Passer au playerPasser au contenu principalPasser au pied de page
  • avant-hier

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Europe 1 Soir, 19h21, Pierre de Villeneuve.
00:04En deuxième heure, bonsoir Gabrielle Cluzel, rédactrice en chef du site Boulevard Voltaire.
00:09Bonsoir Louis Ouzalter, journaliste politique au Figaro.
00:13Et bonsoir à vous Georges-Marc Benhamou, ancien collègue d'Europe 1, faut-il le préciser,
00:18journaliste, documentariste au siècle dernier, producteur, auteur de nombreux livres,
00:23je le disais tout à l'heure, entre l'Algérie et la France,
00:27ces relations qui n'ont pas toujours été faciles et c'est un douze euphémisme.
00:31Vous étiez à Matignon il y a tout juste quelques minutes,
00:35où le Premier ministre recevait les membres du comité de soutien de Boilem Sans Salle.
00:41Qu'est-ce qui s'est dit exactement, Georges-Marc Benhamou ?
00:44D'abord, il était important de marquer les cinq mois de l'embâtiment de Boilem Sans Salle,
00:49cinq mois aujourd'hui, et on a été sensibles à ce que le Premier ministre nous reçoive comme un acte politique.
00:55Noël Lenoir, l'ancien ministre, président du comité,
00:59qui était notre invité il y a quelques jours,
01:01Stéphane Rosès, l'ambassadeur de Riancourt,
01:04et d'un comité qui a deux mille membres,
01:07qui est très mobilisé sur le plan international, sur le plan national, sur le plan municipal,
01:12et qui s'inquiète de savoir quand est-ce qu'il va être libéré.
01:15On a le sentiment d'être pris,
01:17enfin c'est surtout Boilem Sans Salle,
01:19en otage dans cette terrible relation franco-algérienne,
01:22dont on va probablement parler,
01:24et que le temps passe,
01:26et que l'inquiétude grandit.
01:29Alors la relation franco-algérienne, justement, parlons-en,
01:33on a eu deux méthodes qui ont été avancées,
01:36il y a quelques semaines,
01:38une première méthode qui était celle de Bruno Retailleau,
01:41rapidement suivie par François Bayrou qui était la méthode forte,
01:44et puis une méthode douce,
01:47Jean-Noël Barraud était mon invité dans le grand rendez-vous Europe 1 CNews Les Echos il y a quelques semaines,
01:52et qui nous disait, vous savez, la méthode forte ça marche pas,
01:54il faut laisser faire la diplomatie,
01:56et d'ailleurs, très vite,
01:58ces deux courants au sein du même gouvernement se sont imposés,
02:01Jean-Noël Barraud a repris entre guillemets la main,
02:05Emmanuel Macron lui-même a appelé le président Téboune,
02:08Jean-Noël Barraud a fini par aller en Algérie,
02:10et il est revenu, non pas Vredouille, mais déjà il est revenu sans Boilem, sans Sale,
02:15alors qu'il y avait quelques frémissements pour dire que peut-être,
02:20par le plus grand des bonheurs, on pourrait revenir avec notre ami écrivain,
02:26finalement, aujourd'hui, il n'y a aucune de ces méthodes qui marche, Georges-Marc Benhamou ?
02:32En tout cas, c'est quand même de la responsabilité du président de la République
02:36qui est garant de cette relation avec l'Algérie,
02:39et son ami le président Téboune, ou son ancien ami,
02:43Jean-Noël Barraud,
02:44de ramener Boilem sans Sale,
02:48et qu'il ne soit pas l'otage de la relation Macron-Téboune,
02:51si je la personnalise.
02:53Moi, je n'en ai rien inséré de la méthode douce,
02:58à laquelle je ne crois pas, ni de la méthode dure.
03:00La méthode de Retailleau, c'est simplement dire les choses,
03:04qu'il faut avoir un équilibre dans les relations bilatérales,
03:07qui a une cause humanitaire, qui a un immense écrivain,
03:10qui a 80 ans, qui a atteint un cancer,
03:13qui ne peut pas être vu par des médecins de confiance,
03:17qui n'a pas d'avocat,
03:19qui a refusé ses avocats comme idophis,
03:22qui n'avait pas confiance,
03:24et qui n'a pas le droit d'avoir d'avocat français,
03:25puisqu'il est juif.
03:27Je veux dire, comment faire,
03:29quand on est face à une telle injustice ?
