Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre était l'invité du "8h30 franceinfo", dimanche 16 avril 2023.
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00:00 Bonjour Christophe Robert. Bonjour.
00:03 Délégué général donc de la Fondation Abbé Pierre,
00:05 association qui fait partie de cette grande alliance,
00:07 plusieurs dizaines d'associations en tout,
00:09 lancée après les Gilets jaunes,
00:11 ce que vous appelez le Pacte du pouvoir de vivre.
00:13 On va expliquer dans un instant ce que ça implique.
00:16 Vous avez lancé en tout cas un appel au Conseil constitutionnel
00:19 mercredi, offrir l'apaisement, je vous cite,
00:22 nécessaire pour retrouver les conditions du dialogue social.
00:25 La loi depuis, elle a été validée par le Conseil constitutionnel,
00:28 elle a même été promulguée très rapidement par Emmanuel Macron
00:31 qui s'exprimera d'ailleurs demain soir.
00:33 Qu'est-ce que vous demandez au Président de la République ?
00:36 Écoutez, ce qu'on voit à travers le sondage,
00:38 que le Pacte du pouvoir de vivre,
00:39 donc qui rassemble 65 organisations, associations environnementales
00:42 de lutte contre l'exclusion, syndicats, mutuelles,
00:45 en fait c'est une alliance d'organisations
00:47 qui partagent des valeurs communes pour plus de justice sociale,
00:49 pour mener la transition écologique dont nous avons besoin,
00:52 mais il y a tout un volet démocratique.
00:54 Et très clairement, on voit à travers ce sondage,
00:57 l'inquiétude majeure de nos concitoyens qui se disent
01:00 "face à la crise démocratique dans laquelle on se trouve,
01:03 ça n'est pas propice, ça va freiner les transformations
01:06 dont nous avons besoin sur le plan social, sur le plan écologique".
01:09 Donc la crise démocratique, c'est pas une petite chose.
01:11 Et la séquence qu'on vient de vivre,
01:13 où le sentiment partagé c'est qu'on n'est pas écouté,
01:17 malgré les inquiétudes, malgré les analyses qui montrent que
01:20 voilà, cette réforme, elle va présenter un certain nombre de problèmes
01:23 pour pas mal de ménages dans notre pays,
01:25 ce manque d'écoute, aujourd'hui, nous inquiète profondément au pacte
01:28 sur la capacité à emmener.
01:29 On peut pas changer la société depuis le Perron de l'Elysée, de Matignon.
01:33 Il faut embarquer tout le monde, on a besoin de tout le monde.
01:35 - Mais que de dire justement Emmanuel Macron qu'il va continuer
01:38 à faire des réformes dans le domaine de l'écologie, de la démocratie,
01:41 si je vous suis, c'est presque un besoin de réforme qui est exprimé dans ce sondage.
01:44 - Complètement, mais pas n'importe lesquels.
01:46 Et c'est là où on dit qu'il faut changer de méthode et changer d'ambition.
01:50 Quand on dit changer de méthode, vous savez,
01:52 il y a eu le Conseil National de la Refondation,
01:55 sa déclinaison dans la santé, dans le logement.
01:57 Aujourd'hui, on sait pas comment ça va atterrir, ça.
02:00 Avec quelle ambition, quelle colonne vertébrale ?
02:02 Est-ce que l'objectif, c'est de dire, on va aider tous ceux qui souffrent aujourd'hui
02:05 parce qu'ils n'arrivent pas à s'alimenter convenablement,
02:07 parce qu'ils n'arrivent pas à se soigner convenablement,
02:09 à se loger dans de bonnes conditions ?
02:11 Et c'est ça notre objectif collectif.
02:13 Et puis on va dire, la transition écologique qui s'impose à nous,
02:15 on va la faire, mais on va la faire juste,
02:17 pour être sûr que ça laisse pas sur le bord du chemin
02:19 tout un pan de la population dans nos territoires ruraux,
02:22 dans nos villes moyennes ou dans nos métropoles.
02:24 Alors Emmanuel Macron vous a déjà partiellement répondu
02:26 lors de la dernière intervention télévisée le 22 mars.
02:29 Le cap qui a été lancé, c'était plutôt de dire,
02:32 bon ben voilà, il y a les travailleurs pauvres qu'il faut aider,
02:35 et puis il y a ceux qui vivent des aides.
