Michel Onfray à propos de la situation à Mayotte : «J'ai vraiment honte, c'est pas ça la République»

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Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari reçoit Michel Onfray, essayiste.
Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline

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00:00 *Générique*
00:18 18h37, on se retrouve en direct dans Punchline sur CNews et sur Europe 1.
00:21 Michel Onfray est notre invité. Bonsoir Michel Onfray.
00:23 Merci d'être avec nous. Votre livre c'est "Anima" aux éditions Albain Michel.
00:27 On va en parler dans un instant. L'actualité aujourd'hui c'est les 1 an de l'élection d'Emmanuel Macron.
00:32 Pile 1 an. Avec un président qui n'a jamais été aussi impopulaire.
00:36 Seulement 26% des français lui se disent satisfaits de son action.
00:40 Donc 72% sont mécontents de lui selon un sondage Ifop pour le JDD.
00:46 C'est quasiment un record d'impopularité. Peut-être juste François Hollande qui peut le lui disputer.
00:50 Est-ce que le président... Il y a une cristallisation de la haine contre le président comme on ne l'a peut-être jamais vu ?
00:56 Il faut dire qu'on n'a jamais vu quelqu'un comme ça non plus.
00:58 C'est hors normes ?
01:00 Oui. Il y a une espèce de psychopathologie quand même.
01:02 Cette façon de tout dire et le contraire de tout.
01:04 Cette façon de mentir éhontément, d'agresser, d'être violent avec les gens, de les humilier.
01:08 Il sème tout ça. Il récolte à un moment donné ce qu'il a semé.
01:12 Donc il y a un moment donné où les gens commencent à comprendre quand même qu'on se moque du monde.
01:16 Quand il a été réélu, non pas forcément sur son programme mais contre le programme de Marine Le Pen,
01:20 il avait fait amende honorable en disant "faisons tout ça modeste, j'ai bien compris,
01:24 je suis un homme de devoir, je ne l'oublierai pas etc."
01:28 Et puis il fait très exactement le contraire. Il dit "je vous ai bien eus".
01:30 C'est ça que naît la lui.
01:32 Et donc cette façon de procéder, les gens commencent à comprendre que l'humiliation ça commence à faire beaucoup.
01:38 L'idée de dire "vous allez travailler deux ans de plus, j'en ai rien à faire"
01:42 et puis aujourd'hui de dire "je ne suis peut-être pas assez expliqué, les gens sont vraiment trop cons".
01:46 Et il y a cet état d'esprit qui fait qu'on ne peut pas traiter les gens comme ça pendant des mois, des années.
01:50 Ça va faire six ans. Ce n'est pas tant une année que je fête ou que je commémore,
01:54 que un quinquennat plus un an ça fait six ans.
01:58 Six ans ça suffit on pourrait dire pour parodier qui nous savons.
02:02 Michel Onfray, il y a un phénomène qui est en train de naître depuis quelques jours, c'est les concerts de casserole.
02:06 Il y en a eu la semaine dernière lors des déplacements du président sur le terrain, que ce soit dans le Barin ou dans l'Hérault.
02:10 On va écouter quelques casserolades, puisque c'est comme ça qu'on est l'homme.
02:14 Et puis la réaction du président Macron qui a dit notamment lors de sa visite à Pérole dans l'Hérault
02:19 à une jeune femme "je ne démissionnerai pas". Écoutez.
02:23 [Musique]
02:31 On n'en veut pas de ta retraite, qu'est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?
02:35 On n'en veut pas !
02:37 On n'en veut pas de ta retraite, fou du cul !
02:41 Je voulais juste savoir que serrait la main un président qui a un gouvernement aussi con que tu.
02:49 Alors je me suis dit, il ne faut pas louper ça. Bah si, vous le savez très bien.
02:54 Vous savez très bien. Et vous allez bientôt tomber, vous allez voir. Ah vous allez tomber dehors !
02:59 J'arrive, bah voilà, il y a des gens qui sont contents, il y a des gens qui ne sont pas contents.
03:03 Vous allez au contact. Merci madame. Et bah ça, ça me fait plaisir.
03:07 Et bah voilà, madame, elle n'est pas contente. Mais voilà, mais elle le dit avec le sourire, c'est déjà plus sympa.
