Retrouvez "Punchline" sur : http://www.europe1.fr/emissions/punchline
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00:00 18h40, on se retrouve en direct dans Paul Schein sur CNews et sur Europe 1.
00:03 On va prendre de la hauteur avec vous, Jean-Luc Barré.
00:05 Bonsoir. Merci beaucoup d'être là.
00:06 Historien, vous êtes l'auteur du livre de l'année, à mes yeux.
00:09 Ce livre, De Gaulle une vie, l'homme de personne,
00:12 1890-1944, aux éditions Grasset.
00:15 C'est magistral. J'espère qu'il y aura d'autres tomes derrière.
00:19 - Il y en a 12. - Vous viendrez nous en parler.
00:21 À la lumière de la petite crise que l'on traverse aujourd'hui,
00:25 est-ce qu'on parle d'une crise ou d'une petite crise politique,
00:29 une crise des partis, une crise des institutions ?
00:31 Quel aurait été, encore une fois, le jugement du général De Gaulle
00:34 sur ce que nous traversons ?
00:36 Je me refuse un peu à dire ce qu'il aurait pu penser,
00:38 mais on peut l'imaginer, en tout cas.
00:40 Crise politique, oui.
00:41 À côté des grandes crises qu'il a traversées,
00:43 celle-là est assez mineure, relativisant les choses.
00:45 - Une petite secousse. - Mais crise des institutions, sans doute.
00:48 Parce que c'est une crise latente depuis longtemps.
00:51 De Gaulle a voulu certaines institutions, on s'en est éloigné.
00:54 L'air de rien, tranquillement.
00:56 Et le pouvoir exécutif actuel est un pouvoir
00:59 qui ne ressemble pas du tout à ce que souhaitait le général De Gaulle.
01:01 On a affaire à un président qui se mêle d'absolument de tout
01:05 et qui a, en plus, fragilisé le système
01:07 parce que les dernières élections législatives
01:10 n'ont pas donné, pour la première fois depuis bien longtemps,
01:13 dans l'histoire de la Ve, une majorité qui permet de gouverner.
01:16 Ce qui renforce, d'ailleurs, le fonctionnement,
01:19 d'une certaine manière, du Parlement,
01:20 puisqu'on a bien vu dans cette loi
01:23 qu'au fond, ce sont les partis,
01:25 c'est le Parlement qui a décidé quasiment à la place de l'exécutif,
01:28 qui en est réduit maintenant, d'ailleurs,
01:30 à se servir du Conseil constitutionnel.
01:31 C'est un comble pour réparer une loi...
01:33 J'allais vous dire, imagine-t-on le général De Gaulle
01:36 en appeler au Conseil constitutionnel
01:37 pour amender une loi que son gouvernement aurait pas fait ?
01:40 C'est pas la vocation, pour lui, du Conseil constitutionnel.
01:42 C'est presque une sorte d'instrumentalisation...
01:46 - En tout cas, je... - Oui, j'arrive pas à le dire.
01:48 - Éric Nolot. - Politiquement.
01:50 Mais non, parce que l'instru... Voilà.
01:52 Il se sert, en tout cas, politiquement, du Conseil.
01:54 Est-ce qu'on s'est éloigné des institutions
01:55 où, au fond, la Ve République était taillée
01:57 pour un homme exceptionnel et des circonstances exceptionnelles ?
02:00 - Non. - Est-ce que...
02:02 Il n'y a plus d'adéquation entre l'envergure
02:05 de nos hommes politiques et nos institutions ?
02:07 Non, elles ont plutôt bien fonctionné
02:09 sous Georges Pompidou, je vais pas faire la liste,
02:11 sous François Mitterrand, sous Jacques Chirac,
02:13 elles ont évité des crises.
02:14 C'est quand même un élément de solidité
02:16 face à des crises majeures,
02:18 ou des guerres, ou des conflits, ou des circonstances tragiques.
02:21 Donc, elles ont fonctionné.
02:22 Le problème, c'est que quand c'est éloigné,
02:24 le quinquennat a été un éloignement,
02:25 même la loi sur le cumul des mandats
02:27 a été une manière de fragiliser, finalement,
02:29 le rapport entre les élus et le peuple.