02:37 Il avait eu ce propos qui avait offusqué les associations,
02:41 en disant, beaucoup de travailleurs disent,
02:43 vous nous demandez des efforts, mais il y a des gens qui travaillent jamais
02:45 et qui auront le minimum vieillesse.
02:47 Que vous inspire la tentation actuelle de l'exécutif,
02:49 de dire il faut tout mettre sur les bas salaires ?
02:51 C'est les travailleurs pauvres, aujourd'hui, la priorité des priorités.
02:55 Franchement, il y a un problème.
02:57 Et si on prend le bilan de la première année,
03:00 du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron, qu'est-ce qu'on a ?
03:02 On a eu un discours sur les bénéficiaires du RSA,
03:04 qu'il faudrait fixer des conditions,
03:06 autrement, qu'ils risqueraient de perdre cette maigre allocation de 500 euros.
03:09 Vous êtes contre, même si l'exécutif dit, laissez les remettre vers l'emploi.
03:12 Mais oui, non mais tout le monde est pour accroître l'accompagnement vers l'emploi,
03:15 la formation, mais avec quels moyens ?
03:18 En revanche, commencez par dire, on va mettre des contreparties,
03:21 parce que ça laisserait entendre qu'il y aurait des personnes
03:24 qui profiteraient du système à 500 euros, et un moment faut arrêter.
03:27 Quand on affaiblit l'assurance chômage avec deux réformes successives,
03:32 la deuxième, tout de suite après l'élection d'Emmanuel Macron,
03:35 qui fait 4 milliards d'euros d'économie à l'Unedic,
03:38 alors qu'il y a encore des gens qui sont très éloignés de l'emploi,
03:40 justement, qu'il faut accompagner, ça évidemment, on est absolument favorable.
03:43 Mais on voit bien qu'il y a un discours qui laisserait entendre
03:46 qu'il y aurait des gens qui profiteraient d'un système.
03:48 Or, nous, ce que nous voyons, ce sont des gens qui souffrent.
03:50 Des gens qui aujourd'hui, quand ils voient 15% l'augmentation des prix alimentaires,
03:54 disent "mais comment je vais faire ?"
03:55 Des gens qui s'inquiètent pour demain, et une situation comme celle-ci,
03:59 d'inquiétude majeure, 60% des personnes disent dans notre sondage,
04:02 Ipso, c'est fait pour le Pacte du pouvoir de vivre,
04:04 qu'elles ont peur de basculer dans la précarité à court ou moyen terme.
04:08 Comment vous voulez mener, emmener un pays vers davantage d'horizons positifs ?
04:14 Or, il y a moyen d'amener davantage de pays vers un horizon positif,
04:18 en disant "ben écoutez, oui, on va devoir faire la transition,
04:21 mais on va vous accompagner parce que vous, vous ne pouvez pas vous payer une voiture électrique,
04:24 oui, on va vous aider, même si vous avez des petites ressources,
04:27 à rénover votre logement parce que ça va faire baisser les émissions de gaz à effet de serre,
04:31 mais ça va vous redonner du pouvoir d'achat, de la capacité de vivre mieux."
04:34 C'est pas ça qu'on entend aujourd'hui.
04:36 Dans ce contexte, l'augmentation du SMIC prévue automatique,
04:39 +2,19% au 1er mai, pas de coup de pouce ?
04:42 Vous trouvez que c'est indécent, que c'est pas assez, qu'il faudra aller plus loin ?
04:46 Alors, le SMIC a beaucoup augmenté ces dernières années quand même.
04:49 Il suit l'inflation.
04:50 Voilà. Là où on a une inquiétude, c'est plutôt sur les minimas sociaux.
04:53 C'est-à-dire de dire "regardez, l'augmentation au même moment des minimas sociaux, c'est 1,6%".
05:00 Vous parlez des minimas sociaux globalement ?
05:03 Je pense aux RSA par exemple, ou aux prestations sociales.
05:05 Au 1er avril, elles ont augmenté de 1,6%.
05:07 Ce que nous demandions nous avec le Pacte, c'est une augmentation de 5 à 6%.
05:11 Parce qu'autrement, c'est une perte de pouvoir d'achat.
05:13 Et l'urgence est là.
