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Transcription
00:00 On accueille tout de suite Sophie Godu. Bonjour à vous, vous êtes gynécologue et présidente du réseau Santé-Revo.
00:06 Merci d'avoir accepté l'invitation de France 24.
00:09 On va d'abord s'intéresser ensemble, si vous le voulez bien, à ce qu'on vient d'aborder au sujet de la situation aux Etats-Unis.
00:15 On reviendra sur l'actualité française. Le médecin que vous êtes, quel regard est-ce que vous portez sur ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis en ce moment même ?
00:25 Pour moi, la réapparition de lois extrêmement restrictives, ou même totalement restrictives, dans beaucoup d'États américains est une véritable catastrophe.
00:36 Là où il y a des lois restrictives, c'est la vie des femmes qui est en jeu.
00:40 Je trouve que c'est un recul vers l'obscurantisme et des décisions qui mettent en danger la vie des femmes.
00:51 Pas seulement leur avenir, mais leur santé et leur vie au sens strict.
00:56 Ça veut dire que ça ouvre aussi la voie, Sophie Godu, à des IVG clandestines qui se font aussi parfois à l'ancienne, le recours aux aiguilles à tricoter, aux cintres ?
01:06 Partout où il y a des lois restrictives, il y a des IVG clandestines.
01:13 Si on rajoute les difficultés d'accès aux pilules, aux misoprostols, à la mifébristone, effectivement,
01:19 on risque de voir réapparaître des pratiques d'IVG instrumentales dangereuses, voire très dangereuses.
01:27 Je ne peux pas vous dire, c'est une catastrophe. L'ensemble des gens qui s'intéressent à l'IVG aux États-Unis sont mobilisés.
01:37 Je sais que dans les États où c'est encore autorisé, ils essaient de se mettre en hors de marche pour prendre en charge les patientes.
01:43 Mais comme toujours dans ces cas-là, ce sont les femmes les plus jeunes, les plus pauvres, celles qui auront le moins de ressources,
01:50 qui vont se retrouver confrontées à ces grossesses, à des pratiques amortis dangereuses, ou à accepter des grossesses qu'elles ne souhaitent pas,
01:59 et à accueillir des enfants dans de très mauvaises conditions.
02:02 Et celles qui font le choix d'interrompre ces grossesses non désirées peuvent se rendre à l'étranger, encore une fois pour celles qui le peuvent.
02:08 Donc ça risque de creuser davantage les inégalités qu'il peut y avoir entre les femmes ?
02:13 Bien sûr. Alors aux États-Unis c'est entre États, mais quand même les États-Unis c'est immense, donc bien sûr.
02:18 Voilà, ce sera entre États, mais ça creuse massivement les inégalités.
02:24 Sophie Gaudu, est-ce qu'on est face à une situation où le corps des femmes, leurs droits, deviennent des objets politiques ?
02:31 Est-ce que c'est ce que vous constatez aussi en tant que médecin ? On viendra d'après sur le cas français.
02:36 Le corps des femmes est un objet politique de tout temps, historiquement.
02:42 Partout où des mouvements de droite viennent au pouvoir, des lois restrictives apparaissent sur les libertés des femmes.
02:51 Et actuellement on est mondialement dans un temps où réapparaissent des lois restrictives.
02:59 On va prendre l'exemple de l'Europe avec la Pologne, où c'est maintenant impossible d'interrompre une grossesse,
03:04 même si l'enfant est porteur d'une anomalie incurable.
03:08 Partout, regardez l'Italie avec les décisions de Mme Mélanie, et ainsi de suite.
03:15 Partout, le corps des femmes est un enjeu politique.
03:20 Et donc ça nous expose à davantage de vulnérabilité ?
03:24 Oui, c'est surtout un élément très opposé à l'égalité homme-femme, pour que les femmes puissent contrôler leur avenir,
03:31 pour qu'elles puissent gérer leur avenir, et pour qu'il y ait de l'égalité homme-femme,
03:35 il faut qu'elles ne soient pas contraintes à la maternité non subie.
03:40 Est-ce que ce combat doit aussi être partagé davantage par les hommes ?
03:45 Je le pense. Je pense que les hommes ont tout intérêt, et que beaucoup d'entre eux d'ailleurs le pensent,
03:51 à ce que les femmes puissent avoir les enfants qu'elles souhaitent,
03:54 et qu'elles puissent être autonomes et indépendantes dans leur choix d'avenir, et donc pas assujetties à la fonction maternelle.
04:02 Sophie Gaudieu, on va revenir maintenant sur la situation en France.
04:05 Je le disais tout à l'heure en préambule du sujet que vous avez suivi sur notre antenne,
04:08 le planning familial avait alerté sur le manque de misoprostol,
04:11 c'est l'une des molécules nécessaires à la pratique d'une IVG médicamenteuse.
04:15 Le gouvernement, le ministre de la Santé parle de tension et pas de pénurie.
04:20 Quel constat, la professionnelle de santé que vous êtes, vous faites ?