02:31 Enfin, il y a eu toute une série,
02:34 progressivement, d'abandons, l'air de rien,
02:36 et je pense que ça s'est vraiment accéléré
02:38 avec Emmanuel Macron, parce qu'il a, d'une certaine manière,
02:42 incarné une espèce de pouvoir quasi narcissique,
02:45 qui est très, très loin de ce que voulait le général de Gaulle.
02:47 Je rappelle que le général de Gaulle voulait un président
02:50 qui préside et un gouvernement qui gouverne.
02:52 Aujourd'hui, on a un président qui préside à outrand,
02:55 si je puis dire, et qui décide à peu près tout,
02:57 qui fait même des commentaires sur des histoires de mœurs.
03:00 Enfin, on croit rêver.
03:01 Et un gouvernement qui ne gouverne pas vraiment,
03:05 puisque le président s'exprime au nom de tous les ministres
03:07 et en piède sur tous les territoires ministériels.
03:09 Alors, Éric Revel...
03:11 Le président de la République, qui, lors d'une interview,
03:13 l'actuel, avait même souhaité la création
03:15 d'une filière de pompe à chaleur.
03:16 Je ne sais pas si vous vous souvenez.
03:17 J'invente rien. Mais là, le bandeau est intéressant.
03:19 Je trouve la Ve République un modèle dépassé.
03:22 Est-ce que, comme le souhaitent certains,
03:23 il faudrait passer à la VIe République ?
03:25 Mais surtout pas.
03:26 C'est le pire.
03:27 Mais les institutions, telles qu'elles sont...
03:31 Le problème des institutions, c'est qu'on ne les applique plus.
03:34 C'est pour ça qu'on veut les changer.
03:35 Ce sont les seules institutions qui ont tenu sur tant d'années,
03:40 qui ont traversé tant de crises, tant de problèmes,
03:43 et qui ont résisté. Elles sont là.
03:45 La IVe est un système fragile, la IIIe est un système fragile,
03:48 la Ve n'est pas un système fragile.
03:50 Simplement, encore une fois, il faut que les gouvernants
03:52 soient à la hauteur des institutions et les appliquent véritablement.
03:54 Si ce n'est pas le cas, en effet, ces institutions peuvent être revues,
03:57 mais au bénéfice de quoi ?
03:59 Qu'est-ce que nous vivons en ce moment ?
04:00 Nous vivons, d'une certaine manière,
04:02 le retour masqué de la IVe République
04:05 sous la Ve République.
04:07 C'est ça que nous vivons.
04:08 Et qu'est-ce que ça donne ?
04:09 Ça donne ce que nous l'avons de vie.
04:11 Donc, le régime des partis.
04:12 Il n'y a pas d'alternative, en réalité.
04:14 Alors, justement, Jean-Luc Barré,
04:15 je souscris à tout ce que vous dites,
04:17 mais la question que je me pose,
04:18 est-ce qu'il est possible de revenir à l'esprit originel
04:21 de la Ve République ?
04:22 Est-ce qu'on peut encore...
04:23 Ce serait faisable de manière réaliste ?
04:25 Ça dépend, effectivement, des gens qui seront après Emmanuel Macron élu
04:29 et qui auront ou non cette capacité.
04:31 C'est toujours possible de le faire.
04:32 Ça a été fait par Jacques Chirac,
04:33 ça a été fait par François Mitterrand,
04:35 ça a été fait par Valéry Giscard d'Estaing,
04:37 qui ont tous été des présidents en conformité,
04:40 dans leur style, bien sûr, avec l'esprit de la Ve.
04:43 Si on ne fait pas ça,
04:44 on reviendra à des crises politiques permanentes
04:46 et ce pays redeviendra ingouvernable.
04:48 J'aimerais vous faire écouter une archive, Jean-Luc Barré.
04:50 On est évidemment allés chercher dans les archives de l'INA
04:53 une archive du général de Gaulle.
04:55 Là, il revient sur ce qu'est la France.
04:56 Pour lui, il dit que ce n'est ni la droite ni la gauche,
04:58 c'est autre chose.
04:59 Écoutez le général de Gaulle.
05:01 La France, c'est tout à la fois, c'est tous les Français.
05:06 Ce n'est pas la gauche, la France.
05:09 Ce n'est pas la droite, la France.
05:12 Prétendre faire la France avec une fraction,
05:17 c'est une erreur grave.
05:19 Et prétendre représenter la France
05:23 au nom d'une fraction,
05:26 cela, c'est une erreur nationale impardonnable.