05:14 Quand vous avez les prix qui augmentent en moyenne de 6%,
05:18 je disais 14% pour l'alimentaire,
05:21 28% en une année sur l'énergie, avant même le bouclier énergétique,
05:26 le litre d'essence qui avoisine les 2€, comment ils font, les gens ?
05:30 Alors, si vous augmentez quand vous êtes déjà avec un minima social de 1,6%,
05:34 vous perdez de la capacité de vivre dans de bonnes conditions.
05:37 Donc nous, on appelle par exemple, dès le projet de loi de finances prochain,
05:40 à une augmentation beaucoup plus importante de ces minimas et de ces prestations sociales.
05:44 Je vous entendais dire en début d'entretien qu'il faut répondre à la crise démocratique.
05:48 C'est un terme que vous maintenez alors qu'Emmanuel Macron s'en est offusqué en disant
05:51 "mais on ne peut pas parler de crise démocratique, le projet actuel c'est le projet que j'ai porté".
05:56 J'ai peur qu'on joue sur les mots. Il se passe quand même quelque chose.
06:01 Si on dit que le processus législatif de, par exemple, la loi retraite,
06:05 renvoie à nos institutions, évidemment.
06:07 – Ils sont mignons "démocratiques", c'est l'expression que tu ne fais pas exagérer.
06:10 – Oui, oui, mais ce n'est pas faux.
06:11 Le président de la République n'a pas tort sur ce point-là.
06:13 – Il ergote Emmanuel Macron quand il dit "il n'y a pas de crise démocratique".
06:16 – Ecoutez, pour moi, ce n'est pas une question de mots.
06:18 C'est une question de ce que vivent les gens au quotidien.
06:20 – Mais la question c'est ce qu'il prend en compte.
06:23 – Qui peut nier aujourd'hui cette inquiétude sur le front social ?
06:26 Cette nécessité de mener une transition écologique qui soit juste ?
06:30 Qui constate, regardez, président de la République, dans notre sondage,
06:34 on s'aperçoit que les trois quarts des Français demandent une fiscalité plus importante.
06:40 C'est-à-dire que ceux qui ont plus de ressources, les hauts patrimoines,
06:43 les hauts salaires, contribuent davantage à notre modèle de protection sociale.
06:46 – Les Français ne sont pas pour qu'on baisse les impôts.
06:48 – Exactement, mais qu'est-ce qu'on a fait depuis des années ?
06:50 On a dit "ah, baisse d'impôts", alors, celui qui bénéficie de cette baisse d'impôts,
06:54 c'est toujours un plaisir, qu'il soit riche ou moins riche.
06:58 Mais en même temps, comment on fait pour financer la protection sociale,
07:02 la santé, la sécurité, les routes, la rénovation thermique,
07:06 la transition écologique dans son ensemble ?
07:09 Tout cela coûte beaucoup plus cher, et si on veut qu'elle se passe de manière juste,
07:13 c'est-à-dire qu'elle ne laisse pas tomber une partie de la population,
07:15 il va falloir mettre des moyens, et ces moyens-là, ils ne tombent pas du ciel.
07:19 C'est bien parce qu'on partage, on partage les richesses,
07:21 que les plus hauts salaires, les plus hauts patrimoines,
07:23 contribuent davantage de façon évolutive,
07:25 et ça c'est quelque chose que nous appelons de nos voeux,
07:27 en demandant au Président de la République, pour répondre à votre question,
07:30 "ouvrez le dossier fiscal, ouvrez le…"
07:32 – Mais Emmanuel Macron, la réponse en général, c'est,
07:34 si on taxe trop les riches, ils vont s'en aller,
07:36 et les investissements ne viendront plus en France.
07:38 – Enfin bon…
07:40 – C'est l'argument d'Emmanuel Macron, que je vous conseille.
07:42 – Oui, c'est ce qui a occasionné la suppression de l'impôt sur la fortune,
07:45 les évaluations montrent que non, c'était pas une question de savoir
07:48 si les riches allaient partir.
07:50 – Pour vous il n'est pas acceptable cet argument ?
07:51 – Non, mais vous savez…
07:52 – Il n'est pas réaliste ?
07:53 – Non, et puis surtout ça ne tient pas, ça ne tient pas.