03:31Donc, pour l'instant, moi, je n'arbitre pas le match
03:34entre M. Barraud et M. Retailleau,
03:37c'est un peu le sens de la déclaration du Premier ministre,
03:40et je ne comprends pas que le Président de la République...
03:41Je ne vous demande pas d'arbitrer, Georges-Marc Bernal,
03:43mais j'ai envie de dire, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
03:45Il faut poser la question au Président de la République.
03:47La semaine dernière, il nous a dit,
03:49je suis optimiste.
03:50Non, non, mais maintenant,
03:53voilà, donc moi, je ne suis pas un diplomate,
03:55on est des amis d'un immense écrivain
03:58qui est en train de crever,
04:01et je ne veux pas qu'on soit otage,
04:02et le comité ne veut pas être otage,
04:04méthode douce, méthode pas douce,
04:06ni de connecter avec ce qui s'est passé
04:08dans des affaires sombres
04:09sur le territoire français,
04:12qui sont bien sûr scandaleuses.
04:13Il y a un homme qui est en train de mourir,
04:17je veux dire, on a connu Solzhenitsyn,
04:18on a réussi à le faire sortir,
04:20Navalny a crevé dans les geôles.
04:23Donc voilà, il n'est pas question
04:25de le laisser mourir en prison.
04:26C'est aussi simple que ça.
04:27Plus altère.
04:28Est-ce qu'il y a Matignon,
04:29ou de la part d'autres autorités officielles françaises,
04:31d'ailleurs, on a pu vous donner des informations
04:32sur la nature de la négociation,
04:35puisque négociation il y a, nous dit-on,
04:37et c'est ce que sous-entendent les propos
04:38d'Emmanuel Macron depuis plusieurs semaines,
04:40est-ce qu'on a pu vous donner des informations là-dessus,
04:43et est-ce qu'on vous invite parfois
04:45à la discrétion,
04:47en disant que ça peut compromettre les chances de Bohème sans salle,
04:49sachant que jusqu'ici,
04:50cette méthode, la méthode douce dont on parlait,
04:53n'a pas donné de résultat ?
04:54En tout cas, ce qu'on a choisi,
04:55sans tomber dans la provocation,
04:56et sans vouloir se mêler
04:59des relations diplomatiques et byzantines
05:01entre la France et l'Algérie,
05:02c'est ne pas cesser de protester.
05:05On a commencé à le faire avec Arnaud Benedetti
05:07dès le premier soir.
05:09On a réuni au théâtre,
05:11dans un théâtre, près de 2000 personnes
05:13qui sont venues de tous bords,
05:15sauf, bien sûr, il faut le noter,
05:17les insoumis,
05:18les socialistes,
05:19à part M. Gage et Mme Rossignol,
05:22c'est honneur,
05:24mais on a assisté à la mort de la gauche morale
05:26sur cette histoire.
05:27Là où elle aurait dû se mobiliser en premier lieu,
05:29on a trouvé Mme Rousseau
05:30qui trouvait Boalem Sansal pas net,
05:33l'autre et quelques cinglés
05:35qui ont considéré
05:36qu'il était une sorte de suprémaciste blanc,
05:40Boalem Sansal.
05:41Non, mais on a assisté à tous les délires.
05:43Donc, une certaine gauche est discréditée,
05:46mort de cette gauche morale,
05:47à part, je vous ai dit,
05:48Cazeneuve, Valls, Rossignol,
05:50quelques-uns qui sauvent l'honneur,
05:52mais c'est quand même le comble, quoi.
05:54Et pour les médias de gauche,
05:55c'est un peu pareil au démarrage.
05:58On ne les entend pas.
05:59On disait ce qu'on disait d'Albert Camus,
06:01soutenu par la droite et l'extrême droite.
06:03À l'époque, les sartriens et les anticommunistes
06:06disaient ça pour tuer Camus.
06:08Et ça a fait tant de mal.
06:10C'est ce qu'on a voulu faire
06:11avec Boalem Sansal
06:12et c'est à hurler d'injustice.
06:13On a fait la même chose pour sa génétine, du reste.
06:15On a fait la même chose pour sa génétine.
06:17Quand on connaît un peu l'histoire,
06:18c'est vrai que c'est pour ça que le comparatif...
06:20On a voulu aussi éteindre des causes
06:23comme celle des Harkis
06:24en disant que c'était soutenu par le PAN.
06:26Et pendant 40 ans,
06:27on a baïonné ces causes.
06:29Donc, on nous l'a assez fait
06:30depuis Albert Camus.
