont sauté dessus.
00:22 Je me suis fait tabasser.
00:24 On a Vincent, par exemple, qui lui a été attaqué dans un parc
00:27 dans le centre-ville de Besançon.
00:29 Je me suis retrouvé donc encerclé par des individus
00:32 qui me frappaient le visage à coups de pieds et à coups de poings.
00:37 Ils se félicitaient les uns les autres pour les coups qu'ils nous envoyaient.
00:40 On a aussi rencontré Zach.
00:42 Il a été, lui, pris pour cible dans un bar dans le centre-ville
00:45 par deux anciens légionnaires qui l'ont ramené dans un hôtel
00:49 et là, ils l'ont séquestré pendant plusieurs jours.
00:50 Ils me donnent un énorme coup de poing sur le visage.
00:53 Et là, je tombe dans les pommes, carrément.
00:55 Je suis inconscient.
00:57 Quand je me réveille et j'ouvre les yeux,
01:00 ils sont en train de me violer.
01:01 Ce qui est le plus dur pour ces victimes,
01:03 c'est d'être attaquées dans un moment où elles se sentent en sécurité,
01:06 où elles sont dans leur intimité.
01:08 Je me rappelle de fous rires qu'on a eus
01:10 parce que le correcteur automatique avait modifié une phrase
01:15 et on était en vocal en plus sur Snapchat.
01:20 On s'entendait.
01:22 On était morts de rire.
01:23 Ça veut dire que j'ai rigolé, moi, avec la personne qui m'a poignardé.
01:27 Ce qui est frappant dans ces guet-apens,
01:29 c'est que ce sont des agressions longuement préméditées.
01:32 Sébastien, 34 ans.
01:34 Allez, c'est parti.
01:35 Surnommé "le canuleur",
01:37 il y a passé des heures pour piéger des homosexuels.
01:40 Et voilà, c'est Brina.
01:44 Sur Coco, il était Sabrina,
01:45 une personne se disant travestie en quête de rencontre sexuelle.
01:50 Depuis sa chambre, à Brive-la-Gaillarde,
01:53 pendant plus de deux mois,
01:54 il a coordonné en direct sur les réseaux sociaux
01:57 une petite armée de complices.
01:58 Pour nous, il était hyper important d'aller chercher
02:01 et faire témoigner des agresseurs
02:02 pour comprendre ce qu'il y a dans leur tête.
02:04 On a un jeune homme qui a vraiment évolué,
02:07 qu'on interview quatre ans après les faits,
02:08 qui est dans un repenti sincère.
02:11 Moi, je suis arrivé avec une bande de potes
02:12 et puis on a vu deux homosexuels en plein acte.
02:16 On les a tapés.
02:17 Je suis coupable, je me sens coupable, je regrette.
02:19 On a un autre jeune homme qui, lui, au contraire,
02:22 nous égrène des clichés homophobes.
02:24 Les filles, pour les draguer,
02:27 il faut sortir de la région quand même.
02:29 Alors que les gays, eux, c'est du direct.
02:32 Ils veulent juste faire leur rapport sexuel et basta.
02:37 Il n'y a pas de statistiques officielles
02:38 sur ces agressions préméditées.
02:40 Et donc, on est allé chercher dans les dossiers judiciaires,
02:42 dans les archives de la presse quotidienne régionale.
02:45 On a contacté les associations de lutte contre l'homophobie
02:49 qui elles-mêmes recensent des cas.
02:50 Et à l'arrivée, on a consolidé un chiffre
02:53 qui est vraiment un chiffre minimum
02:55 de 300 victimes de ces agressions sur les cinq dernières années.
02:59 C'est bien en deux salles la réalité
03:01 puisqu'on a énormément de victimes
03:03 qui ne déposent pas plainte et qui ne se manifestent pas.
03:05 Ce qu'on a vu en fait en analysant des affaires récentes,
03:07 c'est la difficulté pour la police et la justice
03:10 à voir réellement l'homophobie dans ces agressions
03:13 qui sont souvent vues comme des agressions crapuleuses,
03:17 des vols avec des extorsions, etc.
03:19 Mais le fait que ces victimes soient ciblées sur des lieux de rencontre
03:22 ou via des applications de rencontre
03:23 ne suffit pas encore aujourd'hui à la justice
03:25 pour reconnaître l'homophobie,
03:27 alors qu'on est clairement là-dedans.
03:29 [Musique]