07:55 Mais même le gouverneur de la Banque de France, récemment, a dit,
07:57 "il faut qu'on arrête cette baisse d'impôt",
07:59 il y a un moment ça ne tient pas, c'est comme ça qu'on finance
08:01 notre capacité de se transformer, de rester une grande puissance
08:05 avec sa protection sociale, de rester une grande puissance
08:07 qui tend la main à ceux qui souffrent,
08:09 et ça, il y a un moment, ça passe par la fiscalité,
08:13 par le partage des richesses, et je crois que les arguments
08:15 qu'on s'est à dire "mais non, ça va être la fuite de ceci,
08:17 la fuite de cela", ça justifie des milliards en moins
08:20 dans notre capacité d'agir, et ça c'est pas acceptable pour le pacte.
08:23 – Christophe Robert, Fondation Abbé Pierre, vous restez avec nous,
08:25 8h41, c'est le Fil info avec Elia Bergel.
08:27 – Le gouvernement veut tourner la page des retraites,
08:31 nous sommes déterminés à accélérer les réformes,
08:34 assure Elisabeth Borne devant le Conseil national du parti Renaissance.
08:38 Hier, Emmanuel Macron, lui, s'adresse aux Français.
08:41 À 20h demain, après la promulgation éclair de la loi,
08:44 le chef d'État n'a pas fait le choix de l'apaisement,
08:47 regrette le leader de la CFDT, Laurent Berger,
08:50 dans le Parisien, aujourd'hui en France.
08:52 Le syndicaliste n'exclut pas de renouer le dialogue
08:55 avec le président, cependant, après le 1er mai.
08:58 Jean-Marie Le Pen, hospitalisée après un malaise cardiaque,
09:01 l'ancien dirigeant du Front national, âgé de 94 ans,
09:04 a déjà fait une forme légère d'AVC l'an dernier,
09:07 sa famille se dit sereine mais inquiète.
09:10 Le G7 s'engage à mettre fin à sa pollution plastique.
09:14 D'ici 2040, les ministres réunis dans le nord du Japon
09:18 veulent aussi accélérer leur sortie des énergies fossiles
09:22 dans tous les secteurs.
09:24 En rugby, Nobleu joue contre l'Ecosse à 16h15.
09:27 La suite du tournoi des 6 nations féminins,
09:29 les Françaises toujours invaincues dans la compétition.
09:33 France Info
09:36 Le 8/30 France Info, Néil Halatrous, Laurence Anechal.
09:41 Quand on parle de pouvoir d'achat et d'inflation,
09:43 impossible de ne pas parler de logement.
09:45 Christophe Robert, la trêve hivernale s'est achevée il y a 15 jours.
09:47 La grande crainte des associations, c'était l'explosion
09:50 des expulsions locatives. Est-ce qu'une première indication
09:53 se dégage au terme des 15 jours ou est-ce que c'est trop tôt ?
09:56 Non, c'est le cas, c'est-à-dire que c'est pas bon.
09:59 Votre introduction me fait penser vraiment au débat qu'on a là,
10:03 c'est-à-dire le logement s'est devenu progressivement en 30 ans
10:06 le premier poste de dépense des ménages.
10:08 En moyenne, on va avoir 30% de dépenses liées au logement,
10:13 mais en moyenne. Mais pour beaucoup de ménages modestes,
10:15 même quand ils ont un boulot, ça va être 40, 50, 60%.
10:19 Premier poste de dépense des ménages, ça doit être la première préoccupation
10:22 de nos responsables politiques.
10:24 Or, qu'est-ce qui s'est passé pendant 5 ans ?
10:26 On a coupé dans les aides pour la production de logements sociaux.
10:29 Cette capacité offerte par les logements sociaux
10:32 d'avoir des niveaux de loyer en dessous du marché
10:34 pour aider ceux qui n'y arrivent pas.
10:36 Ça nuit à la mobilité professionnelle, ça a un impact sur la santé.
10:41 Ce gouvernement a fait du logement l'un des principaux contributeurs
10:45 à la baisse de dépenses publiques. 15 milliards d'euros en moins
10:48 de budget de l'État sur le précédent quinquennat.
10:50 Et première décision sur ce champ-là en juillet dernier,
10:53 au moment du projet de loi de finances,
10:55 on a continué à couper 1,3 milliard sur les bailleurs sociaux.
10:58 Ça ne peut pas passer.
10:59 Oui, les expulsions sont en hausse. C'est très clair.