03:14 Je ne vais pas démissionner, je vous rassure. Mais je vous rassure, ça n'arrivera pas. Il faudra attendre 2027.
03:18 Voilà, il faudra attendre 2027, dit-il. Je ne démissionnerai pas, puisque résonne partout l'écrit de Macron "démission".
03:23 Ce n'est pas la solution non plus de demander à Macron "démission", Michel Onfray.
03:27 Non, ça ne sert à rien. Quand on dit ça aussi d'un ministre, ça n'a pas grand sens.
03:31 Il y a juste un moment donné où les gens disent "vous ne nous écoutez pas, vous allez nous entendre".
03:35 Les casseroles, c'est ça, c'est une façon de dire "on a été tenu à distance".
03:39 Souvent, on a le noyau dur qui est là pour lui dire qu'il est grand, qu'il est fort, qu'il est beau, etc.
03:43 Il y avait même des petits bracelets pour montrer que la police avait donné son autorisation aux mains de foule.
03:48 Et puis là, il y a des gens qui le débordent. On l'entend, si les gens sont à 500 mètres et qu'ils font ce concert-là,
03:53 les gens disent "on est toujours là et on ne veut pas de vous".
03:56 Mais il y a une structure psychique particulière chez ce monsieur. Il est sadomasochiste.
03:59 Il aime faire jouir et il jouit dans la souffrance qu'il inflige.
04:02 Je pense que ça lui fait plaisir même d'être détesté, parce qu'il s'aime tellement qu'il dit "regardez, ils me détestent, mais ce sont tous des nuls".
04:09 C'est une vraie psychopathologie, je me répète, mais c'est quand même problématique dans la Ve République où le chef de l'État a autant de pouvoir.
04:14 Mais est-ce que faire du bruit avec des casseroles, ce n'est pas le niveau zéro de l'opposition politique ?
04:19 Pas d'autres moyens d'exprimer son désaccord ?
04:21 Alors si ça c'est le niveau zéro, le top niveau c'était de faire un référendum en 2005
04:25 et de donner son avis en disant "nous ne voulons pas de votre traité constitutionnel".
04:28 Et en 2008, c'était d'éviter de dire "vous n'avez pas voulu du traité, vous l'aurez tout de même, on va voter contre vous".
04:34 Moi je pense que ça fait plus de bruit ce coup d'État de 2008 que les quelques casseroles qui sont là juste pour lui dire "tu nous fatigues, on en a assez".
04:41 Et le "je ne me retirerai pas", c'est aussi une citation.
04:44 Quand le général de Gaulle dit "je ne me retirerai pas", quand il dit "je ne démissionnerai pas", c'est une façon de dire "je suis là et puis j'ai l'intention de vous emmerder".
04:49 C'est une citation puisque c'est son vocabulaire.
04:51 Vous avez vu le degré de vocabulaire ? On a un trou du cul qui fuse, on a un "je vous emmerde"...
04:55 C'est les invectifs contre le président, il n'y peut rien.
04:57 Oui mais je veux dire que quand on utilise ce vocabulaire, ce registre, il est obligé de mettre des guillemets, j'aime pas beaucoup utiliser ces mots-là, mais c'est quand même lui qui a dit à un moment donné concernant les gens qui refusaient le vaccin qu'il avait envie de les emmerder.
05:07 Et il y a un moment donné, vous pouvez récolter ce que vous dites, donc vous êtes grossiers, on est grossiers avec vous.
05:13 Vous dites "écoutez-nous", il n'entend pas, il dit "on va faire du bruit, vous allez nous écouter".
05:16 Moi je pense que la vraie fracture, c'est vraiment 2008.
05:19 C'est quand la droite et la gauche maastrichtienne se sont réunies pour dire "le peuple, on n'en veut pas, on n'en veut plus, on va faire sans lui, le peuple, R".
05:26 Et je lis sur la plume de tel ou tel intellectuel qui défend le système pour nous dire qu'Adolf Hitler est arrivé au pouvoir à cause du peuple.
05:32 C'est pas le peuple qui a mis Hitler au pouvoir, ce sont les partis qui n'ont pas su s'entendre et c'est le chancelier qui a nommé.