06:31Maintenant, ça ne marche plus.
06:32On se retient avec Georges-Marc Benhamou
06:34sur Europe 1.
06:35Question de Gabrielle Cluzel.
06:36Oui, moi je reviens
06:38sur cet optimisme manifesté
06:40dans lequel vous avez quand même
06:41un peu confiance.
06:42Mais est-ce que...
06:43Enfin, disons que...
06:44Dans lequel vous placez vos espoirs peut-être ?
06:46On place vos espoirs.
06:46Voilà, des espérances
06:47pour être un peu moins...
06:49Mais est-ce qu'on a donné
06:52des éléments matériels ?
06:54Qu'est-ce qui fait
06:55qu'Emmanuel Macron se dit optimiste ?
06:59Est-ce que ça a été matérialisé
07:00auprès de votre...
07:01On a rencontré avec le comité
07:03le Premier ministre
07:04qui a voulu marquer
07:04l'événement de ces 5 mois
07:07d'emprisonnement.
07:08On n'a pas vu le président
07:09de la République.
07:12Écoutez, par nature,
07:14il y a un discours officiel
07:15qui a amené à la tempérance.
07:17Une tempérance qu'on n'a pas toujours écoutée
07:19parce que si on n'avait pas hurlé,
07:21si on n'avait pas manifesté,
07:23si des mairies nombreuses
07:24n'avaient pas pris le relais
07:25pour afficher
07:26le portrait de Boilem sans salle,
07:28s'il n'y avait pas cette émotion
07:30qui s'est manifestée à Bruxelles,
07:32au Parlement européen,
07:33au Parlement français,
07:34où Constance Legrippe
07:35a déposé une motion
07:37qui a été votée,
07:38et là aussi j'y reviens,
07:40sauf par les insoumis, bien sûr,
07:42et avec l'abstention
07:43des socialistes,
07:45les enfants de Jaurès
07:47et le Mitterrand, paraît-il.
07:48Georges-Marc Benhamou,
07:49je mets entre parenthèses
07:50le cas de Boilem sans salle,
07:51même si c'est très difficile
07:52pour moi, évidemment,
07:53mais j'en reviens vraiment
07:54au pays,
07:56aujourd'hui,
07:57qui est celui de l'Algérie,
07:58et qui est sans doute
07:59assez différent de l'Algérie
08:01d'il y a quelques décennies.
08:03Aujourd'hui,
08:04quand le président de la République,
08:06vous avez dit,
08:07est en charge,
08:08effectivement,
08:09de retrouver des relations normales
08:13avec ce pays,
08:14comment va-t-il faire ?
08:16Et qu'est-ce que vous pensez
08:18du concept de rente mémorielle ?
08:21C'est-à-dire que le président
08:22est allé très très loin
08:24sur le mea culpa des Français
08:26vis-à-vis de l'Algérie,
08:28et force est de constater
08:29qu'il y a aussi des gens
08:31aujourd'hui qui disent,
08:32en fait,
08:32le président est allé trop loin,
08:33il faut arrêter la culpabilité
08:35avec l'Algérie,
08:36ce n'est pas comme ça
08:36qu'on va y arriver.
08:37Alors, le problème,
08:38c'est que le président de la République
08:39a dit en 2007,
08:42juste avant d'être élu,
08:43dans son...
08:432017.
08:442017, pardon,
08:45juste avant d'être élu,
08:46il a parlé,
08:47et on l'a suffisamment commenté,
08:49de la colonisation française
08:51en Algérie
08:51comme d'un crime
08:52contre l'humanité,
08:53ce qui est une dimension
08:54juridique et morale
08:55qui n'avait jamais été abordée
08:57et qui a scandalisé.
08:58On a cru à l'absus
08:59et il y a eu beaucoup de polémiques
09:02et de débats là-dessus.
09:04Ensuite, il a dit,
09:05il y a deux ou trois ans,
09:08dans...
09:09je ne sais plus quel journal,
09:10que le gouvernement FLN
09:13utilisait la rente mémorielle
09:15pour soutenir l'Algérie,
09:16ce qui est à peu près
09:17la thèse de Valeurs Actuelles.
09:18C'est-à-dire qu'il est passé
09:19du discours du FLN
09:20au discours de Valeurs Actuelles
09:22en six ou sept ans.
09:24Donc, c'est vrai que le spectre est large.
09:26Mais, donc, quel président est-il ?