11:02 - 15 jours déjà, vous voyez...
11:04 - Alors, déjà, elles sont en hausse depuis 10 ans.
11:06 C'est-à-dire qu'elles ont augmenté considérablement.
11:08 Je parle des expulsions avec le concours de la force publique.
11:10 Quand les forces de l'ordre viennent virer la famille,
11:13 les meubles en bas de la caisse d'escalier, et on change la serrure.
11:16 On n'a pas pu enrayer ce processus, tout simplement parce que le coût
11:19 du logement a été beaucoup plus important que les ressources des ménages.
11:22 Ça, c'est vrai depuis 10 ans.
11:24 Là, qu'est-ce qui s'est passé ? Pendant 2 ans, avec la crise Covid,
11:27 on a réduit le nombre d'expulsions parce que le gouvernement
11:30 a pris des mesures de protection. C'était très bien.
11:32 Mais c'est qu'on ne les a pas expulsées,
11:34 mais le processus législatif est encore en cours.
11:37 C'est-à-dire que les gens sont menacés d'expulsion.
11:39 Plus les taux des dépenses avec l'inflation très importantes,
11:43 ça ne passe pas.
11:44 Donc, nous, à la Fondation Bépierre, on nous appelle là
11:46 et on nous dit "ben voilà, je suis dehors, là, je n'ai pas de solution".
11:48 - Une famille expulsée, elle devient quoi d'ailleurs ?
11:50 - Comment ?
11:51 - Une famille expulsée retrouve facilement un logement derrière ?
11:53 - Alors, il y a deux catégories.
11:54 Il y a ceux qui peuvent être aidés par leurs proches.
11:56 La famille qui va dire "ben viens dormir chez moi".
11:58 Le voisin qui va dire "l'oncle, la tante, le cousin".
12:01 Mais il y a des gens qui n'ont pas cette solidarité de proximité.
12:04 Et donc, c'est là où on a besoin d'avoir une protection sociale.
12:08 Ça veut dire de l'hébergement d'urgence.
12:10 Mais vous savez qu'il est complètement saturé, cet hébergement d'urgence.
12:13 Même si le gouvernement a augmenté le nombre de places depuis 3 ans,
12:16 il est saturé aujourd'hui.
12:17 Donc, ça veut dire des personnes à la rue avec des conséquences psychologiques,
12:21 avec aussi pour la scolarité des enfants qui est complètement remise en cause.
12:26 On avait mené une enquête à la Fondation l'année dernière sur
12:28 qu'est-ce que sont devenues les personnes expulsées 3 ans après.
12:31 Et bien, vous avez une bonne partie des gens qui n'ont pas repris leur boulot,
12:34 une bonne partie qui n'ont pas trouvé de nouveau un logement
12:37 et qui disent qu'il y a eu des conséquences psychologiques très importantes.
12:39 Donc là, il faut que le gouvernement dise "on laisse pas tomber les gens"
12:43 quand il n'y a pas d'autre solution, en tout cas ils ont été expulsés.
12:45 - Il ne faut pas non plus laisser tomber les petits propriétaires.
12:49 On pense à la loi anti-squat qui est en train de faire son chemin au Parlement
12:52 et qui va protéger les propriétaires contre les squatteurs.
12:56 Vous comprenez qu'on vienne aussi en aide à ces propriétaires ?
12:59 - Alors on comprend tout à fait, il ne s'agit pas d'opposer propriétaires et locataires, pas du tout.
13:04 Sauf que ce n'est pas ça qu'elle fait cette loi.
13:06 - Elle aura des effets pervers.
13:08 - Exactement. Avant même la loi dite "case-barriant", la loi dite "anti-squat",
13:12 vous avez la possibilité en 48 heures sans passer par le juge
13:15 d'expulser quelqu'un qui viendrait, comme le disait le député Case-Barriant,
13:19 venir dormir sur votre canapé.
13:21 Donc il y a eu tromperie dans cette histoire-là.
13:23 On a dit "oh là là, imaginez-vous si quelqu'un débarque chez vous et prend votre canapé".
13:28 Ce n'est pas ça.
13:29 Là, on s'attaque aux squattes, notamment de personnes qui peuvent être...
13:33 parce qu'ils n'ont pas d'autre solution dans, je ne sais pas,
13:36 un hangar désaffecté qui appartient à l'État.
