Pourvu que ça dure - Crise climatique : l'avion a t-il du plomb dans l'aile ?

  • l’année dernière
Le transport aérien pèse entre 2 et 3% des émissions de gaz a effet de serre. Une pollution qui risque de s'aggraver avec l'explosion du trafic dans les prochaines années.
Alors aujourd'hui tous les acteurs sont sur le pont pour tenter de décarboner l'avion. Renouvellement de la flotte, trajectoires de vol optimisées, biocarburants, électrification, hydrogène : passage en revue des différentes solutions technologiques avec Jérôme Bouchard, associé chez Oliver Wyman et expert en aéronautique.

Parmi ces pistes, il y a bien sûr la motorisation. A quoi ressemblera le moteur de l'avion du futur ? Réponses avec Olivier Andriès, directeur général de Safran.

Cette révolution verte ne se fera évidemment pas sans Airbus : ailes du futurs, avion à hydrogène : l'avionneur est sur tous les fronts. Reportage à Toulouse au siège du groupe.
Enfin les biocarburants sont évidemment une des réponses à l'équation. Mais il n'y en aura pas pour tout le monde. Focus sur une nouvelle génération très prometteuse, fabriquée à partir de sucre. Explications avec notre journaliste Emilie Chaussier. Année de Production : 2022

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Transcription
00:00 Pourvu que ça dure, vous est présenté par Ecodds,
00:03 éco-organisme qui agit pour une économie respectueuse de l'environnement.
00:07 [Musique]
00:35 Bonjour, nouveau numéro de Pourvu que ça dure,
00:37 l'émission qui rend l'éco-responsable sur Public Sénat.
00:40 Aujourd'hui, focus sur le transport aérien.
00:42 Actuellement, il pèse entre 2 et 3% des émissions de gaz à effet de serre,
00:46 mais cette pollution va s'aggraver avec l'explosion du trafic dans les prochaines années.
00:50 Tous les acteurs de la filière sont engagés pour tenter de décarboner l'aviation.
00:54 Renouvellement de la flotte, électrification, biocarburant ou encore avion hydrogène,
00:58 les pistes ne manquent pas, mais sont-elles réalisables ?
01:01 Réponse dans cette émission.
01:02 Parmi ces briques technologiques pour rendre l'avion plus vert,
01:04 il y a bien sûr la motorisation.
01:06 Alors à quoi ressemblera le moteur de l'avion du futur ?
01:08 Entretien avec Olivier Andriess, le patron de Safran.
01:11 Enfin, cette révolution verte ne se fera évidemment pas sans Airbus,
01:14 l'avionneur qui est sur tous les fronts.
01:16 Reportage à Toulouse au siège du groupe.
01:18 Mais d'abord, tout ce qu'il faut savoir sur l'empreinte carbone du secteur aérien
01:21 en moins d'une minute.
01:22 C'est parti !
01:23 [Musique]
01:24 L'avion, un mode de transport très polluant ?
01:27 Eh oui, il rejette du CO2 via la combustion du kérosène dans ses réacteurs.
01:31 Résultat, le transport aérien génère près d'un milliard de tonnes de CO2 par an,
01:36 soit 2 à 3% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
01:40 C'est peu quand on sait que le transport dans sa globalité
01:43 est responsable de 25% des émissions de CO2.
01:46 Mais si on regarde les émissions par voyageur et par kilomètre,
01:50 là, l'avion émet jusqu'à 280 grammes de CO2
01:53 contre 150 grammes pour une voiture,
01:55 72 grammes pour un deux-roues,
01:57 68 grammes pour un bus
01:58 et 14 grammes pour un train.
02:01 Et il n'y a pas que le CO2 qui pollue l'atmosphère ?
02:03 Eh oui, l'avion émet également de l'oxyde d'azote,
02:06 des particules fines,
02:08 mais aussi des traînées de condensation
02:10 qui sont aussi redoutables que le CO2.
02:12 Et dans les années à venir, ça va empirer ?
02:15 Eh oui, le trafic devrait être multiplié par deux ou trois d'ici 2050
02:20 avec 10 milliards de passagers.
02:21 Du coup, si rien n'est fait,
02:23 21,2 milliards de tonnes de CO2
02:25 pourraient être rejetées dans l'atmosphère d'ici 30 ans.
02:28 En 2021, la TAG, l'Air Transport Action Group,
02:32 qui réunit tous les acteurs du secteur,
02:34 s'est fixé un nouvel objectif,
02:36 atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
02:39 Face à l'urgence climatique,
02:44 le transport aérien n'a pas d'autre choix que de se verdir.
02:47 Jérôme Bouchard, bonjour.
02:48 Bonjour.
02:49 Associé chez Oliver Wyman et expert en aéronautique.
02:52 Alors, on va le voir, tous les acteurs du secteur sont sur le pont.