05:31 Le fait que les partisans de droite
05:35 et les partisans de gauche
05:38 me déclarent que j'appartiens à l'autre côté,
05:42 prouve précisément ce que je vous dis.
05:46 C'est-à-dire que maintenant, comme toujours,
05:49 je ne suis pas d'un côté, je ne suis pas de l'autre,
05:51 je suis pour la France.
05:53 C'est limpide, Jean-Luc Barré.
05:55 Oui, mais c'est toute la différence avec le "en même temps",
05:57 qui est une invention assez diabolique, au fond.
05:59 Parce que ça consiste en permanence à ne vraiment...
06:01 à opposer un choix à l'autre,
06:03 à dire une chose et son contraire sur tous les sujets.
06:05 Ce que de Gaulle avait fait...
06:06 D'abord, de Gaulle était hanté par l'idée de l'unité nationale.
06:09 Il savait très bien que ce pays était tout à fait prédisposé
06:12 à se diviser, à se chamailler.
06:14 C'était l'origine, d'ailleurs, de beaucoup de crises,
06:16 de problèmes, d'où l'idée d'institution forte.
06:19 Et donc, chez lui, il y a l'idée que...
06:22 C'est d'abord... La seule référence, c'est la France.
06:23 C'est quoi, la France ? C'est l'histoire de la France.
06:25 C'est les valeurs de la France, c'est la République,
06:27 parce qu'il a fini par devenir un républicain.
06:29 Il ne l'a pas toujours été.
06:30 En tout cas, il n'était pas à l'origine,
06:31 mais il a compris que c'était la continuité historique.
06:33 Et on se réfère à ce qu'est l'histoire, à l'identité de la France.
06:36 Toute la France. C'est intéressant, ce qu'il dit.
06:38 Ce n'est pas une partie de la France contre l'autre.
06:40 Ce n'est pas telle race ou telle partie,
06:42 ou telle minorité, ou tout tel courant.
06:44 Non, c'est toute la France.
06:46 C'est d'ailleurs un discours qui s'oppose en soi à tous les extrêmes.
06:49 Ce n'est pas un discours extrémiste.
06:50 D'ailleurs, De Gaulle, en 1944, avait dit une phrase intéressante.
06:54 Il avait dit "Je ne veux pas d'une France xénophobe et maurassienne".
06:57 Donc, pas une France derrière ses frontières,
07:00 apeurée, inquiète, ce qui ne veut pas dire
07:02 qu'il ne faut pas tenir compte des problèmes qui peuvent se poser.
07:05 - Aujourd'hui. - Les questions de l'immigration,
07:06 bien sûr, se posent.
07:07 Mais donc, c'est un discours qui est l'anti en même temps.
07:11 C'est le choix.
07:12 De Gaulle, ça a toujours été des choix,
07:14 mais qui ne se fondaient pas sur l'intérêt d'un parti,
07:16 mais qui se fondaient sur ce qui pensait être l'intérêt de la France.
07:18 On a beaucoup évoqué la question du référendum
07:20 sur la question de l'immigration.
07:22 On sait que le général en a fait un usage immodéré
07:25 qui ne lui a pas porté chance.
07:29 C'est une solution ou pas ?
07:30 D'abord, c'est un système qui lui a porté chance longtemps,
07:33 puisque c'est ainsi qu'il a installé les institutions de la Ve,
07:36 même que sur l'affaire algérienne, il a pu consulter le peuple.
07:39 De Gaulle tenait beaucoup à ce rapport au peuple.
07:41 Et c'est vrai qu'il n'aimait pas beaucoup les intermédiaires,
07:43 et c'est vrai qu'il n'aimait pas beaucoup le Parlement,
07:45 on ne va pas se cacher la vérité.
07:46 Et donc, ce rapport au peuple, qui, pour lui,
07:48 devait être le rapport instauré par le président de la République.
07:51 Quand il y a une crise majeure, eh bien, la dissolution, pourquoi pas ?
07:54 Il a dissous l'Assemblée à deux reprises,
07:57 et il a gagné les élections les deux fois.
07:59 Ou le référendum, qui est une manière de dire,
08:01 "Est-ce que je suis encore légitime ?
08:03 Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?"
08:04 Surtout quand il y a une crise.