09:28Celui qui dit
09:29crime contre l'humanité
09:30ou celui qui est d'accord
09:31avec Valeurs Actuelles,
09:32les rentes mémorielles.
09:34Voilà, pour en revenir.
09:35Alors, rente mémorielle,
09:36oui, c'est devenu un concept,
09:37mais il est évident,
09:39c'est devenu presque imponcif,
09:40hélas, pour ce beau et grand pays
09:42que ce régime ne se survit
09:45dans sa minorité armée,
09:49argentée, etc.
09:49Qui se serve de ce que j'ai appelé
09:51un concept.
09:51De la rente mémorielle.
09:52Et que la question nationale
09:54ne se pose pas
09:54avec la même acuité au Maroc
09:56où il y a une tradition administrative
09:58qui remonte à Louis XIV,
09:59Tandis que l'Algérie
10:01a été conquis
10:03et colonisée par la Turquie.
10:05Puis, la régence d'Alger
10:07qui était un tout petit bout
10:08de l'Algérie
10:09a été conquis par la France.
10:11Et que la seule...
10:12Et ce n'est pas péjoratif
10:14que de le dire,
10:15la seule construction identitaire,
10:16c'est une construction antifrançaise.
10:18C'est une construction contre le colonisateur.
10:21Et qui est en train de grimper aujourd'hui.
10:23Oui, avec le relais
10:24pris par les soviétiques tout de suite.
10:26Les français s'en vont,
10:27les soviétiques arrivent
10:28dans les universités,
10:29les écoles,
10:30enfin, dès 1962.
10:31Rappelons-nous que 1965,
10:33la mecque du tiers-mondisme,
10:36c'était Alger.
10:37C'est la mecque des révolutionnaires.
10:38Donc, ça s'est installé très vite,
10:40ça s'est sédimenté très vite.
10:41Et nous avons un régime
10:43qui est en effet
10:44l'héritier de tout cela.
10:46Moi, je ne suis pas un spécialiste
10:47de la colonisation ni de l'Algérie,
10:49mais j'ai écrit un livre
10:50camusien ou manésiste,
10:52pour vous dire,
10:53plutôt sur...
10:54Il n'est pas question aujourd'hui
10:56de défendre la colonisation.
10:58On pourra en parler longuement.
10:59C'est une utopie de gauche
11:00qui a échoué dans ses contradictions.
11:02C'est une utopie de gauche
11:03qui a refusé de donner la nationalité,
11:06d'aller au bout de son rêve
11:08sous la Troisième République
11:09et qui se fracasse très vite
11:11sur la réalité.
11:13C'est presque une banalité de le dire.
11:14Mais ce qui a été raté,
11:16c'est la décolonisation.
11:18Et c'est là où les générations
11:19de nos parents,
11:20de nos grands-parents,
11:21sont les plus fautifs.
11:22On a largué l'Algérie
11:24au pire des gouvernants,
11:27ou à l'FLN,
11:27des sens non démocratiques.
11:30Europe 1 soir,
11:3219h, 21h,
11:33Pierre de Villeneuve.
11:35Toujours avec Louis Ozelter du Figaro
11:36et Gabriel Cluzel de Boulevard Voltaire,
11:39nous recevons Georges-Marc Benhamou,
11:41journaliste, documentariste, producteur,
11:43membre du comité de soutien
11:44à Boilem Sansal.
11:45On était en train de parler
11:46de l'histoire de l'Algérie
11:48et comment est-ce que tout cela
11:49s'est cristallisé après cette guerre
11:52de l'Algérie.
11:53et comment est-ce qu'aujourd'hui
11:55les Algériens
11:57et notamment cette génération
12:00qui a aujourd'hui
12:01entre 18 et 35 ans
12:03nous regardent,
12:04nous Français,
12:04terribles colonisateurs,
12:06je pourrais enchaîner
12:09les péjoratifs,
12:10les adjectifs terribles
12:12qui nous concernent,
12:14nous Français aujourd'hui.
12:14Comment est-ce qu'on en est arrivé là,
12:16Georges-Marc Benhamou ?
12:17Déjà l'ère Internet
12:19et celle de la confusion mentale
12:21et des punchlines,
12:23c'est facile de faire
12:25des punchlines sur cette histoire
12:26qui est contrastée,
12:28qui est l'histoire d'une colonisation
12:30qui fut brutale
12:31comme toutes les colonisations
12:32et qui sont condamnables
12:34au 21ème siècle,
12:35mais qui n'est pas
12:36la caricature nazifiée
12:38du récit qui est en train
12:40de s'installer
12:41et dont l'origine se trouve
12:43dans les thèses de Jacques Vergès
12:44au moment du procès Barbie.