02:55 Le secteur qui dispose en fait de toute une palette de briques,
02:58 de briques technologiques qu'il faut assembler un petit peu comme dans un puzzle.
03:01 On va les passer en revue ensemble,
03:02 sachant qu'elles ont toutes une temporalité un petit peu différente.
03:06 Certaines briques existent déjà et d'autres seront effectives
03:08 dans un horizon un peu plus lointain.
03:10 Déjà, le renouvellement des flottes d'avions,
03:12 c'est vraiment un levier de décarbonation
03:14 sur lequel on peut agir maintenant, tout de suite.
03:16 C'est quelque chose qui nous est disponible maintenant.
03:19 Quelques données, les avions en 20 ans
03:22 ont amélioré leur performance en termes d'émissions de 20%.
03:26 Et ce chiffre est tout à fait extensible.
03:28 Des avions d'il y a 50 ans émettaient à peu près 50% de carbone.
03:33 Mais c'est suffisant pour que le secteur soit neutre en émissions de carbone
03:37 d'horizon 2050, de mise énigme en là-dessus.
03:39 Alors, c'est non.
03:39 Bien sûr, bien sûr.
03:41 Mais c'est une petite partie de l'équation.
03:42 C'est quand même une petite partie de l'équation qui, je le rappelle,
03:44 est immédiatement accessible.
03:45 Donc aujourd'hui, un avion a une durée de vie d'à peu près 25 ans.
03:48 Donc les avions qui sont mis en service en 2020 finiront leur vie en 2045.
03:54 Donc, on va se dire que l'aviation est un secteur à cycles longs.
03:57 Donc, les progrès qui sont faits sont faits.
04:00 Mais par contre, la flotte ne va pas se verdir immédiatement.
04:04 Elle continuera à progresser lentement, mais la croissance du trafic passager
04:08 fera que malheureusement, on restera toujours dans un surplus d'émissions.
04:12 Alors, il y a un autre levier effectif tout de suite.
04:15 À la marge ou pas, je vais vous poser la question, mais on peut jouer sur la trajectoire.
04:17 Je ne savais pas, la trajectoire de vol de manière optimisée.
04:21 En gros, l'avion, l'idée, c'est qu'il soit ultra connecté,
04:25 qu'il communique entre les avions.
04:27 Et donc, leur environnement, et donc qu'ils consomment moins de carburant.
04:30 C'est ça l'idée.
04:30 C'est exactement ça.
04:31 Alors ça, pour la peine, c'est un vrai levier supplémentaire.
04:34 Ça peut apporter 3 à 4% de réduction d'émissions par vol.
04:37 Alors, on n'est pas encore au verdissement total, mais c'est un vrai premier pas.
04:41 Le fait d'optimiser les trajectoires et particulièrement en descente vers les aéroports,
04:45 en utilisant la gravité, va permettre de réduire la consommation et donc les émissions.
04:50 Bon, il faut après des carburants aussi qui soient moins polluants.
04:53 C'est là que les biocarburants vont entrer en jeu.
04:55 C'est la solution qui apparaît aujourd'hui comme la plus pragmatique, la plus simple à court terme.
04:59 D'ailleurs, les compagnies commencent à les utiliser, mais encore une fois à la marge.
05:03 Très progressivement.
05:05 Aujourd'hui, on a 1%, 2% de nos réservoirs qui est rempli sur ce qu'on appelle le sustainable aviation fuel.
05:12 Il y a beaucoup de biocarburants, c'est vrai, mais je pense que ça ne sera pas la meilleure solution
05:16 parce que les biocarburants, ça demande des terres arables.
05:19 Ça demande aussi pas mal d'eau.
05:20 Donc, ça déplace un peu le problème.
05:21 Donc, ce n'est pas une solution, les biocarburants ?
05:23 C'est une première solution.
05:25 Mais moi, je crois plutôt à une sorte de circularité, c'est-à-dire qu'on a des projets aujourd'hui
05:32 dans l'industrie aéronautique où on va récupérer le carbone de l'air
05:36 dans des grosses machines qui ressemblent à des séchoirs à cheveux géants
05:39 et où ce carbone, après, on va le recombiner pour en faire du carburant qui sera réinjecté dans les avions.
05:46 Donc, ça, c'est pour moi, cette circularité carbone, elle est beaucoup plus intéressante.
05:49 Elle est un peu plus loin technologiquement parlant, mais à horizon 2030, par exemple,
05:54 mais elle a au moins le mérite de ne pas rajouter d'empreintes carbone à ce qui est déjà, j'allais dire, consommé.
06:02 En même temps, la France a des engagements qui sont forts sur ces biocarburants.
06:06 On va pouvoir remplir ces objectifs-là ?
06:10 La vraie question aujourd'hui, à court terme, c'est les subventions qui sont liées aux biocarburants.