08:05 On peut se poser la question aujourd'hui de savoir
08:07 si la dissolution ne serait pas une chose opportune,
08:08 mais nous savons tous, évidemment, qu'elle va se traduire
08:11 par un raz-de-marée du Front National, ou en tout cas, qu'il y a ce risque-là.
08:14 Mais dans l'esprit des institutions,
08:16 c'est là aussi que l'on s'est éloigné de l'esprit de la Ve.
08:19 Là, la dissolution et le référendum font partie.
08:23 On en a peur, aujourd'hui. - On en a peur.
08:24 Tous nos dirigeants en ont peur.
08:26 - On en a peur, parce qu'il y a peut-être des Français qui vont peut-être voter.
08:28 Mais c'est le rapport de confiance que De Gaulle avait avec les Français.
08:31 Et puis, si les Français désavouent le président, le président s'en va.
08:35 - Mais n'est pas De Gaulle qui veut.
08:36 - Ce n'est pas le style de ceux qui ont suivi.
08:38 - Eric Nelou ou Arachel, peut-être ?
08:41 - Il avait quand même dit "les Français sont des vaux",
08:43 comme ce n'était pas très...
08:44 - Non, il a dit... Ecoutez, ça, ça fait partie des phrases...
08:47 Je m'attendais, mais vous ne l'avez pas fait,
08:48 je vais le faire à votre place.
08:50 La fameuse phrase "Colombe et les Domosquets",
08:52 ça, je ne l'ai jamais entendue.
08:53 - Il l'a prononcée.
08:55 - Son fils dit qu'il ne l'a jamais fait,
08:57 il ne fait pas le rapport.
08:58 De Gaulle était un homme qui avait des formules à l'emporte-pièce.
09:01 Ça voulait dire souvent beaucoup de choses.
09:03 C'était une part de vérité, simplement.
09:04 - OK.
09:05 - Mais une part de vérité, c'est intéressant.
09:07 - Oui, une part de vérité.
09:08 Non, mais il avait vu... Non, mais il a vu les Français aussi en 40.
09:10 Il a vu beaucoup de gens, il a vu le comportement,
09:12 en effet, parfois du peuple.
09:14 Mais pour autant, il tenait à se...
09:16 Au fond, c'est un vrai démocrate, De Gaulle, de ce point de vue-là.
09:17 C'est-à-dire qu'il a peut-être un peu Bonapartiste,
09:19 mais il tient à ce lien...
09:21 - Au moment, oui.
09:22 - Non, mais c'est essentiel.
09:23 Écoutez, un président qui, désavoué sur un référendum,
09:26 quitte le pouvoir.
09:28 On a depuis autre chose qu'on a inventé, la cohabitation,
09:31 qui fait que même battu, on reste au pouvoir.
09:33 - Mais comment vous expliquez quand même qu'en matière de gaullisme,
09:35 il y ait beaucoup plus de croyants que de pratiquants ?
09:38 Parce qu'il se fait forme d'unanimité autour de De Gaulle.
09:41 Même des gens qui avaient des paroles très sévères
09:43 deviennent gaullistes ou en tout cas crypto-gaullistes,
09:46 mais il y a peu de gens qui mettent en application ses préceptes,
09:49 sa vision, sa manière de faire de la politique.
09:50 - D'abord, je pense qu'il n'y a pas de précepte du gaullisme.
09:53 - Là, ce qu'on a entendu, il y a une forme de philosophie.
09:56 - C'est-à-dire on dépasse des clivages,
09:59 on dépasse les familles politiques.
10:00 Ça, c'est autre chose.
10:02 Effectivement, c'est une culture de la France
10:05 qu'il faut avoir à ce moment-là.
10:06 Un élément important dans le gaullisme,
10:08 c'est une école d'énergie,
10:09 c'est aussi le refus du déclin, de la fatalité.
10:12 Ce qui est important, aujourd'hui,
10:13 on n'entend que des discours déclinistes de tous les côtés.
10:16 Si on est gaulliste, on ne peut pas se dire
10:19 que la France est en déclin,
10:20 même si, encore une fois, elle est confrontée à des problèmes.
10:22 Mais je crois que, pour le gaullisme,
10:24 il n'y a pas de dogme,
10:26 il y a simplement qu'en mon amour, il y a des preuves de gaullisme.