12:46Au moment du procès Barbie,
12:48il dit, pour simplifier,
12:50vous avez peut-être
12:51couvert le procès Barbie.
12:53Non, mais j'en ai couvert d'autres.
12:56La France a été nazi en Algérie,
12:58donc les nazis ne sont pas
12:59si méchants pour aller vite.
13:00C'est ça.
13:00Donc toute la démonstration
13:02de cette nazification,
13:04c'est-à-dire la torture
13:05est insupportable,
13:06mais elle a été dénoncée
13:07par des Français.
13:09Les premiers intellectuels
13:11qui se manifestent
13:13pour le décret Blum-Violet,
13:15c'est Albert Camus en 1936,
13:18les gens qui ouvrent la porte
13:20à l'indépendance
13:22sont d'abord
13:22des patriotes français,
13:24c'est-à-dire que
13:25Ferrat Abbas,
13:27le premier président
13:28de la République algérienne,
13:30est quasiment morassien
13:32pendant la guerre de 1914,
13:33et il est passionnément français
13:35jusqu'en 1936,
13:37où il tape à la porte
13:38de la France
13:39avec les élites.
13:41Messaliadj est un parlementariste
13:43communisant, certes,
13:45mais avec qui
13:46il s'entendait très bien
13:48avec le Parti communiste
13:49et les élites
13:51de la Troisième République.
13:52Le grand tort de la France,
13:54c'est de ne pas avoir
13:55eu d'imagination,
13:57l'imagination qu'elle appelait,
13:59par exemple,
13:59des gens comme Camus,
14:00de ne pas avoir discuté
14:01avec Ferrat Abbas,
14:02qui était un sincère démocrate,
14:04ou avec Messali,
14:05qui voulait jouer
14:05un jeu parlementaire.
14:07Et d'avoir
14:08exaspéré,
14:11finalement,
14:11les passions
14:12pour qu'on se retrouve
14:12avec deux personnes
14:14démonétisées
14:15et des gens du FLN
14:17qui prennent le pouvoir
14:17sur une ligne militariste,
14:19islamiste et totalitaire,
14:21clairement,
14:21en 1954.
14:23C'est-à-dire que
14:23ça pète,
14:25si je puis dire,
14:26en 1954.
14:27Il y a une patience
14:28algérienne de ces démocrates.
14:30Eh bien,
14:30ils n'y arrivent pas.
14:31Eh bien,
14:31on a le droit
14:32à autre chose.
14:34Et là,
14:34c'est radical.
14:35Et ça n'est même pas
14:36pour la même époque.
14:37Ce n'est même pas
14:38la même politique
14:39de libération nationale
14:40que le Vietnam,
14:40puisqu'elle,
14:41à la différence
14:42des Vietcongs,
14:42elle est totalement terroriste.
14:44Elle s'attac
14:44aux populations civiles.
14:46Donc,
14:46de la même manière
14:47que François Furet
14:48a travaillé
14:48sur les sources
14:49de la révolution française,
14:52il faut travailler
14:52sur ces sources-là
14:54d'une certaine violence
14:54politique algérienne.
14:55Nous sommes toujours
14:56avec Georges-Marc Benem
14:57au Sureur
14:58par question de Gabriel
14:58Criselle.
14:59Moi,
14:59il me semble quand même
15:00que le narratif
15:02a été imposé
15:03par une extrême gauche
15:05déjà à l'époque
15:06qui empêchait
15:06d'avoir un vrai regard.
15:08Vous parlez
15:08de ces populations civiles
15:09qui ont été attaquées.
15:10Pardon,
15:11et vous avez raison,
15:12mais quand on relit
15:13ce qui s'est passé,
15:15ça ressemble furieusement
15:16dans certains villages
15:17à ce qui s'est passé
15:17le 7 octobre.
15:19Les Pieds-Noirs,
15:20les Harkis...
15:20Vous parlez de quelle époque ?
15:21Le Philippeville,
15:23toute cette période-là.
15:24C'était déjà
15:25dit d'ailleurs
15:26au cri de la gloire.
15:28Et moi,
15:29ce que je pense,
15:30c'est quand même
15:30que cette mémoire
15:31a été oubliée
15:31avec une forme de lâcheté
15:33par des autorités françaises
15:34qui n'ont jamais
15:35voulu renverser le récit.