06:15 On a bien vu qu'aux États-Unis, récemment, le fait de donner un dollar par gallon
06:19 a fait développer considérablement l'essor des biocarburants.
06:23 Maintenant, est-ce qu'on arrivera à faire la même chose en France ?
06:26 Je le souhaite et je l'espère.
06:28 Est-ce que ça sera vraiment durable ? C'est une autre question.
06:31 En même temps, dans les deux cas, ça coûte cher.
06:33 Biocarburant, carburant de synthèse, c'est très cher.
06:35 Et là, on se dit que les prix des baies d'avion vont devoir forcément augmenter.
06:38 C'est une quasi-certitude, ça ?
06:40 Alors, déjà, ça coûte plus cher ?
06:43 Oui, on va dire que du carburant de synthèse ou du biocarburant, c'est quatre fois plus cher que le kérosène.
06:49 Et on sait que le prix du carburant dans un billet d'avion, c'est 30%.
06:55 Donc déjà, si on fait juste un petit calcul mathématique, ça ne tient pas, mais ça ne tient pas du tout.
06:59 Donc, c'est pour ça que je vous disais, il faut peut-être penser à des subventions et à d'autres aides.
07:04 Premier point.
07:05 Deuxième point, est-ce qu'on va avoir une augmentation du coût des billets d'avion ?
07:09 Bon, moi, je n'ai pas de boule de cristal, mais on sent bien que c'est une tendance de fond.
07:14 Liée au carburant ou liée à une éventuelle taxe carbone qui pourrait être mise en place à terme,
07:21 il va falloir que le passager, dans une certaine mesure, contribue à la réduction des émissions.
07:28 Maintenant, j'espère, parce que je suis passager moi aussi,
07:31 qu'on va réussir à maintenir cette augmentation dans une mesure acceptable.
07:35 Bon, après, on rêvait voler dans des avions avec des batteries ou des piles à combustible.
07:41 Le problème, c'est qu'elles sont lourdes, ces batteries, et pas assez puissantes.
07:44 Donc, la solution, ce sont peut-être des moteurs hybrides à la fois électriques et thermiques.
07:48 Oui, moi, je crois quand même à une horizon 10 à 15 ans à l'hybridation.
07:53 Donc, on ne sera pas forcément sur des avions de type 320 qu'on utilise pour faire Paris-Toulouse
07:58 et encore moins sur des avions qui nous permettent de traverser les océans.
08:01 Mais quand on regarde des avions régionaux, pour des trajets de 300-400 kilomètres,
08:05 on pourra avoir des avions hybrides qui contiennent moins de passagers,
08:09 peut-être 19 passagers, comme l'avion ERA d'Aura Aero, qui est un bon exemple,
08:14 et qui nous permettront de voyager là pour la peine avec d'une émission considérablement réduite
08:19 par rapport aux technologies actuelles.
08:21 Oui, donc l'hybridation plus que le tout électrique.
08:23 Dans un premier temps, oui. L'hybridation plus que le tout électrique, c'est sûr.
08:27 Il faudra en passer par cette brique-là.
08:28 Il reste après, évidemment, ce qui nous fait rêver l'hydrogène.
08:31 Les avions plus gros, à plus longue distance, c'est le pari de l'hydrogène.
08:37 Mais il y a beaucoup d'obstacles. Certains disent qu'on n'y arrivera pas.
08:41 Alors moi, je ne suis pas de cet avis.
08:42 Moi, je suis un éternel optimiste.
08:44 L'aviation a toujours vécu de ses challenges.
08:48 C'est un métier de pionnier.
08:50 Donc, il y a 100 ans, on ne pensait pas qu'on traverserait les océans avec des 380 qui pèsent 500 tonnes
08:56 et en amenant 500 passagers en moins de 7 heures.
08:58 Donc moi, je suis sûr que l'aviation va se réinventer.
09:01 Elle va se décarboner.
09:02 L'hydrogène est un bon levier pour aller dans cette direction.
09:05 Maintenant, c'est compliqué.
09:07 C'est compliqué parce qu'il faut réinventer l'avion.
09:09 Les avions n'auront pas la même forme.
09:11 Les réservoirs prendront plus de place.
09:13 L'hydrogène a une densité énergétique quatre fois moindre que le kérosène.
09:17 Ça va changer beaucoup de choses dans la façon dont les avions sont construits.
09:21 - Herbucelle, j'imaginais que tu travailles sur toutes ces solutions.
09:23 - Je travaille sur toutes ces solutions.
09:26 Ils ont des équipes dédiées à la partie hydrogène long terme,
09:29 mais ils ont bien compris la temporalité des briques.
09:32 Donc, ils ont des petites équipes sur chacun des sujets.
09:35 - Merci, Jérôme Bouchard.