05:37 C'est de la politique politicienne, Hitler, c'est pas le peuple.
05:39 Et cette façon toujours de mépriser le peuple est insupportable.
05:42 Alors pour l'heure, le peuple est gentil, il lui fait juste savoir qu'il n'est pas content et qu'il aimerait le voir partir.
05:47 C'est pas grand-chose pour l'heure.
05:48 Encore un mot d'Emmanuel Macron qui, d'ailleurs pendant ce déplacement la semaine dernière, il en fait un demain dans le Loire-et-Cher, on verra si ça se passe de la même façon, a parlé d'incivisme.
05:57 Il a rangé les opposants avec les casseroles dans le rang des personnes inciviques.
06:03 Du coup, il se place lui dans le champ du civisme.
06:06 C'est une façon habile de déplacer le débat ?
06:08 On va dire que c'est celui qui le dit qui est. On a vraiment l'impression que c'est lui qui est un civique.
06:13 Le civisme c'est prendre le souci des citoyens, c'est avoir le souci des citoyens.
06:16 Je vous dis depuis sa bande, les maastrichtiens, ils n'ont pas le souci du peuple depuis des années.
06:20 Et cette façon qu'il a de dire "vous n'avez pas de boulot, vous n'avez qu'à traverser la rue, vous allez en trouver", c'est de façon de mépriser ceux qu'il est censé protéger.
06:27 Il y a un moment donné, dès que le Covid a commencé, c'était "laissez venir les avions de Chine, il n'y a aucun problème, moi je n'ai pas envie de protéger mon peuple, je déteste mon peuple".
06:35 Vous avez le droit de faire tout ça pendant des années, mais le peuple a aussi le droit à un moment donné de dire sa colère en disant "maintenant ça suffit".
06:40 Y compris grossièrement, y compris avec des concerts de casserole, mais je pense que si vraiment il y a de l'incivisme, c'est plutôt du côté de ceux qui devraient être civiques et plus que civiques.
06:49 Il y a quelque chose d'assez paradoxal, Michel Onfray, dans ce qui se passe aujourd'hui.
06:52 On est pile un an après l'élection d'Emmanuel Macron et on a le sentiment qu'il démarre sa campagne électorale, celle qu'il n'a pas faite il y a un an.
06:59 Oui, c'est aussi une façon de mépriser les gens en disant "il n'y aura pas de campagne, vous voulez un débat ? Il n'y en aura pas, c'est moi qui décide".
07:06 Les autres vont parler tout seuls, et sur scène tout le monde était là sauf lui.
07:10 Et si vous vous souvenez du moment médiatique où on a dit "bon, le président de la République, on a fait un débat" et il arrive.
07:14 "Coucou, c'est moi". Il dit deux ou trois mots et puis après il s'en va.
07:17 Dans le genre "je ne vais pas discuter avec cette valetaille, on va les laisser faire".
07:20 Mais vous savez bien qu'en agitant le spectre de Marine Le Pen, il ne suffira pas grand-chose de claquer des doigts pour être au soir du premier tour élu, directement.
07:29 Donc les gens commencent à comprendre. Moi je dis ça depuis des années, on dit que je me répète et les gens ont raison, je me répète, parce que c'est la vérité.
07:35 Ça fait des années que ça se passe comme ça, qu'on instrumentalise Marine Le Pen, qui est l'idiote utile du système, un peu comme Le Pen, Jean-Marie.
07:42 Mitterrand l'a utilisé pour cette même raison-là et ça fait des années que cette famille-là sert à ne pas parler au peuple, à ne pas entendre le peuple.
07:50 On nous dit "le peuple il est chez ces gens-là, souvenez-vous".
07:52 Théranovac, il dit "ils sont partis chez Le Pen, laissez-les faire, on les récupérera pas".
07:56 Mais c'est la France qui est en question, qui est en jeu, ce n'est pas les gens qui votent pour ceci ou pour cela.
08:01 On se moque de la droite et de la gauche pour l'instant, ce qui est important c'est la France, c'est la souveraineté du pays, c'est le bien-être des gens.
08:07 Vous vous rendez compte, on met aujourd'hui des antivols sur des beefsteaks, aujourd'hui on en est là.