15:37Aujourd'hui,
15:37il y a encore des disparus.
15:39Vous voyez,
15:39moi,
15:39quand je vois
15:39comment Israël
15:40se bat pour récupérer
15:41ses otages,
15:43moi,
15:43je me dis,
15:44la France,
15:44jamais,
15:45jamais,
15:45il y a encore des gens.
15:46J'ai rencontré
15:46pour un reportage
15:47encore une dame très âgée
15:48qui m'a dit
15:48mon mari a disparu
15:49un matin à 23 ans.
15:50Je ne l'ai jamais revu.
15:52Je ne sais jamais.
15:52Ils sont combien ?
15:53Il y a une mémoire oubliée.
15:55Sans vouloir défendre
15:57aucunement le colonialisme
15:58ni la répression.
15:59Il faut quand même rappeler
16:00la violence
16:01de la répression de Sétif
16:02qui est un engrenage.
16:04Sétif,
16:05les indépendantistes,
16:06suite à un faux ordre,
16:07d'ailleurs,
16:08égorgent 100 personnes
16:09européens,
16:11mais ça déclenche
16:12la répression
16:13sur des dizaines
16:15de milliers d'Algériens.
16:16Ce que veut le FLN,
16:18c'est au fond
16:18provoquer de la répression
16:19dans laquelle,
16:20hélas,
16:22ce cercle de vie.
16:22Oui,
16:22mais convenons que le récit
16:24n'est pas si maniquain
16:25qu'on vient de croire.
16:25On ne parle pas beaucoup,
16:26en effet,
16:27des 10 000 messalistes,
16:29c'est-à-dire des ennemis
16:30du FLN
16:31qui ont été assassinés
16:32par le FLN.
16:33Ne serait-ce que dans la région
16:34de Lille
16:34où je faisais récemment
16:35une conférence,
16:36il y a eu 800 assassinats
16:37à peu près.
16:38Ça a été documenté.
16:39Et sur toute la France,
16:4010 000 messalistes assassinés.
16:43On n'a pas parlé,
16:43en effet,
16:44et on s'est tués pendant des années
16:46sur le massacre d'Oran
16:47où pendant
16:48de 9h du matin
16:49à 17h le 5 juillet,
16:51jour de l'indépendance,
16:52alors qu'il y avait
16:5218 000 soldats français
16:54cantonnés à Oran,
16:56les ordres des gaullistes
16:57ont été de ne pas intervenir.
16:59J'ai rencontré des gens,
17:00ou en tout cas des parents de gens,
17:02qui suppliaient
17:03et qui se sont fait égorger
17:04devant les vitres
17:06ou les portes
17:06de l'armée
17:08où l'armée
17:08était obligatoirement cantonnée.
17:10Question de Louis aux altères
17:11du Figaro
17:11pour Jean-Marc Benel.
17:12C'est très long,
17:13mais il y a quand même des mémoires
17:14qui sont reconnues.
17:14Le problème de la guerre d'Algérie,
17:15c'est qu'il y a des mémoires différentes
17:17et qui s'opposent
17:18et qui se transmettent
17:19de descendant en descendant.
17:22Emmanuel Macron a quand même
17:23fait un travail
17:23sur la reconnaissance
17:24de la mémoire des harkis.
17:26Il y a la mémoire des pieds noirs
17:27qu'évoquait Gabriel à l'instant.
17:29En fait,
17:29il a tenté d'être le président
17:30de la grande réconciliation
17:32avec l'Algérie
17:33sans avoir réussi
17:34parce qu'il ne rencontrait pas
17:35en face,
17:36il n'a rencontré finalement
17:37aucune réponse
17:38aux concessions mémorielles
17:40que lui faisait.
17:40Comment vous expliquez cela
17:42et à votre avis,
17:43combien de temps ça va durer ?
17:44Est-ce qu'un jour,
17:45dans je ne sais pas
17:45combien d'années,
17:46il peut y avoir en Algérie
17:47une réponse disant
17:48oui, on va faire ce travail
17:49de mémoire
17:49et on va travailler
17:50sur toutes les mémoires,
17:51y compris celles
17:51qu'évoquaient Gabriel Cusel à l'instant ?
17:53Réponse de temps.
17:54Oui, je pense qu'on peut
17:55réconcilier les mémoires.
17:56Les mémoires pieds noirs,
18:00les mémoires arabes,
18:03les mémoires arabes-kabiles,
18:05les mémoires des militaires,
18:07les mémoires des appelés.