09:36 Associé chez Oliver Wyman, expert en aéronautique.
09:40 Merci.
09:40 Justement, puisqu'on parle d'Airbus,
09:42 on va voir comment l'avionneur est plus que jamais engagé
09:45 dans cette quête de l'avion décarboné.
09:47 Reportage à Toulouse sur le site d'Airbus, signé Manuel Lagre.
09:50 En 2022, l'Union européenne annonce au sommet de l'aviation de Toulouse
09:57 vouloir la neutralité carbone d'ici 2050.
10:00 Le défi est immense.
10:01 On parle dans le secteur aérien de 1 550 milliards de dollars d'investissement
10:07 pour les 30 prochaines années.
10:08 Pour y parvenir, Airbus explore plusieurs pistes.
10:13 En 2022, l'entreprise réalise une prouesse technique.
10:17 Faire voler un Airbus A380 avec un moteur alimenté par 100% de carburant durable,
10:23 constitué principalement d'huile de cuisson usagée.
10:27 Mais vous allez voir, Airbus s'est lancé un défi encore plus fou.
10:32 - Cet avion va être celui qui va être utilisé comme laboratoire volant
10:36 pour tester les technologies hydrogènes qui sont développées par Airbus.
10:39 L'hydrogène est quand même un carburant très prometteur
10:42 parce que c'est l'un des seuls ou le seul qui permet d'avoir zéro émission de CO2
10:47 à la sortie du moteur de l'avion.
10:50 Cet avion, qui va servir de cobaye pour les tests,
10:53 ne va pas totalement être modifié.
10:56 Il va conserver ses 4 réacteurs traditionnels.
10:59 - Donc le 5e moteur sera installé au-dessus de l'avion,
11:02 donc sur une excroissance qui ressemblera à une petite voilure, à une petite aile,
11:06 qui sera en gros entre la dérive et la porte que vous voyez là-bas.
11:09 Et donc sur cette excroissance, qu'on appelle un stub,
11:12 on sera capable d'installer plusieurs types de moteurs à hydrogène.
11:17 L'objectif est de comparer le comportement des réacteurs traditionnels
11:21 avec celui à l'hydrogène.
11:23 Ce qui inquiète les ingénieurs, ce ne sont pas les moteurs,
11:26 mais les réservoirs d'hydrogène à l'intérieur du fuselage.
11:31 - Donc là, on est à l'arrière de l'avion, vraiment près de la queue de l'avion.
11:35 On se trouve sur le pont principal.
11:37 Et dans cette zone-là, on va stocker l'hydrogène qui va être utilisé pour les essais.
11:43 Donc l'hydrogène va être stocké sous forme liquide, c'est-à-dire à -253 degrés.
11:48 Donc c'est ce qu'on appelle de l'hydrogène cryogénique.
11:51 Il faut savoir que sous cette forme-là, l'hydrogène va contenir 3 fois plus d'énergie
11:56 que ce qu'on pourrait avoir dans du carburant classique, dans du kérosène,
12:00 mais va être en contrepartie 4 fois plus volumineux.
12:03 Donc le défi du stockage de l'hydrogène est quelque chose de clé
12:07 et sur lequel on va travailler sur ce projet-là.
12:10 Airbus s'est fixé pour objectif de réaliser les premiers vols fin 2026.
12:15 Si les tests sont concluants, un premier avion hydrogène pourrait voir le jour en 2035.
12:21 Mais l'énergie et l'amélioration des moteurs ne sont pas les seules pistes
12:26 explorées par Airbus pour voyager plus écolo.
12:29 Chez UpNext, la filiale d'Airbus chargée d'accélérer le développement des technologies futures,
12:35 on s'intéresse aux ailes qui équiperont les avions de demain.
12:39 Une grosse partie de la consommation de carburant est liée à la performance de l'avion.
12:43 Et la performance de l'avion est donnée par le design de son aile,
12:47 qui sera capable de réduire les émissions et la consommation de carburant de 5 à 10 %.
12:53 Voici la maquette de l'aile du futur.
12:55 En taille réelle, elle mesurera 5 mètres de plus que celle qui équipe actuellement nos avions
13:01 et ressemblera aux ailes des albatros.
13:04 Cette aile est un concentré de technologies.
13:06 Nous avons beaucoup de surfaces qui sont un peu comme des plumes sur les oiseaux,
13:10 qui vont modifier la forme aérodynamique de l'aile pendant toutes les phases du vol.
13:16 Une aile ultra performante qui s'adaptera aux conditions météo
13:20 et qui fera mieux face au vent pour optimiser sa consommation de carburant.
13:25 Des solutions, il en existe pour les avions de ligne et gros porteurs.
13:29 Mais qu'en est-il pour l'aviation légère ?