08:12 C'est ça l'Europe qu'on nous présentait comme une espèce d'idéal en 1992, une Europe dans laquelle les gens volent de la viande pour pouvoir en manger
08:19 et les fabricants de ces produits-là, qui sont souvent des produits impossibles à manger, ils ont des antivols.
08:26 Quelle solution Michel Onfray ? Il faut retourner au peuple, il a voté il y a un an pile le peuple français, il a voté pour Emmanuel Macron, il faut aller au référendum ?
08:34 Depuis des années avec la famille Le Pen c'est une parodie.
08:37 Depuis qu'on nous dit que Marine Le Pen est une fasciste alors que pendant 5 ans on fait tout ce qu'il fait pour qu'elle existe,
08:42 on l'invite, on lui pose des questions, on voit ses chats, on voit sa maison, ses amis, ses copains, elle est formidable, elle est gentille, elle est sympathique.
08:49 Et puis au moment où on est sûr qu'elle est au second tour des présidentielles, on dit "ouh là là, au radours sur glane, la Shoah, vous allez tout de même pas voter pour Adolf Hitler".
08:55 On savait que c'est dangereux. Et puis il y a encore des gens qui se font avoir avec ça, qui disent "bon bah oui, finalement on n'a pas voté pour Macron et son programme,
09:03 mais plutôt contre Marine Le Pen". Il y a beaucoup de gens qui ont voté pour Macron.
09:07 Et puis il y a surtout 50% des gens qui ne votent pas. C'est ça moi mon souci, c'est de dire que ces gens fabriquent pour le coup de l'incivisme.
09:15 Et le civisme c'est de dire "on va vous écouter". La solution elle est extrêmement simple, c'est "je demande au peuple ce qu'il souhaite et je fais ce que le peuple souhaite".
09:22 Il prend des comptes le peuple, il ne dit que des bêtises. Sur l'avortement, la contraception, la peine de mort, il dit n'importe quoi.
09:28 Oui il dit n'importe quoi quand on nous dit de bêtises. Avec une télévision qui abrutit, avec des journaux qui abrutissent, c'est un peu normal qu'on ait des abrutis qui votent comme des abrutis
09:36 et qui pensent comme des abrutis. Si on fait un débat éclairé, les gens sont capables de retrouver les lumières, les vraies.
09:41 Les vraies lumières. Un tout petit mot de ce qui se passe à Mayotte. On a évoqué une vaste opération anti-immigration.
09:47 Mayotte est envahie par l'immigration venue des Comores. Ça illustre l'impuissance de l'État français dans ce département.
09:53 C'est minable ce qui se passe là-bas. Ce que l'ont fait Darmanin et Macron. C'est vraiment fort avec les faibles et faibles avec les forts.
10:01 Quand je vois ces gens qu'on va sortir de chez eux en disant "vous avez vu les tôles etc." on dirait "ah là l'État est puissant, il est fort".
10:09 Il va faire quoi ? Il va mettre des gens dehors, des pauvres gens, en disant "on les remet dans des bateaux, ils vont repartir aux Comores".
10:15 Mais qu'il aille faire ça dans les territoires perdus de la République ? Qu'on aille dans les endroits où il risquerait de se faire accueillir avec des kalachnikovs ?
10:21 Ou avec des coups et des violences ? - Mais c'est le cas à Mayotte. - Des kalachnikovs ?
10:26 - Non, mais en tout cas des coups et des violences, oui. Les policiers et les gendarmes sont attaqués.
10:30 - D'accord. Non mais c'est pas exactement la même chose. Il y a des territoires perdus de la République un peu partout dans les villes françaises.
10:35 C'est ici que j'aimerais voir l'État restaurer son ordre. Alors c'est facile d'être justement avec des gens simples, modestes, pauvres et paumés,
10:43 de dire "on va envoyer la force militaire, la soldatesque et on va rouler les semusques là pour montrer que..."
10:50 Moi j'ai un peu honte quand je vois des croix sur des maisons disant "il faut y aller" etc. J'ai vraiment un peu honte, c'est pas ça la République.