10:29 Je pense que, par exemple, Jacques Chirac,
10:30 à propos de l'Irak,
10:32 a prouvé, lui, qui n'était pas un gaulliste absolu, je dirais,
10:35 il a prouvé là que l'indépendance de la France,
10:38 il l'a défendue, en ça, il était gaulliste.
10:40 Je crois que ce sont des actes, ce sont des moments,
10:42 des réactions à des circonstances particulières.
10:44 - Louis Draguet... - Mais il y a aussi des personnes.
10:46 Parce qu'il y a une dizaine d'années,
10:48 il y a une question qui avait été posée au concours de l'ENA,
10:50 question de dissertation, "Restent-ils encore des grands hommes ?"
10:53 Et je trouve que la question est très intéressante,
10:55 et je vous la pose.
10:56 Est-ce que c'est l'époque qui produit les hommes
10:58 ou est-ce que, vraiment, il y a des hommes qui naissent
11:00 et qui surgissent comme ça ?
11:02 Est-ce qu'il y a encore des grands hommes, là, aujourd'hui ?
11:04 Sans donner de nom.
11:05 Vous savez, je pense que le 18 juin 40,
11:08 si on avait posé la même question que vous,
11:09 je ne pense pas qu'on aurait cité Charles de Gaulle.
11:11 Donc il y a eu un événement majeur, combien ?
11:14 La défaite, à ce point-là, la débâcle.
11:16 Mais il était prêt. En effet, je ne crois pas qu'il y en ait un,
11:18 mais je crois que les événements peuvent aussi...
11:20 - Créer des hommes. - Créer ces hommes.
11:21 Mais je crois aussi qu'il y a un état de préparation.
11:23 Ce qui manque à la classe politique actuelle,
11:25 c'est qu'elle est obsédée par la carrière.
11:26 Si vous n'êtes pas pris en République à 25 ans ou à 30 ans,
11:29 c'est déjà un drame.
11:30 Regardez ce qu'on essaie de nous expliquer,
11:32 que M. Bardet, là... - C'est un vrai drame.
11:34 - Après, parce qu'il n'y a pas d'expérience.
11:35 Donc je pense qu'avant de Gaulle, vous savez,
11:38 au fond, il y a eu Clémenceau,
11:40 puis il faut remonter à Napoléon pour trouver un grand homme.
11:42 Donc il y a des longues périodes pendant lesquelles, en effet,
11:45 il n'y a pas ce genre de personnage.
11:47 Aujourd'hui, je n'en vois pas un, mais il peut tout à fait survenir.
11:50 - Ça peut surgir. - Oui.
11:51 - Bien sûr. - Soyons fous.
11:53 - Une question stupide pour terminer. - Éric Revelle.
11:55 - Alors, je n'ai pas lu votre livre. - Non, non.
11:56 - Pas encore. - Déjà ?
11:58 - Oui, mais vous allez voir. - Moi, je suis très triste.
12:00 - Moi, je suis tombé... - Oui, bien sûr.
12:01 - Non, non, non. - Monsieur...
12:03 J'ai tombé amoureux des trois tonnes de la couture sur De Gaulle.
12:06 - Le film de l'épée. - C'est bien la preuve
12:07 qu'il est temps de lire mon livre.
12:09 Alors voilà, expliquez-moi. Expliquez-moi.
12:12 - Donc la couture, vous nous le taillez. - Non, pas du tout.
12:14 - Vous nous taillez, Jean. - Non, pas du tout.
12:16 Alors, Éric, vous avez une question ou un petit...
12:17 Oui, qu'est-ce qui différencie le travail monumental que vous faites ?
12:21 - Vous avez une... - De mes trois tonnes,
12:22 - j'ai une heure ou pas ? - On a moins qu'une heure.
12:25 - On a moins qu'une heure. - Non, c'est simplement...
12:26 - C'est une question. - Je dirais simplement
12:28 que mon livre de Jean de la Couture date de 40 ans.
12:29 C'est un moment où, d'ailleurs, il se fondait pas sur des archives,
12:34 en l'occurrence, alors que je me fonde sur les archives
12:36 directement du Général, et d'autre part,
12:38 c'est très important, le livre de la couture,
12:39 parce que c'est un moment où la gauche a essayé
12:41 de récupérer la mémoire de De Gaulle.
12:43 Et donc, la couture a en partie servi cela,
12:46 en ce sens que lui, qui avait combattu De Gaulle toute sa vie,
12:49 a découvert, après la mort de De Gaulle, qu'il y avait un grand homme.