13:38 Bon, qu'est-ce que ça veut dire ? Les mettre en prison ?
13:40 C'est ça qui est proposé.
13:42 Une énorme contravention.
13:44 Et puis, en partant de, soit disant, une loi anti-squat,
13:47 on s'attaque aussi à ceux qui sont menacés d'expulsion,
13:50 pour réduire les délais où le juge...
13:52 En cas de loyers payés.
13:54 Oui, mais surtout quand le juge...
13:55 Il est fait pour ça, le juge, en France.
13:57 C'est pour dire, évidemment qu'il ne faut pas pénaliser le propriétaire.
13:59 Et nous ne sommes pas pour pénaliser le propriétaire,
14:01 et c'est pour ça qu'on demande que le fonds d'indemnisation des propriétaires soit augmenté.
14:04 Pour compenser, par exemple, je vous donne un exemple.
14:06 Il y a une famille qui va être expulsée, il y a deux enfants, 5 et 8 ans.
14:09 Qu'est-ce qui se passe ?
14:11 Le juge dit "Bah oui, là c'est quand même un peu tendu, on va se donner deux mois,
14:16 on va essayer de trouver une solution d'euro-logement,
14:18 ou reprendre le paiement avec la famille là,
14:20 la volonté de cette loi c'est de réduire ces capacités-là."
14:23 Et on indemnise le propriétaire avec le fonds d'indemnisation.
14:25 Est-ce que la crise du logement a été accentuée, comme on l'entend dire,
14:28 par le retrait du marché d'un certain nombre de passoires thermiques de logement qui étaient mal isolées ?
14:33 Non, pas aujourd'hui.
14:35 Ça n'a pas eu pour vous ?
14:36 Non, ça pourrait arriver.
14:37 Mais vous savez, on est exactement...
14:38 Ce sont a priori les plus précaires qui louent des logements mal isolés.
14:42 Toujours, personne ne reste dans une passoire thermique...
14:45 Or demain, ils ne pourront plus occuper ces logements,
14:47 ils ne seront plus autorisés à la loger...
14:49 Alors, ce n'est pas tout à fait le projet.
14:50 Mais on est exactement dans un des nœuds qu'on évoque sur la question de l'agriculture,
14:55 de la restauration collective, du logement, en disant "il faut faire la rénovation,
15:00 il faut faire la transition écologique qui s'impose à nous,
15:02 mais il faut faire attention et il faut accompagner les secteurs."
15:04 Je prends cet exemple que vous venez d'évoquer.
15:06 Qu'est-ce que dit la loi ?
15:08 Elle est progressive jusqu'en 2035 pour dire "ce type de logement,
15:12 d'ici 2028, d'ici 2030, il faudra les avoir rénovés pour pouvoir les louer."
15:18 Donc qu'est-ce que ça veut dire ?
15:19 Ça veut dire que d'abord, c'est un bon objectif,
15:21 parce que c'est un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, le logement,
15:24 et puis il faut redonner la capacité aux ménages de pouvoir se chauffer,
15:28 de moins dépenser pour se chauffer.
15:29 Donc c'est vraiment une bonne idée.
15:31 Après, il faut accompagner les propriétaires.
15:34 Il y a certains qui peuvent le faire parce qu'ils ont les ressources,
15:36 ils rénovent leur logement, il n'y a pas de problème, ils le louent.
15:38 Il y en a d'autres pour lesquels c'est plus compliqué.
15:40 Et c'est là où on appelle des aides publiques beaucoup plus importantes
15:42 pour permettre à ceux qui ont des petites ressources de rénover leur logement,
15:45 soit parce qu'ils l'occupent, soit parce qu'ils vont le mettre sur le parc locatif.
15:48 Donc il faut faire les choses de manière progressive et accompagner financièrement.
15:52 Mais il y a un moment où il faut aussi fixer des règles, autrement ça ne change pas.
15:54 Vous avez la crainte que des familles se retrouvent à la rue à cause de cette loi ?
15:57 Non.
15:58 Des familles précaires ?
15:59 On n'a pas la crainte à cause de cette loi.
16:01 Oui, la loi Casbaryan qui, au lieu de s'occuper de la crise du logement,
16:03 essaie de criminaliser les mal logés.
16:07 Oui, quand on coupe 1,3 milliard sur les bailleurs sociaux,
16:09 on peut moins bien loger les personnes.