13:32 Considérée comme polluante, bruyante ou réservée à une élite,
13:36 l'aviation de loisir en France, c'est 51 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2020,
13:41 dont 33 milliards à l'export.
13:43 Au niveau de la finition, on ne va pas avoir besoin de charger le carbone de trop.
13:49 C'est top.
13:51 Super.
13:53 Nous avons rendez-vous à Toulouse, chez Aura Aéros.
13:57 Ici, la transition écologique est en marche.
14:00 On utilise aujourd'hui un moteur thermique, un moteur à combustion,
14:04 qui est un moteur qu'on achète sur le marché et qui existe depuis de nombreuses années.
14:08 Demain, c'est-à-dire avant la fin de l'année 2023,
14:11 on va remplacer tout ce moteur thermique par un moteur électrique,
14:15 qui est de plus faible dimension et sur lequel on a un volume très important pour accueillir des batteries.
14:21 Ce sera la première fois que, notamment un avion de formation capable voltige,
14:26 volera avec une solution 100% batterie.
14:28 Aura Aéros ne compte pas s'arrêter à l'avion électrique bi-place.
14:33 Il a pour objectif la mise en service d'un avion de transport interrégional hybride de 19 places d'ici 2027.
14:42 On l'a vu, les innovations ne manquent pas pour décarboner l'avion.
14:48 Autre levier pour accompagner cette révolution verte, des moteurs moins gourmands et plus efficaces.
14:53 Bonjour Olivier Andriesse. Bonjour David.
14:55 Merci d'être là avec nous, directeur général du motoriste Safran.
14:58 Motoriste et équipementier aéronautique.
15:00 Voilà, pour être précis.
15:02 Est-ce qu'on est clair sur le fait que le moteur à combustion va rester pendant encore plusieurs années,
15:06 voire plusieurs décennies, la seule technologie capable de faire voler un avion ?
15:10 Plusieurs décennies, j'en suis absolument convaincu.
15:14 Et avec le moteur à combustion, on fait de la décarbonation, en fait, sans le savoir, depuis des dizaines d'années,
15:21 puisqu'on est sur un schéma où l'industrie aéronautique mondiale, dans le domaine des moteurs,
15:27 a réduit la consommation de carburant d'environ 1% par an chaque année depuis plus de 30 ans.
15:35 Donc l'idée, c'est d'améliorer l'efficacité énergétique des moteurs, notamment.
15:39 Effectivement, la décarbonation de l'aviation, ça passe par la sobriété.
15:43 Et la sobriété, ça passe notamment par la technologie et le développement de moteurs
15:48 qui sont toujours plus performants en termes de réduction de consommation de carburant
15:53 et donc de réduction d'émissions de gaz carbonique, puisque ça va avec.
15:59 Mais comment on améliore tout ça ? Il faut des moteurs plus gros ? Il faut quoi ?
16:02 Alors, c'est de la technologie, effectivement.
16:04 C'est des nouvelles générations de moteurs.
16:07 Et donc pour cela, sans rentrer dans trop de détails techniques,
16:10 il faut améliorer ce qu'on appelle l'efficacité propulsive du moteur et l'efficacité thermique du moteur.
16:15 Et donc comment est-ce qu'on y arrive ?
16:16 Sur l'efficacité propulsive, ça passe notamment par une augmentation de la taille de ce qu'on appelle la soufflante.
16:23 La soufflante, c'est la partie avant du moteur d'avion, c'est celle qu'on voit quand on embarque dans un avion,
16:28 c'est le moulin, en quelque sorte.
16:30 Et au plus la taille de cette soufflante est grande, au plus on brasse de l'air, en quelque sorte.
16:36 On brasse de l'air, on crée de la poussée, de l'air qui ne passe pas par la chambre de combustion.
16:41 Et ça, ça permet d'améliorer l'efficacité propulsive de l'avion.
16:45 Donc, les générations de moteurs suivantes auront des diamètres de soufflante,
16:50 des diamètres de fan en anglais, qui seront de plus en plus importants.
16:54 Ça, c'est l'efficacité propulsive.
16:56 Et l'efficacité thermique, ça passe par tout le travail sur les nouveaux matériaux
17:00 qui tiennent des températures plus élevées au centre de ce qu'on appelle la chambre de combustion.
17:05 On assiste à un renouvellement de la flotte des compagnies aériennes,
17:08 avec des avions plus performants et des moteurs plus performants
17:13 qui sont équipés de votre moteur, notamment le moteur Leap, qui équipe la 320 Néo et le Boeing 737 Max.
17:19 En quoi est-ce que, encore une fois, c'est plus performant aujourd'hui qu'il y a quelques années ?
17:23 Il y a une dizaine d'années, on a décidé de lancer une nouvelle génération de moteurs
17:28 qui s'appelle le Leap, qui motorise à la fois les dernières générations de Boeing et d'Airbus,
17:35 donc le 737 Max et la 320 Néo, et qui apporte 15% d'économie de carburant par rapport à la génération précédente.