18:08Il y a au moins 5 mémoires.
18:09Et je crois qu'on a réussi
18:11le prodige avec Benjamin Storov,
18:13avec qui on n'est pas toujours
18:14en accord politique.
18:15On a fait une saga de 5 heures
18:17qu'on peut voir sur France Télévisions.
18:19On a, je crois,
18:20réconcilié les mémoires
18:21et qui a été vu
18:22à des centaines de milliers de fois
18:24de l'autre côté
18:25de la Méditerranée.
18:26C'est possible entre les hommes.
18:28Ce n'est pas possible
18:28entre les institutions.
18:30Si demain,
18:31le gouvernement algérien
18:32d'aujourd'hui
18:33banalise sa relation
18:35avec la France,
18:36qu'en est-il de cette identité
18:38qu'elle construit aussi
18:38contre la France ?
18:39C'est là aussi...
18:40Mais ça veut dire qu'on aura
18:41deux populations.
18:42C'est-à-dire,
18:42on aura les Algériens
18:43qui sont très nombreux
18:44aujourd'hui en France
18:45et pour une grande partie
18:47sont très contents
18:47d'être en France
18:48et sont pour une partie intégrée.
18:51Et puis,
18:51de l'autre côté,
18:53des Algériens
18:54qui seront dans quoi ?
18:55Dans le...
18:56Soit dans le doigt
18:58sur la couture du pantalon
19:00en se disant
19:00voilà,
19:01on obéit au régime téboune
19:02et on dit
19:02oui,
19:03effectivement,
19:03la France,
19:04ce sont des massacreurs
19:05et ce sont des terribles
19:07ou alors,
19:08ils se diront
19:09par eux-mêmes
19:09que la colonisation française
19:12a fait plus de mal
19:13que de bien à l'Algérie
19:13alors qu'aujourd'hui,
19:15convenons-en,
19:16si l'Algérie
19:17en est au point de vue économique
19:18qu'elle est aujourd'hui,
19:19c'est quand même
19:19en grande partie
19:20grâce à la France
19:21si ce n'est en totalité
19:22grâce à la France.
19:22En tout cas,
19:23c'est que les...
19:24S'ils ont les trains,
19:25s'ils ont les infrastructures,
19:26s'ils ont les routes,
19:27les autos...
19:28Personne n'a été capable
19:29de le reconnaître.
19:29Si le peuple est pauvre
19:33dans un pays très riche
19:34sur le plan minier
19:36et énergétique...
19:39Ce n'est pas la faute de la France.
19:40Voilà,
19:40c'est se poser la question
19:41où sont passées les richesses.
19:43En tout cas,
19:44entre les hommes,
19:45entre les hommes,
19:46les femmes,
19:46par la musique,
19:47par la culture,
19:48ce n'est pas des mots,
19:48par la littérature,
19:50c'est possible
19:50avec une institution
19:51qui ne fonde
19:53son existence
19:54que sur la rente mémorielle,
19:57ça sera difficile.
19:58Donc,
19:58il faut le maximum
20:00de passerelles humaines
20:00et pas de naïveté
20:02ni d'arrogance.
20:04C'est un peuple magnifique.
20:06C'est un peuple
20:07qui s'est construit
20:08une histoire
20:08qui a beaucoup souffert.
20:09Il ne faut pas idéaliser
20:10du tout la situation.
20:12Elle est très contrastée.
20:14Mais,
20:14en tout cas,
20:15c'est très difficile.
20:16Gabriel Cluzel.
20:17Oui,
20:17non,
20:17mais je remarque
20:18que ce grand écart
20:19que vous avez constaté,
20:21c'est Emmanuel Macron.
20:22On le constate quand même
20:23chez aussi Gérald Darmanin,
20:24par exemple,
20:24ce matin,
20:25qui dit
20:25qu'il faut que la rente mémorielle,
20:28ça suffit lui aussi,
20:29un peu ces mots-là.
20:30Il avait quand même été déposé
20:31une gerbe
20:32devant le monument
20:33des martyrs
20:34entre guillemets
20:35du FLN.
20:36Moi,
20:36je n'ai jamais vu
20:36un membre du gouvernement algérien
20:39s'apesantir
20:40sur le sort des pieds noirs.