10:55 On ne règle pas les problèmes comme ça. On commence par les noyaux durs, par les endroits où effectivement en France on restaure un ordre, on restaure un État.
11:02 - Quels endroits ? - Je vous dis, les territoires perdus de la République, il y a des départements pour ça, il y a des villes pour ça, on le sait.
11:07 Il y a des reportages régulièrement à la télévision, dans les journaux, où on voit bien que la loi française n'existe plus dans un certain nombre d'endroits.
11:15 Marseille, vous avez des nouvelles à peu près tous les deux jours de gens qui se font assassiner, qui se font buter.
11:20 Il y a des checkpoints où on sait très bien que les forces de police n'entrent pas. Bac Nord a montré tout ça très bien, même si c'est une fiction, je ne suis pas dupe,
11:27 mais c'est quand même une fiction très inspirée de la réalité. Il y a un moment donné où c'est facile, c'est assez facile de faire diversion.
11:33 Je pense aussi que c'est une façon de faire diversion en disant "bon maintenant vous allez m'envoyer un certain nombre de gros sujets, il faut que les journalistes tournent la caméra,
11:39 le problème des retraites, il faut que ça change, il faut qu'on tourne, allez hop, on braque là-dessus et on va là-bas".
11:44 Alors c'est assez consensuel, l'idée qu'on puisse taper sur des Comoriens sans-papiers au profit de gens de Mayotte dont on se moque éperdument depuis très longtemps.
11:52 Ça fait très longtemps qu'ils sont dans cette configuration-là. Et pourquoi d'un seul coup la République est bonne fille, si ce n'est pour des raisons médiatiques,
11:59 pour détourner l'intérêt des gens, pour détourner le regard des journalistes et pour faire de telle sorte qu'on puisse dire "ah, on est en train de restaurer la République".
12:05 Ce n'est pas ici qu'on commence à restaurer la République.
12:08 Mais le peuple français n'est pas idiot, il continuera à réclamer et à dire "cette réforme on n'en veut pas", un peu de respect, du travail qui nous permet de gagner notre vie et d'en vivre décemment.
12:18 Ces demandes-là elles vont perdurer évidemment.
12:21 Bien sûr, mais elles perdurent depuis un petit moment. Souvenez-vous, il y a eu les bonnets rouges, il y a eu les gilets jaunes, il y a eu contre la loi El Khomri des gens qui manifestaient,
12:29 il y a eu sur ce sujet plein de gens qui ont manifesté, ils disent tous la même chose depuis très longtemps.
12:33 Il y a une colère du peuple qui pour l'heure n'a pas de sang versé, il n'y a pas de sang versé.
12:40 Mais il y a un moment donné où tout ça risque d'empirer, il y a un moment donné où la police ne pourra plus rien, elle fait déjà beaucoup, l'armée ne pourra plus rien.
12:48 Et il fera quoi là ? Emmanuel Macron il continuera à dire "je vais faire mon petit tour de France, j'ai inversé les choses".
12:54 C'est quand même un homme qui a le goût de la transgression, de la transvaluation des valeurs.
12:57 "D'abord votez pour moi et après je vais faire campagne".
12:59 Et donc effectivement il est en train de faire campagne.
13:01 Alors il va ici, là, ailleurs, etc.
13:03 Et puis il dit le fin fond de sa pensée "chez moi les oeufs, les casseroles c'est fait pour faire de la cuisine".
13:07 Mépris encore, toujours mépris.
13:09 Petite phrase qui blesse.
13:10 Il ne peut pas se retenir de mépriser les gens.
13:12 Il y a une espèce de suffisance chez lui qui est insupportable.
13:15 C'est un homme qui séduit et quand la séduction ne marche pas il déteste.
13:19 Moi je vois bien comment ça a marché, c'est comme ça depuis 6 ans, si on dit "non non non non".
13:23 Il avait l'Assemblée Nationale, il avait le Sénat pour lui, il avait la finance, la banque, les médias.
13:27 Il avait l'électorat, il n'avait pas 40 ans, il était chef de l'État.
13:31 Et à l'époque il y avait 2 ou 3 personnes, je ne vais pas donner les noms, je ne vais pas les impliquer,
13:34 mais il y avait aussi mon nom et on disait "une petite cellule pour lutter contre ces gens-là".