17:44 Et donc, tous les avions qui sont introduits sur le marché aujourd'hui,
17:49 qui sont actuellement produits et livrés par Airbus et par Boeing,
17:53 sont des avions avec ces dernières technologies de moteur qui apportent 15% de réduction d'émissions de gaz carbonique
18:00 et donc de consommation de carburant par rapport aux générations précédentes.
18:03 Et ces moteurs Leap, est-ce qu'ils sont capables d'accueillir les nouveaux carburants propres, les biocarburants,
18:07 ou est-ce qu'il faut attendre la future génération de moteurs, ce qu'on appelle les open rotors ?
18:12 Alors, les moteurs Leap sont certifiés pour fonctionner jusqu'à 50% avec des carburants dits durables.
18:20 Les carburants durables aujourd'hui, c'est ce qu'on appelle les biocarburants,
18:23 donc des carburants issus de la biomasse ou de retraitement d'huile usagée.
18:29 En fait, ça, c'est une limite de certification.
18:31 Donc, on est actuellement avec les avionneurs en train de faire des essais en vol
18:35 pour voir si on peut pousser cette limite vers le haut.
18:38 Mais l'open rotor, est-ce que ce n'est pas ça l'outil, j'ai envie de dire, de demain,
18:42 pour l'avion de demain, l'avion hydrogène, l'avion électrique ?
18:47 Il y a un saut générationnel vraiment avec...
18:49 Ah oui, alors nous nous sommes engagés collectivement.
18:55 Le monde de l'aéronautique s'est engagé collectivement au mois d'octobre 2021
19:00 à atteindre la neutralité carbone en 2050.
19:05 Et pour y arriver, il y a plusieurs leviers,
19:08 mais les deux leviers essentiels sont la technologie au niveau de l'avion et au niveau du moteur,
19:15 et puis ce qu'on appelle les carburants durables.
19:17 Sur la technologie, nous sommes convaincus,
19:23 qu'en travaillant et en mettant sur le marché un avion et un moteur disruptifs,
19:29 on sera capable de faire des économies de carburant de l'ordre de 30 à 35%
19:34 par rapport aux toutes dernières générations d'avions qui sont actuellement produites.
19:39 Et cette disruption, elle est pour quand ?
19:40 Et ça, c'est pour 2035.
19:44 Un saut de 30%, dont 20% serait apporté par le moteur et une dizaine de pourcents par l'avionneur.
19:53 Et donc sur le motoriste, les 20% qu'on apporterait,
19:57 pour cela, on est obligé d'aller vers des architectures de moteurs disruptives, en rupture.
20:03 Et notamment, nous, nous avons décidé de travailler sur ce qu'on appelle un moteur non carréné.
20:08 Le moteur non carréné, ça nous permet d'augmenter le diamètre de la soufflante encore plus.
20:15 Et donc, c'est ce qu'on appelle un open rotor ou un open fan.
20:19 Donc, ça sera un moteur qui ressemblera un petit peu...
20:23 Qui a ses loupards.
20:25 Qui, effectivement, n'est pas carréné.
20:29 Donc, quelque part, on a cassé les murs pour augmenter le diamètre de la soufflante
20:35 et le rendre encore plus performant.
20:36 Et donc, on est où exactement aujourd'hui du projet ?
20:38 Parce que 2035, ça part effectivement assez loin.
20:40 Alors oui, mais dans l'aéronautique, pour arriver à une entrée en service en 2035,
20:46 ça veut dire qu'il faut que les avionneurs lancent leur projet d'avion vers les années 2027-2028.
20:52 Et ils le feront en faisant le choix de notre technologie de moteur.
20:57 Si nous avons pu démontrer d'ici là que non seulement nous apportons la performance,
21:03 mais que nous apportons également les meilleures garanties de sécurité en vol.
21:07 Et donc, il y a tout un programme de développement technologique et d'essai au sol et en vol
21:12 qui doivent être faits pour apporter cette preuve de performance et de maturité technologique
21:18 dont les avionneurs ont besoin.
21:19 Et c'est pour ça qu'on travaille intensément maintenant.
21:22 Donc, le calendrier de 2035, il peut paraître à nos auditeurs relativement lointain,
21:28 mais à l'échelle de l'aéronautique, c'est demain.
21:31 Après, il y a aussi une question, comme c'est un gros moteur,
21:33 il sera installé où puisqu'il est sans nacelle, sans carénage ?
21:36 Il pourra se placer sous les ailes comme pour les moteurs actuels ?
21:40 Est-ce qu'il faut revoir le look, l'architecture des avions ?
21:42 Alors, c'est évidemment aux avionneurs de travailler sur la meilleure architecture d'avion possible.