20:41Et ce qui me perturbe,
20:43c'est que c'est vrai
20:44qu'il y a eu une reconnaissance
20:44des harkis,
20:45mais je crains,
20:47enfin,
20:47en tout cas,
20:47une plus grande reconnaissance
20:49des harkis
20:49qui ont été très longtemps oubliées,
20:51mais je crains
20:51qu'elles soient malheureusement
20:52dans l'idée
20:53de les agréger
20:56à une forme
20:57de victimisation
20:58d'arabes
20:59par la France
21:00pour faire court,
21:01vous voyez.
21:02Et c'est pour ça
21:02qu'on les a détachés,
21:04finalement,
21:05de ce qui s'est passé
21:06avec les pieds noirs,
21:06alors que finalement,
21:07ils ont eu cause commune
21:08quand ils sont arrivés en France.
21:09Oui, mais ce n'est pas une mémoire commune.
21:11Ce n'est pas une mémoire commune.
21:11Ce n'est pas les mêmes personnes.
21:13Ce n'est pas les mêmes personnes.
21:14Sans doute.
21:14Et par ailleurs,
21:14moi, je ne pense pas
21:15que ça a été
21:16les aétés réalisés comme ça.
21:17Je pense que si.
21:18Il ne faut pas racialiser tout comme ça.
21:19Je pense que dans l'esprit
21:21de ceux qui l'ont fait,
21:22c'est l'idée de montrer
21:23que c'est toujours
21:24l'arabe opprimé
21:24par les Français.
21:25Voilà.
21:26Mais ils ont été opprimés
21:28par des Algériens,
21:28en fait.
21:29Nous sommes d'accord.
21:30Ce n'est pas ça qui a été dit.
21:31Attention, les harkis,
21:31ils ont été mal reçus en France.
21:38Mais pourquoi ?
21:39Ils ont dû quitter l'Algérie
21:39parce qu'ils menaçaient
21:40d'être assassinés.
21:41Et on a retenu que cette idée
21:42qu'ils avaient été mal reçus en France.
21:44Mais vous voyez,
21:45c'est ça qui m'a profondément dérangé.
21:47La vraie question,
21:48quand j'ai sorti un livre
21:50qui s'appelait
21:50Un mensonge français
21:52il y a 20 ans,
21:54il y a eu des plaintes
21:55pour crimes contre l'humanité
21:56contre ce pauvre Pierre Mesmer.
21:58La vraie question,
21:59c'est l'attitude de la France
22:00en mai 1962,
22:02les télégrammes
22:02adressés par Pierre Mesmer
22:04à l'armée
22:05qui menaçaient de foutre en prison
22:07toute personne
22:08qui essayait de sauver des harkis.
22:10Donc 75 000 harkis
22:12ont été assassinés.
22:13C'est un chiffre
22:14des histoires raisonnables.
22:16Il y a deux bateaux
22:17sur lesquels
22:18qui étaient hackés
22:19en train de partir
22:19avec les harkis
22:20qui ont été ramenés à bord
22:21et les harkis débarqués
22:24et égorgés
22:25devant les soldats français.
22:27Les vraies enquêtes
22:29sur cette extermination,
22:30cette complicité d'extermination
22:32n'ont pas été...
22:33Les dossiers ne sont pas ouverts.
22:34Moi je suis...
22:35Mais pourquoi ?
22:35Eh bien pourquoi ?
22:36Voilà.
22:37Quand j'ai sorti ce livre,
22:39quand j'ai sorti ce livre,
22:41j'avais face à moi
22:42la droite gaulliste et chiracienne
22:44qui n'en a pas dit un mot.
22:45J'en ai vendu 100 000 exemplaires.
22:47Les gens se sont roués.
22:48Et j'avais la gauche contre moi.
22:49Il y a un silence français
22:50sur les harkis
22:51et ça n'est pas encore documenté.
22:53Et on trouve quelques historiens
22:56mais en tout cas
22:57sur le plan juridique.
22:58Il y a d'ailleurs
22:58un avocat assez connu
23:00qui s'appelait Emmanuel Altide
23:01qui avait essayé
23:02de déposer des plaintes.
23:04Et en tout cas
23:04l'enquête n'est pas arrivée à bout.
23:07Sur cette drame
23:09qui est un des drames algériens.
23:10Merci beaucoup
23:11Georges-Marc Benhamou.
23:12Merci Pierre.
23:12Vous êtes ici chez vous.
23:14C'est votre ancienne maison
23:14mais elle est toujours ouverte
23:16pour des témoignages
23:17aussi complets que le vôtre.
23:19Merci.

Recommandations