13:39 Vous vous rendez compte ? Il ne supporte pas l'opposition.
13:42 Il faut qu'on l'aime et surtout quand il déteste les gens.
13:44 Quand on déteste les gens, on ne peut pas se faire aimer d'eux.
13:47 Mais Michel Enfroy, on a l'impression que vous décrivez une société apocalyptique où tout va mal.
13:51 Ce n'est pas vrai, la France n'est pas que ça, ce n'est pas que les concerts de casserole,
13:54 ce n'est pas que les politiques qui dysfonctionnent.
13:56 Il y a quand même des endroits où ça se passe bien, on est quand même un pays où il fait bon vivre.
14:00 Lesquels ? Pas pour tout le monde.
14:02 Non, pas pour tout le monde.
14:03 Si vous avez un bon pouvoir d'achat, ça peut être très agréable la France, mais pas pour tout le monde.
14:06 Les gens qui travaillent et qui dorment dans leur voiture,
14:08 les femmes qui ne peuvent pas sortir au-delà d'une certaine heure de la soirée.
14:13 Si vous allez à l'hôpital, si vous allez à l'école, vous pensez que tout se passe bien ?
14:16 Moi, je ne crois pas. Vraiment.
14:18 J'ai fait presque 1000 km en voiture récemment, mais l'incivisme sur la route, c'est sidérant.
14:25 Une espèce de violence routière qui est là, présente, en permanence, une agressivité.
14:29 Et c'est comme ça dans tous les domaines.
14:31 Vous prenez le train, il y a de l'agressivité, il y a des coups, il y a des gens qui s'insultent.
14:35 Il y a un état de, je ne vais pas dire pré-révolutionnaire, mais tout ça ne sent pas bon.
14:39 Et ça peut se terminer dans la violence ?
14:41 Il suffit de très peu de choses. Il suffit vraiment de très peu de choses.
14:44 Et si vraiment il y avait une extrême droite, s'il y avait vraiment des fascistes, une ultra droite,
14:48 ce genre de choses, ces gens savent très bien qu'il faut peu de choses pour faire basculer.
14:51 Vraiment, très très peu de choses.
14:53 Quelques rafales ou ce genre de choses.
14:55 Heureusement que ces gens n'existent pas, sauf dans le fantasme de la gauche,
14:58 et d'une certaine gauche du moins, parce qu'effectivement,
15:01 on pourrait la rentrer dans une espèce d'engrenage terrible.
15:03 Vous savez, comparaison n'est pas raison, mais si vous regardez comment a démarré la Révolution française,
15:07 l'instrumentalisation des sans-culottes, la violence révolutionnaire,
15:11 un Robespierre qui arrive, la terreur qui s'installe, la loi sur les suspects, etc.
15:15 Il y a aujourd'hui des Robespierristes, il y a aujourd'hui des sans-culottes,
15:19 il y a aujourd'hui des gens qui simulent la Révolution française.
15:22 On voit des simulations de guillotines, on voit des têtes faussement coupées,
15:26 on voit des mannequins brûlés, on voit des mannequins pendus, etc.
15:29 Tout ça se dit comme ça, de cette manière-là.
15:32 Je vous assure que le premier qui commence, il va entraîner des gens derrière lui.
15:35 C'est pas dommage que des gens dont le projet devrait être justement
15:39 de prendre en charge la colère des gens, je pense à la gauche, soient là en train de dire
15:43 "Allez-y, mettons un peu de l'huile sur le feu".
15:45 Dans votre livre "Anima" chez Alba Michel, vous refaites une histoire de l'âme.
15:50 Est-ce qu'il y a encore une âme française Michel Onfray ?
15:53 Ou est-ce qu'elle est morcelée ?
15:55 Alors je ne parle pas de cette âme-là, mais vous avez raison.
15:58 On peut effectuer le glissement sur l'âme d'un peuple, oui, il y a l'âme d'un peuple.
16:02 Quand on voyage, on le voit.
16:05 Vous êtes à l'étranger, un peu moins maintenant,
16:08 mais quand vous restez en Europe, vous voyez une façon semblable d'aborder le monde.