21:48 Mais on peut imaginer à priori trois options possibles.
21:52 L'option actuelle qui est des moteurs qui sont sous ailes, sous ailes basses.
21:57 Et ça, ça suppose quand même d'avoir des jambes assez longues
22:00 parce qu'il faudra de la place sous l'aile pour accommoder le moteur.
22:04 L'autre solution, c'est d'avoir des ailes hautes, des ailes hautes.
22:09 Et la troisième solution, c'est de les mettre à l'arrière.
22:11 Mais ça, ça sera une décision qui sera prise par l'avionneur
22:14 qui doit travailler dans le cadre de ses avant-projets
22:17 sur l'intérêt de ces différentes options.
22:21 Voilà, merci beaucoup. Merci pour cet entretien d'encolier, Andriess.
22:24 Directeur général de Safran, merci à vous.
22:26 Merci, David.
22:26 Alors, on l'a vu, les biocarburants sont une des solutions pour décarboner l'avion,
22:30 mais ils ont risque à terme de ne pas en avoir assez pour satisfaire toute la demande.
22:33 Pour autant, un biocarburant de nouvelle génération,
22:35 vous allez le voir, s'annonce prometteur.
22:37 L'hydrogène, les moteurs électriques, ça ne sera pas avant 2050.
22:43 En attendant, si on veut accélérer dans la décarbonation,
22:46 les biocarburants sont incontournables.
22:47 Bonjour, Émilie. Bonjour, David.
22:48 Bon, aujourd'hui, on peut compter essentiellement sur l'huile de friture,
22:51 mais d'ici quelques années, le stock, il sera épuisé.
22:53 Oui, alors vous l'avez dit, effectivement,
22:55 aujourd'hui, nos avions y volent avec 1% de biocarburant.
22:58 En 2025, toute l'Europe devra passer à 2%,
23:01 puis à 6% en 2030, à 37% en 2040 et enfin à 85% en 2050.
23:07 Alors, David, je ne sais pas si on sera encore là pour voir ça.
23:09 Total, si.
23:10 En tout cas, si on ne doit compter que sur l'huile de cuisson usagée,
23:13 pas sûr que ce soit suffisant.
23:14 En voyant large, on pourra produire jusqu'à 1 million de tonnes
23:17 de biocarburant par an à l'échelle mondiale.
23:19 Ce ne sera évidemment pas suffisant si on veut atteindre notre objectif
23:21 de 2 millions de tonnes en 2030 pour respecter le seuil des 6%.
23:25 Il faudra donc évidemment trouver des solutions alternatives.
23:27 Et ces solutions, ce sont les biocarburants 2ème génération.
23:31 Et aujourd'hui, deux pistes tiennent la corde.
23:33 Oui, alors première piste, l'idée, c'est de brûler nos déchets ménagers
23:36 via un procédé thermochimique complexe qui s'appelle le procédé de Fischer-Tropsch.
23:40 La deuxième piste, c'est la fermentation.
23:42 Eh bien, on utilise tout simplement du sucre pour fabriquer du biocarburant.
23:46 Et ça vous dit sans doute quelque chose,
23:47 car c'est comme ça que l'on fabrique aujourd'hui l'éthanol de nos voitures.
23:50 Mais avec cette fermentation, on peut aussi produire une autre molécule
23:54 très recherchée dans la pétrochimie qui s'appelle l'isobutène.
23:57 Oui, mais l'isobutène, Émilie, c'est du pétrole.
23:59 C'est vrai. À la base, l'isobutène est issu du pétrole.
24:02 D'ailleurs, on peut fabriquer beaucoup de choses avec,
24:03 des produits cosmétiques, du plastique et même du kérosène.
24:06 Mais comme je vous le disais, il existe une manière naturelle
24:09 de le produire via la fermentation.
24:10 Et c'est d'ailleurs ce sur quoi travaille une société qui s'appelle la Société Globale Bioénergie.
24:15 Alors pour l'instant, elle y va pas à pas, dans des univers d'ailleurs très différents.
24:19 D'abord, dans la fabrication de produits cosmétiques.
24:21 Elle a commencé l'année dernière en 2022.
24:23 Et puis bientôt, la fabrication de biocarburants pour la Formule 1.
24:26 Car raflons-le, tout le secteur va passer au 100% biocarburant à horizon 2026.
24:30 Ça lui laisse le temps de se roder pour l'étape d'après.
24:34 C'est notre sujet aujourd'hui, les biocarburants aériens.
24:36 C'est vrai, mais il doit d'abord lever des freins, des freins administratifs et réglementaires.
24:40 Comme pour tout SAF, il va falloir passer par les fourches codines
24:44 d'un organisme qui s'appelle l'ASTM, qui regroupe en gros tous les acteurs du secteur.
24:48 C'est un organisme de certification.