04:24 Alors, nous savions qu'il y avait des défis, qu'il y avait ce qu'on appelle, comment dirais-je,
04:30 globalement des tensions sur le misoprostol depuis plusieurs mois,
04:33 et on n'avait pas vu apparaître de retentissement au niveau des professionnels du réseau.
04:38 Le réseau dont je m'occupe, dont la mission est de faciliter l'accès à l'IVG en Ile-de-France,
04:43 réunit à peu près 450 professionnels en ville,
04:48 et ils ne nous avaient pas fait part de leurs difficultés jusqu'à la semaine dernière,
04:52 où la semaine dernière nous avons reçu trois alertes la même semaine.
04:55 Là, vous aviez cité Versailles, exactement, Versailles le 95,
04:59 je sais que ça a aussi été le cas dans la région lilloise,
05:02 où il y a maintenant des difficultés d'approvisionnement réelles,
05:06 qui sont venues jusqu'à la ville pour les IVG médicamenteuses.
05:10 Qu'est-ce qui s'est passé, on le sait ?
05:12 Alors, je ne sais pas ce qui s'est passé,
05:14 mais il y a une spécificité française qui est qu'un seul laboratoire
05:19 discommercialise les deux médicaments.
05:21 Je rappelle tout de même, docteur, qu'il y a plus de 70% des IVG médicamenteuses
05:29 établies, faites en France.
05:31 Est-ce qu'il y a eu un défaut d'anticipation de la part des autorités ?
05:35 Alors, je crois que ça s'inscrit dans les pénuries de médicaments
05:39 qui ne touchent pas seulement les médicaments de l'interdiction de l'intérieur de grossesse,
05:42 ça touche aussi certains antibiotiques.
05:44 Pendant la crise Covid, ça touchait des médicaments d'anesthésie essentiels.
05:49 Donc, c'est global.
05:51 La France n'a pas d'indépendance par rapport à la production des médicaments
05:54 et de médicaments strictement essentiels.
05:56 Les médicaments de l'avortement sont des médicaments essentiels à la santé des femmes.
06:01 Et donc, nous sommes contraints, finalement, à subir les difficultés
06:06 du laboratoire qui commercialise ces médicaments en France.
06:10 Et là encore, un des problèmes en France, c'est qu'il y a un monopole de cette commercialisation.
06:15 Un seul laboratoire commercialise ces médicaments.
06:19 Et avec 60, vous dites 70, mais c'est plutôt 76% des IVG qui sont faites par méthode médicamenteuse,
06:24 s'il y a une rupture d'approvisionnement, en aucun cas, l'ensemble des établissements de santé
06:28 seront à même d'offrir le choix de ce soin d'avortement aux femmes qui en auraient besoin,
06:33 sans compter que ce n'était pas la méthode qu'elles avaient choisie au départ.
06:36 Mais l'autre méthode, la méthode instrumentale, les établissements ne sont pas capables d'absorber
06:41 ne serait-ce que 10% d'augmentation en plus, à l'heure actuelle, telles qu'elles sont organisées les soins.
06:45 Donc ce serait une véritable catastrophe pour le droit des femmes à interrompre leur grossesse
06:50 s'il y avait une vraie rupture de médicaments.
06:52 Je pense que la seule solution est de travailler et de demander qu'il y ait une mise en concurrence
06:59 de laboratoire que d'autres laboratoires commercialisent en France ces médicaments.
07:04 Et pour compléter votre propos, un seul laboratoire, vous l'évoquiez à ce Monopole,
07:08 un laboratoire qui a des capitaux américains.
07:11 Sophie Goddieu, est-ce que cette situation peut nourrir davantage, amplifier,
07:16 cette progression qui a été constatée du mouvement Pro-Life ou anti-choix ?
07:20 Disons qu'il y a… le mouvement anti-choix est toujours extrêmement fort.
07:27 Il dispose de beaucoup de relais, il dispose d'énormément de capitaux pour soutenir ses thèses.
07:33 Mais il y a là une attaque historique.
07:38 C'était déjà le cas au moment où la pilule abortive, le RU486,
07:43 ça a été compliqué de le mettre en vente et de le mettre sur le marché.
07:49 Il y a une possibilité d'attaque majeure sur une technique d'avortement.
07:56 Puisque si les médicaments ne sont plus disponibles,
07:59 à ma foi on ne peut plus interrompre les grossesses par voie médicamenteuse.
08:02 Donc ce qui est vrai au niveau français, ce qui apparaît là au niveau français,
08:06 mais ce qui pourrait se retrouver au niveau mondial aussi,
08:09 parce que là où il y a le misoprostol, les femmes meurent moins d'avortements clandestins
08:14 faits dans des conditions épouvantables.
08:16 Le misoprostol est un médicament que l'OMS juge essentiel à la santé des femmes.
08:20 Et c'est vrai partout dans le monde.
08:22 Donc l'État français a une obligation.
08:24 Merci beaucoup Sophie Goddieu, merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.

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