16:11 Mais non, pas dans ce cadre-là,
16:13 à condition de mettre l'accompagnement nécessaire pour les propriétaires.
16:16 Juste d'ailleurs, est-ce que ça vous inquiète que le Livret A, maintenant,
16:18 soit évoqué comme piste de financement du nucléaire,
16:21 le Livret A qui déjà doit financer le parc HLM ?
16:24 Alors, oui, c'est-à-dire qu'il faut s'assurer,
16:27 effectivement, vous avez raison, c'est une bonne question,
16:29 c'est-à-dire que notre modèle du logement social en France,
16:31 dont plein de pays européens voudraient pouvoir avoir la même chose,
16:34 c'est un modèle qui fonctionne super bien depuis 100 ans,
16:36 et c'est vrai qu'il est adossé sur l'épargne populaire,
16:39 donc le Livret A, qui permet de faire des prêts aux bailleurs sociaux
16:42 à un niveau bas et pendant très longtemps.
16:44 Donc c'est comme ça qu'on arrive à équilibrer ce modèle du logement social
16:47 et faire des loyers plus bas que le marché.
16:49 Il ne faudrait pas que le gouvernement joue avec cet outil de l'épargne populaire
16:54 qui sert beaucoup au logement social
16:56 en empêchant la capacité d'agir dans le domaine du logement social.
16:59 Donc c'est l'équilibre entre ce qui reste et ce qui est nécessaire pour le logement social.
17:03 Oui, il faut une vigilance.
17:04 Guillaume Robert, euh... Pardon, Christophe Robert, excusez-moi,
17:08 je me suis emmêlée dans les prénoms.
17:12 Parmi les rares, peut-être, bonnes nouvelles de cette année sur le fond du logement,
17:16 c'est la question des coupures d'électricité, il y en a moins.
17:19 Un certain nombre d'opérateurs, EDF par exemple,
17:22 ne coupent plus l'électricité mais réduisent la puissance électrique
17:25 de ceux qui payent leurs factures en retard.
17:27 Vous dites pas que tout le monde joue le jeu là-dessus ?
17:30 Non, ça fait deux ans qu'on appelle à supprimer définitivement les coupures d'énergie.
17:35 Vous savez ce que ça veut dire ?
17:36 Ça veut dire que quelqu'un qui a rencontré des difficultés
17:38 parce qu'il est en galère pour pouvoir payer ses factures,
17:41 eh bien du jour au lendemain on va lui couper.
17:43 Mais à qui demandez-vous aujourd'hui de s'aligner sur EDF qui ne joue pas le jeu ?
17:47 Deux choses. Quand on a fait cet appel, lancé cet appel il y a deux ans,
17:50 EDF a dit "moi je fais".
17:51 Au lieu de couper, c'est "d'un autre temps".
17:54 Vous savez en 2013 on avait interdit les coupures d'eau,
17:56 considérant que c'est un besoin de première nécessité.
17:58 EDF a dit "ok, c'est 70% des contrats, moi j'arrête les coupures,
18:01 je les transforme en réduction de puissance".
18:03 Mais ces 70%, il en reste 30%.
18:05 Que font les autres fournisseurs d'énergie ?
18:08 Mais surtout, ce que nous appelons, c'est que la loi l'intègre,
18:12 pour que ça ne soit plus une question de tel opérateur, tel opérateur.
18:15 C'est l'État qui doit dire ce n'est plus un choix.
18:16 Oui, comme pour les coupures d'eau en 2013.
18:18 Vous savez, c'est une mesure d'urgence.
18:21 Je crois que tout de suite, il y a des mesures d'urgence à prendre, comme celle-là.
18:24 Comme il faut augmenter les minimas sociaux,
18:26 comme il faut les ouvrir au moins de 25 ans.
18:28 Mais dernier point là-dessus,
18:30 le chèque énergie, pour aider les personnes à pouvoir se chauffer dignement,
18:34 il faut vraiment le tripler.
18:36 Parce que la rénovation thermique de tous les logements qu'on appelle de nouvelles,
18:38 ne se fera pas du jour au lendemain.
18:40 Donc pendant ce temps-là, il faut des mesures d'urgence.
18:42 Merci beaucoup.
18:43 Fondation Abbé Pierre invitée du 8.30.