24:50 Alors la procédure, elle est très longue.
24:51 Elle dure cinq ans et ça a l'air plutôt bien parti pour Global Bioenergie.
24:56 Global Bioenergie, qui devrait donc faire partie de la poignée de technologies de SAF
24:59 autorisées dans l'aviation civile.
25:01 Bon, maintenant que l'agrément, on va dire, est quasi acté,
25:04 la société va pouvoir se lancer dans l'essentiel, la production.
25:07 Alors, pas avant 2028, nous dit la société, car il y a d'autres obstacles à lever.
25:12 Alors, je vous le disais, cet isobutène, il est fabriqué à partir de sucre.
25:16 Sucre que l'on produit de deux manières.
25:18 Alors d'abord, via des copeaux de bois.
25:20 Alors, je ne le savais pas, je l'ai appris en préparant cette émission.
25:22 Le bois, il est fait à 66%, à plus de 66% de sucre.
25:26 Donc, l'idée, en fait, c'est de récupérer les déchets des forêts ou des ciries.
25:29 On en a beaucoup pour les transformer en une sorte de pâte visqueuse,
25:33 qui va d'ailleurs ressembler à du chocolat.
25:35 Et puis, la deuxième matière première qu'on va pouvoir utiliser pour cette fermentation,
25:38 c'est la betterave ou plus précisément la mélasse.
25:41 Ça fait penser un petit peu à l'éthanol, Émilie, qui est aussi fabriqué à base de betterave.
25:45 Exactement, exactement. Mais alors, il y a une bizarrerie.
25:47 La mélasse, elle est autorisée pour les voitures, mais elle est interdite pour les avions.
25:51 Pour l'instant, en tout cas, l'Europe l'interdit, soit disant parce qu'elle entre en concurrence
25:54 avec la production alimentaire, ce qui est, vous le savez, un des écueils des SAF aujourd'hui.
25:59 Et pourtant, et pourtant, on va quand même rappeler que la mélasse,
26:01 ce sont tous les déchets qui ne vont pas dans notre assiette.
26:03 Donc, c'est vrai que cet argument n'est pas très recevable.
26:05 Bon, en attendant que l'Europe règle un petit peu ce problème,
26:08 comment est ce qu'on transforme cette mélasse, cette pâte de bois en biocarburant ?
26:14 Alors, c'est très simple.
26:14 En fait, on va leur extraire le sucre, que l'on va mélanger à des bactéries.
26:18 Ça va nous donner de l'isobutène sous forme gazeuse.
26:21 Il ne reste plus qu'à le purifier légèrement parce qu'il s'auto-purifie tout seul,
26:24 mais il faut encore le purifier un petit peu.
26:25 Et puis, assembler ces molécules trois par trois pour en faire un liquide.
26:29 Le tour est joué. Votre SAF est prêt à être utilisé.
26:32 Donc, un procédé qui, ma foi, a l'air assez court.
26:35 Il y a peu d'étapes de transformation ?
26:37 Exactement. Ce procédé est d'ailleurs plus court que les procédés de concurrence,
26:40 ce qui donne d'ailleurs un net avantage à Global Bioenergie,
26:42 car qui dit procédé plus court dit évidemment procédé moins coûteux.
26:45 Et on ne va pas se mentir, David,
26:46 les SAF, ils vont coûter de plus en plus cher à l'avenir.
26:49 Alors, pour l'instant, c'est vrai que l'huile de cuisson,
26:50 elle reste relativement abordable parce que c'est effectivement un produit que l'on recycle.
26:54 Encore que tout est relatif, parce qu'elle coûte quand même déjà
26:56 deux à trois fois plus cher que le kérosène classique.
26:58 Mais tous les experts nous disent qu'à horizon dix ans, les SAF deuxième génération
27:02 vont coûter quatre à cinq fois plus cher que le kérosène classique.
27:06 Alors, Global Bioenergie souhaite en tout cas en produire à terme 30 000 tonnes par an,
27:10 avec la promesse d'un biocarburant à moins de 5 euros le kilo.
27:14 Un biocarburant qui émettra trois à cinq fois moins de CO2 que le kérosène classique.
27:18 Mais aussi, c'est important de le dire, zéro traînée de condensation.
27:21 Voilà un nouveau paradigme. Merci, Emilie.
27:23 Merci, David.
27:23 Voilà, c'est la fin de Pourvu que ça dure, l'émission qui rend les co-responsables sur Public Sénat.
27:27 Émission à voir ou revoir sur Public Sénat.
27:29 Bien sûr, il y a du replay sur publicsenat.fr.
27:32 Rendez-vous dans deux semaines.
27:33 [Musique]
27:46 Pourvu que ça dure, vous a été présenté par Ecodds,
27:50 éco-organisme qui agit pour une économie respectueuse de l'environnement.

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