12:52 Donc il a écrit un livre qui est très différent du mien.
12:54 Moi, parce que je suis gaulliste,
12:56 je me suis imposé une distance réelle,
12:58 alors que lui a écrit le livre d'un converti,
13:00 ce qui change tout, c'est-à-dire une hagiographie,
13:02 quelque chose de trop hagiographique.
13:04 Jean-Luc Barré, aujourd'hui, tout le monde veut récupérer De Gaulle.
13:07 On est d'accord ?
13:08 Pardon, j'ai pas entendu.
13:09 Oui, mais il est très discipliné.
13:11 Aujourd'hui, vous disiez à l'époque que c'est la gauche qui voulait récupérer.
13:13 Aujourd'hui, tout le monde veut récupérer De Gaulle.
13:15 Oui, mais c'est le problème, précisément,
13:17 et c'est une des raisons de ce livre, d'ailleurs,
13:19 y compris l'extrême droite, pardon, qui veut récupérer De Gaulle,
13:21 qui va se genouiller devant sa tombe,
13:24 alors que l'histoire de l'extrême droite
13:26 est incompatible avec le gaullisme, en grande partie.
13:29 Donc, aujourd'hui, c'est la confusion mémoriale,
13:31 c'est-à-dire qu'il n'y a plus de repères,
13:33 et qu'à partir de ce moment-là,
13:34 De Gaulle est finalement la seule bouée de sauvetage.
13:35 On se dit "Ah, il reste De Gaulle".
13:37 Et donc, il y a énormément de malentendus à partir de là,
13:40 parce que c'est une école d'exigence, le gaullisme.
13:42 Et De Gaulle, si on se réfère à De Gaulle,
13:44 on ne peut pas faire n'importe quoi, on ne peut pas dire n'importe quoi,
13:46 et en tout cas, il y a des exemples,
13:49 il y a quelque chose d'exemplaire dans son action,
13:51 des attitudes nationales et internationales aussi.
13:55 Et puis, la culture, et justement, avec l'international,
13:59 le lien qu'il entretenait avec Senghor.
14:02 Oui, bien sûr.
14:03 Je trouvais, en fait, le dialogue entre ces deux hommes,
14:06 entre le général De Gaulle, il y a eu les indépendances,
14:10 puis un homme qui devient professeur de latin en France,
14:14 académicien, et qui devient président,
14:16 le premier président du Sénégal.
14:18 Je trouve que c'est...
14:19 Vous savez, aujourd'hui, la différence avec l'époque de De Gaulle,
14:22 il y en a beaucoup, évidemment,
14:24 c'est que De Gaulle avait compris que la France avait un rôle de médiation.
14:27 La nation française devait être tournée vers l'extérieur.
14:31 Aujourd'hui, on est fâché à peu près avec tous les pays du monde.
14:34 Plus ou moins, on est fâché avec la Russie,
14:35 on est fâché avec une grande partie de l'Afrique,
14:37 on est fâché avec le Maroc, on est fâché avec l'Algérie.
14:40 On est dans une posture très bizarre,
14:41 on est très éloigné du monde arabe,
14:43 et puis on tient un langage qui est toujours contradictoire,
14:46 donc au fond, personne ne s'y retrouve.
14:48 Et De Gaulle avait compris que,
14:50 à défaut d'être une grande puissance comme elle l'avait été,
14:53 la France avait une sorte de vocation à l'universalité,
14:57 et en tout cas, à accompagner les autres nations et être présente.
14:59 Elle avait un rôle de médiation que l'on a perdu, naturellement.
15:02 Écoutez, Jean-Luc Barré, merci d'être venu ce soir
15:04 dans "Punchline", "Tencent News", "Ease of Europe".
15:05 Votre livre, vraiment, je le recommande
15:07 à nos téléspectateurs, à nos auditeurs.
15:08 - Si vous voulez faire... - Je voulais des canettes de Noël.
15:09 Ah oui, vraiment, si vous voulez faire plaisir à quelqu'un de votre famille,
15:12 - je vous dis à votre place, Jean-Luc Barré. - votre livre est un chef-d'oeuvre.
15:13 De Gaulle, une vie, 1er tome, "L'homme de personne",
15:16 dès 1890, 1944, aux éditions Grasse.