16:14 Mais si vous êtes à Kyoto, si vous êtes en Corée, si vous êtes en Chine,
16:17 si vous êtes dans des endroits comme ça, vous apercevez qu'il y a une façon d'être européen,
16:21 qu'il y a une façon d'être asiatique, et que dans l'Europe, il y a une façon d'être française.
16:25 On n'est pas portugais comme on est italien, on n'est pas allemand comme on est suisse,
16:29 et à chaque fois, il y a des tempéraments, des caractères.
16:32 Alors l'âme des peuples, on n'a pas le droit d'en parler, c'est fasciste et c'est dangereux, etc.
16:36 Il y a ça chez tous les philosophes, en ont parlé.
16:39 Il y a une question de ça chez Kant, c'est-à-dire très intéressant.
16:41 Il y a des pages magnifiques chez Hegel où il parle de l'âme des peuples.
16:44 Et on voit bien qu'un allemand ne pense pas comme un français,
16:47 que Kant, ce n'est pas Descartes, en philosophie par exemple.
16:50 Ou que la musique de Debussy, ce n'est pas exactement la musique de Wagner.
16:53 Ou que la divine comédie, par exemple, ce n'est pas exactement la même chose
16:58 que les poèmes nordiques.
17:00 Il y a une façon nationale d'habiter son pays, de fabriquer une culture,
17:04 et il y a une âme française.
17:06 J'ai dit beaucoup que c'était un peu de montagne, un peu de Voltaire,
17:09 il y a de la musique aussi, vous savez que j'aime beaucoup la musique,
17:13 mais l'esprit de Couperin, l'esprit de Drameau, je vous assure,
17:17 ce n'est pas la Valkyrie.
17:18 Moi j'adore Wagner, je suis très wagnerien.
17:20 Et en même temps, Debussy, vous écoutez trois secondes de Debussy,
17:24 on sent qu'il y a une musique française.
17:26 Il y a un comportement, un tempérament, un caractère,
17:28 et c'est ça que j'aime dans les peuples.
17:30 C'est leur diversité, c'est leur multiplicité.
17:32 Ce qui est inquiétant, c'est que votre livre s'appelle "Anima",
17:34 et que le deuxième qui va suivre s'appelle "Barbarie".
17:36 C'est-à-dire qu'on est au seuil de la barbarie ?
17:38 Non, on est dedans.
17:39 On est dedans ?
17:40 Oui, on est vraiment dedans, quand on est déjà dans des logiques de...
17:42 Vous savez, moi quand j'avais 12-13 ans au collège,
17:44 j'avais lu "Le meilleur des mondes" d'Aldous Huxley,
17:46 et j'avais appris le mot "hectogénèse",
17:48 qui qualifie la façon de faire des enfants en dehors des utérus naturels, je dirais.
17:54 Donc on faisait des enfants dans des machines.
17:56 Ça, c'était vraiment de la science-fiction.
17:58 Eh bien, aujourd'hui, les Chinois font une "hectogénèse" assistée par l'intelligence artificielle.
18:02 C'est-à-dire qu'ils fabriquent un enfant dans une couveuse,
18:05 et c'est l'intelligence artificielle qui donne toutes les substances nécessaires
18:08 à ce que cet enfant puisse aller de sa conception jusqu'à sa naissance.
18:12 Vous vous rendez compte, cette idée qu'on puisse fabriquer des petits monstres
18:15 d'un enfant qui n'aura pas connu le ventre de sa mère,
18:17 les informations que donne la mère par l'utérus,
18:20 l'utérus, le dos de l'enfant,
18:22 toutes les informations, ce qu'elle boit, ce qu'elle goûte, ce qu'elle mange, ce qu'elle respire,
18:26 le père qui peut parler, les vibrations,
18:28 toutes ces choses constituent l'âme d'un être.
18:30 Et là, on vous dit "non, non, non, les machines et l'intelligence artificielle
18:33 sont susceptibles de suppléer tout ça".
18:35 Si c'est pas ça la barbarie, alors je ne m'y connais pas.
18:37 Michel Onfray a été l'invité de Punchline.
18:40 Merci beaucoup d'être venu, anima aux éditions Albin Michel,
18:44 de l'âme, de l'asco au transhumanisme.

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